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Date : 20230321


Dossiers : T‑1282‑19

T‑1725‑19

Référence : 2023 CF 386

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 mars 2023

En présence de madame la juge Strickland

Dossier : T‑1282‑19

ENTRE :

WILLIAM GORDON GLENDALE EN SA QUALITÉ DE CHEF DU CONSEIL DE BANDE DE LA PREMIÈRE NATION DES DA’NAXDA’XW ET DE MEMBRE DU CONSEIL DES CHEFS HÉRÉDITAIRES, ET MICHAEL JACOBSON‑WESTON ET ANNIE GLENDALE EN LEUR CAPACITÉ DE CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION DES DA’NAXDA’XW

demandeurs

(demandeurs)

et

BILL PETERS, NORMAN GLENDALE ET ROBERT DUNCAN

défendeurs

(défendeurs)

Dossier : T‑1725‑19

ET ENTRE :

BILL PETERS ET ROBERT DUNCAN, EN LEUR QUALITÉ DE MEMBRES DU CONSEIL DES CHEFS HÉRÉDITAIRES DE LA PREMIÈRE NATION DE DA’NAXDA’XW

défendeurs

(demandeurs)

et

WILLIAM GORDON GLENDALE, MICHAEL JACOBSON‑WESTON ET ANNIE GLENDALE

demandeurs

(défendeurs)

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Je suis saisie de deux requêtes. La première requête vise l’exécution forcée, conformément aux articles 423 et 431 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], de mon ordonnance rendue dans la décision Première Nation des Da’naxda’xw c. Peters, 2021 CF 360 [Première Nation des Da’naxda’xw] et, conformément à l’article 431 des Règles, la conformité à mon ordonnance exigeant l’accomplissement d’un acte rendue dans cette décision [l’ordonnance]. La deuxième requête, fondée sur l’alinéa 104(1)b) des Règles, vise à ajouter Mme Ruby Mannila à titre de partie aux requêtes T‑1282‑19 et T‑1725‑19, et donc de défenderesse dans la première requête.

[2] À titre préliminaire, je souligne que William Gordon Glendale, Anne Glendale et Michael Jacobson‑Weston étaient les demandeurs dans T‑1282‑19 et les défendeurs dans T‑1725‑19. On les appelle les « parties Glendale » dans les requêtes dont la Cour est actuellement saisie. Cependant, Gordon Glendale, Michael Jacobson‑Weston et Annie Glendale ont demandé les contrôles judiciaires T‑1282‑19 et T‑1725‑19 et y ont répondu en leur qualité de chef et de conseillers, respectivement, de la Première Nation des Da’naxda’xw [la PND]. Mes décisions dans ces affaires ont révélé que les parties Glendale n’avaient pas le pouvoir légitime d’agir à ce titre. Et bien que Gordon Glendale ait également soulevé ces questions et y ait répondu en tant que membre du « conseil des chefs héréditaires » [le CCH] de la PND, ma décision porte également que le CCH – qui, comme indiqué ci‑dessous, a été créé à la suite d’une ordonnance antérieure de la Cour – n’avait pas le pouvoir légitime d’agir à titre d’organe directeur de la bande, quelle que soit sa composition.

[3] Lorsqu’il a comparu devant moi, l’avocat a confirmé que Gordon Glendale introduit seul les présentes requêtes. Gordon Glendale est un chef héréditaire de la PND [Glendale].

[4] Dans le même ordre d’idées, Bill Peters, Norman Glendale et Robert Duncan étaient les demandeurs dans la requête T‑1725‑19 et ont présenté la demande de contrôle judiciaire en leur qualité de membres du CCH. Dans ma décision, j’ai déclaré que Bill Peters, Norman Glendale et Robert Duncan n’avaient pas le pouvoir légitime d’occuper un poste de conseiller, soit à titre de membres du CCH, soit individuellement. M. Peters et M. Norman Glendale sont décédés par la suite. Robert Duncan, chef héréditaire de la PND [Duncan], répond aux présentes requêtes.

[5] Pour les motifs qui suivent, les requêtes sont rejetées.

 

Contexte

[6] Le contexte de cette affaire est décrit en détail dans la section Jugement et motifs, de la décision Première Nation des Da’naxda’xw.

[7] Je me contenterai donc de dire que la PND est une très petite collectivité des Premières Nations qui est aux prises avec des conflits de gouvernance depuis quelques années. Cette situation a atteint son point culminant en novembre 2016 lorsque deux membres de la PND ont déposé une demande de contrôle judiciaire (dossier T‑1908‑16 de la Cour fédérale), désignant le conseil de bande Glendale à l’époque comme défendeurs, contestant la légalité et l’autorité du conseil de bande Glendale et cherchant à instaurer un modèle de gouvernance composé d’un chef et de conseillers élus. À la suite d’une médiation qui a eu lieu le 25 mai 2017, une ordonnance sur consentement a été rendue par le protonotaire Lafrenière (maintenant juge de notre Cour) [l’ordonnance du protonotaire Lafrenière] suivie d’une déclaration commune à l’annexe A de cette ordonnance. L’ordonnance visait à ce que quatre chefs héréditaires, William (Gordon) Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Billy Peters « forment un conseil chargé d’élaborer un code de gouvernance pour la Première Nation des Da’Naxda’Xw qui sera présenté aux membres aux fins d’approbation (le Conseil des chefs héréditaires) » [non souligné dans l’original]. Dans la déclaration commune, les parties ont convenu que le CCH ainsi créé, en collaboration avec les familles et la collectivité, élaborerait une proposition de gouvernance à présenter à la collectivité, processus qui aboutira à un référendum sur un code de gouvernance des Da’naxda’xw. À la fin du référendum, il a été renoncé à la demande de contrôle judiciaire.

[8] Cependant, aucun code de gouvernance n’a été élaboré et présenté aux membres de la PND par le CCH. Au lieu de cela, les dossiers T‑1282‑19 et T‑1725‑19 m’ont été renvoyés. Dans ma décision, je me suis notamment penchée sur les questions de savoir quelle était la coutume actuelle de la bande en ce qui concerne la gouvernance de la PND, s’il y avait eu un changement dans la coutume et si le CCH, comme établi par l’ordonnance du protonotaire Lafrenière, ou le conseil de bande Glendale à l’époque, avait un pouvoir de direction légitime.

[9] J’ai constaté que même si un examen de la gouvernance avait eu lieu en janvier 2017, il n’avait pas entraîné de changement dans les coutumes de la PND. L’intention de tous les intéressés était plutôt que le CCH élabore un code de gouvernance, avec l’apport de la collectivité, qui donnerait corps à la nouvelle structure de gouvernance souhaitée. Ce code de gouvernance serait alors soumis aux membres de la PND aux fins d’acceptation ou de rejet dans le cadre d’un référendum. Malheureusement, le CCH n’a pas respecté son mandat et n’a pas élaboré de code de gouvernance. Par conséquent, bien que l’examen de la gouvernance ait indiqué clairement que les membres de la PND souhaitaient passer au modèle de gouvernance composé de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille [le CHCCF], cette transition reposait sur l’élaboration d’un code de gouvernance qui définirait et délimiterait la nouvelle structure de direction. Ainsi, en l’absence d’un code de gouvernance ratifié, la coutume de la PND était en transition et n’avait pas changé.

[10] Quant à savoir qui avait le pouvoir légal de gouverner, j’ai constaté qu’aucune des parties n’avait établi qu’elle bénéficiait du large consensus nécessaire pour gouverner :

Conclusion

[149] Nous sommes en présence d’un ensemble inhabituel de circonstances factuelles qui auraient pu être évitées si le CCH s’était conformé à l’ordonnance du protonotaire Lafrenière et avait élaboré un code de gouvernance à soumettre aux membres de la PND pour ratification par référendum.

[150] Dans les présentes demandes conflictuelles, le conseil de bande de Glendale et MM. Peters et Duncan supposent que si l’une de ces entités n’a pas le pouvoir légitime de gouverner, l’autre l’a. Compte tenu des présentes circonstances singulières, je ne suis pas sûre que ce soit le cas.

[151] À mon avis, l’examen de la gouvernance est la meilleure indication de la préférence des membres pour un modèle de gouvernance. Il indique clairement que les membres de la PND souhaitent passer à une structure de gouvernance constituée de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille. En fait, ce souhait n’est pas contesté par le conseil de bande de Glendale. Je suis également d’accord avec le conseil de bande de Glendale pour dire que le processus de transition n’est pas encore terminé. Toutefois, les résultats de l’examen de la gouvernance montrent également que la PND ne considère plus, de façon générale, le modèle de gouvernance composé d’un chef héréditaire et de deux conseillers comme étant acceptable pour les membres de la bande et, par conséquent, que cette pratique ne bénéficie pas d’un large consensus des membres de la PND. De plus, le conseil de bande de Glendale a cessé de gouverner lorsque les membres du CCH ont décidé que celui‑ci assumerait la gouvernance, et a ainsi implicitement reconnu l’absence de consensus quant à la structure de gouvernance qu’il représente.

