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Date : 20230213


Dossier : IMM-1197-21

Référence : 2023 CF 211

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 février 2023

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

ANTONIO MANUEL QUIEROS MADUREIRA

BRIGADA ROSA DOS SANTOS JORGE DAS NEVES E. MADUREIRA

BERNARDO ESTEVES MADUREIRA

BARBARA ESTEVES MADUREIRA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les Madureira [les demandeurs] vivent au Canada depuis 2013. En 2019, ils ont déposé leur troisième demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, invoquant leur établissement au Canada; l’intérêt supérieur des deux enfants de la famille, dont l’un est mineur; ainsi que les conditions défavorables au Portugal et les difficultés auxquelles ils seraient confrontés s’ils devaient y retourner. L’agent qui a examiné la demande a conclu que des facteurs favorables jouaient en leur faveur, mais que, dans l’ensemble, ces facteurs ne justifiaient pas l’octroi d’une dispense au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Les demandeurs sollicitent maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.

[2] Le rejet d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ne peut être annulé par la Cour que si les demandeurs s’acquittent du fardeau de démontrer que la décision est déraisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16-17, 23-25, 99-101; Okohue c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 100 au para 25. La Cour a un rôle limité dans l’appréciation du caractère raisonnable d’une décision. Elle ne peut pas apprécier à nouveau la preuve et substituer sa propre évaluation de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire à celle de l’agent. Elle ne peut pas non plus tenir compte des nouveaux éléments de preuve et arguments qui n’ont pas été présentés à l’agent. Pour les motifs qui suivent, je conclus que les arguments présentés par les demandeurs reviennent à demander à la Cour de soupeser à nouveau la preuve ou d’examiner de nouveaux éléments de preuve et de nouveaux arguments. Je ne suis pas convaincu que les demandeurs ont démontré que le rejet de leur demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire était déraisonnable. La demande doit donc être rejetée.

II. Analyse

[3] Les demandeurs avancent trois arguments principaux pour contester le caractère raisonnable de la décision de l’agent.

[4] Premièrement, ils soutiennent que l’agent a évalué de façon déraisonnable leur établissement au Canada. Renvoyant à la décision Truong récemment rendue par notre Cour, les demandeurs font valoir que lorsqu’il a évalué leur établissement, l’agent n’a pas correctement tenu compte des difficultés qu’une interruption de leur établissement au Canada entraînerait : Truong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 697 au para 16. Je ne suis pas d’accord. L’agent a répondu directement aux observations des demandeurs concernant leur établissement, y compris leur travail, leurs amitiés et leur engagement dans la communauté. Il a conclu que cet établissement comportait des aspects favorables, mais a également noté que les parents n’avaient pas respecté les lois sur l’immigration en demeurant au Canada sans statut depuis 2015 et en travaillant sans autorisation malgré le rejet de leurs deux dernières demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire. Bien qu’il n’ait pas utilisé le mot « interruption », l’agent a raisonnablement évalué les répercussions que le retour des demandeurs au Portugal aurait sur leurs amitiés, ainsi que sur l’emploi de M. Madureira comme menuisier.

[5] Je ne peux pas non plus accepter l’argument des demandeurs selon lequel les motifs de l’agent concernant l’établissement ne sont pas justifiés. L’agent a examiné les observations présentées et les facteurs pertinents concernant l’établissement de la famille, et il a raisonnablement expliqué ses conclusions. Il a évalué l’établissement des deux enfants séparément, reconnaissant qu’ils avaient passé une plus grande partie de leur vie au Canada et qu’ils ne pouvaient être tenus responsables du fait qu’ils étaient restés au Canada sans statut puisqu’ils étaient des enfants. L’agent a convenu que l’établissement du fils adulte au Canada était un facteur plus important que celui de l’établissement de ses parents et lui a accordé un certain poids dans l’évaluation globale. Tout cela était raisonnable dans les circonstances et est bien justifié.

[6] L’agent ne s’est pas non plus fondé à tort sur l’absence de statut des demandeurs et n’a pas exclu d’autres facteurs, ce qui aurait pu rendre la décision quant à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire déraisonnable : Lopez Bidart c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 307 aux para 31-32. Il a plutôt, à juste titre, considéré l’absence de statut comme un facteur pertinent parmi d’autres : Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 223 au para 28.

[7] L’évaluation que l’agent a faite de la preuve concernant les amitiés des demandeurs au Canada était également raisonnable. Rien n’indique que l’agent a omis de tenir compte des lettres d’appui de leurs amis. L’agent a admis que la famille avait noué de nombreuses amitiés et a accordé à ce facteur un poids favorable, mais il a conclu que les relations qu’ils avaient établies ne traduisaient pas une situation d’interdépendance suffisante pour conclure qu’il serait préjudiciable pour la famille ou leurs amis qu’ils retournent au Portugal. Contrairement à ce que prétendent les demandeurs dans leurs observations, la décision n’est pas semblable à celle rendue dans l’affaire Vuu, où la juge Go a conclu que les motifs de l’agent n’expliquaient pas adéquatement ses conclusions au sujet de la nature des relations du demandeur : Vuu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 128 aux para 19–21. Il est clair que les demandeurs ont noué de nombreuses amitiés et sont très respectés par leurs amis et leur communauté. Toutefois, l’évaluation de la preuve concernant les répercussions du renvoi sur ces relations fait partie de la tâche de l’agent lorsqu’il examine une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Bien que les demandeurs ne soient pas en accord avec l’appréciation de l’agent, le rôle de la Cour n’est pas d’évaluer à nouveau la preuve et de tirer ses propres conclusions : Vavilov, au para 125.

