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Date : 20230217


Dossiers : T‐1831‐22

T‐1842‐22

Référence : 2023 CF 241

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 février 2023

En présence de monsieur le juge Fothergill

Dossier : T‐1831‐22

ENTRE :

BOEHRINGER INGELHEIM (CANADA) LTÉE ET BOEHRINGER INGELHEIM INTERNATIONAL GMBH

demanderesses

et

SANDOZ CANADA INC.

défenderesse

Dossier : T‐1842‐22

ET ENTRE :

BOEHRINGER INGELHEIM (CANADA) LTÉE ET BOEHRINGER INGELHEIM INTERNATIONAL GMBH

demanderesses

et

SUN PHARMA CANADA INC.

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Boehringer Ingelheim (Canada) ltée et Boehringer Ingelheim International GmbH [collectivement, Boehringer] sont les demanderesses dans deux actions en contrefaçon de brevets intentées contre les défenderesses, Sandoz Canada Inc. [Sandoz] et Sun Pharma Canada Inc. [Sun]. Les deux actions ont été intentées en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‐133 [le Règlement sur les MB(AC)].

[2] Boehringer allègue que la version générique de son médicament JARDIANCE® que commercialiseraient les défenderesses contreferait 102 des 121 revendications contenues dans six brevets connexes inscrits au registre des brevets. Les défenderesses ont présenté une demande reconventionnelle dans laquelle ils allèguent qu’aucune revendication des six brevets, invoquée ou non dans le cadre des actions intentées en vertu du paragraphe 6(1), n’est valide ou contrefaite.

[3] Dans la présente requête, Boehringer sollicite un jugement sommaire rejetant les demandes reconventionnelles des défenderesses en ce qui a trait aux revendications de brevet non invoquées, et limitant la portée de leurs demandes reconventionnelles aux revendications invoquées. Elle soutient qu’un défendeur doit obtenir l’autorisation de la Cour pour présenter une demande reconventionnelle visant une revendication qui n’a pas été invoquée dans le cadre d’une action intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC) (en citant l’alinéa 6(3)a) de ce règlement).

[4] Pour les motifs qui suivent, le point de droit soulevé par les demanderesses peut être tranché par la Cour dans le cadre d’une requête en jugement sommaire suivant l’alinéa 215(2)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106 [les Règles], et il doit être tranché en faveur des défenderesses. Sandoz et Sun peuvent, de plein droit, présenter des demandes reconventionnelles visant les revendications de brevet qui n’ont pas été invoquées dans le cadre des actions intentées en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC).

[5] Toutefois, il ne s’ensuit pas que l’instruction des demandes reconventionnelles visant les revendications non invoquées sera nécessairement autorisée. Boehringer demeure libre de présenter une requête au titre du paragraphe 221(1) des Règles en vue de faire radier les demandes reconventionnelles visant les revendications de brevet non invoquées. Le cas échéant, elle pourra invoquer l’un ou l’autre des motifs prévus, y compris le fait que les demandes reconventionnelles risquent de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder, ou qu’elles constituent autrement un abus de procédure. Une telle requête serait tranchée après examen de tous les facteurs pertinents qui prévaudraient au moment où elle serait présentée.

II. Le Règlement sur les MB(AC)

[6] Le Règlement sur les MB(AC) cherche à équilibrer, d’une part, les droits en matière d’application des brevets des fabricants de médicaments innovants et, d’autre part, l’entrée sur le marché en temps opportun des médicaments génériques moins coûteux « en permettant l’introduction de procédures judiciaires sommaires pour régler certaines questions concernant les brevets sans retarder indûment l’accès aux médicaments génériques » (Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, (2017) Gazette du Canada, partie I, vol 151, no 28 [le REIR] à la p 3317).

[7] Avant de commercialiser un médicament au Canada, les fabricants doivent obtenir un avis de conformité [l’AC] auprès de Santé Canada. Une « première personne » qui obtient un AC à l’égard d’un médicament innovant peut inscrire tout brevet lié à celui‐ci au registre des brevets. Si, par la suite, une « seconde personne » demande un avis de conformité à l’égard d’un médicament concurrent qui renvoie à un médicament dont les brevets sont inscrits au registre des brevets, cette seconde personne doit signifier à la première personne un avis d’allégation [l’AA] contenant toute allégation d’invalidité concernant les brevets inscrits.

[8] Aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC), la première personne dispose alors de 45 jours pour intenter une action en vue d’obtenir une déclaration portant que la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente d’une drogue contreferait les revendications contenues dans les brevets inscrits. Lorsqu’une action est intentée en vertu du paragraphe 6(1), le ministre de la Santé ne peut délivrer un AC à la seconde personne que si l’action est rejetée ou si 24 mois se sont écoulés depuis que l’action a été intentée (art 7(1)d) du Règlement sur les MB(AC)).

