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Date : 20230131


Dossier : IMM-1465-22

Référence : 2023 CF 139

Montréal (Québec), le 31 janvier 2023

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

ENTRE :

JAMES ANDRES PASTRANA ACOSTA,

LUISA FERNANDA RODRIGUEZ CAJIGAS

Santiago PASTRANA RODRIGUEZ et Daniela PASTRANA RODRIGUEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Décision prononcée à l’audience à Montréal (Québec) le 30 janvier 2023)

[1] Les demandeurs sont citoyens colombiens. Le demandeur principal, M. Pastrana, travaillait dans le secteur du transport. Il affirme que depuis 2008, il a été victime d’une organisation criminelle appelée cartel de la chatarrización, qui serait responsable du vol de son camion en 2008, de menaces qui l’on amené à vendre son camion à un prix dérisoire en 2014 et d’extorsion entre 2014 et 2017, date de son départ de la Colombie.

[2] Tant la Section de la protection des réfugiés [SPR] que la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ont refusé l’asile aux demandeurs. En gros, tant la SPR que la SAR ont conclu, pour des motifs légèrement différents, que M. Pastrana n’avait pas démontré que le cartel était responsable des crimes dont il avait été victime. De plus, puisque M. Pastrana n’est pas poursuivi par un groupe dont les ramifications s’étendent à travers le pays, il dispose d’une possibilité de refuge interne [PRI] dans d’autres villes colombiennes.

[3] Les demandeurs sollicitent maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAR. Ils affirment que la SAR aurait mal analysé certains aspects de la preuve concernant les actes dont M. Pastrana aurait été victime et que l’analyse de la PRI est mal fondée.

[4] Lors du contrôle judiciaire, la Cour intervient rarement à l’égard des conclusions de fait tirées par le décideur administratif : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au paragraphe 125, [2019] 4 RCS 653.

[5] À mon avis, la SAR pouvait raisonnablement se fonder sur les omissions et les contradictions qu’elle a relevées dans le témoignage de M. Pastrana pour mettre en doute sa crédibilité et le lien qu’il cherche à établir entre les actes dont il a été victime et le cartel. L’omission de sa séquestration dans le formulaire du fondement du droit d’asile [FDA] et dans la plainte au ministère public en décembre 2017 était importante. Après avoir lu la transcription de l’audience devant la SPR, j’estime que la SAR pouvait également se fonder sur la contradiction entre le témoignage de M. Pastrana et les déclarations contenues dans le FDA au sujet des montants mensuels qu’il a payés en raison de l’extorsion et sur le fait que ces versements ne sont pas mentionnés dans la plainte au ministère public. Par ailleurs, même s’il est vrai que la SAR a pu se méprendre sur le sens du verbe entregar employé par M. Pastrana dans son témoignage, une telle erreur n’a pas pu affecter le résultat, en raison des autres problèmes que je viens d’évoquer.

[6] Les demandeurs soutiennent également que la SAR aurait dû évaluer la PRI en tenant pour acquis que M. Pastrana était pourchassé par le cartel. À cet égard, les demandeurs confondent deux types de situations qu’il convient de distinguer.

[7] Le premier cas de figure est celui dans lequel la SAR rejette une demande d’asile uniquement en raison d’une PRI ou encore présente la PRI comme un motif alternatif du rejet de la demande. En analysant la PRI, la SAR doit alors tenir pour acquis la crainte de persécution alléguée par le demandeur : Senadheerage c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 968 au paragraphe 50, [2020] 4 RCF 617. En d’autres termes, la SAR dit au demandeur : même en supposant que votre récit est entièrement vrai, vous êtes en sécurité dans une autre région de votre pays.

[8] Dans un deuxième cas de figure, la SAR analyse les allégations du demandeur et conclut qu’elles sont en partie fondées, mais qu’elles n’ont pas la portée que le demandeur lui donne. Elle ne suppose pas que le récit du demandeur est vrai, elle l’évalue de façon détaillée. Dans ce cas, la SAR doit analyser la PRI en fonction de ses propres conclusions relatives à la crainte et non en fonction des allégations du demandeur.

[9] Le cas de M. Pastrana relève de la seconde catégorie. La SAR a jugé qu’il avait été victime d’extorsion, mais que rien ne reliait sa situation à une organisation criminelle de portée nationale, qu’il s’agisse du cartel ou d’une autre organisation (paragraphe 38 de la décision). La SAR n’était donc pas tenue d’évaluer la PRI en présumant que M. Pastrana serait recherché par le cartel ou une autre organisation d’envergure. Par ailleurs, la conclusion de la SAR au sujet du témoignage d’un ami de M. Pastrana était raisonnable.

[10] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT dans IMM-1465-22

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Sébastien Grammond »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1465-22

INTITULÉ :

JAMES ANDRES PASTRANA ACOSTA, LUISA FERNANDA RODRIGUEZ CAJIGAS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ, ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 janvier 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

DATE DES MOTIFS :

LE 30 janvier 2023

COMPARUTIONS :

Sarah Reed

Pour les demandeurs

 

Lynne Lazaroff

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barraza & Avocats

Montréal (Québec)

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

 

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