[152] D’autre part, si MM. Peters et Duncan affirment que le CCH a assumé la gouvernance, la coutume ne peut être reconnue uniquement par les dirigeants, mais doit l’être aussi par les membres (Bigstone, au para 29; Shirt, au para 32; Bertrand, au para 37; Shotclose, au para 69). Le dossier dont je dispose n’établit pas que les membres de la PND ont déjà accepté, ou acceptent maintenant que les quatre chefs héréditaires, identifiés dans l’ordonnance du protonotaire Lafrenière comme formant le CCH, seraient également les chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille et assumeraient ce rôle de direction en l’absence d’un code de gouvernance, y compris sans déterminer qui sont les représentants des chefs de famille. Le CCH a été créé uniquement dans le but d’élaborer le code de gouvernance et de le soumettre aux membres pour ratification par référendum. De plus, les éléments de preuve qui m’ont été présentés n’établissent pas que les membres de la PND ont été informés officiellement et clairement de la décision du CCH d’assumer la gouvernance et qu’il y a eu un large consensus quant à la gouvernance par le CCH.

[153] En résumé, aucune des parties ne s’est acquittée de son fardeau d’établir l’existence d’un large consensus pour l’autorité de gouvernance du conseil de bande de Glendale ou du CCH.

[11] Quant au recours approprié :

[181] Nous sommes en présence d’une des situations exceptionnelles où une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto devrait être rendue pour destituer des chefs et des conseillers (Shotclose, au para 105). De façon plus exceptionnelle encore, la PND serait laissée sans dirigeant. Et, bien entendu, c’est à la PND et non à la Cour qu’il appartient de déterminer son modèle de gouvernance, les personnes qui composent cette entité et les conditions de leur mandat.

[182] Toutefois, devant une interruption de l’administration de la bande et pour éviter la possibilité d’autres litiges, je dois accorder une réparation provisoire, adaptée aux circonstances de l’espèce, jusqu’à ce que la PND se prononce sur la question de la direction (Ballantyne c Nasikapow, 2000 CanLII 16594 (CF), [2000] ACF no 1896 au para 79). Dans Shotclose, le juge Mosley a accordé une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto pour destituer le chef et les conseillers. Il a également interdit au chef et au conseil d’exercer l’un quelconque des pouvoirs afférents à leurs fonctions jusqu’à la tenue de la prochaine élection et a prononcé une ordonnance de la nature d’un bref de mandamus exigeant qu’une élection ait lieu dans les 60 jours, conformément à la procédure établie dans le code électoral des Premières Nations. Ainsi, dans Shotclose, l’interruption de l’administration de la bande résultant de la réparation du quo warranto était courte et a été corrigée par la tenue d’une nouvelle élection.

[183] La PND n’a pas de code électoral. En outre, la gouvernance de la PND fait l’objet de litiges depuis cinq ans, soit depuis le contrôle judiciaire de 2016. À ce moment, pour éviter que la Cour ne se prononce sur le modèle de gouvernance, les parties à cette affaire, et d’autres personnes, dont Bill Peters et Robert Duncan, ont assisté à une médiation qui a abouti à l’ordonnance du protonotaire Lafrenière du 26 mai 2017. Cette ordonnance sur consentement prévoyait la présentation d’un code de gouvernance à la collectivité de la PND pour approbation le 1er décembre 2017, soit environ six mois plus tard. Malheureusement, l’ordonnance du protonotaire Lafrenière n’a pas été respectée puisque le CCH n’a pas élaboré de code de gouvernance pour le soumettre aux membres de la PND par voie de référendum. Les parties à cette affaire n’ont pas non plus pris de mesures pour faire instruire la demande de contrôle judiciaire et la faire trancher sur le fond. De plus, selon le témoignage rendu en contre‑interrogatoire par M. Duncan, aucune demande de financement pour l’élaboration du code de gouvernance n’a été présentée et aucun travail n’a été accompli sur le code depuis la suspension de Gordon Glendale il y a presque deux ans.

[184] Les membres de la PND ont clairement indiqué que le modèle de gouvernance souhaité est celui des « chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille ». Pour passer à ce modèle, il serait évidemment idéal de mettre en place d’abord un code de gouvernance complet que les membres de la PND pourraient adopter par voie de référendum à la suite des commentaires et des discussions de la collectivité.

[185] Il ne s’agit toutefois pas d’une condition préalable à ce changement de la coutume de gouvernance. Les membres de la PND peuvent prendre des mesures provisoires.

[186] Plus précisément, ils peuvent confirmer qu’ils ont l’intention de modifier leur coutume de gouvernance pour avoir des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, avant d’élaborer un code de gouvernance complet, et identifier et nommer à titre intérimaire les chefs héréditaires et les membres du conseil des chefs de famille qui rempliraient ces postes jusqu’à ce qu’un code de gouvernance soit élaboré et ratifié et que ces postes soient pourvus conformément au code. Il convient de souligner qu’ils peuvent aussi exiger que les chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, nommés à titre intérimaire, procèdent immédiatement à l’élaboration d’un code de gouvernance qui sera présenté à la PND pour examen et ratification dans un délai déterminé. Tout cela peut être rapidement accompli au moyen d’une réunion des membres de la PND.

[187] Ces mesures nécessiteront la transmission d’avis de réunion aux membres, lesquels préciseront ce qui est nécessaire et pourquoi.

[...]

[191] Si les membres de la PND confirment qu’ils souhaitent maintenant procéder à un changement de gouvernance coutumière vers des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille avant l’élaboration d’un code de gouvernance et qu’ils identifient et nomment les chefs héréditaires et les chefs de famille d’un conseil intérimaire, le nouveau conseil intérimaire devra alors décider comment protéger adéquatement la santé financière de la PND pendant que les allégations d’inconduite financière sont réglées. Lors de la réunion des membres, les membres de la PND peuvent souhaiter fait part de commentaires au conseil pour qu’il en tienne compte lorsqu’il prendra cette décision.

[192] Cette solution repose sur les résultats de l’examen de la gouvernance grâce auquel les membres de la PND ont indiqué leur souhait manifeste de passer à un modèle de gouvernance composé de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille. Bien entendu, les membres de la PND ont le loisir d’exercer la forme de gouvernance de leur choix. Ils doivent toutefois prendre une décision claire et immédiate.

[12] Sur ces questions, j’ai conclu comme suit :

LA COUR STATUE que :

T‑1282‑19

1. Il est déclaré que Bill Peters, Norman Glendale, Robert Duncan et Gordon Glendale, ou toute combinaison de ces personnes, en tant que membres du conseil des chefs héréditaires qui a été établi par et aux fins de l’ordonnance sur consentement du protonotaire Lafrenière (maintenant juge de notre Cour en date du 26 mai 2017, ne bénéficient pas d’un large consensus et n’ont donc pas l’autorité légitime pour gouverner la Première Nation des Da’naxda’xw [PND]. Une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto leur retirant de leurs supposées fonctions respectives en tant que membres du conseil de bande est par les présentes accordée.

2. Une ordonnance de la nature d’un bref de certiorari annulant la décision par laquelle Bill Peters, Norman Glendale et Robert Duncan ont suspendu Gordon Glendale du CCH est par les présentes accordée;

T‑1725‑19

1. Il est déclaré que Gordon Glendale, Anne Glendale et Michael Jacobson‑Weston, en tant que chef héréditaire et conseillers de la PND, ne bénéficient pas d’un large consensus et n’ont donc pas l’autorité légitime pour gouverner la Première Nation des Da’naxda’xw [PND]. Une ordonnance de la nature d’un bref de quo warranto leur retirant de leurs supposées fonctions respectives est par les présentes accordée;

T‑1282‑19 et T‑1725‑19

1. Au plus tard le 30 juin 2021, une réunion de tous les membres de la PND sera convoquée. L’objectif de cette réunion est de permettre aux membres de la PND de confirmer qu’ils ont l’intention de modifier leur coutume, au moyen d’une entente confirmée à cette réunion, pour avoir des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, avant l’élaboration d’un code de gouvernance, et de permettre aux membres de la PND d’identifier et de nommer des chefs héréditaires intérimaires et des membres intérimaires du conseil des chefs de famille qui rempliraient ces postes jusqu’à ce qu’un code de gouvernance soit élaboré et ratifié. De plus, et surtout, ils exigeront que les membres agissant par intérim comme chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille procèdent immédiatement à l’élaboration d’un code de gouvernance qui sera présenté à la PND pour examen et ratification dans un délai fixé, lequel ne doit pas dépasser un an à compter de la date de la réunion des membres.

