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Date : 20051109

Dossier : IMM-2442-05

Référence : 2005 CF 1520

Montréal (Québec), le 9 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

TORRES CARRANZA MARIO ARTURO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi) porte sur une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue le 22 mars 2005.

QUESTION EN LITIGE

[2]                Le tribunal a-t-il commis une erreur manifestement déraisonnable dans l'évaluation de la crédibilité du demandeur?

[3]                Pour les motifs suivants, je réponds par la négative à cette question et la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

FAITS

[4]                Citoyen du Mexique, le demandeur allègue être un réfugié en raison du harcèlement et de la persécution policière dont il aurait été victime.

[5]                Entre mai et juillet 2003, le demandeur et certains de ses amis auraient eu à traiter avec des policiers qui leur ont entre autres enlevé de l'argent.

[6]                De juillet 2003 à janvier 2004, le demandeur aurait séjourné au Canada en tant que visiteur.

[7]                Lors de son retour au Mexique, ses amis lui auraient confirmé que le harcèlement policier continuait. Les policiers auraient de nouveau exigé de l'argent du demandeur à trois reprises, les 1er, 4, et 7 avril 2004. Les policiers se seraient portés à des actes de violence contre lui et ses amis.

[8]                Dans la matinée du 8 avril 2004, le demandeur aurait tenté en vain de porter plainte contre les policiers auprès du bureau du Procureur. Il ne serait pas rentré chez lui après cette démarche. Sa mère aurait reçu des appels téléphoniques le menaçant au cours de l'après-midi, et son domicile aurait fait l'objet d'une surveillance policière. C'est alors que le demandeur a décidé de quitter le pays. Après son départ, sa mère lui aurait dit que des policiers sont venus à la maison à plusieurs reprises pour le chercher.

[9]                Le demandeur est arrivé au Canada le 19 avril 2004, et a revendiqué le statut de réfugié le 10 mai 2004.

DÉCISION CONTESTÉE

[10]            Le tribunal en est venu à la conclusion que le récit du demandeur n'était pas crédible pour les raisons suivantes :

§          Ce dernier allègue avoir consulté un avocat le 8 avril, le même jour qu'il aurait tenté de porter plainte auprès du Procureur. L'avocat lui aurait remis le jour même une lettre confirmant sa visite chez lui. Le même avocat lui aurait ensuite envoyé une autre lettre identique par la poste quelques jours plus tard. Or les deux lettres sont datées du 8 octobre 2004. Le demandeur allègue qu'il s'agit d'une simple erreur, et que la lettre initiale fut bien rédigée le 8 avril 2004.

§          Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), cette visite n'est pas alléguée et le tribunal a considéré que le demandeur n'avait pas adéquatement expliqué son emploi du temps la journée du 8 avril 2004. En particulier, il se serait contredit quant au moment où il aurait quitté son domicile pour se réfugier chez sa tante, en déclarant d'abord que les appels téléphoniques menaçants reçus par sa mère avaient eu lieu l'après-midi, puis en déclarant qu'ils avaient eu lieu en soirée. Le demandeur soutient que le tribunal n'a pas tenu compte de ses explications puisque les appels en question ont eu lieu vers 17 heures, au moment où la fin de l'après-midi devient le début de la soirée.

§          D'autres contradictions ont été soulevées par la décideure au sujet de la déclaration du demandeur à l'agent d'immigration concernant le temps où le demandeur avait commencé à avoir des problèmes avec la police.

§          Le tribunal a aussi tenu compte du délai que le demandeur a pris pour revendiquer son statut de réfugié lorsqu'il est entré au Canada.

ANALYSE

[11]            La norme applicable en semblable matière est celle de la décision manifestement déraisonnable. Comme l'écrit le juge Pelletier dans Conkova c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 300 (C.F. 1re instance) (QL) :

La norme de contrôle qu'il convient d'appliquer aux décisions de la SSR est, de façon générale, celle de la décision manifestement déraisonnable, sauf pour ce qui est des questions portant sur l'interprétation d'une loi, auquel cas la norme qu'il convient d'appliquer est celle de la décision correcte. Sivasamboo c. Canada [1995] 1 C.F. 741(1re inst.), (1994) 87 F.T.R. 46, Pushpanathan c. Canada [1998] 1 R.C.S. 982, [...]

[12]            Dans Aguebor c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (QL), la Cour d'appel fédérale préconise la retenue judiciaire lorsqu'il s'agit du contrôle d'une décision fondée sur une question de crédibilité :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. [...]

[13]            Dans le cas sous étude il ne me semble pas manifestement déraisonnable que le tribunal ait tiré des inférences négatives au sujet de la date de la lettre du procureur du demandeur.

[14]            Au sujet de l'emploi du temps du demandeur le 8 avril 2004, le tribunal écrit :

[...] Invité à nous dire à quel moment de la journée avait été effectué ce premier appel de menaces de mort, il nous dira « en après-midi » . Or, son récit parle plutôt d'appels de menaces reçus en soirée : « Depuis la même soirée de notre démarche auprès du Bureau du Procureur, on a commence (sic) à faire des appels avec des menaces et mon domicile a été surveillé par la police » (reproduit tel quel du récit au Formulaire de renseignements personnels (FRP)). Confronté à cela, le demandeur sera confus : « non, ce même jour, ce même soir, ça été rédigé selon les termes, cette même nuit » . Tout cela entache la crédibilité du demandeur, et nous ne croyons pas aux évènements qui se seraient produits le 8 avril 2004, [...]

[15]            L'étude du dossier révèle que le tribunal a considéré les explications du demandeur sur les incohérences et contradictions apparentes de son récit, mais ne les a pas trouvées crédibles.

[16]            Quant au délai de trois semaines qui s'est écoulé entre l'arrivée du demandeur au Canada et sa demande de refuge, le tribunal a considéré qu'il contribuait au manque de crédibilité du demandeur. Ce délai a été noté par le tribunal comme étant un élément parmi d'autres. Dans Heer c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1988] A.C.F. no 330 (C.A.F.) (QL), la Cour d'appel fédérale a précisé que le délai qui précède la présentation d'une demande était un facteur pertinent que le tribunal était à même de considérer.

Bien qu'étant d'avis que la Commission d'appel de l'immigration a peut-être indûment insisté sur l'importance du retard dans la présentation de la revendication du statut de réfugié en l'espèce, nous convenons toutefois avec la Commission qu'une telle circonstance est un important facteur dont elle peut tenir compte en examinant une revendication du statut de réfugié. Vu le dossier, nous ne saurions dire que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire qui permettrait à la Cour de modifier sa décision. [...]

[17]            La Cour considère qu'il n'y a pas matière à intervention ici.

[18]            Les parties ont décidé de ne pas soumettre de questions à certifier. Ce dossier n'en soulève aucune.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

« Michel Beaudry »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-2442-05

INTITULÉ :                                        TORRES CARRANZA MARIO ARTURO

                                                            c. LE MINISTRE DE LA

                                                            CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 8 novembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                         LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                       le 9 novembre 2005

COMPARUTIONS:

Jorge Colasurdo                                                            POUR LE DEMANDEUR

Mario Blanchard                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Jorge Colasurdo                                                            POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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