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Date : 20230201

Dossier : IMM-8156-22

Référence : 2023 CF 149

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er février 2023

En présence de monsieur le juge adjoint Duchesne

ENTRE :

Mudashiru Ishola ABIKAN

demandeur

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS ET ORDONNANCE

[1] Le demandeur a présenté une requête au titre de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles ») en vue d’obtenir une ordonnance au titre de l’article 8 des Règles afin que soit prorogé le délai prévu à l’article 10 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (les « RCFCIPR »), nunc pro tunc, pour lui permettre de mettre en état sa demande en déposant son dossier de demande.

[2] Il sollicite également une ordonnance révoquant le désistement réputé de l’instance découlant de l’avis à la communauté juridique publié par la Cour le 6 décembre 2022 (modifié le 22 décembre 2022), intitulé « Désistement réputé des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire non mises en état dans les instances en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et de la Loi sur la citoyenneté » (l’avis sur la « pratique du désistement réputé »).

[3] Le défendeur n’a pas signifié ni déposé de dossier de réponse dans le délai prévu à l’article 369 des Règles. Par conséquent, j’instruirai la requête sans tenir compte des observations qui auraient pu être présentées par le défendeur.

[4] Pour les motifs qui suivent, la requête du demandeur sera rejetée.

I Pratique du désistement réputé

[5] Il convient d’examiner, à titre préliminaire, la partie de la requête du demandeur par laquelle il sollicite une ordonnance prévoyant la révocation du désistement réputé de la présente instance, la réouverture de l’instance et l’octroi d’une prorogation de délai.

[6] Le 6 décembre 2022, le juge en chef a rédigé l’avis sur la pratique du désistement réputé et il a fait en sorte qu’il soit publié sur le site Web de la Cour. L’avis a été modifié le 22 décembre 2022 pour y inclure les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur la citoyenneté. Autrement, le contenu de l’avis n’a pas été touché par la modification du 22 décembre 2022.

[7] L’avis sur la pratique du désistement réputé indique essentiellement que la Cour a adopté une pratique administrative selon laquelle un demandeur est réputé s’être désisté de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, conformément à l’article 165 des Règles, s’il n’a pas, après le 6 décembre 2022 (ou le 22 décembre 2022, selon le cas), mis en état sa demande en signifiant et en déposant son dossier de demande dans le délai prévu à l’article 10 des RCFCIPR. Le délai de mise en état prévu à l’article 10 des RCFCIPR peut varier selon que le demandeur a reçu ou non une copie des motifs écrits de la décision visée par la demande de contrôle judiciaire, mais le délai de mise en état peut être calculé dans chaque cas et il est fixe. Cette pratique administrative, telle qu’elle est énoncée dans l’avis, a été adoptée afin d’éviter que soient détournées les ressources du greffe pour traiter des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire potentiellement abandonnées et de faire en sorte que ces demandes soient gérées de façon juste et équitable.

[8] Le simple passage du temps et le défaut de mettre en état une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire dans le délai prévu entraînent le désistement réputé de la demande conformément à l’avis sur la pratique du désistement réputé. Cela oblige le demandeur à présenter rapidement une requête en révocation du désistement réputé, en réouverture de l’instance et en prorogation de délai pour mettre en état sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire s’il souhaite relancer et poursuivre l’instance abandonnée. L’avis sur la pratique du désistement réputé prévoit qu’un demandeur sera réputé s’être désisté de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire « [...] sans qu’il ne soit nécessaire que le demandeur donne un avis officiel ou que la Cour rende une ordonnance ». L’avis mentionne ensuite que « [l]e greffe avisera les parties par le biais d’une inscription enregistrée dans le plumitif en ligne sur le site Web de la Cour ». L’avis ne prévoit pas que l’inscription enregistrée d’un désistement réputé dans le plumitif en ligne sur le site Web de la Cour constitue un événement déclencheur ou une condition du désistement réputé. L’inscription enregistrée dans le plumitif ne fait qu’attester le désistement réputé découlant du passage du temps et du défaut d’un demandeur de mettre en état sa demande dans le délai prescrit. Il s’ensuit qu’un désistement réputé peut survenir et prendre effet avant même qu’il soit confirmé par une inscription enregistrée dans le plumitif.

[9] Selon le plumitif en ligne de la présente instance, aucun désistement réputé n’avait été inscrit par le greffe à la date de la requête dont je suis saisi. Comme je l’explique ci-dessus, l’absence d’inscription enregistrée dans le plumitif n’a aucune incidence sur la prise d’effet du désistement réputé.

