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Date : 20060602

Dossier : T-2015-05

Référence : 2006 CF 683

Ottawa (Ontario), le 2 juin 2006

En présence de

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

9093-4134 QUÉBEC INC./OP.

CONSTRUCTION SPARCO

ATT. : MONSIEUR JOHN VATHIS

ADMINISTRATEUR

AYANT UNE PLACE D'AFFAIRES AU

324, RUE LORRAINE

ROSEMÈRE (QUÉBEC) J7A 4K1

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande d'outrage au tribunal vu le défaut de M. John Vathis de remettre au Ministère du Revenu national des documents tel que lui avait ordonné le juge Yvon Pinard par son ordonnance datée du 5 décembre 2005.

FAITS PERTINENTS

[2]                M. John Vathis, administrateur de la défenderesse, a obtenu signification de l'ordonnance du juge Pinard, datée du 5 décembre 2005, laquelle lui enjoignait :

THIS COURT ORDERS to the Administrator of the Respondent, Mr. John Vathis, to answer to the request for information and documents dated September 26th, 2005, issued under paragraph 231.2(2) of the ITA, in providing all the requested documents and information:

·                     Les registres des salaires établis de janvier 2002 à décembre 2002;

·                     Les registres des salaires établis de janvier 2003 à décembre 2003;

·                     Les registres des salaires établis de janvier 2004 à décembre 2004;

·                     Les registres des salaires établis de janvier 2005 jusqu'à la date de réception de la demande péremptoire;

·                     Les noms, numéros d'assurance social, adresse et numéros de téléphone de tous les sous-traitants ayant travaillés [sic] au sein de votre entreprise durant les années 2002 à 2005;

·                     Les relevés bancaires ainsi que les chèques oblitérés couvrant les années 2002, 2003, 2004 et 2005 (pour les même [sic] périodes citées aux paragraphes 1) à 4) ci-dessus);

·                     Le livre des minutes de la corporation; et

·                     Les derniers états financiers selon la fin de l'exercice de l'entreprise.

AND, if the Respondent is not able to provide some of the requested documents and information, the Administrator of the Respondent, Mr. Vathis, must provide a sworn affidavit stating the reasons why the Respondent is not in possession of the said documents and information;

These documents and information as well as the sworn affidavit should be sent to Ms. Mirlène Videau, Collection Section, Canada Customs and Revenue Agency, 305 René-Lévesque West, 1st Floor, Montreal, no later than Monday, December 12th, 2005.

[3]                En date du 6 février 2006, Me Richard Morneau, protonotaire a constaté que M. John Vathis, administrateur de la défenderesse, n'avait pas obtempéré à l'ordonnance émise par le juge Pinard et que les documents n'avaient pas été remis tel qu'ordonné par le juge Pinard.

[4]                Le protonotaire Morneau a émis une ordonnance en date du 6 février 2006 ordonnant à M. John Vathis de comparaître devant la Cour le 27 février 2006 pour entendre la preuve de l'acte reproché à savoir d'avoir fait défaut de se conformer à l'ordonnance du juge Pinard du 5 décembre 2005.

[5]                L'ordonnance stipule également que M. John Vathis, administrateur de la défenderesse, doit être prêt à cette date, à présenter sa défense à l'acte qui lui est reproché soit d'avoir fait défaut de se conformer à l'ordonnance du 5 décembre 2005.

[6]                À la date du 27 février 2006, M. John Vathis a comparu devant moi et la Cour a commencé à entendre la preuve en rapport avec cette affaire.

[7]                L'audition de la demande s'est également poursuivie le 2 mai 2006, à Montréal, pour entendre de nouveaux témoins quant à la présente affaire.

LA PREUVE

[8]                La Cour a entendu trois témoins au nom du Ministère du Revenu national au soutien de la demande de la requête pour outrage au tribunal et a entendu un témoin soit l'accusé, M. Vathis, comme témoin pour répondre aux accusations d'outrage.

[9]                Le premier témoin entendu en février 2006 est Mme Mirlène Videau. Cette dernière est responsable du dossier depuis récemment et elle a simplement témoigné sur le fait que M. Vathis avait refusé d'obtempérer à l'ordonnance de fournir les documents réclamés en prétendant qu'il les avait déjà remis au Ministère, soit à Mme Normandin, à une date antérieure.