[9] L’alinéa 6(3)a) du Règlement sur les MB(AC) permet à la seconde personne de présenter une demande reconventionnelle afin d’obtenir une déclaration d’invalidité ou d’absence de contrefaçon à l’égard de toute revendication de brevet invoquée dans le cadre d’une action intentée en vertu du paragraphe 6(1) :

6(3) La seconde personne peut faire une demande reconventionnelle afin d’obtenir une déclaration :

a) soit au titre des paragraphes 60(1) ou (2) de la Loi sur les brevets à l’égard de toute revendication se rapportant à un brevet faite dans le cadre de l’action intentée en vertu du paragraphe (1); [...]

6(3) The second person may bring a counterclaim for a declaration

(a) under subsection 60(1) or (2) of the Patent Act in respect of any patent claim asserted in the action brought under subsection (1); [...]

[10] Les paragraphes 60(1) et (2) de la Loi sur les brevets, LRC (1985), c P‐4, prévoient ce qui suit :

Invalidation de brevets ou de revendications

60 (1) Un brevet ou une revendication se rapportant à un brevet peut être déclaré invalide ou nul par la Cour fédérale, à la diligence du procureur général du Canada ou à la diligence d’un intéressé.

Déclaration relative à la violation

(2) Si une personne a un motif raisonnable de croire qu’un procédé employé ou dont l’emploi est projeté, ou qu’un article fabriqué, employé ou vendu ou dont sont projetés la fabrication, l’emploi ou la vente par elle, pourrait, d’après l’allégation d’un breveté, constituer une violation d’un droit de propriété ou privilège exclusif accordé de ce chef, elle peut intenter une action devant la Cour fédérale contre le breveté afin d’obtenir une déclaration que ce procédé ou cet article ne constitue pas ou ne constituerait pas une violation de ce droit de propriété ou de ce privilège exclusif.

Impeachment of patents or claims

60(1) A patent or any claim in a patent may be declared invalid or void by the Federal Court at the instance of the Attorney General of Canada or at the instance of any interested person.

Declaration as to infringement

(2) Where any person has reasonable cause to believe that any process used or proposed to be used or any article made, used or sold or proposed to be made, used or sold by him might be alleged by any patentee to constitute an infringement of an exclusive property or privilege granted thereby, he may bring an action in the Federal Court against the patentee for a declaration that the process or article does not or would not constitute an infringement of the exclusive property or privilege.

III. Le contexte factuel

[11] Boehringer commercialise et distribue le médicament JARDIANCE®, qui est utilisé pour traiter le diabète sucré de type 2. Son ingrédient médicinal est l’empagliflozine. Le 23 juillet 2015, le ministre de la Santé a délivré un AC à l’égard des comprimés de JARDIANCE® contenant 10 mg et 25 mg d’empagliflozine (identifications numériques de drogue 02443937 et 02443945 respectivement).

[12] Sous le régime du Règlement sur les aliments et drogues, CRC, c 870, JARDIANCE® est une « drogue innovante » désignée inscrite au registre des drogues innovantes, et les données sur celle‐ci sont protégées jusqu’au 23 juillet 2023.

[13] Six brevets liés à JARDIANCE® sont actuellement inscrits au registre des brevets : les brevets canadiens nos 2557801 [le brevet 801], 2606650 [le brevet 650], 2696558 [le brevet 558], 2751833 [le brevet 833], 2752435 [le brevet 435] et 2813661 [le brevet 661].

[14] Le 22 juillet 2022, Sandoz et Sun ont toutes deux envoyé un AA à Boehringer pour l’informer qu’elles avaient soumis au ministre de la Santé une présentation abrégée de drogue nouvelle afin d’obtenir un AC pour fabriquer et commercialiser une version générique des comprimés d’empagliflozine vendus sous le nom de JARDIANCE®.

[15] Le 8 septembre 2022, Boehringer a intenté les actions sous‐jacentes contre les défenderesses en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC). Dans chaque déclaration, il est allégué que les produits génériques contenant de l’empagliflozine visés dans la présentation des défenderesses contreferaient des revendications précises de chacun des six brevets inscrits pour JARDIANCE®, notamment :

  • le brevet 801 : les revendications 1 à 15 (toutes invoquées);

  • le brevet 650 : les revendications 1 à 6 (toutes invoquées);

  • le brevet 558 : les revendications 1 à 4, 7 à 9, 11, 14, 16 à 24, 26 à 30, 32, 33, 35, 38 et 40 à 44 (12 revendications non invoquées sur 44);

  • le brevet 833 : les revendications 1 à 4, 6 à 12 et 14 (deux revendications non invoquées sur 14);

  • le brevet 435 : les revendications 1 à 28 (toutes invoquées);

  • le brevet 661 : les revendications 5 à 10 et 12 à 14 (cinq revendications non invoquées sur 14).

