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Date : 20230228


Dossier : IMM-7463-21

Référence : 2023 CF 282

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 février 2023

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

Jose Henry MONGE CONTRERAS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La présente ordonnance porte sur la demande d’adjudication de dépens du demandeur ainsi que sur sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (tel qu’il est mentionné ci-après).

[2] Pour les motifs qui suivent, j’accorderai au demandeur la somme globale de 2 000 $ au titre des dépens; cette somme comprend les frais juridiques et les débours. Par ailleurs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée en raison de son caractère théorique.

II. Contexte

[3] La présente affaire concerne la demande de contrôle judiciaire que le demandeur a déposée en vue d’obtenir une ordonnance de mandamus enjoignant au défendeur de traiter, dans les 30 jours suivant la décision de la Cour, la demande de dispense ministérielle qu’il avait présentée au titre du paragraphe 42.1(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] afin qu’il puisse être exempté de l’application des dispositions de la LIPR emportant interdiction de territoire [la demande de dispense ministérielle].

[4] Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur réclame une somme de 4 000 $ au titre des dépens et demande que cette question soit traitée par écrit.

[5] Le demandeur a déposé sa demande de dispense ministérielle en 2013 et a demandé à en connaître l’état à de nombreuses reprises dans les années qui ont suivi. Déjà en 2017, il avait manifesté à l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] son intention de présenter une demande de mandamus.

[6] Le 25 mai 2022, après que le demandeur eut déposé sa demande de contrôle judiciaire et que le défendeur eut informé la Cour qu’il ne s’opposerait pas à cette demande, le demandeur a reçu la version préliminaire des recommandations de l’ASFC au ministre. Le demandeur a alors disposé de 60 jours pour faire part de ses commentaires sur les recommandations avant que celles-ci ne soient envoyées au ministre. Le demandeur a répondu à l’ASFC le 11 juillet 2022.

[7] Le 9 décembre 2022, soit à peine quelques jours avant l’audience devant la Cour prévue le 13 décembre 2022, le défendeur a informé la Cour que le ministre avait rendu une décision favorable sur la demande de dispense du demandeur et a fait valoir que la demande de mandamus du demandeur était devenue théorique. Le défendeur a ensuite signifié et déposé ses observations sur la question des dépens, et le demandeur a ensuite signifié et déposé ses observations en réponse.

[8] La Cour a aussi ordonné aux parties de se consulter, puis de lui faire savoir si, dans les circonstances, elles étaient parvenues à s’entendre sur l’issue de la demande de contrôle judiciaire.

III. Analyse

[9] À titre préliminaire, le défendeur indique, dans ses observations sur les dépens, que la déclaration relative à la dispense ministérielle visée à l’article 42.1 de la LIPR relève de la responsabilité du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Au vu de l’alinéa 4(2)d) de la LIPR, je suis d’accord. Le demandeur a également fait part de son accord dans ses observations sur les dépens en réponse. J’ordonnerai donc que l’intitulé soit modifié dès maintenant de manière que le défendeur soit désigné comme étant le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et non le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

[10] En règle générale, la demande de contrôle judiciaire dans le contexte de l’immigration ne donne pas lieu à des dépens, à moins que la Cour ne l’ordonne pour des « raisons spéciales » : Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, art 22.

[11] Les raisons spéciales seront acceptées ou non en fonction des circonstances. S’agissant d’un mandamus, il se peut que des raisons spéciales justifient l’ordonnance d’adjudication des dépens si l’agent d’immigration rend sa décision après un délai déraisonnable et injustifié : Ndungu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 208 [Ndungu], au para 7(6)iv).

[12] Les deux parties s’appuient sur la jurisprudence pour faire valoir leurs thèses respectives. Par exemple, le demandeur se fonde notamment sur la décision M. Untel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 535, dans laquelle la demande de dispense ministérielle avait été à l’étude pendant 8 ans (au para 5), et où la Cour avait pris en considération ce facteur lorsqu’elle avait accordé les dépens compte tenu du défaut du défendeur de rendre une décision sur la demande de résidence permanente déposée presque 20 ans auparavant.

[13] De son côté, le défendeur invoque entre autres la décision Kanthasamyiyar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1248, dans laquelle la juge en chef adjointe Gagné avait conclu qu’il n’y avait eu aucune preuve que les défendeurs s’étaient conduits de manière inéquitable ou qu’ils avaient agi de mauvaise foi (au para 61). Elle a donc refusé d’adjuger des dépens même si elle avait accueilli la demande de contrôle judiciaire qui enjoignait au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de rendre une décision sur la demande de résidence permanente du demandeur, laquelle était en attente de traitement depuis environ 9 ans.