[10]            La Cour a entendu Mme Caroline Normandin qui avait reçu le mandat de faire une vérification dans le dossier de M. Vathis. Elle mentionne l'avoir rencontré une seule fois, elle a déposé le contenu de son agenda et des notes qui apparaissent au dossier et elle confirme ne l'avoir rencontré que le 17 juillet 2003 et comme M. Vathis s'était présenté sans les documents, elle a tout simplement fermé son dossier étant à peu près convaincue que ce dernier ne fournirait pas les documents mentionnés, bien qu'il ait vaguement mentionné qu'il pourrait les retrouver après certaines recherches. Elle avait noté à son dossier que M. Vathis était un délinquant du Ministère du Revenu, qu'il avait une dette considérable, ce qui augmentait, d'après elle, l'éventualité de ne rien recevoir de M. Vathis. Elle mentionne également s'être rendue à l'entreprise de M. Vathis le 3 juillet 2003.

[11]            Le troisième témoin est M. Richard Beli-Binda. Ce dernier a témoigné à l'effet que M. Vathis s'était présenté au bureau pour réclamer des documents qu'il aurait soi-disant déposés entre les mains de Mme Normandin. Il a répondu à M. Vathis qu'il contacterait Mme Normandin pour vérifier. Il a vérifié dans le dossier et il a constaté qu'il n'y avait rien au dossier attestant que des documents avaient été déposés par M. Vathis. Il a ensuite affirmé que sa révision du registre démontrait qu'aucun autre document n'avait été déposé.

[12]            Mme Normandin est revenue témoigner suite au dépôt de deux documents par le Ministère du Revenu national en rapport avec les transactions dans le dossier de M. Vathis et elle réitère que contrairement aux affirmations de M. Vathis, elle n'a jamais reçu des documents, notamment le 11 septembre 2003 puisque son agenda, dont copie est déposée, atteste qu'elle était en révision de dossier à Longueuil et qu'elle ne s'est pas présentée au bureau à la date du 11 septembre 2003, date à laquelle M. Vathis prétend lui avoir remis les documents.

[13]            En défense, M. Vathis témoigne en déposant une copie d'une page de son agenda, à l'effet qu'en date du 11 septembre 2003, il s'était présenté au Ministère du Revenu national et qu'il y avait une mention à son agenda qu'il avait déposé les documents.

[14]            Il est à noter également qu'à la même date, à la même journée, à son agenda, il y avait une rencontre avec un employé du Ministère de Revenu Québec, dont les bureaux sont dans le même immeuble.

[15]            Il est bien évident qu'il ressort de la preuve orale entendue ainsi que de la révision de la preuve écrite soumise par le dépôt de différents documents, qu'il semble exister une certaine confusion quant au dépôt de documents par M. Vathis.

[16]            Je n'ai pas de raison de douter de la sincérité des témoignages des trois employés du Ministère du Revenu national qui ont témoigné pour démontrer que M. Vathis ne s'était pas dans le passé conformé aux exigences de la loi et que, malgré des demandes répétées de documents, ce dernier n'avait rien déposé sinon un relevé de la banque imprimé listant les transactions effectuées sans jamais avoir déposé les fameux chèques qui lui étaient réclamés pour fins d'inspection.

[17]            J'ai manifesté au cours de l'audience mes préoccupations quant au fait qu'il était curieux que M. Vathis se soit présenté au bureau du Ministère du Revenu pour réclamer le retour de documents face aux témoignages des représentants du Ministère, à l'effet qu'il n'avait rien déposé du tout. Bien que troublant, ce fait ne peut néanmoins m'amener à conclure à la véracité des allégations de M. Vathis.

[18]            M. Vathis a également affirmé à la Cour lors de son témoignage, qu'on lui exigeait $42 pour chacune des photocopies de chèques à la banque et qu'il n'avait pas les moyens de fournir ces photocopies de plusieurs centaines de chèques qui représentaient plusieurs milliers sinon dizaines de milliers de dollars.

[19]            Je dois affirmer que M. Vathis n'a pas déposé de preuve à l'effet qu'on lui réclamait ces sommes et j'ai d'ailleurs affirmé aux deux parties qu'il aurait sans doute été facile d'assigner un représentant de la banque à comparaître devant la Cour avec lesdites photocopies, ce qui aurait mis fin au litige, du moins quant à la production des documents réclamés.

