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Date : 20230223


Dossier : T‑622‑22

Référence : 2023 CF 262

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), 23 février 2023

En présence de madame la juge Sadrehashemi

ENTRE

BOBBY PRASAD

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Bobby Nilesh Prasad (M. Prasad), a présenté une demande de prestation canadienne de relance économique (la PCRE). L’Agence du revenu du Canada [l’ARC] a conclu qu’il n’était pas admissible parce qu’il ne satisfaisait pas à la condition de revenu minimal de 5 000 $ pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande. M. Prasad a demandé un deuxième examen. Un gestionnaire de l’ARC responsable de la validation des prestations canadiennes d’urgence (le gestionnaire) a demandé à M. Prasad des documents supplémentaires pour vérifier son revenu. Le gestionnaire n’a pas donné de date limite à M. Prasad pour fournir ces documents. Au cours des semaines suivantes, M. Prasad a laissé plusieurs messages vocaux au gestionnaire pour lui expliquer qu’il était en voie d’obtenir les documents. Environ trois semaines après que le gestionnaire a demandé les documents supplémentaires à M. Prasad, sa demande a été refusée au motif qu’il ne satisfaisait pas à la condition d’admissibilité relative au revenu minimal. Le jour même où il a reçu la lettre de refus de sa demande, M. Prasad avait déposé les documents demandés auprès de l’ARC.

[2] La question déterminante dans le présent contrôle judiciaire est celle de savoir si l’ARC a manqué à l’équité procédurale en ne donnant pas à M. Prasad une véritable occasion de répondre à ses préoccupations. Je suis d’accord avec M. Prasad pour dire que sa demande a été traitée de façon injuste. M. Prasad a tenté de répondre aux préoccupations de l’ARC, ne s’est vu imposer aucune date limite pour déposer les documents et, même s’il a tenté de façon proactive d’informer l’ARC des progrès qu’il a réalisés pour satisfaire à ses exigences, sa demande a été refusée sans autre avis concernant les documents demandés. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre décideur afin qu’une nouvelle décision soit rendue.

II. Analyse

[3] La PCRE offrait une aide financière directe aux personnes admissibles résidant au Canada et touchées par la pandémie de la COVID‑19 pendant toute période de deux semaines entre le 27 septembre 2020 et le 23 octobre 2021. Les résidents devaient satisfaire aux conditions d’admissibilité pour chacune des périodes de deux semaines. La condition d’admissibilité en cause dans le présent contrôle judiciaire est celle de l’admissibilité des revenus. Les alinéas 3(1)d) à f) de la Loi sur les prestations canadiennes de la relance économique, LC 2020, c 12, art 2 [la Loi sur la PCRE] exigent qu’un demandeur démontre qu’il a eu obtenu des revenus s’élevant à au moins 5 000 $ pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande.

[4] M. Prasad a affirmé qu’il travaillait pour Islam Trucking Ltd. de janvier à mars 2020 et qu’il avait gagné 13 000 $ pendant cette période. M. Prasad a présenté une demande de PCRE après avoir perdu son emploi en raison de la pandémie de COVID‑19. M. Prasad a fourni un feuillet T4A de 2020 sur lequel sont inscrits des honoraires et autres sommes pour services rendus de 13 000 $ et le numéro de compte du payeur caviardé. Lorsque M. Prasad a appelé l’ARC pour faire le suivi de sa demande de PCRE, un agent de l’ARC l’a informé que des documents supplémentaires étaient nécessaires pour vérifier son revenu et lui a demandé de présenter des relevés bancaires. M. Prasad a informé l’ARC qu’il ne pouvait pas fournir de relevés bancaires indiquant son revenu parce qu’il encaissait ses chèques dans un Money Mart. L’ARC a demandé à M. Prasad de soumettre un formulaire de relevé d’emploi s’il était un employé ou des factures et des documents de paiement de services s’il était travailleur autonome.

[5] Dans une lettre datée du 12 juillet 2021, l’ARC a informé M. Prasad qu’il n’était pas admissible à la PCRE parce qu’il ne satisfaisait pas à la condition d’admissibilité des revenus.