[10] Le demandeur a présenté sa requête en l’espèce avant la publication de mes motifs et mon ordonnance dans la décision Virk c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 143 [« Virk »]. Dans la décision Virk, j’ai examiné le critère applicable à un désistement réputé et j’ai établi le critère à deux volets à appliquer dans le cas d’une requête en révocation d’un désistement réputé, en réouverture de l’instance et en prorogation de délai à l’égard d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Par conséquent, le demandeur n’avait aucun moyen de savoir quels éléments de preuve devaient être présentés dans le cadre de la présente requête pour satisfaire à la partie du critère applicable qui concerne la révocation du désistement réputé puisqu’aucun critère n’avait encore été établi concernant cette question.

[11] Compte tenu de mes conclusions ci-dessous concernant la requête en prorogation de délai, il serait contre-productif de demander au demandeur de déposer maintenant de nouveaux éléments de preuve pour satisfaire au critère concernant la révocation énoncé dans la décision Virk. Je présumerai donc, aux fins de la présente requête, que le demandeur a satisfait au critère énoncé dans la décision Virk pour la révocation du désistement réputé. J’examinerai donc la question de savoir s’il y a lieu, en l’espèce, d’accorder une prorogation du délai de mise en état d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en vertu de l’article 8 des Règles.

II. Disposition législative sur la prorogation de délai

[12] L’article 8 des Règles prévoit que la Cour peut, sur requête, proroger tout délai prévu par les Règles ou fixé par ordonnance de la Cour. Les facteurs à prendre en compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour de proroger un délai ont récemment été résumés par la juge Strickland dans la décision Kiflom c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 205 :

[26] Dans la décision Pham c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1251 (Pham), le juge Harrington a résumé les principes régissant l’acceptation d’une demande de prorogation de délai :

[27] Il existe une jurisprudence abondante sur les prorogations de délai en vertu de la LIPR ou en vertu de la Loi sur les Cours fédérales et des Règles des Cours fédérales. La prémisse sous‑jacente est que justice doit être rendue. La Cour d’appel fédérale a statué à maintes reprises qu’une prorogation de délai est discrétionnaire, et qu’elle doit s’appuyer sur les quatre critères suivants :

a. Le requérant a‑t‑il démontré une intention constante de poursuivre sa demande de contrôle judiciaire?

b. La demande a‑t‑elle un certain fondement?

c. Le requérant a‑t‑il une explication raisonnable pour justifier le délai?

d. La partie adverse subira‑t‑elle un préjudice en raison du délai?

Il n’est pas nécessaire que les quatre critères soient remplis [Canada (Procureur général) c Hennelly, 1999 ACF 846; Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204, et tout récemment, Thompson c Attorney General of Canada et al, 2018 CAF 212].

[27] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204 (Larkman), la Cour d’appel fédérale énumère les facteurs ci‑dessus et examine leur interdépendance :

[62] Ces principes orientent la Cour et l’aident à déterminer si l’octroi d’une prorogation de délai est dans l’intérêt de la justice (Grewal, ci‑dessus, aux pages 277 et 278). L’importance de chacun de ces facteurs dépend des circonstances de l’espèce. De plus, il n’est pas nécessaire de répondre aux quatre questions en faveur du requérant. Ainsi, « une explication parfaitement convaincante justifiant le retard peut entraîner une réponse positive même si les arguments appuyant la contestation du jugement paraissent faibles et, de la même façon, une très bonne cause peut contrebalancer une justification du retard moins convaincante » (Grewal, à la page 282). Dans certains cas, surtout dans ceux qui sortent de l’ordinaire, d’autres questions peuvent s’avérer pertinentes. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice (voir, de façon générale, l’arrêt 282, aux pages 278 et 279; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 33; Huard c. Canada (Procureur général), 2007 CF 195, 89 Admin LR (4th) 1).

III – Analyse

[13] Les facteurs énoncés au paragraphe 3 de l’arrêt Canada (Procureur général) c Hennelly, 1999 CanLII 8190 (CAF), [1999] ACF no 846, sont les facteurs d’intérêt dans la présente requête. Je les examinerai tour à tour à la lumière de la preuve contenue dans le dossier de requête dont je suis saisi.