2. Gordon Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Bill Peters, en leur qualité traditionnelle de chefs héréditaires, prépareront ensemble un avis de réunion des membres, en recourant aux services d’un tiers indépendant et neutre qui sera retenu au nom de la PND pour aider à la préparation de l’avis et pour faciliter la réunion des membres. Ruby Manilla ne doit pas participer à ce processus.

3. Jusqu’à ce que le modèle des membres agissant par intérim comme chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille soit en place, les questions courantes de l’administration de la bande PND seront supervisées par Gordon Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Bill Peters, en leur qualité traditionnelle de chefs héréditaires. Aucune décision ou mesure importante ne sera prise avant la nomination par les membres de la PND des membres agissant par intérim comme chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille.

4. Chaque partie assumera ses propres dépens. Si les dépens de l’une ou l’autre d’entre elles sont payés à partir des fonds de la bande de la PND, les dépens de l’autre, tous fondés sur la colonne III du Tarif B, le seront également.

5. Une copie des présents motifs doit être versée dans les dossiers de la Cour T‑1282‑19 et T‑1725‑19.

Événements subséquents

[13] À l’appui de ces requêtes, Glendale a présenté l’affidavit no 7 de William Gordon Glendale, membre et chef héréditaire de la PND, souscrit par affirmation solennelle le 19 octobre 2022 [l’affidavit Glendale]; un affidavit de James Glendale, membre de la PND, fils de Norman Glendale et prétendu chef héréditaire, souscrit par affirmation solennelle le 2 novembre 2022; un affidavit de Jake Jacobson, membre de la PND, souscrit par affirmation solennelle le 2 novembre 2022; et l’affidavit no 2 de Dorothy Patricia Nolie, membre de la PND, souscrit par affirmation solennelle le 3 novembre 2022.

[14] Le dossier de réponse à la requête comprend : l’affidavit no 3 de Robert Duncan, membre et chef héréditaire de la PND, souscrit sous serment ou par affirmation solennelle le 9 mars 2023 [l’affidavit Duncan]; un affidavit d’Aaron Aubin, membre de la PND et membre du comité sur le code de gouvernance de la PND (dont il est question plus loin) [Comité de gouvernance] souscrit sous serment le 8 mars 2023; l’affidavit no 4 de Ruby Mannila, membre de la PND et du Comité de gouvernance et administrateur de la bande, souscrit sous serment ou par affirmation solennelle le 8 mars 2023; un affidavit de Desiree Mannila, membre de la PND et du Comité de gouvernance et fille de Ruby Mannila, souscrit sous serment ou par affirmation solennelle le 8 mars 2023; un affidavit de Michael Robert Matthew Glendale, un membre de la PND et du Comité de gouvernance, souscrit sous serment ou par affirmation solennelle le 7 mars 2023; un affidavit de Nora Guest, membre de la PND et du Comité de gouvernance, souscrit sous serment ou par affirmation solennelle le 7 mars 2023; un affidavit d’Yvette M. Ringham‑M. Cowan, membre des PND et du Comité de gouvernance, souscrit sous serment le 6 mars 2023; et un affidavit de John Jolliffe, daté du 6 mars 2023.

[15] J’ai lu tous ces affidavits et examiné toutes les pièces qui y sont jointes, mais il n’est pas nécessaire que je présente le contenu de chacun d’eux dans les présents motifs.

[16] Certains déposants – en particulier Glendale et Ruby Manilla – donnent leur propre interprétation des événements, mais, à mon avis, cela sert surtout à souligner le désaccord manifeste qui les divise. En fait, la preuve par affidavit est généralement cohérente en ce qui a trait aux événements pertinents qui ont suivi la publication de ma décision. Et, bien que Glendale conteste la participation de Ruby Manilla aux événements qui ont suivi ma décision, affirmant qu’elle a usurpé la gouvernance de la PND, et que Ruby Manilla continue d’affirmer que Glendale a commis des malversations financières, j’estime que ces désaccords et autres différends de cette nature n’ont finalement pas grand‑chose à voir avec la décision que je dois rendre au sujet de la requête visant l’exécution forcée.

[17] Conformément à ma décision dans l’affaire Première Nation des Da’naxda’xw, jusqu’à ce que le modèle des membres agissant par intérim comme chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille soit en place, les questions courantes de l’administration de la bande PND seront supervisées par Gordon Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Bill Peters, en leur qualité traditionnelle de chefs héréditaires [CH].

[18] À cet égard, et pour faciliter la réunion des membres de la PND qui, conformément à mon ordonnance, devait avoir lieu au plus tard le 30 juin 2021, les CH ont retenu les services de M. Jamie Sterritt de Sa’hetxw Consulting. M. Sterritt a préparé et distribué aux membres de la PND un document PowerPoint indiquant l’objectif des réunions et ce qui devait être accompli dans le cadre de celles‑ci. Plus précisément, les membres de la PND devaient confirmer par vote qu’ils avaient l’intention de changer leur coutume de gouvernance et de passer au modèle de gouvernance composé de CHCCF, puis désigner et nommer les membres intérimaires.

[19] Une lettre de l’avocat de Glendale, datée du 21 juin 2021, portait sur un avis de convocation provisoire à une réunion devant se tenir le 14 juin 2021, préparé par M. Sterritt. Dans la lettre, il était indiqué que mon ordonnance exigeait que deux choses soient présentées aux membres avant le 20 juin 2021, à savoir [traduction] : « le choix de leur type de gouvernance, ce qui pourrait comprendre leur appui d’un modèle composé de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille ou de tout autre modèle que les membres désirent » (souligné dans l’original); et la désignation et la nomination des membres intérimaires qui occuperaient ces postes jusqu’à ce qu’un code de gouvernance soit présenté et ratifié. Par conséquent, un avis corrigé a été donné le 29 juin 2021 pour tenir compte de ce qui précède. Une version corrigée d’un document d’information provisoire [Foire aux questions] a également été générée le 22 juin 2021 ou vers cette date.

[20] Deux réunions de mobilisation communautaire ont eu lieu les 25 et 26 juin 2021 pour discuter du vote à venir.

[21] Le 30 juin 2021, les membres de la PND ont voté en ligne au moyen du logiciel Smart Ballot, confirmant leur intention de modifier leur mode gouvernance et de passer au modèle de gouvernances composé de CHCCF. Sur les 94 membres qui ont voté, 71 ont voté en faveur de ce changement. Je ne dispose d’aucune preuve indiquant si, lors de cette réunion, les membres de la PND ont désigné et nommé les membres agissant par intérim comme chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille.

[22] Dans un courriel daté du 6 juillet 2021 transmis aux quatre CH, M. Sterritt a indiqué les prochaines étapes du processus. Le courriel se lit comme suit :

[TRADUCTION]

À l’attention des Chefs,

Merci de votre appel – voici un résumé des prochaines étapes :

– Confirmer les noms des « chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille »

– Glendales, Duncans, Jacobsons, Gillespies (Peters) et Nolies

– Les chefs/CCF doivent se réunir le plus tôt possible

– Transmettre les résultats de [sic] aux tribunaux/à SAC

– Code de gouvernance provisoire adopté par les CH appuyés par un CCF – communiqué aux membres

– Mandat de la gouvernance – inclusif – communiqué aux membres aux fins de discussions avec eux.

[23] Le 14 juillet 2021, « au nom du CCH », Duncan a offert à M. Sterritt un contrat à court terme pour contribuer à l’élaboration d’un code de gouvernance.

[24] Le 29 juillet 2021, M. Sterritt a envoyé un courriel résumant un appel qu’il avait eu avec les CH la veille. Les points résumés comprenaient la convocation d’un groupe de travail sur le code de gouvernance composé de 12 à 15 personnes et l’élaboration d’un plan de travail plus détaillé, d’un calendrier et d’un budget approximatif que les CHCCF présenteraient à SAC pour l’approbation du financement.

[25] Le 5 septembre 2021, Glendale a convoqué une réunion de ce qu’il appelle dans son affidavit le [traduction] « Conseil des chefs héréditaires et des chefs de famille ». Norman Glendale, Jake Jacobson et Patricia Nolie y ont assisté. Dans leurs affidavits, Jake Jacobson et Patricia Nolie affirment qu’ils ont été nommés par leur famille pour agir à titre de chefs de famille. Cependant, comme nous l’avons indiqué ci‑dessus, rien ne prouve que les membres de la PND ont confirmé et nommé M. Jacobson et Mme Nolie, ou tout autre chef de famille, à titre de membres intérimaires. Trois résolutions du conseil de bande [RCB] auraient été adoptées à cette réunion.