[16] Sur les 121 revendications contenues dans les six brevets, Boehringer affirme que 102 sont contrefaites [les revendications invoquées], et que 19 ne le sont pas [les revendications non invoquées]. Seuls les brevets 558, 833 et 661 comportent des revendications non invoquées.

[17] Le 19 octobre 2022, les défenderesses ont déposé leurs défenses et leurs demandes reconventionnelles. Dans leurs demandes reconventionnelles, elles ont sollicité des déclarations portant qu’aucune des revendications des six brevets de Boehringer n’est valide ou contrefaite. Fait important pour les besoins de la présente requête, les défenderesses soutiennent qu’aucune revendication non invoquée des six brevets n’est valide ou contrefaite.

[18] Le 7 novembre 2022, Boehringer a demandé aux défenderesses de limiter leurs demandes reconventionnelles aux revendications invoquées, de solliciter auprès de la Cour l’autorisation de présenter leurs demandes reconventionnelles visant les revendications non invoquées, ou de confirmer qu’elles adoptaient la position selon laquelle elles peuvent [TRADUCTION]°« de plein droit faire une demande reconventionnelle d’une portée supérieure à celle de l’action intentée en vertu du paragraphe 6(1) ».

[19] Le 14 novembre 2022, les défenderesses ont informé Boehringer qu’elles n’avaient pas l’intention de modifier leurs demandes reconventionnelles ni de solliciter auprès de la Cour l’autorisation de présenter des demandes reconventionnelles qui ne sont pas limitées aux revendications invoquées.

[20] Le 18 novembre 2022, au cours d’une conférence de gestion de l’instance, les défenderesses ont confirmé qu’elles ne s’opposeraient pas à ce que Boehringer présente une requête en jugement sommaire une fois les dates d’instruction fixées. Le 12 décembre 2022, il a été décidé que l’instruction des deux actions débuterait le 27 mai 2024.

[21] La requête en jugement sommaire de Boehringer visant le rejet partiel des demandes reconventionnelles des défenderesses a été déposée le 16 décembre 2022 et entendue à Ottawa le 1er février 2023.

IV. Les questions en litige

[22] La présente requête en jugement sommaire soulève les questions suivantes :

  1. Est‐ce qu’une requête en jugement sommaire est appropriée?

  2. Y a‐t‐il lieu de rendre un jugement sommaire en faveur de Boehringer?

  3. Y a‐t‐il lieu de rendre un jugement sommaire en faveur de Sandoz et de Sun?

V. Analyse

A. Est‐ce qu’une requête en jugement sommaire est appropriée?

[23] L’article 213 des Règles autorise une partie à présenter une requête en jugement sommaire à l’égard de l’ensemble ou d’une partie des questions que soulèvent les actes de procédure.

[24] Un jugement sommaire peut être rendu s’il offre un processus qui permet au juge de tirer les conclusions de fait nécessaires et d’appliquer les règles de droit à ces faits, et s’il constitue, par rapport au procès, un moyen proportionné, plus expéditif et moins onéreux d’arriver à un résultat juste. Les règles régissant les jugements sommaires doivent recevoir une interprétation large et propice à la proportionnalité et à l’accès équitable à un règlement abordable, expéditif et juste des demandes (Hryniak c Mauldin, 2014 CSC 7 [Hryniak] aux para 4‐5).

[25] L’article 215 des Règles prévoit que la Cour peut rendre un jugement sommaire si elle est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense. Subsidiairement, si la seule véritable question litigieuse est un point de droit, l’alinéa 215(2)b) des Règles prévoit que la Cour peut statuer sur celui‐ci et rendre un jugement sommaire.

[26] La question qui se pose lors de l’examen d’une requête en jugement sommaire est celle de savoir si la demande a tellement peu de chances d’être accueillie qu’elle ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès, et non pas celle de savoir si une partie n’a aucune chance d’obtenir gain de cause au procès (Milano Pizza Ltd c 6034799 Canada Inc, 2018 CF 1112 au para 33). Il ressort de ce qui précède qu’« il incombe au requérant un lourd fardeau » (CanMar Foods Ltd c TA Foods Ltd, 2021 CAF 7 [CanMar] au para 24).

