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Date : 20230206


Dossier : IMM-1077-22

Référence : 2023 CF 159

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 février 2023

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE:

MAHYAR HAJI TEHRANI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Mahyar Haji Tehrani [le demandeur] est un citoyen de l’Iran. Il a présenté une demande d’inscription et a été accepté au programme de maîtrise ès sciences en gestion de projet [le programme] du College of Professional Studies de la Northeastern University, à Toronto, en Ontario. Il a ensuite présenté une demande de permis d’études afin d’entrer au Canada pour poursuivre ces études.

[2] Dans une lettre datée du 9 janvier 2022, le demandeur a été informé que sa demande de permis d’études avait été rejetée par un agent des visas [l’agent], car celui-ci n’était pas convaincu qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, comme le requiert le paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR]. L’agent a déclaré que cette décision était fondée sur les liens familiaux du demandeur au Canada et dans son pays de résidence, ainsi que sur le but de sa visite. Le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision.

[3] Pour les motifs qui suivent, j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire.

Dispositions législatives applicables

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002-227

Délivrance du permis d’études

Permis d’études

216 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

a) l’étranger a demandé un permis d’études conformément à la présente partie;

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

c) il remplit les exigences prévues à la présente partie;

d) s’il est tenu de se soumettre à une visite médicale en application du paragraphe 16(2) de la Loi, il satisfait aux exigences prévues aux paragraphes 30(2) et (3);

e) il a été admis à un programme d’études par un établissement d’enseignement désigné.

Décision faisant l’objet du contrôle

[4] Le fondement de la décision de l’agent est énoncé ci-dessus. Les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] font aussi partie des motifs de la décision de l’agent. Elles sont ainsi rédigées :

[traduction]

J’ai examiné la demande. Je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de son séjour à titre de résident temporaire. Je prends note de ce qui suit : -Le demandeur est célibataire et mobile, n’est pas bien établi et n’a aucune personne à charge. Il a déjà fait un B.Sc. en génie industriel. Actuellement employé comme expert (affaires administratives) au sein de l’Organisation pour la rénovation et le développement industriel de l’Iran. La lettre d’explication du demandeur a été examinée. Le demandeur ne soulève pas de raisons suffisamment impérieuses pour me convaincre que ce programme d’études serait un atout. Le demandeur démontre (au moyen des documents qu’il a soumis) qu’il possède une combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience dans son domaine. Cela annule la nécessité de faire des études internationales pour progresser dans sa carrière en Iran et fait craindre que sa motivation à poursuivre des études au Canada soit de tenter d’entrer pour des raisons qui ne sont pas temporaires. Je note qu’un paiement minimal a été versé pour les droits de scolarité afin d’assurer sa place dans le programme. Aucun paiement supplémentaire au dossier. Les facteurs ont été évalués dans la présente demande. Je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Pour les motifs qui précèdent, je rejette la demande.

Questions en litige et norme de contrôle applicable

[5] Le demandeur a soulevé les deux questions suivantes dans le cadre du présent contrôle judiciaire de la décision de l’agent :

  1. La décision était-elle raisonnable?

  2. La décision a-t-elle été prise d’une manière contraire à l’équité procédurale?

[6] Lorsque notre Cour, en tant que cour de révision, doit examiner une décision d’un agent sur le fond, la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 23, 25 [Vavilov]). Aucune des parties ne soutient qu’il existe en l’espèce des circonstances qui justifieraient de s’écarter de cette présomption, et je conviens qu’il n’y en a aucune.

[7] Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour « doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Elle doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci. » (Vavilov, au para 99).

[8] Les questions d’équité procédurale sont examinées selon la norme de la décision correcte (voir : Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79 et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). Dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CFCP], la Cour d’appel fédérale a jugé que, bien que l’exercice de révision requis puisse être particulièrement bien reflété, quoique de manière imparfaite, dans la norme de la décision correcte, les questions d’équité procédurale ne se prêtent pas nécessairement à une analyse relative à la norme de contrôle applicable. La Cour doit plutôt décider si la procédure était équitable, eu égard à l’ensemble des circonstances. Autrement dit, « la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre » (CFCP, aux para 54‐56; voir aussi Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35; Première Nation d’Ahousaht c Canada (Affaires indiennes et du Nord), 2021 CAF 135 au para 31).