[8] Deuxièmement, les demandeurs contestent le caractère raisonnable de l’évaluation que l’agent a faite de l’intérêt supérieur de leur fille, qui avait cinq ans au moment où elle est arrivée au Canada et 13 ans au moment de l’examen de la demande. L’agent a reconnu que la fille des demandeurs avait passé la majeure partie de sa vie au Canada et a examiné les éléments de preuve concernant ses amitiés et sa participation à la vie scolaire et à des activités religieuses et culturelles. Il a constaté qu’il s’agissait d’un [traduction] « aspect convaincant » de la demande de la famille, mais a finalement conclu que le facteur de l’intérêt supérieur de l’enfant, pris isolément ou conjointement avec d’autres facteurs, n’était pas suffisant pour justifier une dispense.

[9] Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas adéquatement tenu compte de l’intérêt supérieur de leur fille. Ils font valoir qu’elle a vécu au Canada pendant la majeure partie de sa vie et qu’elle n’a aucun souvenir du Portugal ni aucun lien avec ce pays. Ils soulignent l’importance de l’intérêt supérieur de l’enfant dans une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, renvoyant aux arrêts Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, et Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61. Il ne fait aucun doute que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être traité comme un facteur important dans l’analyse des considérations d’ordre humanitaire et doit être examiné avec beaucoup d’attention : Kanthasamy, aux para 39, 41. Cependant, les motifs de l’agent montrent qu’il a reconnu l’importance de l’intérêt supérieur de la fille des demandeurs dans son analyse. Le fait que l’agent a conclu que le facteur n’était pas suffisant pour justifier l’octroi d’une dispense au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR ne veut pas dire qu’il n’a pas accordé suffisamment de poids à la question, car l’intérêt supérieur de l’enfant ne dicte pas nécessairement une réponse favorable à une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire : Kisana, au para 24.

[10] Je ne peux pas non plus accepter l’argument des demandeurs selon lequel l’agent a commis l’erreur d’examiner l’intérêt supérieur de leur fille du point de vue d’un adulte plutôt que de celui d’un enfant de 13 ans. Les demandeurs n’ont pas été en mesure de relever un aspect particulier de la décision montrant qu’un point de vue inapproprié avait été adopté; ils ont simplement répété que l’agent aurait dû tenir compte du fait que leur fille avait vécu au Canada pendant la majeure partie de sa vie et qu’il aurait dû examiner la question de son point de vue à elle. Après avoir examiné l’analyse que l’agent a faite de l’intérêt supérieur de la fille des demandeurs, je ne suis pas en mesure de conclure qu’un point de vue inapproprié a été adopté. En fait, les arguments des demandeurs constituent un désaccord avec la conclusion de l’agent selon laquelle l’intérêt supérieur de leur fille ne justifiait pas une réponse favorable. En réalité, ils demandent à la Cour de tirer une conclusion différente. Or, ce n’est pas le rôle de la Cour lors d’un contrôle judiciaire, et il n’y a pas lieu d’intervenir : Vavilov, aux para 75, 83, 116, 125; Shreedhar c Canada (Procureur général), 2023 CAF 14 au para 7.

[11] Dans leurs observations orales, les demandeurs ont fait valoir que, lorsqu’il a analysé l’intérêt supérieur des enfants, l’agent aurait dû inclure les intérêts de leur fils, qui était âgé de 19 ans au moment de la troisième demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et de 20 ans au moment de la décision. Ils soutiennent que leur fils aurait dû être considéré comme un enfant dans l’analyse de l’intérêt supérieur, puisqu’il est arrivé au Canada alors qu’il était enfant et qu’il était toujours un enfant au moment des deux demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire antérieures. Je ne suis pas de cet avis. Même si j’acceptais la possibilité d’inclure un non-mineur dans l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants, une possibilité concernant laquelle il existe de la jurisprudence, les demandeurs n’ont pas soulevé cet argument dans leur demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire : voir, par exemple, Chaudhary c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 128 au para 32, et les décisions qui y sont mentionnées; Nahrendorf c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 190 au para 10; Poshteh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 85 aux para 57-60; Shabdeen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 FC 492 au para 17. Leurs observations sur l’intérêt supérieur des enfants ne portaient que sur leur fille mineure. La décision de l’agent ne peut être considérée comme déraisonnable parce qu’elle ne tient pas compte d’arguments qui n’ont pas été soulevés : Vavilov, aux para 127‑128; Campbell-Service c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1050 aux para 22–23; Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 366 aux para 31–33.