[27] Néanmoins, les deux parties doivent présenter leurs « meilleurs arguments » (CanMar, au para 27) :

Le fardeau ultime d’établir l’absence de véritable question litigieuse incombe manifestement à la partie qui présente la requête. Cela dit, lorsque la partie requérante s’en est acquittée, il incombe ensuite à la partie intimée de présenter des faits précis démontrant qu’il existe une véritable question litigieuse, et ce outre ses actes de procédure (Cabral c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CAF 4, par. 23). Comme l’affirme la Cour fédérale dans l’arrêt Watson c. Canada (Affaires indiennes et du Nord), 2017 CF 321, par. 22, « [l]e fardeau incombe à la partie requérante, mais les deux parties doivent présenter leurs meilleurs arguments ». (Voir aussi Lameman, par. 11; Feoso Oil, par. 13 à 14; Garford Pty, par. 6).

[28] Dans la présente requête, Boehringer affirme que la seule question en litige est celle de savoir si le Règlement sur les MB(AC) permet aux défenderesses de présenter de plein droit des demandes reconventionnelles visant les revendications non invoquées. Il s’agit pour elle d’une [TRADUCTION]°« question d’interprétation des lois » et d’une « question de droit » sans « litige factuel important ». Elle soutient donc qu’il est approprié de rendre un jugement sommaire, car il s’agit non pas d’une véritable question litigieuse, mais d’un pur point de droit.

[29] Boehringer avance l’argument juridique selon lequel, sans l’autorisation de la Cour, les défenderesses ne peuvent présenter des demandes reconventionnelles visant les revendications non invoquées. Dans Janssen Inc c Apotex Inc, 2022 CAF 184 [Janssen], la Cour d’appel fédérale (sous la plume du juge Locke) a conclu que le Règlement sur les MB(AC) n’interdit pas les demandes reconventionnelles visant les revendications qui n’ont pas été invoquées dans le cadre des actions intentées en vertu du paragraphe 6(1), pourvu que le défendeur ait obtenu l’autorisation de la Cour. La Cour d’appel fédérale a explicitement laissé en suspens la question de savoir si un défendeur peut [TRADUCTION]°« de plein droit » contester des revendications non invoquées (au para 46) :

[traduction]

Pour traiter de la position des appelantes, il est nécessaire d’examiner si le Règlement [sur les MB(AC)] permet, dans le contexte d’une action intentée en vertu du paragraphe 6(1) de ce même règlement, de présenter une demande reconventionnelle visant des revendications qui n’ont pas été invoquées dans le cadre de l’action, soit de plein droit soit avec l’autorisation de la Cour. Je répondrai à la question de savoir s’il est permis de présenter une telle demande reconventionnelle avec l’autorisation de la Cour. À l’instar de la Cour fédérale, je m’abstiendrai pour l’instant de répondre à la question de savoir si le défendeur dans une action intentée en vertu du paragraphe 6(1) peut présenter une telle demande reconventionnelle de plein droit.

[Souligné dans l’original.]

[30] Nul ne conteste que les défenderesses n’ont pas sollicité ou obtenu l’autorisation de la Cour pour présenter une demande reconventionnelle visant les revendications non invoquées. Il s’agit donc d’un pur point de droit sur lequel, en vertu de l’alinéa 215(2)b) des Règles, la Cour peut statuer dans le cadre d’une requête en jugement sommaire.

[31] Cependant, je ne suis pas convaincu qu’il soit possible d’accorder la mesure de réparation précise que sollicite Boehringer dans le cadre d’une requête en jugement sommaire. Boehringer sollicite un jugement sommaire portant :

[traduction]

  • a)en ce qui a trait aux paragraphes 224 à 229 de la réponse et défense reconventionnelle des défenderesses dans chaque instance, que sont rejetées les demandes reconventionnelles des défenderesses visant toute revendication de brevet que les demanderesses n’ont pas invoquée dans le cadre de l’action connexe intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité);

  • b)que la portée permise de la demande reconventionnelle de chaque défenderesse est limitée aux revendications invoquées par les demanderesses, de sorte que si, ultérieurement, la liste des revendications était réduite, la portée des demandes reconventionnelles de chaque défenderesse serait automatiquement réduite d’autant; [...]

[32] Même si je devais conclure qu’une demande reconventionnelle visant une revendication non invoquée ne peut être présentée qu’avec l’autorisation de la Cour, les paragraphes des demandes reconventionnelles dans lesquels les défenderesses ont contesté les revendications non invoquées ne seraient pas nécessairement rejetés. Tout au plus, les paragraphes en question pourraient être radiés. Toutefois, il resterait loisible aux défenderesses de solliciter auprès de la Cour l’autorisation de présenter les demandes reconventionnelles visant les revendications non invoquées de la façon approuvée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Janssen.

[33] De même, si la présentation d’une demande reconventionnelle contestant des revendications qui n’ont pas été invoquées dans le cadre d’une action intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC) est permise avec l’autorisation de la Cour, il ne s’ensuivra pas nécessairement, dans l’éventualité où Boehringer réduirait la liste de ses revendications invoquées, que [TRADUCTION]°« la portée des demandes reconventionnelles des défenderesses sera automatiquement réduite d’autant ». Les défenderesses demeureront libres de demander à la Cour l’autorisation de présenter des demandes reconventionnelles identiques aux précédentes.