[26] Chacune de ces RCB fait référence à ma décision dans les dossiers T‑1282‑19 et T‑1725‑19 et affirme ce qui suit :

[traduction]

Attendu que l’ordonnance de la Cour a déterminé que les questions courantes de l’administration de la Nation de Da’naxda’xw Awaetlala doivent être supervisées par des dirigeants intérimaires

[27] Je m’arrête ici pour souligner que ce n’est pas ce que dit mon ordonnance. Mon ordonnance stipulait que, jusqu’à ce que le modèle des membres agissant par intérim comme chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille soit en place, les questions courantes de l’administration de la bande de la PND seraient supervisées par Gordon Glendale, Robert Duncan, Norman Glendale et Bill Peters, en leur qualité traditionnelle de chefs héréditaires. De plus, aucune décision ou mesure importante ne devait être prise par les CH avant la nomination par intérim, par les membres de la PND, des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille.

[28] Quoi qu’il en soit, dans la première RCB, il a été résolu que [TRADUCTION] « la direction intérimaire élabore et partage une offre d’emploi avec l’intention d’embaucher un administrateur indépendant ».

[29] Dans la deuxième RCB, il a été résolu que la [traduction] « direction intérimaire » paie les factures du personnel d’entretien.

[30] Dans la troisième RCB, il a été résolu :

[traduction]

1. Que nous demandions que le compte de la Nation à la succursale de la Banque TD numéro […] soit débloqué et que l’accès soit accordé à la direction intérimaire;

2. Que la direction intérimaire nomme de nouveaux signataires au compte.

[31] L’affidavit Duncan indique que Duncan n’a pas été en mesure d’assister à la réunion du 5 septembre 2021 et que dans un courriel Glendale avait indiqué qu’il s’occuperait des RCB [traduction] « pour les deux gouvernements de sorte que les six noms soient indiqués ». Duncan dit qu’il ne savait pas que Glendale avait l’intention d’adopter plusieurs RCB au sujet de la gouvernance de la PND. Il ne savait pas non plus que Glendale avait demandé à sa sœur, Molly Dawson, qui n’était pas une employée de la PND depuis sa démission documentée du 27 avril 2029, d’envoyer les RCB à Services aux Autochtones Canada [SAC].

[32] Par courriel daté du 12 octobre 2021, M. Bob Vern de SAC a répondu à Molly Dawson, mettant en copie les CH. Il a accusé réception de deux RCB de sa part. Le courriel indiquait que ma décision portait sur la question du pouvoir des CH de gouverner. Par conséquent, SAC a consulté ma décision afin d’éclairer sa compréhension de la structure de gouvernance de la PND et sa compréhension du rôle actuel des CH dans la supervision des questions courantes de l’administration de la PND. SAC a cité le paragraphe 194 de ma décision et a déclaré que, par conséquent, SAC n’était pas en mesure d’accepter les deux RCB signées par deux CH et deux chefs de famille.

[33] Malgré cette réponse de SAC, Glendale déclare dans son affidavit qu’il a continué de travailler à [traduction] « faire en sorte que nous six puissions agir en tant que véritable gouvernement intérimaire », mais que ses efforts ont été bloqués par Ruby Manilla et Robert Duncan. De même, dans son affidavit, Mme Nolie déclare qu’elle a d’abord été accueillie par les CH lors de réunions du gouvernement intérimaire, mais que Duncan et Billy Peters ont commencé à lui refuser le [traduction] « droit de participer » après qu’elle et Jake Jacobson ont commencé à manifester leur désaccord avec eux sur des questions de gouvernance non précisées. Elle déclare en outre que, selon sa compréhension, Duncan et Billy Peters avaient alors dit à SAC que seuls les quatre CH nommés dans ma décision faisaient légitimement partie du gouvernement. Je remarque que cette version des événements n’est pas conforme à la communication du 12 octobre 2021 de SAC avec les CH, et j’accepte cette dernière comme étant la plus exacte.

[34] Norman Glendale est décédé le 27 novembre 2021. Il est généralement admis que son fils James Glendale lui a succédé à titre de CH.

[35] Le 8 décembre 2021, M. Sterritt a démissionné de son poste de facilitateur des travaux sur le code de gouvernance de la PND et a cessé de participer aux réunions du comité, faisant état de courriels non spécifiés qu’il avait reçus de diverses parties et concluant qu’il valait mieux qu’il ne soit pas impliqué.

[36] Le 24 janvier 2022, une réunion a eu lieu avec SAC et les quatre CH. Le procès‑verbal de la réunion indique que les CH ont convenu qu’il serait utile d’embaucher une tierce partie pour faciliter les discussions entre eux et pour l’administration courante de la PND. SAC indique qu’il fournira aux CH une liste de facilitateurs potentiels; et que :

[traduction]

Les chefs héréditaires ont convenu qu’il serait productif d’organiser une réunion des membres pour désigner et nommer les chefs héréditaires intérimaires et les membres d’un conseil de chefs de famille provisoire pendant l’élaboration d’un code de gouvernance. Cette réunion permettrait de terminer le travail prévu dans l’ordonnance du tribunal d’avril 2021, qui exige l’établissement d’une direction intérimaire jusqu’à ce qu’un code de gouvernance soit élaboré et ratifié par les membres de la Première Nation.

SAC fournira aux chefs héréditaires une liste de personnes qui pourraient être en mesure de les aider, en tant que groupe, à organiser une réunion des membres de la collectivité.

[37] Les CH ont retenu les services de M. Eli Mina, un consultant qui figurait dans la liste des personnes recommandées par SAC; M. Mina a tenu plusieurs réunions avec les CH.

[38] La preuve par affidavit établit que le conflit entre Glendale et Ruby Mannila s’est poursuivi sans relâche. Dans un courriel du 9 mars 2022, M. Mina a soulevé ce conflit et ses répercussions sur son travail et la collectivité. Il a indiqué qu’il était essentiel de faciliter les échanges entre Glendale et Ruby Manilla, mais qu’il n’avait pas réussi à le faire. Il a indiqué que s’il ne pouvait pas faire en sorte que de tels échanges aient lieu, il devait alors se demander sérieusement s’il était la bonne personne pour faire le travail.

[39] M. Mina a préparé un avis préliminaire de convocation à une réunion des membres et un projet d’ordre du jour, lequel a été révisé et distribué de nouveau le 2 mars 2022 à la suite de commentaires soumis par certains des CH et par Ruby Mannila. Glendale s’oppose à ce que Ruby Mannila organise la réunion des membres sur Zoom et à sa participation à la préparation de l’avis de convocation à la réunion et, comme il l’indique dans son affidavit [traduction] « j’ai ensuite eu une discussion agitée [avec M. Mina] au sujet du rôle de Ruby à la réunion des membres et de la façon dont cela divisait la Nation ». Dans un courriel du 26 mars 2022 adressé aux quatre CH et à SAC, M. Mina a indiqué que Glendale, dans un courriel, avait remis en question son jugement et sa compétence, ce qu’il a trouvé particulièrement irrévérencieux et insultant. Comme cela remettait aussi en question l’impartialité de M. Mina, il ne pouvait plus aider les CH. Il a annulé l’appel prévu pour cette journée avec les CH, mais a finalement accepté de tenir la réunion des membres du 2 avril 2022.

[40] La version finale de l’avis de convocation indiquait qu’au cours de la première partie de la réunion, on demanderait à la collectivité de confirmer les membres intérimaires et la taille du modèle composé de chefs intérimaires appuyés par un conseil des chefs de famille. Il était également prévu que les CH proposent la liste des membres intérimaires, selon l’issue du vote de la collectivité. L’affidavit Duncan indique que la forme de l’avis qu’accepterait Glendale ne donnait aux membres de la PND que l’occasion de confirmer les quatre CH et Jake Jacobson et Patricia Nolie comme membres du modèle intérimaire de gouvernance composé de CHCCF.

[41] Tout le monde s’entend pour dire que la réunion des membres du 2 avril 2022 a tourné au chaos. Selon l’affidavit Duncan, il y a eu un débat sur la question de savoir qui siégerait au gouvernement intérimaire et pourquoi les membres n’ont pas pu choisir les membres de ce gouvernement. L’affidavit Glendale affirme que les divisions déjà profondes au sein des membres ont été aggravées par Ruby Mannila, qui s’est servie de sa position d’administratrice de la bande pour semer la discorde et faire des allégations sans fondement contre lui pendant la réunion.

[42] Par conséquent, aucun membre du gouvernement intérimaire n’a été confirmé et nommé par les membres.

[43] Dans l’affidavit Duncan, il est mentionné qu’en mars 2022, le Comité de gouvernance a rencontré le consultant Rob Louie, qui a préparé un projet de code de gouvernance. Je remarque que le projet de code fourni en pièce jointe ne contient essentiellement que des suggestions de rubriques. Le 4 mars 2022, Glendale et James Glendale ont écrit à Robert Duncan et Billy Peters pour les informer qu’ils s’opposaient officiellement [traduction] « à ce que des mesures soient prises pendant l’élaboration du code de gouvernance ». Ils ont déclaré qu’ils n’avaient pas été informés de l’embauche de M. Louie, qu’ils n’avaient pas approuvé cette embauche, et que [traduction] « nous, membres intérimaires du Conseil des chefs héréditaires et des chefs de famille, devons distribuer un avis de report de réunion avec des excuses, qui sera en vigueur jusqu’à ce que nous ayons déterminé que nous sommes prêts à assumer notre rôle de membres ».