[20]            Par ailleurs, comme c'est mon devoir, et devant les témoignages contradictoires, il était de mon devoir de conclure quant à la crédibilité des témoins.

[21]            Je n'ai aucune hésitation à conclure que les témoins représentant le Ministère du Revenu national se sont exprimés librement, sans contrainte, avec beaucoup de sincérité et que ces derniers ont convaincu la Cour que si les documents avaient été déposés par M. Vathis, même s'il existait une possibilité même lointaine que les documents puissent avoir été égarés, les dits documents auraient néanmoins été mentionnés sur l'un ou l'autre des registres qui existent et qui sont remplis par les employés du Ministère du Revenu au moment où des documents sont déposés. Non seulement Mme Normandin affirme sous son serment qu'elle n'a jamais reçu les chèques de M. Vathis, mais les registres et les notes écrites qu'elle produit au soutien de son témoignage confirment sans équivoque son témoignage.

[22]            Quant à M. Vathis, je n'ai pour supporter son témoignage à l'effet qu'il ait déposé les dits documents, qu'un écrit sur une page de son agenda qui est pour le moins non détaillé et qui est contredit par le témoignage de Mme Normandin qui n'était pas présente à son bureau à la même date, tel qu'en fait foi son propre agenda.

[23]            De plus, j'ai de sérieux doutes quant à la crédibilité de M. Vathis qui a, on ne peut le nier, un intérêt évident à ne pas coopérer avec les autorités du Ministère du Revenu national, tel qu'en fait foi les écrits qui apparaissent à son dossier qui ont été produits par les notes des employés du Ministère.

CONCLUSION

[24]            Je n'ai d'autre choix que de conclure que le Ministère du Revenu national a clairement démontré que M John Vathis n'avait pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l'ordonnance du juge Pinard rendue le 5 décembre 2005 et qu'il y a outrage au tribunal, et je conclus en ce sens.

ORDONNANCE

CONSIDÉRANT que la preuve démontre hors de tout doute considérable, que M. John Vathis, administrateur de la défenderesse, a désobéi à l'ordonnance du juge Pinard du 5 décembre 2005, en refusant de répondre et de fournir tous les renseignements demandés dans la demande péremptoire de renseignements du demandeur du 26 septembre 2005;

CONSIDÉRANT les peines prévues à la règle 472 des Règles des Cours fédérales;

ET CONSIDÉRANT qu'il s'agit d'une première infraction pour outrage au tribunal dans ce dossier et qu'une amende serait en l'espèce appropriée et raisonnable;

LA COUR ORDONNE QUE :

1.                   M. John Vathis, administrateur de la défenderesse, soit trouvé coupable d'outrage à l'ordonnance du juge Pinard en date du 5 décembre 2005;

2.                   M. John Vathis, administrateur de la défenderesse, soit condamné à une amende de $1000, payable dans les dix jours suivant la signification de la présente ordonnance; ledit paiement devant être fait à l'ordre du Receveur général du Canada;

3.                   M. John Vathis, administrateur de la défenderesse, fasse parvenir les documents et renseignements demandés dans la demande péremptoire du Ministre et qui sont toujours manquants à savoir : les relevés bancaires et chèques oblitérés pour les périodes de janvier à décembre 2002; de janvier à décembre 2003, de janvier à août 2004 et de juillet à décembre 2005, par courrier recommandé, à l'attention de Mme Mirlène Videau, Examinateur des comptes en fiducie, Division du recouvrement, Agence du Revenu du Canada, 305, boulevard René-Lévesque Ouest, Montréal, Québec;

4.                   M. John Vathis, administrateur de la défenderesse, paye au demandeur des frais pour un montant de $500, payable dans les dix jours suivant la signification de la présente ordonnance, lequel paiement doit être fait à l'ordre du Receveur général du Canada.

« Pierre Blais »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2015-05

INTITULÉ :                                        Ministre du Revenu national c.

                                                            9093-4134 Québec Inc./OP. Construction Sparco

                                                            Att. : Monsieur John Vathis, administrateur

                                                            324, rue Lorraine, Rosemère (Québec)

                                                            J7A 4K1

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                2 mai 2006

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :                    LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                       2 juin 2006

COMPARUTIONS:

Me Marie-Claude Landry

POUR LE DEMANDEUR

M. John Vathis pour lui-même

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

M. John Vathis

950, Ogilvy

Montréal (Québec)

H2Z 1X4

POUR LE DÉFENDEUR

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