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Date : 20230202


Dossier : IMM-1416-21

Référence : 2023 CF 152

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 février 2023

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

SHOAIB AHMED, BUSHRA SHOIAB, ABUL HASAN, ASHA SHOAIB, SAKHA SHOAIB AHMED

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs ont déposé la présente demande visant à faire annuler la décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) rendue le 15 février 2021, laquelle confirmait la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de rejeter leurs demandes d’asile.

[2] Les demandeurs forment une famille de quatre personnes : Shoaib Ahmed (le demandeur principal), son épouse (la demanderesse associée) et leurs trois enfants mineurs (les demandeurs mineurs). Ils sont tous citoyens du Pakistan.

[3] Les demandeurs ont présenté une demande d’asile fondée sur la crainte du demandeur principal envers sa propre famille, survenue une fois qu’il s’est converti de la secte ahmadie à la confession sunnite de l’islam en 1996. Sa famille l’a renié, maltraité et expulsé de son domicile familial.

[4] Les demandeurs se sont enfuis au Canada le 28 octobre 2018. Ils ont demandé l’asile au motif qu’ils étaient victimes de persécution de la part de la famille du demandeur principal en raison de la conversion de ce dernier à l’islam sunnite.

[5] Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée. La SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable.

II. Contexte

[6] Le demandeur principal a tenté de renouer avec sa famille en 2009, mais il a reçu des menaces. La demanderesse associée et les demandeurs mineurs ont été agressés par le neveu du demandeur principal alors qu’ils assistaient à un mariage vers la fin de 2016 ou le début de 2017. Ils ont également déclaré que des membres du Muttahida Qaumi Movement (Mouvement national uni ou MQM) occupaient leur propriété à Karachi et qu’ils continuaient de recevoir des menaces, même après que le demandeur principal avait abandonné la propriété.

[7] Le demandeur principal a déménagé d’Islamabad à Karachi et a entamé une nouvelle vie. Il s’est ensuite marié avec son épouse et a fondé une famille. Les demandeurs ont déménagé au Royaume d’Arabie saoudite où ils vivaient jusqu’à la mise en vigueur de politiques de nationalisation saoudienne. Par conséquent, le demandeur principal s’est retrouvé sans emploi.

[8] Les demandeurs déclarent que les constantes menaces de la part de la famille du demandeur principal se sont intensifiées lorsqu’un policier a tenté d’obtenir un pot-de-vin du demandeur principal en échange de la protection de l’État.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[9] La SAR a mentionné qu’elle avait écouté l’enregistrement de l’audience devant la SPR et examiné la preuve. Elle a conclu que la SPR ne disposait pas d’un certain avantage par rapport à la SAR lorsqu’elle a apprécié la preuve.

[10] Les demandeurs n’ont présenté aucun nouvel élément de preuve en appel, donc l’affaire a été instruite sans audience.

[11] La SAR a conclu que la disponibilité d’une PRI constituait la question déterminante. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, la SAR a conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés du fardeau d’établir que la réinstallation à Lahore, Faisalabad ou Dera Ghazi Khan serait déraisonnable ou excessivement difficile, eu égard aux circonstances qui leur sont propres.

[12] La SAR a, au titre du paragraphe 111(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, rejeté l’appel et confirmé la décision de la SPR selon laquelle les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

IV. Questions en litige

[13] Même si les demandeurs ont soulevé plusieurs questions concernant la décision, j’estime que la question déterminante est celle de savoir si la conclusion en matière de PRI était raisonnable.

V. Norme de contrôle

[14] Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov), la Cour suprême du Canada a établi que la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer au contrôle judiciaire d’une décision administrative, sous réserve de certaines exceptions, qui ne s’appliquent pas au vu des faits en l’espèce : Vavilov, au para 23.

[15] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable comporte une évaluation sensible et respectueuse, mais aussi rigoureuse, des décisions administratives : Vavilov, aux para 12‑13. Les motifs du décideur, qui doivent être interprétés de façon globale et contextuelle et lus en corrélation avec le dossier dont était saisi le décideur, sont le point de départ du contrôle : Vavilov, aux para 84, 91-96, 97 et 103.

[16] Dans l’ensemble, une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov aux para 15 et 85.

VI. Analyse

[17] Les demandeurs semblent mal saisir la nature d’une PRI. La disponibilité de trois PRI au Pakistan constituait la question déterminante selon la SPR et la SAR.

[18] Les demandeurs interprètent mal le traitement par la SAR de la question relative à la propriété à Karachi en tant que conclusion défavorable en matière de crédibilité. La SAR a déclaré au début de sa décision que la SPR n’a pas rejeté la demande d’asile au motif de préoccupations relatives à la crédibilité.

[19] La SAR a examiné l’allégation selon laquelle des membres du MQM vivaient sur la propriété à Karachi et cherchaient à obtenir des dons de façon illégale. La SAR a convenu que la propriété ne devrait pas l’emporter sur la sécurité, qui est primordiale.

[20] Plus précisément, la SAR était d’avis que la SPR avait conclu à juste titre que certains éléments de preuve n’indiquaient pas l’existence d’un risque prospectif, si les demandeurs abandonnaient tout simplement la propriété à Karachi pour se libérer des problèmes et des menaces de la part des locataires ou du MQM. La SAR a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, cela éviterait des problèmes avec le MQM à l’avenir.

[21] J’estime que la SAR a raisonnablement justifié sa conclusion selon laquelle la propriété à Karachi constituait le motif des menaces de la part du MQM et que les demandeurs pouvaient prendre des mesures raisonnables pour assurer leur sécurité. Il a été établi que, s’agissant de demandeurs d’asile capables d’opérer des choix raisonnables et de se soustraire par là même à certains risques, on peut s’attendre à ce qu’ils optent pour une telle solution : Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 99 au para 16; l’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada a été refusée le 27 février 2007 – no 32028.

[22] J’ai déjà expliqué pourquoi je ne suis pas du même avis que les demandeurs pour dire que la SAR a commis une erreur lorsqu’elle a évalué le risque prospectif dans la présente affaire. Étant donné qu’il existe une PRI viable, la demande d’asile est irrecevable, indépendamment du bien-fondé de la demande : Olusola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 799 au para 7.

VII. Conclusion

[23] Pour les motifs qui précèdent, la présente demande est rejetée.

[24] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et les faits de la présente affaire n’en soulèvent aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-1416-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS


DOSSIER :

IMM-1416-21

 

INTITULÉ :

SHOAIB AHMED, BUSHRA SHOIAB, ABUL HASAN, ASHA SHOAIB, SAKHA SHOAIB AHMED c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 mars 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 février 2023

 

COMPARUTIONS :

Saidaltaf Patel

 

Pour les demandeurs

 

Simarroop Dhillon

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SP Law Office A Professional Corporation

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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