[34] Le dossier dont dispose actuellement la Cour ne permet pas de trancher une demande reconventionnelle contestant une revendication qui, pour l’instant, est invoquée, mais qui pourrait éventuellement ne plus l’être. Il s’agit d’une décision discrétionnaire que rendra le juge de première instance ou le juge responsable de la gestion de l’instance après examen de tous les facteurs pertinents qui prévaudront lorsque la question sera soulevée, le cas échéant.

[35] Pourvu que la requête en jugement sommaire de Boehringer se limite au point de droit que la Cour d’appel fédérale a laissé en suspens dans l’arrêt Janssen, la Cour peut statuer sur celui‐ci en vertu de l’alinéa 215(2)b) des Règles. Les parties conviennent que ce point devrait être tranché d’une façon ou d’une autre avant l’instruction.

B. La Cour devrait‐elle rendre un jugement sommaire en faveur de Boehringer?

[36] Dans l’arrêt Janssen, la Cour d’appel fédérale a laissé en suspens la question de savoir si le défendeur dans une action intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC) peut présenter de plein droit une demande reconventionnelle visant une revendication de brevet non invoquée. L’analyse du juge George Locke dans cet arrêt offre néanmoins des indications considérables pour répondre à cette question.

[37] Dans l’affaire Janssen, la Cour d’appel fédérale était saisie de la question de savoir si le Règlement sur les MB(AC) limite la compétence de la Cour en interdisant soit (i) aux parties d’accepter de traiter de la validité de revendications qui n’ont pas été invoquées dans le cadre des actions intentées en vertu du paragraphe 6(1), soit (ii) à la Cour de rendre une ordonnance en ce sens (au para 47). L’analyse du juge Locke débute par les observations suivantes (au para 48) :

[traduction]

Examinons d’abord le libellé de l’alinéa 6(3)a) (reproduit au paragraphe 40 plus haut). Il est en effet permissif. Il prévoit qu’une demande reconventionnelle peut viser des revendications invoquées, mais il n’interdit rien expressément. Les appelantes soutiennent que l’interdiction est implicite dans la mention d’une revendication faite dans le cadre de l’action intentée, ainsi que dans le silence correspondant quant à une revendication qui n’a pas été faite. Il s’agit d’un argument raisonnable. Cependant, à mon avis, l’interprétation selon laquelle une telle restriction est implicite devrait être appuyée par le contexte ou l’objet du Règlement [sur les MB(AC)], voire les deux.

[38] Le juge Locke a reconnu que d’autres dispositions du Règlement sur les MB(AC) fournissent des arguments tant en soutien qu’en opposition à une telle restriction (Janssen, au para 49). Il a ensuite fait observer qu’il ne serait pas nécessairement plus expéditif de limiter la portée des demandes reconventionnelles présentées en vertu du paragraphe 6(3) aux revendications invoquées. L’objectif de prévenir les doubles procédures judiciaires et les décisions potentiellement incohérentes est également compatible avec l’inclusion des revendications invoquées et non invoquées, et l’objectif du Règlement sur les MB(AC) est sans doute [TRADUCTION]°« l’efficacité globale » plutôt qu’une résolution expéditive de chaque instance (Janssen, au para 50).

[39] Le juge Locke a constaté que le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation [le REIR] qui accompagne le Règlement sur les MB(AC) appuie également cette conclusion (Janssen, aux para 51‐53) :

[traduction]

[...] Le REIR indique explicitement que l’objectif est « l’efficacité globale » à trois occasions : (i) à la fin de la rubrique « Enjeux », à la page 32, (ii) à la fin de la rubrique « Description », à la page 35, et (iii) à la rubrique « Justification », à la page 52. Lorsqu’un demandeur accepte de répondre à une demande reconventionnelle dans laquelle il est allégué que des revendications non invoquées sont invalides dans le contexte d’une action qu’il avait intentée en vertu du paragraphe 6(1), son accord donne à penser qu’il reconnaît qu’il est efficace de régler ces questions dans le cadre de la même instance. Tel est en particulier le cas en l’espèce, où les revendications invoquées et non invoquées sont très similaires. À la rubrique « Objectifs » du REIR, à la page 34, l’objectif de « fournir souplesse et choix aux parties touchées » est souligné. Plus bas sur la même page du REIR, il est reconnu que l’objectif d’accélérer les procédures s’applique parallèlement au désir de « confér[er] à la Cour un large pouvoir discrétionnaire pour gérer les instances ». Dans le même ordre d’idée, la décision de limiter le nombre de règles de procédure mises en place et « de laisser le soin à la Cour de s’occuper de ces questions au cas par cas » est soulignée à la rubrique « Description », à la page 35.