[14] La preuve à l’appui de la présente requête est constituée de l’affidavit de 13 paragraphes du demandeur et d’une seule pièce. Cette dernière est la Page de renseignements relatifs au certificat d’Aide juridique Ontario sur laquelle sont énumérées les six (6) différentes mesures et décisions prises par Aide juridique Ontario, ainsi que la date de chacune, concernant l’admissibilité du demandeur à une aide financière pour payer les services juridiques liés à la préparation de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Sur cette page de renseignements, il est indiqué qu’Aide juridique Ontario a décidé, le 21 novembre 2022, d’accorder une aide financière limitée au demandeur pour la préparation de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Les dernières mesures consignées, autres que la décision finale, en lien avec les demandes présentées par le demandeur à Aide juridique Ontario, comme l’indique la pièce, sont datées du 16 août 2022. Aucune entrée n’a été consignée durant la période du 16 août 2022 au 21 novembre 2022.

[15] Le demandeur déclare que la date limite pour signifier et déposer son dossier de demande dans la présente instance était le 25 novembre 2022. Il ajoute qu’Aide juridique Ontario a décidé de lui accorder une aide financière pour qu’il puisse payer les services juridiques liés à la préparation de sa demande le 22 novembre 2022. Bien que la preuve relative à la présente requête comporte certaines incohérences, la distinction entre le 21 et le 22 novembre 2022 n’a aucune incidence en l’espèce.

[16] Dans son affidavit, le demandeur allègue que [traduction] « [l]e retard dans le traitement de la demande d’aide financière a nui à la capacité de l’avocat à mettre en état le dossier de la demande dans les délais prescrits par les Règles. Je sais toutefois que l’avocat a continué à préparer le mémoire et le dossier de demande, qui ont été achevés le 15 décembre 2022. » Selon le demandeur, le retard dans la mise en état de la demande est principalement attribuable au retard dans l’obtention de l’aide financière d’Aide juridique Ontario.

[17] Le reste de l’affidavit du demandeur contient des énoncés d’une seule phrase indiquant qu’il a fait preuve de diligence dans le suivi auprès d’Aide juridique Ontario, qu’il souhaite que sa demande soit instruite promptement, que la prorogation du délai demandée ne causera aucun préjudice au défendeur et que sa cause est fondée. Ces énoncés d’une seule phrase sont de simples déclarations générales qui ne sont étayées par aucune preuve.

a) Premier facteur énoncé dans l’arrêt Hennelly : Une intention constante

[18] Il est difficile d’établir, au vu de la preuve dont je dispose, l’intention constante du demandeur de poursuivre sa demande. Selon l’affidavit, l’avocat du demandeur a travaillé à préparer le dossier de demande de ce dernier jusqu’à ce qu’il soit achevé, le 15 décembre 2022, mais rien dans la preuve n’indique à quel moment le demandeur a retenu les services de l’avocat ni à quel moment le demandeur a remis à l’avocat les documents nécessaires à la préparation du dossier de demande. La preuve n’indique également pas ce que le demandeur a fait pour préparer son dossier de demande entre la date à laquelle la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été présentée à la fin du mois d’août 2022 et le 15 décembre 2022, date à laquelle l’avocat a achevé le dossier de demande, si ce n’est qu’il a fait un suivi auprès d’Aide juridique Ontario en lien avec sa demande d’aide financière. Je fais observer que le demandeur n’a produit aucune pièce pour établir à quel moment ou de quelle façon il fait le suivi de sa demande d’aide financière auprès d’Aide juridique Ontario, ou pour démontrer qu’il avait, lors de ces suivis, mentionné que la date limite pour la signification et le dépôt de son dossier de demande approchait à grands pas. Étant donné que le dossier de demande du demandeur n’a pas été déposé en tant que pièce à l’appui de la présente requête, il est impossible d’établir à quel moment le demandeur a achevé la rédaction de son affidavit à l’appui de sa demande, le cas échéant.

[19] Même s’il ressort clairement de la preuve que le demandeur avait une intention constante de poursuivre sa demande d’aide financière auprès d’Aide juridique Ontario afin de pouvoir payer les services juridiques liés à la préparation de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, il n’en ressort pas nécessairement qu’il avait une intention constante de signifier et de déposer son dossier de demande en temps opportun et de poursuivre sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Avoir l’intention de poursuivre sa demande une fois que les services d’un avocat ont été retenus et avoir l’intention de poursuivre sa demande sans être représenté par un avocat sont deux états d’esprit différents. La preuve dont je suis saisi porte sur le premier de ces états d’esprit, mais pas nécessairement sur le deuxième.