[6] M. Prasad a demandé un deuxième examen de sa demande de PCRE en août 2021. Le 9 août 2021, il a soumis une lettre indiquant qu’il avait produit sa déclaration de revenus de 2020 une semaine auparavant, accompagnée d’une copie de son feuillet T4A de 2020 et d’une lettre de son employeur confirmant son emploi. La lettre d’emploi indique que M. Prasad était sous‑traitant d’Islam Trucking Ltd. à titre de spécialiste de la maintenance du 1er janvier 2021 au 10 mars 2021. Après avoir demandé un deuxième examen en août 2021, M. Prasad a appelé l’ARC à plusieurs reprises pour demander où en était ce deuxième examen. L’ARC a dit à M. Prasad que sa demande était dans la file d’attente et qu’elle serait traitée selon le principe du premier arrivé, premier servi.

[7] Le 27 janvier 2022, le gestionnaire a appelé M. Prasad pour discuter du deuxième examen. Le gestionnaire a informé M. Prasad que sa lettre d’emploi indiquait des dates d’emploi erronées, c’est-à-dire janvier à mars 2021 plutôt que 2020. Il lui a également mentionné que le numéro de compte du payeur sur son feuillet T4A était caviardé et que son feuillet T4A de 2020 n’avait pas été produit avec sa déclaration de revenus de 2020. M. Prasad a déclaré qu’il ne savait pas pourquoi son comptable n’avait pas produit le feuillet T4A de 2020 avec sa déclaration de revenus de 2020. Le gestionnaire a demandé à M. Prasad de présenter une lettre d’emploi corrigée accompagnée d’une explication de l’erreur et d’un feuillet T4A de 2020 non caviardé. M. Prasad affirme que le gestionnaire ne lui a pas donné de date limite pour présenter les documents demandés, ce que le défendeur ne conteste pas.

[8] M. Prasad soutient qu’il a communiqué avec son ancien employeur et son comptable pour obtenir les documents demandés par le gestionnaire, mais qu’il a constaté des retards dans le processus. M. Prasad ajoute qu’il a appelé l’ARC et laissé des messages vocaux pour faire le point sur ses progrès concernant l’obtention des documents, mais qu’il n’a eu aucun retour de l’ARC.

[9] Environ trois semaines plus tard, avant de recevoir les documents demandés, le gestionnaire a refusé la demande de PCRE de M. Prasad, concluant qu’il ne satisfaisait pas à la condition d’admissibilité des revenus. Le deuxième rapport d’examen du gestionnaire est daté du 17 février 2022. Le gestionnaire a informé M. Prasad du refus dans une lettre datée du 22 février 2022. Le même jour, M. Prasad a téléversé dans son compte MonARC une lettre d’emploi corrigée indiquant ses dates d’emploi de janvier à mars 2020, une lettre expliquant l’erreur dans la première lettre d’emploi, son sommaire de déclaration de revenus de 2020 et un feuillet T4A de 2020 non caviardé. La lettre d’emploi, le feuillet T4A de 2020 et le sommaire de la déclaration de revenus de 2020 indiquent que M. Prasad a gagné 13 000 $ en 2020.

[10] Le gestionnaire a demandé un certain nombre de documents à M. Prasad. Selon l’article 6 de la Loi sur la PCRE, le demandeur doit fournir au ministre tous les renseignements qu’il peut exiger relativement à la demande de PCRE. Le problème en l’espèce ne concerne pas la demande du gestionnaire. C’est plutôt que le gestionnaire n’a pas donné à M. Prasad une occasion suffisante de répondre à la demande de documents supplémentaires. Le ministre n’a donné à M. Prasad aucun délai pour fournir les documents. Et les appels de mise à jour faits par M. Prasad sur l’obtention des documents sont demeurés sans réponse. Dans ces circonstances, il était injuste de rejeter la demande de M. Prasad sans lui donner une véritable occasion de fournir les autres documents demandés.

[11] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucuns dépens ne sont adjugés.

[12] Enfin, à la demande du procureur général, et conformément à l’article 303 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, le titre de l’instance doit être modifié pour désigner le procureur général du Canada comme défendeur dans la présente demande.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑622‑22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. L’intitulé de la cause est modifié immédiatement afin de désigner le procureur général du Canada à titre de défendeur.

  2. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Lobat Sadrehashemi »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑622‑22

 

INTITULÉ :

BOBBY PRASAD c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 7 septembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA Juge SADREHASHEMI

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 février 2023

 

COMPARUTIONS :

Bobby Nilesh Prasad

Pour le demandeur

POUR SON PROPRE COMPTE

Lalli Deol

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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