L’un des objectifs mentionnés dans le REIR est de mettre fin à la « pratique coûteuse et inefficace des doubles litiges » (voir à la page 34) qui avait cours sous le régime de la version antérieure du Règlement [sur les MB(AC)]. Cet objectif est réaffirmé à la rubrique « Revendications en litige » du REIR, à la page 37, où, à propos des restrictions aux types de revendication qui pouvaient auparavant être visés, un avantage est mentionné, à savoir qu’il n’est plus « nécessaire d’introduire une procédure distincte pour examiner toutes les revendications d’un même brevet ». Examiner la validité des revendications invoquées et non invoquées en même temps pourrait présenter le même avantage.

Une dernière observation sur l’objet du Règlement [sur les MB(AC)] s’impose. Dans le passage du REIR qui semble porter directement sur le paragraphe 6(3), à la rubrique « Accent sur la contrefaçon et la validité », à la page 36, il est écrit que « la seconde personne pourra présenter une demande reconventionnelle visant à faire invalider le brevet ». Il est significatif que ce passage porte sur l’invalidité d’un brevet et que l’accent ne soit pas mis sur les revendications invoquées qu’il contient.

[Souligné dans l’original.]

[40] L’argument de Boehringer dans le cadre de la présente requête en jugement sommaire est très semblable à celui des appelantes dans l’affaire Janssen. Boehringer soutient qu’une interdiction de présenter une demande reconventionnelle visant une revendication de brevet non invoquée constitue une conséquence inéluctable de l’emploi des termes « toute revendication se rapportant à un brevet faite dans le cadre de l’action intentée » à l’alinéa 6(3)a) du Règlement sur les MB(AC). Elle affirme que ces termes doivent recevoir un sens (citant British Columbia Human Rights Tribunal c Schrenk, 2017 CSC 62 aux para 45‐46, 113).

[41] Comme l’a fait remarquer le juge Locke dans l’arrêt Janssen, il s’agit d’un argument raisonnable (au para 48). Toutefois, à mon avis, le jugement de la Cour d’appel fédérale dans cette affaire rend cet argument irrecevable.

[42] Boehringer tente d’établir une distinction entre l’affaire Janssen et l’espèce en soutenant que la Cour d’appel fédérale se penchait uniquement sur la compétence de la Cour concernant les demandes reconventionnelles visant les revendications de brevet non invoquées, et non pas sur les droits procéduraux des parties. Il s’agit d’une distinction sans importance.

[43] Les arguments de Boehringer à propos de l’efficacité, du fait que le Règlement sur les MB(AC) constitue un code complet et de la nécessité d’une étroite surveillance judiciaire des actions intentées en vertu du paragraphe 6(1) ont tous été présentés à la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Janssen. Ce qu’affirme le juge Locke au paragraphe 48 de l’arrêt Janssen, à savoir que l’alinéa 6(3)a) du Règlement sur les MB(AC) est permissif et [TRADUCTION]°« n’interdit rien expressément », s’applique également à la compétence de la Cour et à la capacité d’un défendeur de présenter une demande reconventionnelle.

[44] Les défenderesses soulignent qu’il n’existe aucun mécanisme dans les Règles ou ailleurs permettant à un défendeur dans une action intentée en vertu de l’alinéa 6(3)a) du Règlement sur les MB(AC) de solliciter l’autorisation auprès de la Cour avant de présenter une demande reconventionnelle visant des revendications de brevet non invoquées.

[45] Selon Boehringer, si l’alinéa 6(3)a) interdit de présenter de plein droit une demande reconventionnelle d’une portée élargie, le défendeur doit d’abord présenter une demande reconventionnelle limitée aux revendications invoquées. Le défendeur pourrait ensuite demander à modifier la demande reconventionnelle de façon à y inclure des revendications non invoquées au titre de l’article 75 des Règles et ainsi obtenir l’autorisation de la Cour.

[46] Cette thèse présente plusieurs failles. Premièrement, en vertu de l’article 200 des Règles, une partie (y compris une demanderesse reconventionnelle) peut, sans l’autorisation de la Cour, modifier son acte de procédure à tout moment avant qu’une autre partie y ait répondu ou sur consentement :

Modification de plein droit

200 Malgré les règles 75 et 76, une partie peut, sans autorisation, modifier l’un de ses actes de procédure à tout moment avant qu’une autre partie y ait répondu ou sur dépôt du consentement écrit des autres parties.

Amendment as of right

200 Notwithstanding rules 75 and 76, a party may, without leave, amend any of its pleadings at any time before another party has pleaded thereto or on the filing of the written consent of the other parties.