[20] Aucun élément de preuve n’a été présenté concernant des mesures que le demandeur aurait prises pour préparer son dossier de demande avant la date de la décision d’Aide juridique Ontario relative à l’aide financière, soit le 21 novembre 2022. De même, rien dans la preuve n’indique que le demandeur a communiqué avec l’avocat inscrit au dossier pour le défendeur, par exemple en vue de solliciter une prorogation du délai de signification et de dépôt de son dossier de demande dans l’éventualité où il réussirait à obtenir une aide financière et à retenir les services d’un avocat, ou en vue de solliciter une prorogation du délai de signification et de dépôt de son dossier en attendant la décision d’Aide juridique Ontario. Étant donné que la date limite pour le dépôt du dossier de demande approchait à grands pas et que la décision d’Aide juridique Ontario était inconnue avant le 21 novembre 2022, il aurait été normal et prudent de la part du demandeur de proposer, à tout le moins, une prorogation du délai. Aucun élément de preuve n’a été produit à ce sujet.

[21] Bien que la preuve présentée soit lacunaire à bien des égards, je suis porté à croire que le demandeur avait une intention constante de poursuivre la présente demande si l’aide financière lui était accordée par Aide juridique Ontario. Comme l’aide financière lui a été accordée, je conclus que le demandeur avait une intention constante de poursuivre sa demande.

b) Deuxième facteur énoncé dans l’arrêt Hennelly : Le bien-fondé de la demande

[22] Selon les observations écrites du demandeur, les questions de droit et de fait, ainsi que la question du caractère raisonnable et plusieurs autres points exposés en détail dans le dossier de demande montrent que sa cause est bien fondée et qu’elle a de fortes possibilités de succès. Le demandeur est peut-être de cet avis, mais je n’ai aucun moyen de le déterminer dans le cadre de la présente requête, bien que je sois tenu de le faire.

[23] Il m’est impossible de déterminer, d’après la preuve, si la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur ou ses observations à ce sujet sont bien fondées, car le dossier de demande que le demandeur cherche à signifier et à déposer n’est pas fourni en pièce dans la présente requête. Les observations écrites formulées au sujet du bien-fondé de la demande ne sont d’aucune utilité ni pour moi ni pour le demandeur puisqu’elles ne sont étayées par aucun élément de preuve au dossier.

[24] Étant donné l’absence d’éléments de preuve quant au bien-fondé de la demande sous-jacente, autres que de simples déclarations sur le sujet faites dans l’affidavit du demandeur, je dois conclure que le bien-fondé de la demande n’a pas été établi.

c) Troisième facteur énoncé dans l’arrêt Hennelly : Une explication raisonnable justifiant le retard

[25] Comme je l’ai déjà mentionné, je dispose d’éléments de preuve au sujet du temps qu’a pris Aide juridique Ontario pour décider d’accorder une aide financière au demandeur et de l’incidence qu’a eue ce délai sur le temps dont a disposé le demandeur pour retenir les services d’un avocat. Toutefois, la preuve ne contient aucune autre explication justifiant le défaut du demandeur de signifier et déposer son dossier de demande en temps opportun avant le 21 novembre 2022 ni son défaut de prendre des mesures pour demander une prorogation du délai pour déposer son dossier de demande après le 21 novembre 2022.

[26] Je fais observer que le dossier de la Cour montre que le demandeur agissait seul au moment du dépôt de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire et qu’il en est demeuré ainsi jusqu’à ce qu’un avis de changement d’avocat soit déposé le 20 décembre 2022, bien après la date de mise en état de la demande. Bien qu’il soit compréhensible que de nombreux plaideurs non représentés préfèrent être représentés par un avocat dans les instances judiciaires et qu’il soit intimidant de composer avec la Cour, ses procédures et le droit sans avocat, la préférence ou l’espoir d’être représenté par un avocat ne saurait excuser le non-respect, par un plaideur non représenté, des délais prescrits par les Règles. L’article 122 des Règles prévoit que la partie qui n’est pas représentée par un avocat accomplit elle-même tout ce que Règles exigent d’un avocat ou permettent à un avocat de faire. Même si une certaine latitude est accordée aux plaideurs non représentés, la jurisprudence de la Cour a systématiquement refusé de considérer le manque de formation juridique d’une partie ou son incompréhension des Règles comme une excuse raisonnable de retard. Le fait de se représenter introduit l’obligation de se renseigner soi-même (Cotirta c Missinnipi Airways, 2012 CF 1262 au para 13, conf par 2013 CAF 280; Rooke c Canada (Procureur général), 2018 CF 204 au para 23).