[12] Troisièmement, les demandeurs prétendent que l’agent a évalué de manière déraisonnable les conditions défavorables au Portugal ainsi que le risque et les difficultés auxquels ils seraient confrontés s’ils devaient y retourner. Ils mettent l’accent en particulier sur le succès de l’entreprise de menuiserie de M. Madureira, sur l’interruption de cette entreprise s’il devait déménager et sur les difficultés que la famille aurait à trouver du travail au Portugal, en particulier vu leur niveau d’instruction limité.

[13] Cependant, encore une fois, l’agent a tenu compte des observations des demandeurs concernant le risque de chômage au Portugal. Il a comparé les taux de chômage du Canada et du Portugal, tant pour la population générale que pour les jeunes, et a relevé que les taux étaient légèrement plus élevés pour la population générale au Portugal, mais plus faibles pour les jeunes. Compte tenu des antécédents d’emploi des demandeurs au Portugal, l’agent n’était finalement pas convaincu qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve démontrant que la famille serait incapable de trouver du travail au Portugal. Cette conclusion a été suffisamment expliquée et étayée par la preuve.

[14] Les demandeurs font maintenant valoir que l’agent aurait dû tenir compte des différences entre les salaires des menuisiers au Canada et au Portugal, des taux de chômage relatifs des menuisiers en particulier, et de l’interruption qui découlerait du fait que M. Madureira devrait dissoudre son entreprise canadienne et obtenir des accréditations au Portugal. Toutefois, ces observations soulèvent de nouveaux arguments et, dans certains cas, de nouveaux éléments de preuve, qui n’avaient pas été présentés à l’agent.

[15] Le rôle de la Cour lors d’un contrôle judiciaire consiste à évaluer le caractère raisonnable d’une décision administrative en fonction de la preuve et des observations dont disposait le décideur : Vavilov, aux para 125‑128; Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 aux para 14–18. Par conséquent, selon la règle générale, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour ne peut pas examiner de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments dont le décideur administratif ne disposait pas : Access Copyright, aux para 15, 19-20. Dans leur demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, les demandeurs n’ont présenté aucune observation au sujet de l’interruption qui découlerait de la dissolution de l’entreprise de M. Madureira ou de l’obligation de renouveler ses accréditations et aucune observation non plus sur les différences dans les salaires ou les taux d’emploi des menuisiers. Les éléments de preuve concernant les écarts salariaux entre les menuisiers au Canada et au Portugal ont été présentés pour la première fois dans un affidavit de M. Madureira déposé devant la Cour et ils ne sont donc pas admissibles : Access Copyright, au para 19. Quoi qu’il en soit, et comme je le mentionne plus haut, les motifs de l’agent peuvent difficilement être considérés comme déraisonnables parce que l’agent n’a pas tenu compte d’arguments ou d’éléments de preuve qui ne lui ont pas été présentés : Campbell-Service, aux para 22-23; Vavilov, aux para 31-33.

[16] Enfin, les demandeurs font valoir qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de mentionner leurs parents et frères et sœurs au Portugal et la possibilité qu’ils puissent les aider à se réinstaller au Portugal. Ils font remarquer que les membres de leur famille ne vivent pas dans la ville où ils étaient auparavant installés, et soutiennent que l’agent a conjecturé sur la solidité de leur lien avec leur famille élargie après avoir passé plus de sept ans au Canada. Je ne suis pas d’accord. L’agent a simplement mentionné que rien n’indiquait que la famille des demandeurs [traduction] « ne serait pas en mesure de les aider d’une manière ou d’une autre », ce qui était vrai. Quoi qu’il en soit, le fait que les membres de leur famille demeurent dans d’autres villes (dont certaines sont assez proches de l’ancien domicile des demandeurs) ne les empêche pas d’apporter leur aide d’une manière ou d’une autre, et rien n’indique que les demandeurs n’ont plus de contacts avec leurs parents et leurs frères et sœurs au Portugal. Si la relation des demandeurs avec leur famille élargie était telle que celle-ci ne leur viendrait pas en aide, ils auraient pu présenter ces renseignements à l’agent, car il leur incombe d’établir les facteurs d’ordre humanitaire pertinents : voir Evans c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 733 au para 63; Milad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1409 au para 31.

III. Conclusion

[17] Dans sa décision concernant la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs, l’agent a tenu compte des principaux arguments et éléments de preuve présentés, a examiné les facteurs pertinents conformément à l’approche applicable à ce type de demandes et a fourni ses motifs en renvoyant à la preuve d’une manière qui était justifiée, transparente et intelligible. Je ne suis pas convaincu que les demandeurs se sont acquittés de leur obligation de démontrer que la décision était déraisonnable.

[18] La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

[19] Aucune partie n’a proposé de question à certifier. Je conviens que l’affaire ne soulève aucune question satisfaisant aux exigences relatives à la certification.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1197-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1197-21

 

INTITULÉ :

ANTONIO MANUEL QUIEROS MADUREIRA ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 février 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 février 2023

 

COMPARUTIONS :

Manpreet Singh Batra

 

POUR LES DEMANDEURS

Rishma Bhimji

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Globe Immigration

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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