[47] Deuxièmement, les Règles prévoient de nombreuses voies permettant d’assurer une gestion efficace des actions intentées en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC). Il n’est pas nécessaire d’interpréter les Règles de façon à en dégager une nouvelle procédure, à plus forte raison une procédure incompatible avec les dispositions existantes. Je ne suis pas non plus convaincu que ce soit requis en droit.

[48] La possibilité de présenter une requête en radiation fondée sur l’article 221 constitue un important outil de gestion de l’instance. L’article 221 prévoit ce qui suit :

Requête en radiation

221 (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

Motion to strike

221 (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

(b) is immaterial or redundant,

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

[49] Un demandeur visé par une demande reconventionnelle dont l’objet consiste à faire invalider des revendications de brevet autres que celles invoquées dans le cadre de l’action intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC) peut chercher à faire radier les parties non conformes de la demande reconventionnelle au motif, notamment, qu’elles risquent de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder, ou qu’elles constituent autrement un abus de procédure. Un juge responsable de la gestion de l’instance est bien placé pour trancher une telle requête après examen de tous les facteurs pertinents qui prévalaient au moment où elle a été présentée.

[50] Boehringer n’a pas démontré que les Règles existantes sont insuffisantes pour assurer « l’efficacité globale » d’une action intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC). Elle n’a pas non plus établi que l’alinéa 6(3)a) restreint la portée de la demande reconventionnelle d’un défendeur. Une demande reconventionnelle présentée en vertu de l’alinéa 6(3)a) est assujettie aux dispositions habituelles des Règles régissant les actes de procédure devant la Cour, y compris le paragraphe 221(1).

[51] Le paragraphe 54 de l’arrêt Janssen indique clairement qu’une demande reconventionnelle présentée en réponse à une action intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC) en vue de faire invalider des revendications non invoquées est néanmoins conforme à l’alinéa 6(3)a) : [TRADUCTION]°« À mon avis, l’objectif du Règlement [sur les MB(AC)] est de laisser à la Cour fédérale le pouvoir discrétionnaire d’autoriser une demande reconventionnelle présentée en vertu du paragraphe 6(3) qui vise des revendications non invoquées » [non souligné dans l’original]. Il n’y a donc aucun fondement à l’affirmation de Boehringer selon laquelle une demande reconventionnelle visant à faire invalider des revendications de brevet non invoquées constitue une réunion inappropriée d’instances en contravention avec l’article 6.02 du Règlement sur les MB(AC).

[52] La Cour ne peut souscrire aux arguments de Boehringer concernant les effets restrictifs de l’alinéa 6(3)a) et de l’article 6.02 du Règlement sur les MB(AC) sans s’écarter de l’arrêt Janssen. Boehringer affirme que, si la Cour s’estime liée par l’arrêt Janssen, elle doit alors rejeter le raisonnement de la cour d’appel au motif qu’il est « manifestement erroné » (citant Miller c Canada (Procureur général), 2002 CAF 370 [Miller] au para 10).

[53] L’arrêt Miller porte sur les circonstances dans lesquelles un tribunal peut réexaminer l’un de ses propres précédents. Il ne confère pas à un tribunal inférieur le pouvoir de s’écarter d’un jugement contraignant d’un tribunal supérieur. Sous réserve d’exceptions très limitées qui ne se présentent pas en l’espèce, un tribunal inférieur qui considère qu’un jugement contraignant est erroné ne peut qu’exposer les motifs pour lesquels ce précédent serait problématique. Il ne peut l’écarter Carter c Canada (Procureur général), 2015 CSC 5 au para 44; Canada c Craig, 2012 CSC 43 au para 21).

[54] Je ne suis pas convaincu que le raisonnement du juge Locke dans l’arrêt Janssen soit problématique ou qu’il doive être réexaminé par la Cour d’appel fédérale. Le juge Locke a admis que l’argument des appelantes dans l’affaire Janssen, qui ressemble beaucoup à la position de Boehringer dans le cadre de la présente requête, était raisonnable. Il a ensuite expliqué dans des motifs clairs et convaincants pourquoi il était parvenu à une conclusion différente. Cette conclusion a été unanimement approuvée par la Cour d’appel fédérale, et elle lie la Cour. Je ne vois aucune raison de m’en écarter.

C. La Cour devrait‐elle rendre un jugement sommaire en faveur de Sandoz et de Sun?

[55] Dans les cas appropriés, un jugement sommaire peut être rendu en faveur d’un défendeur, même en l’absence d’une requête incidente. Rendre un tel jugement est conforme à ce qu’a affirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hryniak, à savoir que « les règles régissant les jugements sommaires doivent recevoir une interprétation large et propice à la proportionnalité et à l’accès équitable à un règlement abordable, expéditif et juste des demandes » (au para 5). Lorsque la question que soulève une requête en jugement sommaire concerne l’interprétation de la loi et qu’elle ne dépend pas de la preuve présentée, la Cour peut rendre un jugement sommaire en faveur de l’une ou l’autre des parties (Apotex Inc c Pfizer Canada Inc, 2016 CF 136 aux para 33‐36).