La décision était-elle raisonnable?

[9] Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en le qualifiant de personne célibataire sans personne à charge et en supposant ensuite qu’il était mobile et qu’il n’était pas bien établi. De plus, il affirme que l’agent a commis une erreur en concluant qu’il n’était pas bien établi en Iran, malgré les éléments de preuve indiquant le contraire.

[10] Le demandeur soutient en outre que l’agent a commis une erreur en supposant qu’il possédait une combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience dans son domaine et, par conséquent, qu’il n’avait pas besoin de poursuivre ses études, même si le demandeur a expliqué dans son plan d’études qu’il avait fait des études en génie et qu’il devait maintenant acquérir des compétences en gestion de projets pour progresser dans sa carrière, et que son employeur lui avait recommandé d’entreprendre des études en gestion de projets dans un établissement réputé à l’étranger.

[11] Le demandeur conteste également la déclaration de l’agent selon laquelle il a payé une partie des droits de scolarité pour assurer sa place dans le programme, mais qu’aucun paiement supplémentaire ne figure au dossier. Selon le demandeur, il ne s’agit pas d’un point litigieux et le paiement des frais minimums pour assurer sa place n’est pas pertinent pour la décision de l’agent.

Analyse

a) Établissement en Iran

[12] L’agent a conclu que le demandeur était [traduction] « célibataire, mobile, n’est pas bien établi et n’a aucune personne à charge ».

[13] Je tiens d’abord à mentionner que, bien que l’agent ait déclaré dans la lettre de refus qu’il n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée en raison de ses [traduction] « liens familiaux au Canada et dans [son] pays de résidence », un examen du dossier certifié du tribunal [DCT] ne démontre aucun lien familial au Canada.

[14] Comme l’a déclaré le juge Gascon au paragraphe 19 de la décision Aghaalikhani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1080 [Aghaalikhani] :

[19] Premièrement, l’agent a conclu que [traduction] « compte tenu de ses liens familiaux ou des raisons économiques qui le pousseraient à rester au Canada », les facteurs qui inciteraient M. Aghaalikhani à rester au Canada pourraient l’emporter sur ses liens avec l’Iran. Le problème avec cette conclusion tient au silence assourdissant du dossier sur les liens de M. Aghaalikhani avec le Canada. Je conviens que l’agent des visas doit se livrer à un exercice de pondération entre les liens du demandeur (qu’ils soient économiques, familiaux ou émotifs) avec le Canada et ceux qu’il a avec son pays de résidence. En l’espèce toutefois, la preuve n’atteste que des liens avec l’Iran. Toujours d’après la preuve, M. Aghaalikhani n’a pas de liens avec le Canada; inversement, il a des liens très solides avec l’Iran étant donné que tous ses parents et amis vivent dans ce pays, qu’il fait partie de la Société du Croissant-Rouge et qu’il a obtenu une offre d’emploi en Iran à la fin de ses études. Face à cette preuve, je ne vois pas quel raisonnement logique ou rationnel aurait pu amener l’agent à conclure que les liens familiaux de M. Aghaalikhani ou que des raisons économiques pourraient l’attirer au Canada et pourraient supporter sa crainte qu’il ne quitte pas le pays à la fin de ses études. C’est en fait la situation totalement inverse (c.‐à‐d., des liens limités avec le pays de résidence et des liens avec le Canada) qui amène habituellement les agents des visas à remettre en cause l’intention véritable qui motive une demande de permis d’études.

[15] Je ne suis pas d’accord avec le défendeur pour dire que le demandeur demande simplement à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve relative à ses liens avec le Canada et avec l’Iran ainsi que son établissement en Iran. En l’espèce, le fait préoccupant est que, contrairement à ce que l’agent a mentionné dans les motifs de sa décision, il n’y a aucune preuve de l’existence de liens avec le Canada qui « attireraient » le demandeur, et l’agent ne semble pas avoir examiné ou soupesé la preuve du demandeur quant à ses liens avec l’Iran et à son établissement là-bas par rapport à ses liens avec le Canada. En fait, il ne semble pas l’avoir examinée du tout.

