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Date : 20230206


Dossier : IMM-4603-21

Référence : 2023 CF 169

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 février 2023

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

MARIA SORAYA RIVERA MARCOS

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse est citoyenne des Philippines et est arrivée au Canada en 2002. Elle réside au Canada depuis lors. Elle demande le contrôle judiciaire de la décision défavorable [la décision] datée du 21 juin 2021 à l’égard de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[2] Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie.

II. Contexte factuel

[3] L’ensemble de la famille de la demanderesse, dont ses parents, ses frères et sœurs, ses nièces et neveux, et son partenaire actuel, réside au Canada.

[4] La demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par la demanderesse faisait valoir ses liens étroits avec sa famille et sa communauté au Canada. En fait, la demanderesse est essentiellement venue au Canada pour prendre soin des enfants de son frère et de sa sœur. Son neveu, Aaron, souffre de paralysie et d’épilepsie, et il dépend grandement du soutien offert par la demanderesse.

[5] La demanderesse est également la principale proche aidante de ses parents âgés. Elle est établie financièrement et autonome et elle prend une part très active à la vie de sa communauté et de sa paroisse.

[6] Au chapitre des difficultés, la demanderesse a présenté des observations et des documents justificatifs étayant les souffrances morales qui l’attendent si elle est renvoyée du Canada. Elle a aussi prétendu ne pas disposer d’un quelconque soutien financier, moral ou social aux Philippines et ne pas y avoir de perspectives d’emploi en tant que femme de 48 ans qui n’a plus résidé dans ce pays depuis près de 20 ans.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[7] La question déterminante dans la présente demande est celle de savoir si la décision est raisonnable.

[8] La Cour suprême du Canada a conclu qu’il y a présomption que la norme de la décision raisonnable est la norme applicable chaque fois qu’une cour contrôle une décision administrative : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 16.

[9] Avant de pouvoir infirmer une décision, la cour de révision doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision : Vavilov au para 100.

IV. Analyse

A. Problèmes de santé d’Aaron

[10] Selon les éléments de preuve figurant au dossier, Aaron a subi un accident vasculaire cérébral quand il avait deux ans et il est désormais paralysé du côté droit. Aaron ne peut pas bouger son bras droit et il traîne la jambe en marchant. De plus, il souffre d’épilepsie.

[11] L’agent a admis que la demanderesse avait pris soin de ses neveux et nièces, qu’elle les aime et qu’elle a contribué à les élever quand ils étaient enfants. Il a toutefois souligné que l’ensemble des neveux et nièces sont désormais adultes et qu’il y avait [traduction] « peu d’indices qu’ils aient besoin de soins à l’âge adulte, même s’ils sont encore très attachés émotionnellement à la demanderesse, y compris Aaron ».

[12] La demanderesse ne fait pas que fournir un soutien moral constant à Aaron. Elle s’assure qu’il prend ses médicaments et elle prend soin de lui de façon générale. Les éléments de preuve dont disposait l’agent montraient également qu’Aaron dépend physiquement et moralement de la demanderesse. Celle-ci est comme une seconde mère pour lui.

[13] De plus, la demanderesse est la principale proche aidante pour son père et sa mère, qui sont respectivement âgés de 96 et de 92 ans.

[14] L’agent a omis d’examiner les problèmes de santé d’Aaron en dépit du fait que ce dernier ne peut pas vivre seul. C’est ce qu’a reconnu Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada en 2016 lorsque la mère d’Aaron a eu gain de cause dans l’appel qu’elle a interjeté à l’égard d’une décision en immigration parce que le tribunal a admis qu’Aaron ne pouvait pas vivre seul en raison de sa déficience.

[15] Bien qu’un décideur ne soit pas tenu de prendre en compte chaque élément de preuve présenté dans une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, il est aussi loisible d’inférer que le décideur qui a omis de mentionner ou d’analyser des éléments importants ou cruciaux contradictoires a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait ou en faisant abstraction de la preuve contradictoire : Laifatt c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 365 au para 31, et la jurisprudence qui y est citée.

[16] Après avoir examiné le dossier sous-jacent et pris en compte la décision, je conclus que l’agent, en ne tenant pas parfaitement compte du profil d’Aaron et en omettant de reconnaître le rôle essentiel que la demanderesse continue de jouer dans sa vie, a commis deux erreurs susceptibles de contrôle.

[17] De plus, j’estime que ces erreurs sont importantes et ne sont pas simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision. En fait, elles sont graves à un point tel qu’on ne peut pas dire que la décision satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence : Vavilov, au para 100.

V. Conclusion

[18] Pour les motifs qui précèdent, la présente demande est accueillie.

[19] La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

[20] Il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-4603-21

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande est accueillie.

  2. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

  3. Il n’y a pas de question à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4603-21

 

INTITULÉ :

MARIA SORAYA RIVERA MARCOS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 AOÛT 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 FÉVRIER 2023

 

COMPARUTIONS :

Nancy Elliott

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Lorne McClenaghan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elliott Law Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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