[44] M. Mina a continué de faciliter les réunions avec les CH. Lors d’une réunion du 7 juin 2022 à laquelle seuls Glendale et James Glendale ont assisté, le seul sujet de discussion était le travail qui avait été fait sur le code de gouvernance et la nécessité de prévoir une réunion des membres pour discuter du nouveau code proposé. Les CH présents ont convenu de communiquer avec SAC afin d’obtenir des fonds pour la réunion et de tenir une réunion virtuelle des CH le 16 juin 2022 afin d’examiner le code proposé. Ils ont fixé la date de la réunion des membres au cours de laquelle le code serait examiné, après quoi ledit code serait fourni aux CH et à M. Mina dans les plus brefs délais.

[45] Dans un courriel du 10 juin 2022, Ruby Mannila a informé les membres de la PND que les CH se rencontreraient afin de discuter d’une demande soumise par le Comité de gouvernance pour la tenue d’une réunion sur le code de gouvernance. Il a été question du lieu et de la date de la réunion des membres et il a été déterminé que l’objet de la réunion serait d’examiner le code préparé par le Comité de gouvernance et d’obtenir les commentaires des membres afin de : discuter d’une option que le Comité de gouvernance juge raisonnable et équitable et qui assure la transparence au sein de la direction; et, si le modèle proposé par le Comité de la gouvernance n’était pas accepté, obtenir une orientation claire quant à la forme de leadership privilégiée par les membres.

[46] M. Mina a une dernière fois facilité une autre réunion des CH, le 16 juin 2022, à laquelle ont participé Glendale, James Glendale et Ruby Mannila. Le résumé de cette réunion indique trois points à l’ordre du jour : la tenue d’une réunion des membres de la PND pour discuter du nouveau code de gouvernance proposé et l’acceptation de deux fins de semaine pour la tenue de cette réunion, soit les 30 et 31 juillet et les 20 et 21 août 2022; la fin du mandat de M. Mina à titre de facilitateur neutre pour les réunions des CH mais, bien qu’il ait été accepté lors de la réunion que cela se poursuivrait, Glendale a changé d’avis après la réunion; et une discussion avec SAC au sujet du rapport de vérification de 2018.

[47] Le 30 juin 2022, Ruby Manilla a envoyé aux CH et aux membres de la PND un courriel auquel était joint un projet de code de gouvernance aux fins d’examen. Elle indiquait également avoir joint d’autres options de leadership aux fins de discussion et de décision en vue de la réunion de juillet. De plus, les points à l’ordre du jour visaient une discussion du code de gouvernance et la [traduction] « prise de la décision finale des membres quant à la forme de leadership qu’ils privilégient pour l’avenir ». Le document joint au courriel sur les options de leadership, daté du 2 février 2022, indique que le Comité de gouvernance voulait accroître l’unité et l’égalité dans les futures options de leadership et que les options présentées ne sont que des propositions – elles doivent faire l’objet d’un examen et de discussions à la réunion des membres. Trois options sont décrites et les rôles et les responsabilités associés à chaque option figurent dans un tableau.

[48] La réunion des membres de la PND a eu lieu les 30 et 31 juillet 2022.

[49] L’affidavit Duncan indique que Duncan a pris la parole à la réunion et que les membres de la PND ont été clairement informés que la rédaction d’un code de gouvernance final ne pourrait pas être terminée sans l’orientation des membres quant à la structure de leadership qu’ils privilégient. Il affirme avoir confirmé que tout code de gouvernance devrait être mis aux voix. Il affirme avoir compris que le code de gouvernance serait achevé, partagé avec les membres et soumis à un vote de ratification et dit être d’accord avec ce processus.

[50] À l’inverse, l’affidavit Glendale indique que, le deuxième jour de la réunion, Ruby Mannila a commencé à accuser Glendale d’être un voleur et d’avoir commis d’autres actes répréhensibles, et qu’il a fini par partir parce qu’elle agissait de façon si agressive. Il affirme que, après son départ, Ruby Manilla a tenu un vote pour demander un changement de la coutume de la PND, passant du modèle composé de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, modèle choisi en juin 2021, à un modèle de gouvernance composé d’un chef et de conseillers élus.

[51] Les ordres du jour des réunions des 30 et 31 juillet 2022 étaient tous deux axés sur les questions de gouvernance, y compris un examen des options de gouvernance. Cependant, il ressort clairement des affidavits Glendale et Duncan, ainsi que d’autres preuves par affidavit, que les membres du Comité de gouvernance ont non seulement discuté du code de gouvernance proposé, mais ont également soulevé d’autres questions, y compris le manque allégué d’information fournie par Glendale au sujet de son rôle au sein du Nanwakolas Council, décrit dans l’affidavit Duncan comme une organisation constituée dans le but de recevoir des recommandations et de consulter les bandes qui sont membres de l’organisation. Duncan déclare que les membres ont adopté une résolution à la réunion, afin de demander de l’information à Glendale. Je ne dispose d’aucun document relatif à cette résolution des membres. Dans un courriel du 16 août 2022, le Comité de gouvernance a écrit à Glendale pour lui demander les renseignements requis.

[52] En tout état de cause, l’affidavit Glendale indique qu’environ 31 membres ont assisté à la réunion des membres. L’affidavit Duncan n’indique pas le nombre de personnes présentes; l’affidavit Mannila non plus.

[53] Le 4 août 2022, Ruby Mannila a envoyé un courriel à SAC indiquant que [traduction] « 84 % étaient en faveur » de la sélection de cinq conseillers, et que les cinq conseillers élus choisiraient le chef. Elle a affirmé que le code de gouvernance en tiendrait compte et que, une fois celui‑ci ratifié, des élections seraient tenues. Elle ajoute qu’on avait demandé à Glendale de fournir des renseignements financiers et qu’elle acceptait le poste de chef héréditaire de Billy Peters, ce qui avait été annoncé à la réunion des membres.

[54] Le 10 août 2022, Glendale a écrit aux trois autres CH pour soulever des préoccupations au sujet de la [traduction] « tentative de prise de contrôle de la Nation » de Ruby Mannila et faire valoir qu’elle ne pouvait pas changer les coutumes de la bande si seulement 20 % des membres étaient présents. Il a aussi remis en question sa prétention au titre de chef héréditaire. Ruby Mannila a répondu par courriel le 16 août 2022.

[55] Le 1er septembre 2022, le Comité de gouvernance a envoyé une lettre aux membres de la PND indiquant que, lors de la réunion des 30 et 31 juillet 2022, il a été décidé d’adopter une nouvelle forme de gouvernance. Il est indiqué dans la lettre [traduction] « que deux choix ont été offerts ». L’option 1 était que la Nation [traduction] « maintiendrait le Conseil des chefs héréditaires à titre d’organe directeur » (je note en passant que dans la décision Première Nation des Da’naxda’Wx j’ai conclu que le CCH n’avait pas le pouvoir de gouverner). L’option 2 prévoyait que des représentants élus agiraient à titre d’organe directeur. L’option 2 avait reçu l’appui de 84 % des membres présents. Il est indiqué dans la lettre que le nouveau code de gouvernance comprendrait cinq représentants élus pour remplacer le « Conseil des chefs héréditaires » et que ces représentants élus voteraient entre eux pour décider qui serait le chef. En outre :

[traduction]

Le Comité de gouvernance prévoit une réunion pour présenter le Code de gouvernance complété, comportant les nouvelles modifications et tenant compte des décisions prises les 30 et 31 juillet 2022. On demandera ensuite aux membres de déclarer qu’ils acceptent le Code. Le Code est un document évolutif qui pourrait être modifié ultérieurement. Si la majorité des membres présents acceptent le Code, le Code de gouvernance sera achevé.

[56] Il est également mentionné dans la lettre qu’une date de réunion sera annoncée dès qu’elle aura été fixée par le CCH et que la réunion et le vote se tiendront virtuellement.

[57] Une réunion des CH avec Ruby Mannila a eu lieu le 9 septembre 2022. Les points à l’ordre du jour concernaient notamment la date de réunion des membres pour ratifier le Code de gouvernance. D’après la transcription de la réunion, il a été accepté que la réunion des membres de la PND se tiendrait le 22 octobre 2022 et que le vote se ferait au moyen du système « Simply Voting ».