[16] Par exemple, dans son plan d’études, le demandeur indique ce qui suit :

  • -Il est enfant unique et il est très proche de sa mère, qui vit en Iran et dont il sera responsable toute sa vie. Il assure qu’il reviendra auprès du seul membre de sa famille, sa mère, dès qu’il aura obtenu son diplôme.

  • -Il travaille pour l’Organisation pour la rénovation et le développement industriel [l’IDRO] de l’Iran depuis 2017. Il doit acquérir plus de connaissances dans le domaine de la gestion de projet afin d’être promu, et IDRO a confirmé qu’elle lui avait accordé un congé sans solde pour lui permettre de poursuivre ses études et qu’une fois son diplôme obtenu, il obtiendrait une promotion. Ce fait est confirmé par une lettre de l’employeur présentée par le demandeur.

  • -Il espère créer sa propre entreprise en Iran.

  • -Il considère le programme comme une garantie de succès dans sa carrière en Iran.

  • -Il possède une voiture, une maison, des actions du Central Securities Depository et un dépôt à long terme conjoint en Iran. Il a fourni ce qu’il décrit comme des documents relatifs aux biens immobiliers et déclare qu’en raison de l’état physique de sa mère, il est également responsable de la gestion et de la surveillance de ses biens, renvoyant aux documents joints qui seraient liés aux biens de sa mère.

[17] Par contre, l’agent ne fait aucune mention de ces éléments de preuve lorsqu’il tire ses conclusions quant aux liens du demandeur avec l’Iran et quant à son établissement dans ce pays.

[18] Le défendeur soutient également qu’aucune erreur ne découle du fait que l’agent a mentionné que le demandeur était célibataire, mobile, mal établi et qu’il n’avait pas de personne à charge, car ces éléments sont directement pertinents pour l’évaluation des liens du demandeur avec son pays. À mon avis, le défendeur n’a pas tort en principe, car il n’y a pas d’erreur dans cette observation. Cependant, [traduction] « la Cour a déclaré à de nombreuses reprises que l’absence d’enfants ou de conjoint à charge ne devrait pas, sans autre analyse, être jugée défavorablement dans le contexte d’une demande de permis d’études. Autrement, de nombreux étudiants ne pourraient pas être admissibles. » (Hassanpour c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1738 au para 20 [Hassanpour]; voir également Barril c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 400 au para 20; Gilavan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1698 au para 23 [Gilavan]; Seyedsalehi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1250 au para 11 [Seyedsalehi].

[19] Ainsi, l’état matrimonial et la mobilité d’un demandeur et l’absence de personnes à charge sont des facteurs personnels pertinents qui peuvent être pris en considération par un agent des visas dans le cadre d’une analyse globale, mais qui ne devraient pas, sans autre analyse, être considérés comme des facteurs défavorables (Hassanpour, au para 19; Gilavan, au para 22). Comme c’était le cas dans l’affaire Seyedsalehi, en l’espèce, l’agent ne fournit aucune explication quant aux raisons pour lesquelles ces facteurs l’ont convaincu que le demandeur ne quitterait pas le Canada. Il ne ressort aucune explication claire du dossier non plus. Par conséquent, la décision n’est pas fondée sur une analyse rationnelle (Vavilov, aux para 85, 103-104).

[20] Le défendeur soutient en outre que les agents des visas ne sont pas tenus de renvoyer à chaque élément de preuve dans leurs motifs et que ce n’est que lorsque l’élément de preuve non mentionné est crucial, qu’il contredit la décision et que la cour de révision en déduit que le décideur a dû faire abstraction des documents dont il disposait que la décision peut être annulée. Encore une fois, en principe, je suis d’accord. Cependant, en l’espèce, la difficulté tient au fait que la preuve dont disposait l’agent semble contredire sa conclusion apparente concernant les liens familiaux du demandeur au Canada (il n’y avait aucune preuve de l’existence de tels liens) et que l’agent a aussi omis d’examiner la preuve de l’établissement en Iran. Pourtant, il a conclu que le demandeur n’était pas bien établi.

