Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230202


Dossier : IMM-480-22

Référence : 2023 CF 153

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Montréal (Québec), le 2 février 2023

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

 

ENTRE :

MOHAMMAD KHALID KAKAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec) le 1er février 2023)

[1] M. Kakar est né en Afghanistan. Il a obtenu le statut de réfugié en Italie, puis la citoyenneté italienne. En 2019, il a présenté une demande d’asile au Canada. Il affirme être menacé par la mafia italienne en raison d’événements liés à l’ouverture d’un restaurant afghan en 2017. En particulier, il allègue que certains de ses employés l’ont menacé et battu pour prendre le contrôle du restaurant. Il croit que ces employés ont des liens avec la mafia.

[2] Tant la Section de la protection des réfugiés que la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ont rejeté la demande d’asile de M. Kakar. En bref, la SAR a conclu ce qui suit : 1) les employés qui ont battu M. Kakar n’avaient pas de lien avec la mafia; 2) le fait qu’il ait fait la promotion de son livre lors d’événements publics en Italie et qu’il soit retourné dans ce pays après un séjour aux États‑Unis est incompatible avec son affirmation de crainte subjective; et 3) il n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État.

[3] M. Kakar demande maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAR, affirmant que les conclusions décrites plus haut sont déraisonnables. De plus, il soutient que la SAR a déraisonnablement refusé d’admettre une nouvelle preuve, à savoir un article de journal récent sur les risques que pose la mafia.

[4] En ce qui concerne le premier motif, M. Kakar conteste la conclusion qui figure au paragraphe 40 de la décision de la SAR, selon laquelle il n’était pas une personne d’intérêt pour la mafia et selon laquelle la mention de la mafia n’était vraisemblablement qu’une exagération. Il soutient que son témoignage selon lequel l’une de ses employés faisait partie de la mafia bénéficie de la présomption de véracité et que l’affaire doit être examinée dans le contexte d’autres faits de l’espèce qui ne sont pas contestés.

[5] Je ne suis pas d’accord avec M. Kakar. La question de savoir si l’employée faisait partie de la mafia est une question de fait essentielle qui a des répercussions importantes sur le reste de l’analyse. De plus, la présomption de véracité ne s’étend pas aux croyances d’un demandeur au sujet des personnes avec lesquelles il a eu affaire : Adeleye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 640 au paragraphe 11. En l’espèce, la SAR a examiné toute la preuve documentaire et a noté que la mafia n’est jamais mentionnée, pas même dans le rapport de police. De plus, la transcription de l’audience montre à l’évidence que M. Kakar n’a pas été en mesure de fournir la moindre preuve tangible que son employée faisait partie de la mafia. Les liens de cette employée avec la mafia ne sont qu’une supposition que M. Kakar a faite parce qu’on lui avait dit que celle-ci avait fraudé d’autres petites entreprises.

[6] Pour les mêmes motifs, la SAR n’a pas commis d’erreur en rejetant la nouvelle preuve. Si la mafia ne s’intéresse pas à M. Kakar, la preuve concernant la situation des personnes recherchées par la mafia n’est tout simplement pas pertinente. Selon le cadre établi dans les arrêts Raza et Singh, la SAR a le droit de rejeter une nouvelle preuve qui n’est pas pertinente : Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 96, [2016] 4 RCF 230. Contrairement à ce que fait valoir M. Kakar dans ses observations écrites, il ne s’agit pas d’une appréciation de l’importance relative ou de la crédibilité.

[7] En ce qui concerne la question de la crainte subjective, M. Kakar ne m’a pas convaincu que la SAR avait tiré une conclusion déraisonnable. En fait, il est difficile de comprendre comment M. Kakar a pu faire des présentations publiques en novembre 2018 après avoir été menacé l’année précédente et comment il a pu retourner en Italie après un séjour aux États‑Unis en décembre 2018 s’il craignait vraiment pour sa vie.

[8] En ce qui concerne la question de la protection de l’État, encore une fois, M. Kakar ne m’a pas convaincu que les conclusions de la SAR étaient déraisonnables. C’est à lui qu’il incombe de réfuter la présomption de protection de l’État. Il a déposé une plainte à la police, ce qui a mené à des accusations contre ses anciens employés. Pour réfuter la présomption, M. Kakar a souligné que ces employés ne s’étaient pas présentés devant le tribunal lorsqu’ils avaient été cités à comparaître et que la police n’avait pas pu les retrouver. Cependant, la SAR a évalué cet argument et a conclu que la première audience avait été reportée parce qu’on ne savait pas si les citations avaient été dûment signifiées aux employés et que M. Kakar n’avait ni assisté aux autres audiences ni cherché à connaître l’issue de l’affaire. À mon avis, les conclusions de la SAR étaient fondées sur la preuve dont elle disposait.

Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-480-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Sébastien Grammond »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

IMM-480-22

 

INTITULÉ :

MOHAMMAD KHALID KAKAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er février 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 février 2023

 

COMPARUTIONS :

Mark Gruszczynski

 

Pour le demandeur

 

Mario Blanchard

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Canada Immigration Team

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.