[58] Le 21 septembre 2022, le Comité de gouvernance a envoyé un avis aux membres de la PND pour les informer qu’une réunion de ratification se tiendrait virtuellement le 22 octobre 2022. Les détails des modifications apportées au Code de gouvernance [traduction] « et à notre nouveau code électoral » à la suite des réunions dûment convoquées les 30 et 31 juillet 2022 devaient être communiqués dans une brève présentation, suivie d’un vote virtuel pour ou contre, [traduction] « afin de confirmer que vous acceptez d’aller de l’avant avec le Code de gouvernance et d’adopter le Code électoral tel que présenté ». Le vote devait se faire au moyen du système Simply Voting et être ouvert pendant trois jours pour accommoder les membres. La lettre indique que « le Code de gouvernance sera adopté s’il reçoit l’appui de 50 % + 1 des membres présents ayant droit de vote » (souligné dans l’original).

[59] Le 23 septembre 2022, le Comité de gouvernance a distribué aux CH et aux membres de la PND un projet de code électoral, indiquant que [traduction] « nous vous demanderons d’accepter ce Code en tant que nouveau processus électoral pour notre Nation ». Le système Simple Voting devait servir à confirmer l’acceptation du code par au moins 50 % + 1 des membres présents ayant droit de vote. Vous trouverez ci‑joint un document intitulé Da’naxda’xw/Awaetlala First Nation Election Code [Code électoral de la Première Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala].

[60] Les résultats de Simple Voting, datés du 23 octobre 2022, indiquent que 140 électeurs sur 167 ont voté (83,8 %). En réponse à la question [traduction] « Acceptez‑vous le nouveau Code de gouvernance pour la Première Nation des Da’naxda’xw », 73 ont voté pour (52,5 %) et 66 ont voté contre (47,5 %). En réponse à la question [traduction] « Acceptez‑vous le nouveau Code électoral pour la Première Nation Da’naxda’xw? », 76 ont voté pour (54,3 %) et 64 ont voté contre (45,7 %).

[61] L’affidavit Duncan indique que les membres attendent que l’avis de nomination et l’avis de vote soient affichés afin que les membres puissent élire leur conseil.

Analyse

Position de Glendale

[62] Glendale est d’avis que les éléments de mon ordonnance ont permis à la PND de passer de son ancien modèle de gouvernement à un nouveau gouvernement coutumier régi par son propre code. Toutefois, la transition n’est pas terminée.

[63] Il affirme que :

[traduction]

5. En date de novembre 2022, la transition de la PND n’a toujours pas été effectuée. La situation est plutôt la suivante :

a. La gouvernance de fait des affaires courantes de la PND repose presque exclusivement entre les mains des mêmes parties qui contrôlaient les opérations de la PND avant l’ordonnance du tribunal. Peters, Duncan et Mannila, et plus particulièrement Mme Mannila, qui prétend agir à la fois à titre de chef héréditaire et d’administratrice de la bande, ont conservé le plein contrôle des activités de la Nation, comme c’était le cas avant le dépôt de la demande initiale de contrôle judiciaire en août 2019;

b. Aucun gouvernement intérimaire n’a été formé, mais la gouvernance de la PND a vraisemblablement stagné dans sa forme temporaire désignée par la Cour en avril 2021, que les défendeurs décrivent comme un « Conseil des chefs héréditaires ». À la suite d’une série de réunions de tous les membres tenues en juin 2021 – rendues nécessaires en raison de la pandémie de COVID‑19 – les membres de la PND ont manifesté un vaste soutien à l’égard d’un gouvernement coutumier de chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille (le Conseil des chefs de famille). Bien que, lors de ces réunions, le consensus des membres intérimaires du Conseil des chefs de famille ait été démontré, y compris l’identité des chefs héréditaires et des principales familles de la PND, Peters, Duncan et Mannila ont refusé d’accepter d’autres membres du Conseil des chefs de famille en dehors des quatre chefs héréditaires qui formaient à l’origine le CCH;7.

c. Le groupe de travail sur le code de gouvernance, mis sur pied pour élaborer un code pour le Conseil des chefs de famille, a été détourné. Les défendeurs ont utilisé leurs réunions pour usurper la gouvernance formelle de la PND. Sous la direction de Mme Mannila, avec l’appui de M. Duncan, le groupe a déclaré unilatéralement une toute nouvelle forme de gouvernement, à savoir un modèle de gouvernance composé d’un chef et de conseillers élus, et a annoncé des élections à venir. Bénéficiant du plein contrôle de l’administration, des ressources et des voies de communication de la Nation, les défendeurs disposent de toute la latitude pour procéder, malgré l’ordonnance du tribunal et la volonté de la collectivité de la PND.

6. Le chef William Gordon Glendale, avec l’appui du chef Norman Glendale (le chef James Glendale lui ayant succédé), et les chefs de famille Patricia Nolie et Jake Jacobson ont tenté de travailler en conformité avec l’ordonnance du tribunal pour réaliser la transition de la PND, mais ils se sont heurtés à une résistance constante de la part de Peters, Duncan et Mannila.

7. Les parties Glendale s’adressent à la Cour pour demander de l’aide pour faire exécuter l’ordonnance du tribunal, de sorte que la PND puisse réaliser sa transition.

[64] Glendale soutient qu’il a besoin d’ordonnances du tribunal afin de permettre aux parties de prendre les mesures nécessaires pour se conformer entièrement à mon ordonnance. Il soutient que les parties et les membres de la PND bénéficieront d’un [traduction] « cadre révisé » pour mener à bien la transition et que les membres de la PND bénéficieront également d’autres ordonnances en vertu des articles 423 et 431 des Règles limitant l’ingérence de Ruby Mannila dans l’administration et le fonctionnement de la PND. Glendale soutient que Patricia Nolie et Jake Jacobson [traduction] « devraient être confirmés comme membres du gouvernement intérimaire jusqu’à ce que l’élaboration d’un code de gouvernance soit terminée », ce qui assurerait la stabilité du « gouvernement intérimaire ».

[65] Je remarque que la réparation demandée par Glendale est plutôt vaste. Non seulement cherche‑t‑il à ce que la Cour déclare que la coutume de gouvernance de la PND est le modèle de gouvernance composé de CHCCF, et à ce que la Cour ordonne que les membres de la PND nomment et confirment leurs membres intérimaires (ce qui a déjà échoué) et que, entre‑temps, Gordon Glendale, Robert Duncan, James Glendale et Bill Peters, en leur qualité traditionnelle de chefs héréditaires, supervisent les questions courantes de l’administration de la bande de la PND, de pair avec d’un représentant de chacune des familles Nolie et Jacobson, mais il cherche aussi à ce que la Cour ordonne à Ruby Mannila de ne pas intervenir dans l’administration courante de la bande de la PND à moins qu’elle ne soit nommée chef héréditaire à la place de Bill Peters, de ne pas agir à titre d’administratrice de bande et de céder tout accès et contrôle concernant l’administration de la PND au conseil intérimaire proposé, qui peut nommer un nouvel administrateur de bande. De plus, il demande à ce que les coûts de la requête soient assumés personnellement par Robert Duncan, Bill Peters et Ruby Mannila, à titre de dépenses procureur‑client payables immédiatement. Si M. Duncan, M. Peters et Mme Mannila n’effectuent pas le paiement dans les délais, la PND effectuera le paiement au demandeur et se réservera le droit de recouvrer les montants dus auprès de M. Duncan, M. Peters et Mme Mannila.

Position de Duncan

[66] Duncan fait référence à mon ordonnance et soutient qu’elle n’a pas limité, restreint ou retiré la capacité des membres de la PND de déterminer leur coutume. L’ordonnance a plutôt confirmé que seuls les membres de la PND, et non le conseil de bande, intérimaire ou autre, ont le pouvoir de déterminer ce qui constitue la coutume de la bande. Les défendeurs soutiennent que, d’après mon ordonnance, la coutume de la bande peut être établie dans le cadre de réunions des membres de la PND à ce sujet qui aboutissent à un vote référendaire positif sur un code de gouvernance. Il soutient que c’est exactement ce qui s’est produit le 25 octobre 2022.

[67] De plus, les membres de la PND peuvent s’appuyer sur la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, LC 2021, c 14 [LDNUDPA] pour prendre en compte leur droit à l’autodétermination, à la participation à la prise de décision, ainsi que pour exiger un consentement libre, préalable et éclairé avant la mise en œuvre de mesures administratives susceptibles de les affecter, y compris la confirmation de leur coutume de gouvernance.

[68] Duncan soutient que le 25 octobre 2022, les membres de la PND ont ratifié le Code de gouvernance de la Première Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala et le Code électoral. Cela s’est fait à la suite d’un processus dirigé par les membres. Le Comité de gouvernance a rédigé un projet de code de gouvernance, a mobilisé la collectivité, a révisé le code et le code électoral et a confirmé l’acceptation générale de la coutume par un vote de ratification.