[21] Je reconnais que l’obligation de fournir des motifs dans les cas de demande de visa est généralement minime compte tenu du contexte administratif – vu les quantités énormes de demandes de visa à traiter (Iriekpen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1276 au para 7; Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 52 aux para 13 et 14) – mais les motifs, bien que succincts, doivent quand même être transparents, intelligibles et justifiés. Autrement dit, ils doivent être raisonnables (Aghaalikhani, au para 16; Afuah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 596 au para 10). À mon avis, en l’espèce, la conclusion de l’agent selon laquelle il n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée en raison de ses liens familiaux au Canada et en Iran (y compris du fait qu’il est célibataire et qu’il n’a pas de personne à charge) et du fait qu’il n’est pas bien établi en Iran n’est ni intelligible ni justifiée compte tenu des motifs et du dossier dont disposait l’agent (Rahmati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 778 au para 18; Seyedsalehi, aux para 9-11; Vavilov, au para 126).

b) But de la visite

[22] Le défendeur soutient que la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’était pas susceptible de quitter le Canada n’était pas fondée uniquement sur son état matrimonial et l’absence de personnes à charge. L’agent a plutôt soupesé ce facteur en conjonction avec d’autres facteurs lorsqu’il a évalué le but de la visite. Il a notamment tenu compte des études antérieures du demandeur, de la question de savoir si les études internationales proposées seraient réellement un atout pour la carrière du demandeur en Iran et du fait que seuls les droits de scolarité minimums avaient été payés. Le défendeur fait valoir que la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de l’évaluation que l’agent a faite du plan d’études.

[23] Il ne fait aucun doute que l’évaluation par un agent des visas d’un plan d’études commande la retenue. Toutefois, aucune retenue n’est requise si l’évaluation n’est pas raisonnable.

[24] En l’espèce, l’agent affirme que le demandeur a déjà fait un baccalauréat ès sciences en génie industriel et qu’il travaille actuellement comme expert (affaires administratives) à l’IDRO. Il déclare qu’il a examiné la lettre d’explication du demandeur (vraisemblablement le plan d’études), mais que ce dernier n’avait pas démontré, à sa satisfaction, de [traduction] « raisons impérieuses pour [le] convaincre que ce programme d’études serait un atout ». Le demandeur a plutôt démontré qu’il possédait « une combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience dans son domaine ». Selon l’agent, cela annule la nécessité de faire des études internationales pour progresser dans sa carrière en Iran et fait craindre que sa motivation à poursuivre des études au Canada soit de tenter d’entrer au pays pour des raisons qui ne sont pas temporaires.

[25] En ce qui concerne la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur était tenu de fournir des [traduction] « raisons impérieuses » pour expliquer pourquoi le programme proposé constituerait un atout, le demandeur fait valoir que, dans son plan d’études, il a expliqué qu’il avait déjà obtenu une maîtrise en génie industriel, mais qu’il souhaitait acquérir des compétences en gestion de projet, car cela l’aiderait à progresser dans sa carrière, étant donné que l’objectif principal de l’IDRO est de trouver des projets utiles qui sont mutuellement avantageux pour l’Iran et pour les entreprises en développement, ainsi que d’investir dans ces entreprises et de les aider à devenir prospères. Autrement dit, l’IDRO est axé sur les projets. Le demandeur a également mentionné que le programme comprenait les cours « Compétences en communication pour les gestionnaires de projet », « Gestion globale de projet » et « Projet d’approvisionnement et gestion des contrats », et qu’aucun cours semblable n’était offert en Iran. Il a expliqué qu’il serait promu s’il réussissait le programme et il a produit une lettre de son employeur le confirmant. Il a également indiqué qu’il aimerait éventuellement démarrer sa propre entreprise.