[27] Le demandeur n’était pas représenté au moment où son dossier de demande devait être déposé, et le dossier n’a pas été déposé. Le demandeur n’a fourni aucune explication quant au fait qu’il n’avait pas déposé son dossier de demande dans le délai prescrit, si ce n’est qu’il cherchait à obtenir une aide financière pour retenir les services d’un avocat. Bien qu’elle soit compréhensible, l’explication fournie ne constituait pas une explication raisonnable pour un plaideur non représenté au moment des événements en cause. Elle ne justifie pas le retard.

[28] Le dossier de requête dont je suis saisi a été déposé le 20 décembre 2022, soit 25 jours après l’expiration du délai imparti au demandeur pour déposer son dossier de demande. Aucun élément de preuve présenté ne justifie le passage du temps entre le 25 novembre 2022 et la date à laquelle la présente requête a été présentée. Comme il a été conclu aux paragraphes 24 à 28 de la décision Canada c Tran, 2008 CF 297, lorsqu’il est évident qu’un délai est expiré, les parties doivent agir dans les plus brefs délais, et la preuve doit expliquer de façon raisonnable le retard au moment de présenter une demande de prorogation de délai. Aucun élément de preuve ne justifie le fait que la présente requête n’ait pas été présentée dans les plus brefs délais, et aucune explication raisonnable n’a été fournie pour justifier le temps écoulé entre le 25 novembre 2022 et la date à laquelle la requête a été présentée en l’espèce.

[29] Je conclus donc que le retard du demandeur n’est pas justifié.


 

d) Quatrième facteur énoncé dans l’arrêt Hennelly : Le retard occasionne-t-il un préjudice à l’autre partie?

[30] La seule preuve de préjudice, ou de l’absence de préjudice, est une simple déclaration faite par le demandeur dans son affidavit selon laquelle le défendeur ne subirait aucun préjudice. Les déclarations de cette nature, sans plus, sont intéressées, peu concluantes et n’éclairent pas l’analyse que la Cour doit réaliser pour déterminer si le retard risque d’occasionner un préjudice au défendeur.

[31] Étant donné que le défendeur n’a pas répondu à la présente requête en produisant une preuve d’un préjudice découlant du retard, je ne peux que présumer que la situation du défendeur ne sera ni meilleure ni pire qu’elle l’aurait été si le dossier de demande avait été déposé en temps opportun. Par conséquent, rien n’indique un préjudice attribuable au retard pour le défendeur (Koch c Borgatti (Succession), 2022 CAF 201 au para 79).

[32] Après avoir examiné les facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly, je conclus que le demandeur avait une intention constante de poursuivre sa demande, et qu’aucun préjudice pour le défendeur ne découle du retard. Je conclus également que le demandeur n’a pas démontré que sa demande était bien fondée et qu’il n’existe pas d’explication raisonnable justifiant le retard. Le demandeur n’a pas satisfait à deux des quatre facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly.

e) Une prorogation de délai serait-elle dans l’intérêt de la justice?

[33] Comme il a été établi dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204, je dois me demander si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice en l’espèce.

[34] À mon avis, le fait qu’il n’ait pas été démontré que la demande sous-jacente était bien fondée est déterminant dans la présente requête. Il ne serait pas dans l’intérêt de la justice que les parties et la Cour consacrent du temps et des ressources à une demande dont le bien-fondé n’a pas été démontré.

[35] Il s’ensuit que, pour les motifs qui précèdent, la requête du demandeur sera rejetée.

LA COUR REND L’ORDONNANCE qui suit :

1. La requête du demandeur par laquelle il sollicite une ordonnance prévoyant la révocation du désistement réputé de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, la réouverture de l’instance et l’octroi d’une prorogation de délai nunc pro tunc pour la mise en état de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire est rejetée.

Blanc

« Benoit M. Duchesne »

Blanc

Juge adjoint

 


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8156-22

 

INTITULÉ :

MUDASHIRU ISHOLA ABIKAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

 

jugement et MOTIFS :

LE JUGE ADJOINT DUCHESNE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER FÉVRIER 2023

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Oluwakemi Oduwole

Topmarké Attorneys LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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