[14] À mon avis, aucune de ces décisions n’est très utile aux parties en l’espèce, car, en fin de compte, le demandeur fonde sa demande de dépens sur le défaut du ministre de se conformer aux délais qu’il avait lui-même proposés, au préjudice du demandeur.

[15] Dans ses observations initiales relatives aux dépens contenues dans son mémoire supplémentaire, le demandeur mentionne deux motifs à l’appui de sa demande de dépens. Premièrement, le délai de traitement global de la demande de dispense ministérielle et, deuxièmement, le défaut du défendeur de se conformer aux délais proposés. Le défendeur reconnaît, dans ses observations relatives aux dépens, que l’ASFC n’a pas respecté les délais proposés entre janvier et octobre 2021 pour la communication de la version préliminaire des recommandations concernant la demande de dispense ministérielle.

[16] Le défendeur soutient également qu’il ne s’est pas opposé à la demande d’autorisation et qu’il n’a pas présenté de preuve ni déposé d’observations écrites. Selon moi, ce sont là, au plus, des facteurs neutres (Ndungu, précité, au para 7(6)v)).

[17] De plus, le défendeur affirme que, même si le demandeur avait été confronté à l’incertitude au sujet de son statut au Canada alors qu’il se trouvait dans l’attente d’une décision sur sa demande de dispense ministérielle, la preuve qu’il avait produite indiquait qu’il était en mesure de travailler et de subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa famille durant la période visée. Cependant, cet argument ne me convainc pas, parce qu’il ne tient pas compte de la deuxième raison pour laquelle M. Monge Contreras a présenté une demande de contrôle judiciaire, c’est-à-dire, le défaut du défendeur de se conformer aux délais qu’il avait lui-même proposés.

[18] Le demandeur ne met pas en cause la conduite du ministère de la Justice en tant que telle. Il précise, dans ses observations en réponse, que ce qui sous-tend sa demande de dépens est plutôt le défaut du défendeur respecter les délais convenus, car ce défaut l’a amené à solliciter une ordonnance de mandamus auprès de la Cour. Il a ainsi engagé des coûts supplémentaires afin de pouvoir mettre en état sa demande de contrôle judiciaire et prendre d’autres mesures en prévision de l’audience.

[19] Je constate qu’entre le 10 mars 2022, date à laquelle le défendeur a informé la Cour qu’il ne s’opposerait pas à la demande d’autorisation, et le 9 décembre 2022, date où ce dernier a avisé la Cour que le ministre avait rendu une décision favorable sur la demande de dispense, le demandeur a pris des mesures pour faire progresser sa demande de contrôle judiciaire en vue de l’audience fixée au 13 décembre 2022, ce qui inclut la signification et le dépôt de son mémoire supplémentaire. Bien que l’ASFC lui ait fourni la version préliminaire de ses recommandations au ministre, et que le demandeur ait répondu pendant la période en question, le défendeur n’a pas donné d’explication ou de justification pour le retard subi à partir de la date où l’autorisation a été accordée, le 15 septembre 2022, jusqu’à moins d’une semaine avant la date d’audience fixée pour l’audition de la présente affaire.

[20] Dans les circonstances de l’espèce, je conclus que les retards répétés et cumulatifs subis constituent des raisons spéciales donnant lieu à l’adjudication des dépens.

[21] En ce qui concerne la demande de contrôle judiciaire, conformément aux directives de la Cour, les parties se sont consultées et ont convenu que la demande devait être rejetée. Je suis d’accord, puisque la décision favorable du ministre rend la demande théorique, à l’exception de la question des dépens.

IV. Conclusion

[22] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée en raison de son caractère théorique.

[23] Quant à la demande de dépens de M. Monge Contreras, je conclus que la somme globale de 2 000 $ est un montant raisonnable à adjuger dans la présente affaire. Ce montant, qui comprend les frais juridiques et les débours, sera versé au demandeur par le défendeur.


ORDONNANCE dans le dossier IMM-7463-21

LA COUR ORDONNE :

  1. L’intitulé est modifié dès maintenant de manière à désigner le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile comme défendeur au lieu du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

  2. La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée compte tenu de son caractère théorique.

  3. Le défendeur doit verser au demandeur la somme globale de 2 000 $ au titre des dépens, ce qui comprend les frais juridiques et les débours.

« Janet M. Fuhrer »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7463-21

 

INTITULÉ :

JOSE HENRY MONGE CONTRERAS c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

Ordonnance et motifs :

la juge FUHRER

 

DATE :

LE 28 FÉVRIER 2023

 

COMPARUTIONS :

Asiya Hirji

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sharon Stewart Guthrie

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Asiya Hirji

Downtown Legal Services

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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