[26] Compte tenu de ces renseignements, il est difficile de voir sur quel fondement factuel reposait la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur avait démontré qu’il possédait déjà [traduction] « une combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience dans son domaine ». Comme le demandeur cherche à faire avancer sa carrière dans le domaine de la gestion de projet et qu’il explique pourquoi le programme l’aidera à cet égard et lui permettra de progresser sur le plan professionnel, ni le dossier ni les motifs de l’agent n’étayent pas la conclusion selon laquelle il possédait déjà un niveau de scolarité et d’expérience acceptable.

[27] En ce qui concerne la pertinence du commentaire de l’agent selon lequel un montant minimum a été payé pour les droits de scolarité afin de conserver la place du demandeur dans le programme et qu’aucun paiement supplémentaire n’est indiqué au dossier, elle n’est pas claire. Le commentaire suit et peut être lié ou non aux commentaires antérieurs de l’agent quant à la motivation du demandeur, mais l’agent n’explique pas pourquoi il est pertinent de prendre en considération, afin d’évaluer si le demandeur quitterait le Canada après la période de séjour autorisée, le fait qu’un paiement minimal a été versé pour les droits de scolarité et garantir la place du demandeur dans le programme. Quoi qu’il en soit, je suis portée à souscrire à l’opinion du demandeur selon laquelle un étudiant ne souhaiterait raisonnablement pas payer plus qu’il n’est nécessaire pour obtenir sa place, sans d’abord obtenir un permis d’études. Cela est particulièrement vrai si les droits de scolarité ne sont pas remboursables en cas de refus du permis d’études.

[28] De plus, l’alinéa 216(1)e) du RIPR exige seulement que le demandeur démontre qu’il a été admis à un programme d’études par un établissement d’enseignement désigné; il n’exige pas qu’il prouve que les droits de scolarité ont été payés en tout ou en partie. De même, le paragraphe 219(1) prévoit que le permis d’études ne peut être délivré à l’étranger que si celui-ci produit une attestation écrite de son acceptation émanant de l’établissement d’enseignement désigné où il a l’intention d’étudier. Par contre, la disposition est muette quant au paiement des droits de scolarité. L’article 220 porte sur les ressources financières des étudiants et est libellé ainsi :

220 À l’exception des personnes visées aux sous‐alinéas 215(1)d) ou e), l’agent ne délivre pas de permis d’études à l’étranger à moins que celui-ci ne dispose, sans qu’il lui soit nécessaire d’exercer un emploi au Canada, de ressources financières suffisantes pour :

a) acquitter les frais de scolarité des cours qu’il a l’intention de suivre;

b) subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille qui l’accompagnent durant ses études;

c) acquitter les frais de transport pour lui-même et les membres de sa famille visés à l’alinéa b) pour venir au Canada et en repartir.

[29] Le demandeur n’a aucune obligation de prouver que les droits de scolarité ont été payés en totalité ou en partie; il doit seulement démontrer qu’il a la capacité financière de payer les droits de scolarité et les autres dépenses. De plus, comme le fait remarquer le demandeur, l’agent n’a pas conclu qu’il n’avait pas la capacité financière de poursuivre ses études au Canada. À mon avis, le but de l’observation de l’agent concernant le paiement minimal des droits de scolarité pour conserver la place du demandeur dans le programme n’est pas clair dans le contexte de l’évaluation de la question de savoir si le demandeur quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[30] En conclusion, pour tous les motifs qui précèdent, je juge que la décision de l’agent était déraisonnable, car elle n’est pas justifiée, est inintelligible et ne tient pas compte de la preuve du demandeur.

La décision a-t-elle été prise d’une manière contraire à l’équité procédurale?

[31] Ma conclusion selon laquelle la décision était déraisonnable est déterminante. Par conséquent, je n’ai pas besoin d’examiner la deuxième question soulevée par le demandeur concernant l’équité procédurale.


JUGEMENT dans le dossier no IMM-1077-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

  4. Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification, et l’affaire n’en soulève aucune.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1077-22

 

INTITULÉ :

MAHYAR HAJI TEHRANI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE AU MOYEN DE ZOOM

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 janvier 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 février 2023

 

COMPARUTIONS :

Farah Issa

 

Pour le demandeur

 

Leila Jawando

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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