[56] Selon les défenderesses, si la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire de rendre un jugement sommaire, celui‐ci devrait être en leur faveur, et l’instruction de leurs demandes reconventionnelles visant chacune des revendications de brevet de Boehringer devrait être autorisée.

[57] À la lumière de l’analyse qui précède, le point de droit soulevé dans la présente requête en jugement sommaire doit être tranché en faveur des défenderesses. Sandoz et Sun peuvent de plein droit présenter des demandes reconventionnelles visant les revendications de brevet qui n’ont pas été invoquées dans le cadre des actions intentées par Boehringer en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC).

[58] Toutefois, il ne s’ensuit pas que l’instruction des demandes reconventionnelles visant les revendications non invoquées sera nécessairement autorisée. Boehringer demeure libre de présenter une requête au titre du paragraphe 221(1) des Règles afin de faire radier les demandes reconventionnelles visant les revendications de brevet non invoquées. Le cas échéant, elle pourra s’appuyer sur l’un ou l’autre des motifs prévus, y compris le fait que les demandes reconventionnelles risquent de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder, ou qu’elles constituent autrement un abus de procédure. Une telle requête serait tranchée après examen de tous les facteurs pertinents qui prévaudraient au moment où elle serait présentée.

VI. Conclusion

[59] La Cour peut, en vertu de l’alinéa 215(2)b) des Règles, trancher le point de droit soulevé par les demanderesses dans le cadre d’une requête en jugement sommaire, et elle tranche en faveur des défenderesses. Sandoz et Sun peuvent de plein droit présenter des demandes reconventionnelles visant les revendications de brevet qui n’ont pas été invoquées dans le cadre des actions intentées par Boehringer en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC).

[60] Boehringer demeure libre de présenter une requête au titre du paragraphe 221(1) des Règles afin de faire radier les demandes reconventionnelles visant les revendications de brevet non invoquées au motif, notamment, que les demandes reconventionnelles risquent de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder, ou qu’elles constituent autrement un abus de procédure.

[61] Les défenderesses ont droit aux dépens. Dans leurs observations écrites, les défenderesses ont sollicité l’adjudication de dépens majorés au motif que la requête en jugement sommaire était inutile et coûteuse, et qu’il s’agissait d’une utilisation inefficace de ressources. Dans sa plaidoirie, l’avocat des défenderesses a reconnu qu’il serait avantageux pour la Cour de trancher le point de droit avant le procès, et il a proposé que la somme globale de 5 000 $ soit adjugée au titre des dépens à la ou aux parties qui obtiendraient gain de cause.

[62] Compte tenu des dépenses ou du temps et des ressources que toutes les parties ont consacrés à la présente requête, la nouvelle position des défenderesses à propos des dépens est tout à fait raisonnable. Par conséquent, un seul mémoire de frais d’un montant global de 5 000 $ est adjugé à Sandoz et à Sun.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

  1. Le point de droit soulevé par la requête en jugement sommaire des demanderesses est tranché en faveur des défenderesses. Celles‐ci peuvent présenter de plein droit des demandes reconventionnelles visant les revendications de brevet qui n’ont pas été invoquées dans le cadre des actions intentées par les demanderesses en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB(AC).

  2. Les demanderesses demeurent libres de présenter une requête au titre du paragraphe 221(1) des Règles afin de faire radier les demandes reconventionnelles visant les revendications de brevet non invoquées au motif, notamment, que les demandes reconventionnelles risquent de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder, ou qu’elles constituent autrement un abus de procédure.

  3. Un seul mémoire de dépens d’un montant global de 5 000 $ est adjugé aux défenderesses.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

N. Belhumeur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

T‐1831‐22

T‐1842‐22

 

INTITULÉ :

BOEHRINGER INGELHEIM (CANADA) LTÉE ET BOEHRINGER INGELHEIM INTERNATIONAL GMBH c SANDOZ CANADA INC.

 

INTITULÉ :

BOEHRINGER INGELHEIM (CANADA) LTÉE ET BOEHRINGER INGELHEIM INTERNATIONAL GMBH c SUN PHARMA CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO) ET PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER FÉVRIER 2023

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 FÉVRIER 2023

COMPARUTIONS :

Alex Gloor

Rebecca Johnston

Alexander Camenzind

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Ben Wallwork

Judith Robinson

Kristin Marks

POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) LLP

Cabinet d’avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Fineberg Ramamoorthy LLP

Cabinet d’avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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