[69] Il soutient que Glendale demande à la Cour de faire fi du fait que la coutume de la PND a été établie par un large consensus confirmé par la ratification et demande plutôt que la PND fasse marche arrière et revienne à une position qui permettrait à Glendale de diriger un autre processus d’élaboration d’un code de gouvernance, alors qu’il n’a présenté aucune preuve d’action en ce sens depuis mon ordonnance.

[70] Duncan soutient que Glendale cherche à forcer l’exécution de mon ordonnance, que les membres de la PND ont déjà respectée et exécutée par la ratification du code de gouvernance et du code électoral de la Première Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala.

[71] De plus, Glendale demande à la Cour de confirmer que la coutume de la PND consiste en la gouvernance par les CHCCF, conformément au vote des membres du 30 juin 2021, même si la preuve démontre que le vote n’a pas donné lieu à un large consensus.

[72] Enfin, Duncan soutient que, essentiellement, Glendale demande à la Cour d’annuler le vote des membres de la PND qui s’est tenu le 25 octobre 2022.

Analyse

[73] À mon avis, la requête de Glendale visant l’exécution forcée est sans fondement.

[74] Il ressort clairement de mon ordonnance que son but était, dans des circonstances très inhabituelles, de concevoir une réparation provisoire dans une situation où les deux groupes revendiquant le droit de gouverner la PND n’avaient pas réussi à établir qu’ils avaient le large consensus de la PND leur permettant de le faire, entraînant une interruption de l’administration de la bande. Comme je l’ai indiqué, c’est bien sûr « à la PND et non à la Cour qu’il appartient de déterminer son modèle de gouvernance, les personnes qui composent cette entité et les conditions de leur mandat ».

[75] Au moment où j’ai rendu mon ordonnance, les membres de la PND avaient indiqué, dans le cadre d’un examen de la gouvernance qui avait eu lieu le 27 février 2017, que les membres de la PND souhaitaient changer leur structure de gouvernance, passant du modèle de gouvernance composé d’un chef héréditaire et de deux conseillers au modèle de gouvernance composé de CHCCF. Toutefois, cette transition reposait sur l’élaboration d’un code de gouvernance qui définirait et délimiterait la nouvelle structure de leadership. Par conséquent, la coutume était en transition; cependant, en l’absence d’un code, aucun changement n’a été effectué.

[76] J’ai indiqué qu’en l’absence d’un code de gouvernance, un plan d’action provisoire en vue de réaliser ce changement de coutume pourrait être mis en place par les membres de la PND en prenant trois mesures (para 186) :

  1. confirmer qu’ils ont l’intention de modifier leur coutume de gouvernance pour avoir des chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, avant d’élaborer un code de gouvernance complet;

  2. identifier et nommer à titre intérimaire les chefs héréditaires et les membres du conseil des chefs de famille qui rempliraient ces postes jusqu’à ce qu’un code de gouvernance soit élaboré et ratifié et que ces postes soient pourvus conformément au code;

  3. exiger que les chefs héréditaires appuyés par un conseil des chefs de famille, nommés à titre intérimaire, procèdent immédiatement à l’élaboration d’un code de gouvernance qui sera présenté à la PND pour examen et ratification dans un délai déterminé.

[77] À mon avis, les éléments de preuve dont je dispose confirment que cette première étape a été franchie lors du vote des membres de la PND du 30 juin 2021. En outre, bien que Duncan soutienne que cela n’établit pas de consensus du fait qu’aucune option de gouvernance n’a été offerte aux membres à ce moment‑là, c’est qu’à ce moment‑là, les membres avaient déjà exprimé le désir de passer d’un modèle de gouvernance composé d’un chef héréditaire et de deux conseillers au modèle de gouvernance composé de CHCCF. Néanmoins, cela ne signifie pas que les membres de la PND s’étaient engagés à tout jamais en faveur du modèle de gouvernance composé de CHCCF. Cette confirmation s’inscrivait dans le cadre d’un processus subséquent menant à l’élaboration d’un code de gouvernance qui étofferait ce modèle et serait à terme ratifié par les membres de la PND.

[78] Cependant, au moment où les membres de la PND ont confirmé leur intention, on ne leur a pas demandé de désigner et de nommer des chefs héréditaires intérimaires et des membres intérimaires du conseil des chefs de famille qui occuperaient ces postes jusqu’à ce qu’un code de gouvernance soit élaboré.

[79] Et bien qu’il semble que Glendale – et peut‑être même Duncan – était d’avis que Gordon Glendale, Robert Duncan, Bill Peters et Norman Glendale étaient les chefs héréditaires intérimaires et que Jake Jacobson et Patricia Nolie étaient les membres intérimaires du conseil des chefs de famille, je n’ai devant moi aucune preuve qu’il s’agit des sélections et des nominations faites par les membres de la PND.

[80] Les membres de la PND n’ont donc pas instauré de modèle intérimaire de gouvernance composé de CHCCF à leur réunion du 30 juin 2021. Il ne fait aucun doute non plus que la réunion des membres de la PND du 2 avril 2022, convoquée à cette fin, a tourné au chaos et qu’aucune nomination intérimaire n’a été faite à ce moment‑là. En l’absence d’un modèle intérimaire de gouvernance composé de CHCCF qui ferait avancer l’élaboration d’un code de gouvernance reflétant ce modèle de gouvernance, et dans l’intention d’une ratification finale par les membres de la PND, cette dernière s’est à nouveau retrouvée sans direction, bien qu’il semble que les quatre CH aient continué – avec l’appui de SAC et de M. Mina – à assurer les activités courantes nécessaires à l’administration de la PN. Plus important encore, étant donné qu’aucun CHCCF intérimaire n’a été nommé pour assurer l’avancement, menant à la ratification d’un nouveau code de gouvernance, la finalisation prévue de la transition de la coutume de la PND au modèle de gouvernance composé de CHCCF a également échoué.

[81] Même si je comprends que Glendale diabolise le Comité de gouvernance et affirme que ce comité n’était qu’un instrument permettant à Ruby Mannila de réaliser sa volonté et prendre le contrôle de la gouvernance, après avoir lu les affidavits des autres membres du Comité de gouvernance, je ne peux pas être de cet avis. Aaron Aubin indique dans son affidavit qu’il participe au Comité de gouvernance depuis le 21 octobre 2021. Il joint à son affidavit un rapport sommaire du Comité sur le code de gouvernance daté du 8 mars 2023. Cela explique la participation continue du Comité de gouvernance et le rôle de M. Aubin dans la facilitation des réunions des membres de la PND des 30 et 31 juillet 2022 et du 22 octobre 2022.

[82] Cependant, il est juste d’affirmer que, après l’épouvantable réunion des membres de la PND du 2 avril 2022 alors qu’il est devenu évident qu’aucun CHCCF intérimaire ne serait nommé – dont le rôle principal était d’élaborer un code de gouvernance à présenter aux membres de la PND pour voter sur sa ratification – le Comité de gouvernance a sauté sur l’occasion. Il proposait une forme différente de gouvernance, non pas par un CHCCF, mais par des représentants élus. Le Comité de gouvernance a pris des mesures pour susciter l’engouement pour cette forme de gouvernance auprès des membres de la PND et a produit et distribué un projet de code de gouvernance et de code électoral pour la Première Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala. Essentiellement, le Comité de gouvernance a accompli ce que les CH dirigeant la PND n’ont pas réussi à accomplir depuis 2016 : ils ont créé un code de gouvernance.

[83] Le plus important, et ce qui n’est pas mentionné dans l’affidavit Glendale, lequel a été souscrit avant le 25 octobre 2022, est le fait qu’une majorité des membres de la PND ont voté en faveur du Code de gouvernance de la Première Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala et du Code électoral et qu’ils les ont ratifiés.

[84] Comme l’a fait remarquer Duncan, dans ma décision, j’ai donné un aperçu des principes généraux applicables à la coutume des bandes. Comme je l’ai indiqué, la coutume est déterminée par la bande et non par le chef et le conseil (Shotclose c Première Nation Stoney 2011 CF 750 au para 59, renvoyant à Bone c Bande indienne no 290 de Sioux Valley (1996), 107 FTR 133; Shirt c Saddle, 2017 CF 364 au para 32; Bertrand c Première Nation Acho Dene Koe, 2021 CF 287 au para 37). De plus, une coutume doit avoir des pratiques, qui peuvent être établies soit par des actes répétitifs, soit au moyen d’une mesure isolée comme l’adoption d’un code électoral (Bande indienne de McLeod Lake c. Chingee (1998), 1998 CanLII 8267 (CF)).

[85] En l’espèce, les membres de la PND, en ratifiant le Code de gouvernance de la Première Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala et le Code électoral, ont modifié la coutume de la PND pour adopter la forme de gouvernance reflétée dans le Code électoral – représentants élus.

[86] Ce choix relevait entièrement des membres de la PND.

[87] L’intention ultime de mon ordonnance a donc été respectée. Une forme de gouvernance a été choisie par la PND, comme en témoigne la ratification par les membres de la PND du Code de gouvernance de la Première Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala et du Code électoral. Par conséquent, les membres de la PND peuvent maintenant aller de l’avant et tenir une élection pour élire les membres de leur conseil.

[88] L’idée de suggérer, comme le fait Glendale, que je devrais maintenant mettre en place un « cadre révisé » pour permettre la transition vers un modèle de gouvernance composé de CHCCF ne tient pas compte du fait que les membres de la PND ont déjà choisi un modèle de gouvernance différent et ont ratifié un Code de gouvernance et un Code électoral reflétant ce choix. Ce sont les membres de la PND qui font ce choix, et non les CH individuels ou la Cour.

[89] En effet, sous le couvert de l’« application de la loi » et de la « conformité », Glendale demande à la Cour d’invalider la ratification par la PND du Code de gouvernance de la Première Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala et du Code électoral. En outre, et surtout, Glendale n’a pas contesté la validité du processus de ratification. Il cherche plutôt à attaquer indirectement la ratification au moyen de ces requêtes. La Cour n’approuvera pas de tels efforts.

[90] Bien que Ruby Mannila ait pu déployer tous les efforts possibles pour miner Glendale et cherché à servir ses propres intérêts, et même s’il a pu être difficile de travailler avec Glendale et que ce dernier n’a peut‑être pas été transparent sur le plan financier ou autre, cela n’a aucune importance devant la ratification non contestée du Code de gouvernance de la Première Nation des Da’naxda’xw/Awaetlala et du Code électoral par les membres de la PND.

[91] Pour ces motifs, la requête sera rejetée. Et, comme la requête visant l’exécution forcée sera rejetée, la requête visant à ajouter Ruby Manilla à titre de partie à ces affaires le sera également. Glendale a cherché à ajouter Mme Manilla de sorte qu’elle soit liée par les modalités de l’ordonnance d’exécution forcée qu’il cherchait à obtenir. Comme cette ordonnance ne sera pas accordée, il n’est pas nécessaire de l’ajouter en tant que partie défenderesse (Steelhead LNG (ASLING) Ltd c Arc Resources Ltd, 2022 CF 756 au para 27).

[92] On pourrait penser et espérer que cela marquerait la fin d’une longue saga de discorde sur la gouvernance pour les membres de la PND.

[93] Malheureusement, ce n’est pas le cas. À la fin de l’audition de ces requêtes, l’avocat de Duncan a informé la Cour que, en fait, une impasse empêche le déclenchement d’une élection. Les activités et l’administration courantes de la PND relèvent de Duncan et de Glendale, et ces derniers n’accepteront probablement pas de prendre des dispositions pour tenir une élection. De plus, même si Ruby Mannila et James Glendale sont également considérés comme des CH, une impasse à deux contre deux demeure.

[94] Je remarque cependant que les parties s’entendent pour dire que le travail de la PND n’avance tout simplement pas sans un gouvernement adéquat et que Glendale et Duncan sont responsables de l’administration courante de la PND.

[95] Cette situation laisse encore une fois les membres de la PND dans l’incertitude quant à leur gouvernance et oblige encore une fois la Cour à tenter de tracer la voie à suivre.

[96] Le vote de ratification du Code électoral du 25 octobre 2022 n’a pas été contesté et, comme il y a eu adoption par la majorité des membres de la PND, je suis d’avis qu’il a préséance. Le Code électoral stipule qu’il entre en vigueur au moment de sa ratification par la majorité des électeurs de la PND qui participent au vote de ratification (art 2). Les élections doivent être tenues conformément au Code électoral (art 11). La première étape de ce processus est la nomination d’un directeur des élections par le conseil de la PND au moyen d’une RCB. Afin d’éviter tout retard éventuel découlant de l’impasse entre les CH, j’ordonnerai que Glendale et Duncan, en leur qualité traditionnelle de chefs héréditaires, choisissent ensemble un directeur des élections et fassent en sorte que cette personne soit nommée au moyen d’une RCB dans les 30 jours suivant la présente décision. Le directeur des élections doit être une personne qui répond aux exigences de l’article 15 du Code électoral et peut être choisi avec l’aide et les conseils de SAC. Si Duncan et Glendale ne se conforment pas à cette exigence, alors, conformément à l’intention de l’article 14 du Code électoral, Ruby Mannila, à titre d’administratrice de la bande, doit, dès que possible et avec l’aide et les conseils de SAC, nommer un directeur des élections qui satisfait aux exigences de l’article 15 du Code électoral. Une fois qu’un directeur des élections est nommé, le calendrier et le processus établis dans le Code électoral doivent être suivis pour la tenue de l’élection.

[97] Je comprends que Glendale et d’autres puissent tenter de contester le résultat des élections en affirmant que le Code électoral n’a pas été ratifié en bonne et due forme, ou pour d’autres raisons qu’ils pourraient invoquer. Cependant, les contestations électorales se produisent couramment pour diverses raisons et, compte tenu de l’absence continue d’un organe directeur viable et de tous les retards et obstacles antérieurs à l’exercice du leadership choisi par les membres de la PND, il faut espérer qu’un résultat électoral équitable sera accepté par tous, mettant fin au différend sur la forme de gouvernance choisie par la PND.


JUGEMENT dans les dossiers T‑1282‑19 ET T‑1725‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête déposée en vertu des articles 423 et 431 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, visant l’exécution forcée de mon ordonnance rendue dans l’affaire Première Nation des Da’naxda’xw c Peters, 2021 CF 360, est rejetée;

  2. La requête présentée en vertu de l’alinéa 104b) des Règles visant à ajouter Ruby Manilla à titre de partie défenderesse au dossier T‑1282‑19 est rejetée;

  3. Aux termes du Code électoral, celui‑ci est entré en vigueur au moment de sa ratification et les élections de la PND doivent se dérouler conformément au Code électoral. La première étape de ce processus est la nomination d’un directeur des élections par le conseil de la PND au moyen d’une RCB. Glendale et Duncan, en leur qualité traditionnelle de chefs héréditaires, doivent choisir ensemble un directeur des élections et faire en sorte que cette personne soit nommée au moyen d’une RCB dans les 30 jours suivant la présente décision. Le directeur des élections doit être une personne qui répond aux exigences de l’article 15 du Code électoral et peut être choisi avec l’aide et les conseils de SAC. Si Duncan et Glendale ne se conforment pas à cette exigence, alors, conformément à l’intention de l’article 14 du Code électoral, Ruby Mannila, à titre d’administratrice de la bande, doit, dès que possible et avec l’aide et les conseils de SAC, nommer un directeur des élections qui satisfait aux exigences de l’article 15 du Code électoral. Une fois qu’un directeur électoral a été nommé, le calendrier et le processus établis dans le Code électoral doivent être respectés pour la tenue de l’élection;

  4. Les dépens de Robert Duncan sont fondés sur la colonne II du tarif B.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1282‑19

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

WILLIAM GORDON GLENDALE EN SA QUALITÉ DE CHEF DU CONSEIL DE BANDE DE LA PREMIÈRE NATION DES DA’NAXDA’XW ET DE MEMBRE DU CONSEIL DES CHEFS HÉRÉDITAIRES ET MICHAEL JACOBSON‑WESTON ET ANNIE GLENDALE EN LEUR CAPACITÉ DE CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION DES DA’NAXDA’XW c BILL PETERS, NORMAN GLENDALE, ROBERT DUNCAN

 

ET DOSSIER :

T‑1725‑19

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

BILL PETERS ET ROBERT DUNCAN, EN LEUR QUALITÉ DE MEMBRES DU CONSEIL DES CHEFS HÉRÉDITAIRES DE LA PREMIÈRE NATION DES DA’NAXDA’XW c WILLIAM GORDON GLENDALE, MICHAEL JACOBSON‑WESTON ET ANNIE GLENDALE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 MARS 2023

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 MARS 2023

 

COMPARUTIONS :

Jason Harman

 

Pour les demandeurs/DÉFENDEURS

(WILLIAM GORDON GLENDALE, MICHAEL JACOBSON‑WESTON ET ANNIE GLENDALE)

 

 

Nicole Hajash

 

Pour les Défendeurs/DEMANDEURS

(BILL PETERS ET ROBERT DUNCAN)

 

Ruby Mannila

 

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

JFK Law Corporation

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour les demandeurs/DÉFENDEURS

(WILLIAM GORDON GLENDALE, MICHAEL JACOBSON‑WESTON ET ANNIE GLENDALE)

 

DLA Piper (Canada) LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour les Défendeurs/DEMANDEURS

(BILL PETERS ET ROBERT DUNCAN)

 

 

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