Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2023
En présence de monsieur le juge Manson
demanderesse
|
et
|
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Introduction
[1] La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu de l’article 52 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‐4, [la « Loi »
]. La demanderesse, Alexion Pharmaceuticals, Inc. [Alexion], souhaite ajouter Mark J. Evans [le Dr Evans] à titre d’inventeur aux dossiers du brevet canadien no 2,645,810 [le brevet 810] et du brevet canadien no 3,022,097 [le brevet 097].
[2] Le défendeur, le procureur général du Canada, ne s’oppose pas à la présente demande.
II. Contexte
[3] Alexion est la seule propriétaire inscrite du brevet 810 et du brevet 097.
[4] Les deux inventeurs actuellement nommés sont Leonard Bell [le Dr Bell] et Russell P. Rother [le Dr Rother]. Les Drs Bell et Rother ne perçoivent aucune rémunération ni redevance en lien avec le brevet 810 et le brevet 097. Les Drs Evans, Bell et Rother ne sont pas des employés actuels d’Alexion.
[5] Le brevet 810, intitulé « Traitement des patients souffrant d’hémoglobinurie paroxystique nocturne par un inhibiteur de complément »
, a été délivré le 11 décembre 2018 et contient 16 revendications. Il a été délivré à la suite de la demande déposée en vertu du Traité de coopération en matière de brevets no US2007/006606 [la demande PCT].
[6] Le brevet 097 est un brevet complémentaire au brevet 810 et s’intitule également « Traitement des patients souffrant d’hémoglobinurie paroxystique nocturne par un inhibiteur de complément »
. Il a été délivré le 27 octobre 2020 et comprend huit revendications.
[7] Le Dr Evans ne figurait pas dans la liste des inventeurs nommés dans la demande PCT. En conséquence, il a été exclu des inventeurs actuellement nommés du brevet 810 et du brevet 097.
[8] Alexion affirme qu’elle a eu connaissance de la contribution du Dr Evans à l’objet revendiqué et de son omission par inadvertance de la demande PCT en 2016. Ultérieurement, trois brevets américains qui étaient également visés par la demande PCT ont été modifiés afin qu’y soit ajouté le nom du Dr Evans à titre d’inventeur.
[9] À l’appui de la présente demande, Alexion a joint des affidavits des Drs Evans, Bell et Rother de même qu’un affidavit de Tara Rahemba, responsable de la propriété intellectuelle chez Alexion.
[10] Les Drs Bell et Rother consentent à ce que le Dr Evans soit nommé co‐inventeur.
[11] Le brevet 810 revendique, entre autres, [traduction] « [u]n anticorps qui se fixe à C5 comprenant une chaîne lourde constituée de SEQ ID NO : 2 et une chaîne légère constituée de SEQ ID NO : 4 »
, tel que ces séquences sont définies dans le brevet 810.
[12] Le brevet 097 revendique, entre autres, [traduction] « [l]'utilisation d’un composé qui inhibe le complément ou inhibe la formation de C5b‐9 pour améliorer au moins un aspect de la qualité de vie d’un patient souffrant d’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN), ledit composé étant un anticorps qui comprend une chaîne lourde constituée de SEQ ID NO : 2 et une chaîne légère constituée de SEQ ID NO : 4 »
, tel que ces séquences sont définies dans le brevet 097.
[13] La preuve indique que le Dr Evans a apporté les contributions suivantes au brevet 810 et au brevet 097 :
[14] L’ajout du Dr Evans à titre d’inventeur n’aura aucune incidence sur la propriété du brevet 810 ou du brevet 097. Le Dr Evans a confirmé que tous ses droits sur le brevet 810 et le brevet 097 appartiennent à Alexion.
III. La question en litige
[15] Le brevet 810 et le brevet 097 devraient‐ils être modifiés pour qu’y soit ajouté le Dr Evans à titre d’inventeur?
IV. Analyse
[16] L’article 52 de la Loi confère à la Cour le pouvoir de modifier une inscription dans les registres du Bureau des brevets :
|
|
[17] Le pouvoir de modifier le « titre »
a reçu une interprétation large de façon à ce qu’il englobe des questions telles que la paternité de l’invention (Micromass UK Limited c Canada (Commissaire aux brevets), 2006 CF 117 aux para 12‐13; Qualcomm Incorporated c Canada (Commissaire aux brevets), 2016 CF 1092 au para 10).
[18] La Loi ne précise pas de critère applicable aux demandes de modification de la paternité de l’invention visées à l’article 52. Pour décider s’il convient d’accorder le redressement demandé, la Cour a appliqué les principes énoncés au paragraphe 31(4) de la Loi, qui concerne l’ajout de demandeurs à des demandes de brevet en instance. En particulier, la Cour doit être convaincue que :
[19] Je suis convaincu que le Dr Evans aurait dû se joindre à la demande à titre d’inventeur. Alexion a fourni des preuves suffisantes montrant la contribution du Dr Evans aux revendications particulières du brevet 810 et du brevet 097.
[20] Je suis également convaincu que l’omission s’est produite par inadvertance et non pas dans le dessein de causer un délai. L’omission du Dr Evans en tant qu’inventeur dans la demande PCT semble avoir entraîné son exclusion de tous les brevets qui en découlent, y compris le brevet 810 et le brevet 097.
[21] Alexion a confirmé que l’omission du Dr Evans dans la demande PCT s’est produite par inadvertance, ce qui a été découvert lors d’un examen des demandes de brevet américain en instance qui découlaient également de la demande PCT. Il n’est pas venu à l’idée d’Alexion de corriger ses demandes canadiennes jusqu’à ce qu’elle engage un avocat canadien en septembre 2022.
[22] Alexion a satisfait aux deux conditions requises pour modifier la paternité de l’invention en vertu de l’article 52 de la Loi. Le brevet 810 et le brevet 097 seront par la présente modifiés pour que le Dr Evans y soit ajouté en tant qu’inventeur.
V. Conclusion
JUGEMENT dans le dossier T‐2543‐22
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant : La demande est accueillie et Mark J. Evans est ajouté à titre d’inventeur au brevet canadien no 2,645,810 et au brevet canadien no 3,022,097.
Traduction certifiée conforme
Martine Corbeil
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER