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Date : 20230321


Dossier : T-1308-20

Référence : 2023 CF 388

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 mars 2023

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

DERMASPARK PRODUCTS INC.

POLLOGEN LTD.

demanderesses/
défenderesses reconventionnelles

et

BINAL PATEL

BALSAM SPA, faisant affaire sous le nom de BALSAM DAY SPA

défenderesses/
demanderesses reconventionnelles

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les défenderesses, Binal Patel et Balsam Day Spa, présentent une requête en procès sommaire conformément aux articles 213 et 216 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles] dans le contexte de l’action en usurpation de marques de commerce et violation de droits d’auteur intentée par les demanderesses.

[2] Dans leur avis de requête, les défenderesses sollicitent ce qui suit :

  1. une ordonnance rejetant les prétentions des demanderesses;
  2. subsidiairement, une ordonnance rejetant l’action intentée contre la défenderesse Binal Patel;
  3. une ordonnance accueillant la demande reconventionnelle des défenderesses et enjoignant aux demanderesses d’indemniser Balsam pour le préjudice qu’elle a subi et de lui verser la somme de 50 000 $ à titre de dommages-intérêts majorés, exemplaires et/ou punitifs;
  4. la radiation de la déclaration des demanderesses dans son intégralité sans autorisation de la modifier;
  5. des dépens majorés.

[3] Pour les motifs exposés ci-après, la Cour a conclu que la tenue d’un procès sommaire était appropriée et a instruit l’affaire sur le fond. Elle rejette la requête des défenderesses, donne gain de cause aux demanderesses et rejette la demande reconventionnelle des défenderesses.

[4] Avant d’expliquer pourquoi la présente affaire se prête à la tenue d’un procès sommaire et pourquoi la réparation recherchée par les défenderesses ne leur est pas accordée, il convient de présenter le contexte et les principaux points soulevés dans la déclaration des demanderesses et la défense des défenderesses.

I. Le contexte

A. Aperçu

[5] Les demanderesses et défenderesses reconventionnelles dans l’action sous-jacente sont Pollogen Inc. et DermaSpark Products Inc. [collectivement appelées les demanderesses sauf dans les cas où il est question uniquement de DermaSpark ou de Pollogen]. Pollogen est établie en Israël et fabrique des produits de traitement facial professionnel, dont la gamme de produits OxyGeneo. Cette gamme de produits comprend l’appareil Geneo+ (commercialisé au Canada sous le nom de OxyGeneo), la Capsugen (élément jetable de l’appareil) et les traitements NeoBright et NeoRevive à employer avec l’appareil. DermaSpark est la distributrice exclusive des produits de Pollogen au Canada.

[6] Les défenderesses et demanderesses reconventionnelles dans l’action sous-jacente sont Binal Patel et Balsam Spa, aussi appelée Balsam Day Spa [collectivement appelées les défenderesses sauf dans les cas où il est question uniquement de Balsam Spa ou de Mme Patel]. Mme Patel est administratrice de Yashvi Inc., l’entreprise propriétaire de Balsam Spa; elle se décrit comme en étant la propriétaire, l’exploitante, l’unique actionnaire et l’administratrice.

[7] Selon les demanderesses, les défenderesses ont acheté en ligne des contrefaçons de l’appareil de Pollogen et de produits connexes et a utilisé ces produits au salon de beauté de février 2018 à mars 2020 environ. Elles allèguent que l’utilisation par les défenderesses des produits contrefaisants et de leur matériel publicitaire et de commercialisation a violé les droits que leur confèrent la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‐13 et la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‐42.

[8] Les demanderesses ajoutent qu’il est dangereux d’utiliser les produits contrefaisants et que la vente de la contrefaçon de l’appareil est interdite au Canada, et soulignent que l’appareil OxyGeneo est un instrument médical de classe III homologué par Santé Canada.

[9] Les défenderesses nient violer les droits d’auteur des demanderesses et leurs droits sur les marques de commerce en cause. Elles affirment que, certes, elles ont acheté l’appareil auprès d’un autre vendeur sur Alibaba (plateforme Web de vente au détail) pour un coût bien moindre, mais qu’il s’agissait d’un appareil « authentique », et que les produits utilisés étaient les mêmes que ceux vendus par DermaSpark. Elles ajoutent qu’elles se sont conformées à la lettre de mise en demeure que leur a envoyée cette dernière immédiatement après l’avoir reçue.

[10] Les défenderesses ont présenté une demande reconventionnelle dans laquelle elles soutiennent que l’action intentée par les demanderesses constitue un abus de procédure parce que celles-ci n’ont pas agi rapidement afin d’empêcher la violation et qu’elles ont menacé de petites entreprises d’intenter des poursuites tout en les incitant à acheter leurs produits. Elles réclament aux demanderesses des dommages-intérêts et des dépens majorés.

B. La déclaration des demanderesses

[11] Les demanderesses déclarent que Pollogen a enregistré les marques de commerce canadiennes associées aux produits en cause et qu’elle est titulaire de droits d’auteur sur certains éléments du matériel publicitaire lié à ces produits. DermaSpark est également titulaire de droits d’auteur sur certains éléments du matériel publicitaire lié aux produits de Pollogen.

[12] Selon les demanderesses, les produits qui portent les marques de Pollogen et sont vendus ou distribués au Canada par tout autre intermédiaire que DermaSpark sont des contrefaçons. Elles soutiennent que les défenderesses ne se sont pas procuré l’appareil ni les traitements en cause auprès de DermaSpark, et n’ont pas non plus cherché à connaître l’origine de ces produits. Elles ajoutent que les défenderesses savaient ou auraient dû savoir qu’il s’agissait de contrefaçons étant donné que Mme Patel était apparemment [traduction] « tombée » sur une présentation commerciale de DermaSpark.

[13] Les demanderesses allèguent que les défenderesses ont utilisé les produits contrefaisants, qu’elles annonçaient et présentaient comme étant des produits authentiques, pour effectuer des traitements cutanés.

[14] Les demanderesses soutiennent que l’achat de l’appareil et des traitements contrefaisants les a privées des profits qu’elles auraient réalisés s’il y avait eu achat des produits authentiques.

[15] Selon les demanderesses, les produits de Pollogen sont très populaires et bien connus des professionnels de la santé et des soins esthétiques à travers le Canada, et les produits contrefaisants sont de moindre qualité. Elles ajoutent que la vente de services au moyen des produits contrefaisants a porté atteinte à leur relation avec leur chaîne de clients légitimes et de clients potentiels et nui considérablement à l’achalandage attaché aux marques de commerce en cause.

[16] Les demanderesses soutiennent également que les défenderesses ont employé leurs logos ainsi que des images tirées des sites Web de Pollogen et de DermaSpark pour faire l’annonce et la promotion de leurs produits contrefaisants et des services connexes. Elles déclarent qu’elles n’ont pas consenti à cet emploi et que les défenderesses n’étaient pas autorisées à employer les marques de commerce ni les œuvres protégées par le droit d’auteur.

[17] Les demanderesses font valoir que les actes des défenderesses leur ont causé un préjudice, notamment à leur réputation et à l’achalandage attaché aux marques de commerce. Elles sollicitent diverses réparations, dont une injonction et des dommages-intérêts préétablis et punitifs.

C. La deuxième défense et demande reconventionnelle modifiée des défenderesses

[18] Les défenderesses font valoir que les demanderesses n’ont droit à aucune réparation et les mettent au défi de prouver leurs allégations.

[19] Les défenderesses nient que l’appareil et les produits qu’elles ont achetés sur Alibaba en février 2018 étaient des contrefaçons.

[20] Les défenderesses déclarent qu’après avoir reçu une lettre de mise en demeure en mars 2020, elles se sont immédiatement défaites de l’appareil et des produits (même si elles ne peuvent pas le prouver) et ont cessé d’utiliser le matériel promotionnel des demanderesses.

[21] Les défenderesses remettent en question le fait que les demanderesses aient subi un préjudice, et sollicitent le rejet de l’action et l’adjudication de dépens majorés en leur faveur.

[22] Dans leur demande reconventionnelle, les défenderesses vont valoir que les demanderesses ont perdu la [traduction] « protection de leurs droits d’auteur » parce qu’elles n’ont pas pris de mesures contre les vendeurs en ligne.

[23] Les défenderesses sollicitent un jugement déclarant qu’elles n’ont pas violé les droits des demanderesses et que l’action intentée par celles-ci constitue un abus de procédure. Elles allèguent par ailleurs que les demanderesses intimident les petites entreprises et qu’elles ont toléré les ventes en ligne afin de pouvoir ultérieurement [traduction] « extorquer » de l’argent des petites entreprises au moyen de mises en demeure et de poursuites.

[24] Les défenderesses réclament aux demanderesses des dommages-intérêts de 100 000 $.

II. La requête en procès sommaire

[25] Comme il a été mentionné plus haut, les défenderesses sollicitent notamment, dans leur requête en procès sommaire, une ordonnance rejetant les prétentions des demanderesses, radiant la déclaration de celles-ci et accueillant avec dépens leur demande reconventionnelle.

[26] Dans leur avis de requête, les défenderesses exposent divers motifs, dont certains correspondent à ceux formulés dans la deuxième défense et demande reconventionnelle modifiée, et des réponses additionnelles, notamment ce qui suit :

  • Les demanderesses n’ont soulevé aucun fait justifiant d’engager la responsabilité de Mme Patel à l’égard des causes d’action invoquées;
  • Les demanderesses n’ont pas divulgué les détails de l’accord de distribution entre Pollogen et DermaSpark;
  • Ni DermaSpark ni Pollogen n’ont fourni la preuve qu’elles possèdent les marques de commerce ou les droits d’auteur en cause;
  • Les défenderesses ont acheté en ligne le même appareil et les mêmes produits que ceux commercialisés par les demanderesses;
  • D’autres détaillants en ligne vendent les produits des demanderesses;
  • Les défenderesses n’ont pas violé les droits d’auteur ni les droits conférés par les marques de commerce en cause;
  • L’utilisation par les défenderesses du matériel publicitaire des demanderesses pour commercialiser et vendre les mêmes produits que commercialisent les demanderesses ne constitue pas une violation de droit d’auteur;
  • Les demanderesses n’ont pris aucune mesure pour empêcher d’autres détaillants et fournisseurs de vendre leurs produits, de sorte que les marques de commerce en cause ont perdu leur caractère distinctif; l’inaction des demanderesses montre qu’elles [traduction] « attendaient leur heure » afin de pouvoir ultérieurement réclamer des dommages-intérêts aux petites entreprises. (Les défenderesses qualifient cette conduite d’extorsion et de pratique déloyale justifiant l’octroi de dommages‐intérêts, notamment de dommages-intérêts punitifs et exemplaires.)

[27] Le dossier de requête des défenderesses contient l’affidavit de Mme Patel et diverses pièces. Le contenu de cet affidavit et le témoignage en personne de Mme Patel sont résumés à l’annexe A ainsi que ci-après.

III. Un procès sommaire est-il approprié en l’espèce?

[28] Puisque la Cour est saisie d’une requête en jugement sommaire, la première question à trancher est celle de savoir si la tenue d’un procès sommaire est appropriée.

A. Les principes qui régissent les requêtes en procès sommaire

[29] Au paragraphe 39 de la décision Collins c Sa Majesté la Reine, 2014 CF 307 [Collins], la Cour a souligné qu’il incombe à la partie requérante de démontrer que la tenue d’un procès sommaire est appropriée (citant Teva Canada Limited c Wyeth LLC, 2011 CF 1169 au para 35, inf pour d’autres motifs dans 2012 CAF 141). La Cour a énoncé les facteurs pertinents au paragraphe 40 :

[40] Lorsqu’il décide si un procès sommaire est approprié, le juge peut tenir compte notamment des éléments suivants : les montants en jeu; la complexité de l’affaire; le coût d’un procès classique au regard des montants en jeu; l’état de l’instance; la question de savoir si le litige est prolongé; la question de savoir si la crédibilité est un enjeu fondamental; la nature urgente de l’affaire; le risque important de gaspillage d’efforts et d’énergie; la possibilité que le procès sommaire ait pour effet de morceler le litige (voir p. ex., Bosa c Canada, 2013 CF 793, au paragraphe 22, 230 ACWS (3d) 425 [Bosa]; Tremblay c Orio Canada Inc, 2013 CF 109, au paragraphe 24, 230 ACWS (3d) 850 [Tremblay]).

[30] Dans la décision Collins, la Cour a expliqué, au paragraphe 41, que lorsqu’elle est d’avis qu’un procès sommaire est approprié, la Cour doit instruire l’affaire sur le fond.

[31] Dans l’arrêt ViiV Healthcare Company c Gilead Sciences Canada, Inc, 2021 CAF 122, la Cour d’appel fédérale a donné des précisions sur les principes directeurs et a fait remarquer ce qui suit au paragraphe 35 :

[35] La règle 216 régit le pouvoir de décider s’il convient de tenir un procès sommaire. La Cour peut refuser de tenir un tel procès si « les questions soulevées ne se prêtent pas à la tenue d’un procès sommaire » ou si « un procès sommaire n’est pas susceptible de contribuer efficacement au règlement de l’action » (paragraphe 216(5) des Règles). Cette disposition des Règles prévoit également que, même si les sommes d’argent en cause sont élevées, que les questions en litige sont complexes ou que la preuve est contradictoire, la Cour « peut rendre un jugement sur l’ensemble des questions ou sur une question en particulier » à moins « qu’elle ne soit d’avis qu’il serait injuste de trancher les questions en litige dans le cadre de la requête » (paragraphe 216(6) des Règles).

[32] Récemment, dans la décision Ark Innovation Technology Inc c Matidor Technologies Inc, 2021 CF 1336 [Ark], la Cour a rappelé les principes bien établis régissant les requêtes en procès sommaire et reconnu que la Cour devrait également considérer comme facteur pertinent, quoique non déterminant, le consentement des parties à ce que l’affaire soit instruite par voie de procès sommaire. La Cour a fait observer ce qui suit aux paragraphes 17 et 18 :

[17] Comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé récemment, ces dispositions [de l’article 216] doivent être interprétées et appliquées conformément au principe général énoncé à l’article 3, à savoir de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible : Viiv Healthcare Company c Gilead Sciences Canada, Inc., 2021 CAF 122 aux para 35‐37. Pour évaluer s’il convient de tenir un procès sommaire, des questions telles que la complexité de l’affaire, l’urgence, le coût, le temps, les preuves d’experts, et la question de savoir si un procès sommaire risque de donner lieu à un « morcellement du litige », sont des facteurs pertinents : Viiv Healthcare, au para 38, citant avec approbation Wenzel Downhole Tools Ltd. c National-Oilwell Canada Ltd., 2010 CF 966 au para 38; Bosa c Canada (Procureur général), 2013 CF 793 au para 22; Tremblay c Orio Canada Inc., 2013 CF 109 au para 24.

[18] En l’espèce, les parties acceptent que l’affaire soit instruite par voie de procès sommaire. À mon avis, bien que ce consentement ne puisse pas être déterminant, il s’agit d’un facteur important pour évaluer si l’affaire est « appropriée » pour la tenue d’un procès sommaire « juste » : Tremblay, au para 26; Boulangerie Vachon Inc. c Racioppo, 2021 CF 308 aux para 8, 12. Si toutes les parties sont prêtes à procéder par voie de procès sommaire, à savoir de façon simplifiée et généralement moins coûteuse, cela indique qu’il est juste de procéder de la sorte. Je crois que, dans de telles circonstances, la Cour devrait être réticente à exiger que les parties engagent des frais supplémentaires et subissent des délais additionnels pour qu’un procès complet soit tenu.

[33] Dans la décision Ark, la Cour a ajouté, au paragraphe 19, que « les éléments de preuve contradictoires et les questions de crédibilité n’empêchent pas la tenue d’un procès sommaire, à moins qu’il ne soit injuste de trancher ces questions sans procès ».

B. Les observations des défenderesses

[34] Les défenderesses soutiennent que les questions en litige ne sont pas complexes et que, lors d’une conférence gestion de l’instance, les parties se sont entendues sur la tenue d’un procès sommaire.

C. Les observations des demanderesses

[35] Les demanderesses renvoient aux critères énoncés dans les décisions précitées et reconnaissent que la présente affaire ne les remplit pas tous. Par exemple, la crédibilité de même que certains éléments de preuve sont mis en question en l’espèce. Elles font valoir que le contre‐interrogatoire en personne des auteurs des affidavits dans le cadre du procès sommaire permettra à la Cour d’évaluer leur crédibilité.

[36] Les demanderesses estiment que les questions en litige, qui concernent la contrefaçon des œuvres protégées par droits d’auteur, l’usurpation des marques de commerce, la quantification des dommages-intérêts et l’adjudication des dépens, sont bien définies.

[37] Selon les demanderesses, les faits nécessaires pour prouver leurs allégations sont clairement présentés dans les affidavits et ont été exposés en détail lors des témoignages de vive voix.

[38] Les demanderesses font remarquer que les seuls faits dont il n’est pas question dans les dossiers des parties sont ceux concernant l’étendue de l’emploi par les défenderesses des produits contrefaisants et des œuvres protégées, et le préjudice subi par les demanderesses. Selon elles, l’absence d’éléments de preuve à ces égards ne constitue pas un obstacle à la tenue d’un procès sommaire puisque des situations similaires se produisent lors de procès complets. Elles font valoir que d’autres moyens permettent de quantifier les dommages-intérêts, notamment les dommages-intérêts forfaitaires et symboliques.

[39] Les demanderesses soutiennent que la Cour devrait instruire l’affaire sur le fond par voie de procès sommaire, étant donné que les parties sont d’accord pour qu’elle procède par voie sommaire et que l’affaire satisfait à la majorité des autres critères.

D. L’instruction par voie de procès sommaire

[40] La Cour juge que la tenue d’un procès sommaire est appropriée.

[41] Les défenderesses sont les requérantes, mais les observations des demanderesses exposant les raisons pour lesquelles la Cour devrait procéder par voie de procès sommaire sont plus convaincantes que celles des défenderesses. De plus, le présent litige s’est prolongé pour des raisons inexpliquées, et il servirait l’intérêt des parties de mener l’affaire à terme.

[42] Selon la jurisprudence, la Cour doit trancher le litige en fonction des arguments de fond formulés dans la requête, et non dans l’action sous‐jacente (voir, par exemple, Mud Engineering Inc c Secure Energy (Drilling Services) Inc, 2022 CF 943 [Mud] aux para 5, 6).

[43] En l’espèce, les requérantes, à savoir les défenderesses, ont formulé dans l’avis de requête des allégations générales qui ne comprennent que très peu de renvois au droit ou aux faits. Les demanderesses appuient néanmoins pleinement l’instruction de l’affaire par voie de procès sommaire. Elles ont proposé de prouver les allégations qu’elles ont formulées dans leur déclaration (lesquelles figurent également dans leur dossier de réponse à la requête), et les défenderesses ont proposé de répondre de façon conforme à leur défense.

[44] Cette façon de faire ne devrait pas être considérée comme un exemple à suivre pour les requêtes en procès sommaire, mais il s’agit de la façon la plus efficace et économique de régler le présent litige. Par conséquent, je suis d’accord qu’il convient de tenir un procès sommaire. La Cour ne se livrera pas à un examen de la question de savoir à qui incombe le fardeau de la preuve dans le contexte d’une requête en procès sommaire puisque les parties s’entendent pour procéder de la sorte (voir, par exemple, Mud, aux para 21‐28).

IV. Les observations des demanderesses (dossier de réponse des demanderesses à la requête)

A. La propriété des marques de commerce et des droits d’auteur

[45] Dans son affidavit, M. Moshe Ben-Shlomo, chef de la direction de DermaSpark, déclare que DermaSpark est la distributrice exclusive des produits de Pollogen au Canada, y compris de l’appareil OxyGeneo et des produits connexes, que les produits vendus par DermaSpark sont bien connus et que l’appareil OxyGeneo est un instrument médical homologué au Canada.

[46] Les demanderesses précisent que Pollogen est la propriétaire unique de diverses marques de commerce déposées et que DermaSpark est autorisée à les employer et à faire la promotion des produits visés par ces marques. Voici les marques déposées et les renseignements relatifs à l’enregistrement de chacune :

  • OxyGeneo (LMC1032944) – 7 novembre 2017;
  • NeoRevive (LMC1037225) – 17 novembre 2017;
  • NeoBright (LMC1035066) – 17 novembre 2017;
  • 3-in-1 super facial (LMC1041360) – 8 février 2019;
  • Geneo+ (LMC1032928) – 17 novembre 2017.

[47] M. Ben-Shlomo a joint à son affidavit plusieurs pièces confirmant la propriété des marques de commerce en cause. Les affidavits de M. Moshe Gurevitch et Mme Allison Bran établissent que DermaSpark et Pollogen détiennent des droits d’auteur sur diverses œuvres promotionnelles.

B. L’achalandage

[48] Selon les demanderesses, les produits de Pollogen sont très populaires et bien connus des professionnels de la santé et des soins esthétiques partout au Canada. Elles affirment que l’emploi et la promotion des marques déposées et des œuvres protégées par droits d’auteur leur ont permis de se forger une certaine renommée et de générer un achalandage important au Canada en liaison avec des services de soins de la peau. Le témoignage de M. Ben‐Shlomo, présenté plus en détail à l’annexe A, étaye cette affirmation.

[49] Les demanderesses portent également à l’attention de la Cour la déposition de Mme Patel, qui a déclaré qu’elle avait été [traduction] « impressionnée par les [...] produits de la gamme OxyGeneo » lors d’une présentation commerciale de DermaSpark en 2017.

[50] Les demanderesses affirment en outre que les produits et services associés à leurs marques sont – et sont connus pour être – d’excellente qualité et qu’ils sont homologués par Santé Canada. Dans son témoignage de vive voix, M. Ben-Shlomo a expliqué que les pièces jointes à son affidavit montrent les exigences d’homologation de Santé Canada et le certificat d’homologation détenu pour les produits en cause.

C. L’emploi par les défenderesses des marques de commerce et des éléments protégés par des droits d’auteur

[51] Les demanderesses soutiennent que les défenderesses ont violé les droits d’auteur qu’elles détiennent et usurpé leurs marques de commerce, déposées comme non déposées.

[52] Selon les demanderesses, Mme Patel assurait, directement ou indirectement, l’exploitation et la gestion des éléments clés de l’entreprise Balsam Spa à l’époque pertinente, et elle a directement autorisé, annoncé et accompli les actes qui constituent une violation de leurs droits.

[53] Les demanderesses prétendent qu’à une date inconnue et sans qu’elles ne leur accordent leur autorisation, leur permission ou une licence d’emploi, les défenderesses ont commencé à offrir, vendre, fournir et annoncer des services de soins de la peau sous les noms « OxyGeneo » et « 3-in-1 super facial » ainsi que des produits connexes, ce qui constitue un emploi non autorisé des marques de commerce des demanderesses et d’éléments protégés par leurs droits d’auteur. Cet emploi non autorisé s’est poursuivi pendant environ deux ans, soit jusqu’en janvier ou mars 2020.

[54] Les demanderesses allèguent que les défenderesses ont offert, vendu et effectué des traitements cutanés à l’aide d’une contrefaçon de l’appareil OxyGeneo qu’elles présentaient intentionnellement comme étant le produit authentique. Elles affirment que l’appareil n’a pas été fourni par DermaSpark, qui est la distributrice exclusive des produits de Pollogen au Canada. Elles soutiennent que les défenderesses n’ont pas cherché à connaître l’origine de l’appareil ni des produits qu’elles avaient achetés.

[55] Les demanderesses soulignent que, non seulement elles ont été privées des profits qu’elles auraient réalisés s’il y avait eu vente des produits authentiques, mais la vente des produits contrefaisants – lesquels sont moins efficaces que les produits authentiques et possiblement dangereux – porte atteinte à leur relation avec leur chaîne de clients légitimes et de clients potentiels.

[56] Les demanderesses soutiennent également que les défenderesses ont employé illégalement les logos et images des demanderesses (les « œuvres ») sur le site Web de Balsam Spa afin de faire l’annonce et la promotion de leurs produits et services, dont le dessin OxyGeneo Technology sur un arrière-plan bleu de forme arrondie, une image montrant une Capsugen de couleur brune, deux sachets NeoBright de couleur jaune, deux sachets NeoRevive de couleur rose, et une série de trois images montrant comment l’appareil OxyGeneo fonctionne sur la peau. Sont jointes aux affidavits de M. Ben-Shlomo et de M. Gurevitch des captures d’écran des publications et publicités en ligne de Balsam Spa sur lesquelles apparaissent les produits associés aux marques de commerce et les œuvres protégées par les droits d’auteur de Pollogen et de DermaSpark.

D. Le préjudice causé aux demanderesses

[57] Les demanderesses allèguent que les actes illégaux commis par les défenderesses ont causé un préjudice grave et irréparable à leur réputation et à l’achalandage attaché aux marques de commerce.

[58] Les demanderesses reconnaissent que, sans la tenue d’une enquête préalable, elles ne peuvent évaluer avec précision l’étendue de l’emploi par les défenderesses et du préjudice subi; elles font toutefois remarquer qu’il existe d’autres méthodes pour évaluer le préjudice subi.

E. Les réparations demandées

[59] Dans leur deuxième déclaration modifiée, les demanderesses sollicitent les réparations suivantes :

  1. un jugement déclarant que les défenderesses ont violé les droits des demanderesses;
  2. un jugement déclarant que les actes des défenderesses constituent de la concurrence déloyale;
  3. un jugement déclarant que les actes des défenderesses constituent une usurpation de marques de commerce et qu’ils ont causé la dépréciation de l’achalandage attaché aux marques;
  4. une injonction permanente interdisant aux défenderesses d’employer les marques de Pollogen;
  5. une ordonnance enjoignant aux défenderesses de remettre ou de détruire les produits contrefaisants et les œuvres protégées par les droits d’auteur;
  6. une ordonnance enjoignant aux défenderesses de fournir le nom et les coordonnées des fournisseurs des produits contrefaisants;
  7. la somme de 80 000 $ à titre de dommages-intérêts pour violation des droits d’auteur (À l’audience, les demanderesses ont mentionné qu’une somme inférieure serait plus appropriée);
  8. la somme de 100 000 $ à titre de dommages-intérêts pour usurpation de marques de commerce;
  9. la somme de 40 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs et exemplaires;
  10. les intérêts;
  11. les dépens.

V. La thèse des défenderesses (défense et demande reconventionnelle)

[60] La teneur de la défense et demande reconventionnelle des défenderesses est exposée aux paragraphes 18 à 24 de la présente décision. La thèse des défenderesses est également décrite dans leur avis de requête en procès sommaire, dont les principaux points sont présentés au paragraphe 26. De façon générale, les défenderesses nient que l’appareil qu’elles ont acheté constituait une contrefaçon et soutiennent plutôt qu’il pouvait s’agir d’un bien du « marché gris » (c.-à-d., un appareil volé ou revendu). Elles soutiennent que les demanderesses n’ont pas prouvé que les produits étaient contrefaisants et que, s’ils l’étaient, Mme Patel ne le savait pas. Elles prétendent que les demanderesses n’ont pris aucune mesure pour empêcher la violation de leurs droits d’auteur ou l’usurpation de leurs marques de commerce, notamment sur la plateforme Alibaba, et qu’elles auraient pu ou dû intenter une action contre le vendeur en ligne plutôt que contre l’acheteur des produits contrefaisants.

VI. Les questions en litige

[61] Je reprends les questions en litige proposées par les demanderesses, à savoir :

  1. Les défenderesses ont-elles violé les droits d’auteur des demanderesses aux termes de l’article 27 de la Loi sur le droit d’auteur?
  2. Les défenderesses ont-t-elles « employé », au sens des articles 2 et 4 de la Loi sur les marques de commerce, les marques de commerce en cause?
  3. Les défenderesses se sont-elles livrées à de la commercialisation trompeuse ou ont-elles fait passer leurs produits pour ceux des demanderesses en contravention de l’article 7 de la Loi sur les marques de commerce?
  4. Les défenderesses sont-elles coupables d’usurpation de marques de commerce contrairement aux articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce?
  5. Les actes des défenderesses ont-ils entraîné une diminution de l’achalandage attaché aux marques en cause en contravention de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce?
  6. Les demanderesses ont-elles droit à la réparation sollicitée?
  7. Comment les dommages-intérêts devraient-ils être calculés?
  8. Les demanderesses ont-elles droit à leurs dépens relativement à la présente requête?
  9. La Cour devrait-elle faire droit à la demande reconventionnelle par laquelle les défenderesses invoquent l’abus de procédure et sollicitent des dommages-intérêts exemplaires et/ou punitifs et les dépens?

VII. Appréciation de la preuve

[62] Les dépositions des témoins des demanderesses, M. Ben-Shlomo, M. Gurevitch et Mme Allison J. Bran, de même que celle de la témoin des défenderesses, Mme Patel, sont résumées à l’annexe A. L’analyse traitera de certains éléments de preuve en particulier.

[63] Après avoir examiné et apprécié l’information des affidavits et des pièces, et apprécié les témoignages de vive voix de M. Ben-Shlomo, de M. Gurevitch et de Mme Patel – lequel présente diverses incohérences –, j’ai accordé davantage de poids à la preuve présentée par M. Ben‐Shlomo et M. Gurevitch.

[64] Je ne peux me fier à la preuve fournie par Mme Patel relativement à son appareil ni aux communications avec les demanderesses. Son témoignage était contradictoire, évasif et changeant.

[65] À titre d’exemple, lors de son témoignage de vive voix, Mme Patel a soutenu que M. Ben‐Shlomo, chef de la direction de DermaSpark, en poste à Vancouver, s’était personnellement rendu à deux reprises à son salon de beauté. Elle a affirmé que lors de sa première visite, il avait lui-même fait une démonstration de l’appareil sur elle. Mme Patel ne se souvenait pas de la date de sa visite ni s’il s’était présenté sur rendez-vous, et elle ne savait comment expliquer que, dans son affidavit, elle pouvait décrire cette visite et cette démonstration comme une présentation sur laquelle elle serait [traduction] « tombée ». Elle a également dit que M. Ben-Shlomo avait visité son salon de beauté une seconde fois, [traduction] « quelque temps » après le 30 janvier 2020, dans le but de vérifier si elle s’était défaite de son appareil et des produits connexes. Encore une fois, elle ne savait pas à quelle date avait eu lieu cette visite. Elle ne pouvait non plus expliquer pourquoi M. Ben-Shlomo continuait de lui envoyer des courriels dans lesquels il lui demandait de lui transmettre le numéro de série et une photographie de l’appareil, si elle lui avait déjà fourni le numéro de série par téléphone. Elle ne pouvait expliquer pourquoi M. Ben-Shlomo lui avait demandé de lui envoyer l’appareil et se serait aussi rendu à son salon de beauté, mais n’y aurait pas examiné l’appareil. M. Ben-Shlomo nie catégoriquement s’être présenté au Balsam Spa.

[66] Dans sa plaidoirie finale, l’avocat des défenderesses a soutenu que le fait que M. Ben‐Shlomo se soit rendu ou non au salon de beauté n’avait aucune importance pour la question de la contrefaçon. Cependant, le témoignage de Mme Patel relativement à ses visites – qui, selon M. Ben-Shlomo, n’ont pas eu lieu – revêt une importance pour l’appréciation de la crédibilité de Mme Patel que doit effectuer la Cour.

[67] La Cour n’est pas non plus convaincue de la crédibilité du témoignage de Mme Patel selon lequel elle ne savait pas que le produit qu’elle avait acheté sur la plateforme Alibaba auprès d’un vendeur en China était une contrefaçon. Le fait qu’elle n’avait trouvé l’appareil sur aucune plateforme en ligne canadienne et qu’elle l’avait trouvé uniquement sur Alibaba, à un prix nettement moindre, aurait dû éveiller un doute dans son esprit quant au risque qu’il s’agisse d’un produit contrefaisant. De plus, sur leur facture, les vendeurs, Wuhan Gaze Laser Technology Co. Ltd [Wuhan] et Gracelaser Electronic Technology Co., Ltd. [Gracelaser], n’ont pas utilisé exactement les mêmes noms de produits que ceux de Pollogen. Son témoignage selon lequel elle n’avait remarqué les différences que lorsqu’il lui avait été demandé, en contre-interrogatoire, d’examiner la facture, qui est une pièce jointe à son affidavit, confirme qu’elle a fait preuve d’insouciance ou d’aveuglement volontaire quant à la possibilité que le produit qu’elle avait décidé d’acheter soit un appareil contrefaisant. Sa réponse – à savoir que le prix extrêmement bas de l’appareil n’avait soulevé aucune interrogation étant donné que les produits coûtent généralement plus cher au Canada – n’est pas une explication raisonnable compte tenu du fait que l’appareil acheté sur Alibaba ne coûtait qu’un cinquième du prix de l’appareil authentique et qu’elle connaissait le prix de ce dernier. Lors de son témoignage, elle a mentionné qu’elle n’avait effectué aucune vérification pour confirmer que le produit qu’elle avait acheté était bel et bien un produit fabriqué par Pollogen.

[68] Le témoignage de Mme Patel au sujet de la conversation sur l’application WhatsApp entre son mari et le vendeur en ligne était changeant et incohérent. Mme Patel a fait diverses volte-face concernant sa présence au moment de cette conversation, la façon dont la conversation avait été reproduite et comment le titre [traduction] « Conversation avec le fournisseur sur Whats up [sic] » avait été ajouté à la pièce.

[69] En outre, son témoignage a changé en ce qui concerne la question de savoir si elle était présente lorsque son mari a rédigé la pièce dans laquelle sont énumérées les ventes à des clients de services pour lesquels les produits contrefaisants ont été utilisés.

[70] Par ailleurs, la preuve présentée par Mme Patel relativement à ses échanges avec M. Ben‐Shlomo au sujet de l’appareil se limite à des extraits ciblés de courriels, choisis pour appuyer son allégation selon laquelle elle ignorait que l’appareil était une contrefaçon. Par exemple, lors de son témoignage de vive voix, elle a affirmé que M. Ben-Shlomo lui avait dit que son appareil était [traduction] « authentique », alors que le courriel est ainsi rédigé : [traduction] « S’il s’agit bien de ce dont nous avons parlé [ce qui semble faire référence à un appareil volé], ne vous inquiétez pas puisqu’il s’agit d’un appareil authentique. Veuillez m’envoyer une photographie de l’arrière de l’appareil [...]. » Mme Patel ne lui a jamais envoyé la photographie demandée et elle ne peut raisonnablement justifier la raison pour laquelle elle ne l’a pas fait, malgré les maintes demandes faites à cet effet. Les courriels suivants mettent en évidence le fait que M. Ben-Shlomo a avisé Mme Patel et son mari que l’appareil qu’elle avait acheté était un faux.

[71] Dans sa plaidoirie finale, l’avocat des défenderesses a fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve que l’appareil était une contrefaçon étant donné que les demanderesses ne l’ont jamais examiné et qu’il avait été détruit. Il a soutenu que M. Ben-Shlomo n’avait pas avisé les défenderesses que l’appareil était une contrefaçon, qu’il leur avait seulement dit que l’appareil serait [traduction] « considéré » comme une contrefaçon, et que cette communication n’avait été faite qu’après que Mme Patel l’eut informé qu’elle ne souhaitait pas acheter les produits authentiques auprès de DermaSpark.

[72] L’interprétation que donnent les défenderesses n’est appuyée ni par la preuve au dossier ni par les témoignages. Par exemple, dans le courriel du 14 janvier 2020 puis de nouveau dans celui du 16 janvier 2020, M. Ben-Shlomo a demandé à Mme Patel de lui transmettre une photographie de l’arrière de l’appareil. Dans le courriel du 30 janvier 2022, M. Ben-Shlomo a demandé à Mme Patel de répondre à ses messages et a précisé ce qui suit : [traduction] « [...] et rappelez-moi. Si vous ne le faites pas, votre appareil sera considéré comme étant un faux et nous intenterons des poursuites [...]. » Dans le courriel du 30 janvier 2020, M. Ben‐Shlomo dit clairement ceci à M. Patel (le mari de Mme Patel) : [traduction] « L’appareil contrefaisant doit nous être envoyé. Veuillez me laisser savoir comment vous voulez procéder et nous prendrons les démarches nécessaires. »

[73] Mme Patel affirme qu’elle s’est conformée à la lettre de mise en demeure immédiatement après l’avoir reçue et qu’elle a envoyé l’appareil à un centre de recyclage. Cependant, le dossier ne comprend ni élément de preuve faisant état du numéro de série de l’appareil (alors qu’elle dit l’avoir fourni de vive voix à M. Ben-Shlomo, ce que nie ce dernier) ni photographie de l’appareil.

[74] M. Ben-Shlomo nie l’allégation de Mme Patel selon laquelle il aurait fait pression sur elle pour qu’elle achète l’appareil authentique et les produits connexes et aurait dit qu’aucune poursuite ne serait intentée si elle cessait d’utiliser l’appareil contrefaisant. Il est vrai que, dans ses courriels, M. Ben-Shlomo a offert aux défenderesses d’acheter les produits authentiques et fourni un lien vers une vidéo explicative sur la technologie OxyGeneo, mais il n’a pas écrit que l’achat des produits authentiques lui permettrait d’éviter une action en contrefaçon. Comme on l’a vu plus haut, M. Ben-Shlomo a écrit dans ses courriels que des poursuites seraient intentées si l’appareil ne lui était pas envoyé. De plus, aucun poids ne saurait être accordé aux allégations de Mme Patel compte tenu de la nature changeante et incohérente de son témoignage.

[75] Mme Patel prétend que, selon sa compréhension, l’appareil qu’elle a acheté n’était pas un instrument médical nécessitant l’homologation de Santé Canada étant donné qu’il était « non effractif », mais elle n’a fourni aucune source à l’appui de cette compréhension. Elle explique également qu’elle a communiqué avec Santé Canada afin de connaître ses obligations et qu’on lui avait répondu que son appareil n’était pas un instrument médical. Elle ne possède toutefois aucune trace de la date de l’appel ni de la personne avec qui elle a parlé.

[76] Certes, les défenderesses tentent de présenter la preuve sous un angle favorable à Mme Patel, mais le dossier n’appuie pas leur interprétation. De plus, la preuve présentée par les défenderesses ne leur fournit aucune défense contre les allégations de contrefaçon ou de violation de droits d’auteur.

VIII. Les défenderesses ont-elles violé les droits d’auteur des demanderesses aux termes de l’article 27 de la Loi sur le droit d’auteur?

[77] Les paragraphes 27(1) et (2) sont libellés ainsi :

27 (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

27 (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.

(2) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement de tout acte ci-après en ce qui a trait à l’exemplaire d’une œuvre, d’une fixation d’une prestation, d’un enregistrement sonore ou d’une fixation d’un signal de communication alors que la personne qui accomplit l’acte sait ou devrait savoir que la production de l’exemplaire constitue une violation de ce droit, ou en constituerait une si l’exemplaire avait été produit au Canada par la personne qui l’a produit :

(2) It is an infringement of copyright for any person to

a) la vente ou la location;

(a) sell or rent out,

b) la mise en circulation de façon à porter préjudice au titulaire du droit d’auteur;

(b) distribute to such an extent as to affect prejudicially the owner of the copyright,

c) la mise en circulation, la mise ou l’offre en vente ou en location, ou l’exposition en public, dans un but commercial;

(c) by way of trade distribute, expose or offer for sale or rental, or exhibit in public,

d) la possession en vue de l’un ou l’autre des actes visés aux alinéas a) à c);

(d) possess for the purpose of doing anything referred to in paragraphs (a) to (c), or

e) l’importation au Canada en vue de l’un ou l’autre des actes visés aux alinéas a) à c).

(e) import into Canada for the purpose of doing anything referred to in paragraphs (a) to (c),

BLANC

a copy of a work, sound recording or fixation of a performer’s performance or of a communication signal that the person knows or should have known infringes copyright or would infringe copyright if it had been made in Canada by the person who made it.

[78] Les demanderesses ont démontré – par les témoignages de MM. Ben-Shlomo et Gurevitch et les pièces jointes à leurs affidavits – que Pollogen et DermaSpark sont titulaires de droits d’auteur sur les diverses œuvres que les défenderesses ont copiées et affichées sur leur propre site Web. Les défenderesses ne contestent pas que Pollogen est la propriétaire de ces œuvres ni que DermaSpark est la distributrice exclusive des produits sur le marché canadien et qu’elle est autorisée à les utiliser. Les pièces au dossier établissent que les défenderesses ont reproduit ou copié cinq œuvres. Il convient de noter que les défenderesses ont également copié le symbole indiquant qu’il s’agit bel et bien de marques de commerce.

[79] Les défenderesses se concentrent uniquement sur l’appareil OxyGeneo et font valoir que si l’appareil était authentique, rien ne les aurait empêchées d’utiliser les œuvres promotionnelles de Pollogen et de DermaSpark. Cela étant dit, il a été établi que l’appareil des défenderesses n’était pas [traduction] « authentique ». En outre, lors de son témoignage de vive voix, M. Ben-Shlomo a expliqué que les propriétaires d’appareils authentiques sont en plus tenus de payer un droit pour l’utilisation des œuvres promotionnelles.

[80] M. Gurevitch a fourni une capture d’écran du site Web des défenderesses sur laquelle apparaissent des images, notamment le logo d’OxyGenen ainsi que des images de la Capsugen et des produits NeoBright et NeoRevive. Il affirme que ces images (les « œuvres ») ont été créées par le personnel de Pollogen et que Pollogen détient tous les droits y afférents. Selon lui, les défenderesses n’ont aucun droit d’utiliser les œuvres de Pollogen à quelque fin que ce soit.

[81] Les pièces présentées par M. Ben-Shlomo montrent également que les défenderesses ont utilisé sur leur site Web les mêmes images que celles qui figurent sur le matériel promotionnel de Pollogen et de DermaSpark. Il convient de souligner que les photographies « avant et après » sont identiques.

[82] M. Ben-Shlomo a aussi porté à l’attention de la Cour une pièce comprenant des captures d’écran du site Web des défenderesses, expliqué que les photographies montrant la peau avant et après le traitement provenaient du site Web et du matériel de commercialisation de DermaSpark, et souligné que ces œuvres appartiennent à Pollogen. Il a relevé chacun des textes et photographies qui appartiennent à DermaSpark et Pollogen, et fait remarquer l’emploi de la mention « TM » à la droite du nom OxyGeneo. Ces images apparaissent sur une copie d’une page du site Web de DermaSpark. Il a déclaré que la vidéo d’animation montrant les étapes d’exfoliation, d’infusion et d’oxygénation avait été réalisée en 2015 pour DermaSpark.

[83] Les demanderesses ont démontré que les défenderesses avaient violé leurs droits d’auteur sur diverses œuvres.

IX. Les défenderesses ont-elles « employé » les marques de commerce des demanderesses?

[84] Les termes « emploi ou usage » sont ainsi définis à l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce : « À l’égard d’une marque de commerce, tout emploi qui, selon l’article 4, est réputé un emploi en liaison avec des produits ou services. (use) ».

[85] L’article 4 dispose :

4 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4 (1) A trademark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(2) A trademark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des produits ou sur les emballages qui les contiennent est réputée, quand ces produits sont exportés du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces produits.

(3) A trademark that is marked in Canada on goods or on the packages in which they are contained is, when the goods are exported from Canada, deemed to be used in Canada in association with those goods.

[86] Les demanderesses ont démontré que les défenderesses ont employé les marques de commerce d’une façon visée aux articles 2 et 4 de la Loi sur les marques de commerce, qui définissent ce qui constitue un « emploi ». Les défenderesses les ont employées aux fins de l’annonce, de la promotion et de la vente des services de spa associés aux traitements OxyGeneo, comme le confirme la preuve présentée par MM. Gurevitch et Ben-Shlomo.

[87] M. Gurevitch a affirmé que DermaSpark est la distributrice exclusive des produits de Pollogen sur le marché canadien. Il a ajouté que les produits ou appareils annoncés comme étant de la marchandise de Pollogen et achetés auprès de sources autres que ses distributeurs exclusifs étaient des contrefaçons qui portaient atteinte aux droits de propriété intellectuelle associés aux produits et appareils authentiques. Il a dit que Wuhan et Gracelaser sont des entreprises connues de Pollogen qui violent les droits des demanderesses et qui ne sont pas autorisées à fabriquer ni à distribuer les produits de Pollogen.

[88] M. Gurevitch a expliqué que Pollogen ne fait pas affaire avec Wuhan ni Gracelaser et qu’elle n’a conclu aucun accord de distribution avec ces dernières, et que les produits en provenance de ces entreprises sont des contrefaçons puisqu’ils ne sont pas fabriqués par Pollogen.

[89] Comme je l’ai mentionné plus haut, M. Gurevitch a joint à son affidavit une capture d’écran du site Web des défenderesses. Cette pièce montre que les défenderesses ont employé les marques de commerce en cause sur leur site Web, notamment les marques OxyGeneo, NeoBright et NeoRevive.

[90] Les pièces jointes à l’affidavit de M. Ben-Shlomo comprennent également une capture d’écran de l’emploi par les défenderesses des marques de commerce suivantes sur leur site Web et leur page Facebook : OxyGeneo, NeoBright, NeoRevive, Geneo+, et 3-in-1 Facial (qui est essentiellement une copie de la marque « 3-in-1 super facial »).

[91] Il appert du propre témoignage de Mme Patel que les défenderesses ont employé les marques de commerce en cause en liaison avec la prestation des services. Mme Patel a joint une pièce à son affidavit dans laquelle sont énumérés les clients qui ont reçu les traitements faciaux OxyGeneo dénoncés à son salon de beauté de même que les prix facturés pour ces services.

[92] Mme Patel a expliqué que certains clients appelaient au salon pour prendre rendez-vous pour un traitement facial et qu’elle leur recommandait alors les traitements et produits OxyGeneo, alors que d’autres clients demandaient expressément à les obtenir après avoir vu les annonces sur le site Web et les médias sociaux des défenderesses, auquel cas elle les leur fournissait.

X. Les défenderesses se sont-elles livrées à de la commercialisation trompeuse ou ont-elles fait passer leurs produits pour ceux des demanderesses en contravention de l’article 7 de la Loi sur les marques de commerce?

[93] L’article 7 de la Loi sur les marques de commerce est rédigé ainsi :

7 Nul ne peut :

7 No person shall

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent;

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, goods or services of a competitor;

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

c) faire passer d’autres produits ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

(c) pass off other goods or services as and for those ordered or requested; or

d) employer, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde :

(d) make use, in association with goods or services, of any description that is false in a material respect and likely to mislead the public as to

(i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition,

(i) the character, quality, quantity or composition,

(ii) soit leur origine géographique,

(ii) the geographical origin, or

(iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d’exécution.

(iii) the mode of the manufacture, production or performance of the goods or services.

[94] Les demanderesses soulignent que les marques en cause (c.‐à‐d. OxyGeneo, NeoRevive, NeoBright, 3-in-1 super facial, et Geneo+) sont des marques déposées qui ont été systématiquement employées. Elles soutiennent que ces marques possèdent un caractère distinctif inhérent, et que Pollogen et DermaSpark sont la source des produits qui y sont associés. Elles ajoutent que les clients associent ces marques à des produits de première qualité. Selon elles, les défenderesses ont employé illégalement ces marques afin de profiter de l’achalandage et de la réputation qui leur sont attachés.

[95] Les demanderesses portent à l’attention de la Cour la preuve montrant que les défenderesses ont employé les marques dans leur matériel promotionnel, faisant ainsi faussement croire aux consommateurs qu’elles offraient les produits et services de Pollogen et de DermaSpark. Elles font valoir que le fait de faire croire aux clients de Balsam Spa qu’ils ont payé pour les produits et traitements des demanderesses alors que ce n’est pas le cas, puisqu’il s’agit en fait de produits et traitements contrefaisants, constitue une fausse déclaration.

[96] Les demanderesses soutiennent qu’en employant les marques en cause, les défenderesses se sont livrées à de la commercialisation trompeuse en contravention de l’alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce (par substitution), étant donné qu’elles ont fait croire à leurs clients qu’ils payaient pour les produits de Pollogen et la qualité qui leur est associée, alors qu’ils recevaient un autre traitement. Les clients des défenderesses n’ont pas reçu le traitement OxyGeneo qu’ils ont demandé à recevoir ou ont acheté auprès d’elles; ils ont reçu autre chose.

[97] Selon les demanderesses, même si les défenderesses n’étaient pas au courant des droits de DermaSpark et de Pollogen, malgré les mises en garde apparaissant sur les sites Web de ces dernières, leur emploi des marques montre qu’elles ont fait preuve d’insouciance.

[98] Les demanderesses font valoir qu’elles ont perdu des ventes et des occasions d’affaires en raison de la conduite des défenderesses, et qu’elles ont engagé des frais pour mettre un terme à l’emploi illégal des marques. Elles ajoutent qu’elles ont subi un préjudice en raison de la perte de contrôle des marques.

[99] À la page 132 de l’arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120 [Ciba‐Geigy] (confirmé dans l’arrêt Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc, 2005 CSC 65 aux paras 67‐68), la Cour suprême du Canada a énoncé les trois éléments constitutifs de la commercialisation trompeuse, à savoir :

  1. l’existence d’un achalandage attaché au caractère distinctif du produit;

  2. le fait que le public a été, intentionnellement ou par négligence, induit en erreur par une fausse déclaration;

  3. le préjudice réel ou possible pour le demandeur.

[100] Aux paragraphes 13, 15 et 17 à 20 de la décision Parsons Inc c Khan, 2021 CF 57 [Parsons], la Cour a rappelé les éléments constitutifs de la commercialisation trompeuse énoncés dans la décision Ciba-Geigy et expliqué la notion d’« achalandage » au paragraphe 17, reproduit ci-dessous :

[17] L’achalandage désigne [traduction] « l’ensemble des avantages, quels qu’ils soient, tirés de la réputation et des liens que l’entreprise a établis par des années de labeur honnête ou au prix de dépenses considérables, et qui est identifié aux biens distribués par le propriétaire en liaison avec la marque de commerce » (Clairol International Corp c Thomas Supply & Equipment Co, [1968] 2 Ex CR 552).

[101] Concernant les fausses déclarations, la Cour a fait remarquer, au paragraphe 19 de la décision Parsons, qu’elles « peu[vent] être délibérée[s] et avoir ainsi le même sens que tromperie ou peu[vent] être faites par négligence ou avec insouciance (Kirkbi, au para 68) ».

[102] En l’espèce, les défenderesses n’ont pas employé de marques de commerce similaires ou pouvant porter à confusion; elles ont plutôt employé les marques de Pollogen (que seuls DermaSpark et les clients qui paient les droits requis sont autorisés à employer) et les ont reproduites exactement sur leur site Web et dans leur matériel promotionnel ou lié à la prestation des services. Elles n’ont pas fourni les produits ou services authentiques; elles y ont plutôt substitué les produits contrefaisants qu’elles avaient achetés en ligne et les ont présentés comme étant les traitements authentiques de Pollogen.

[103] S’il y avait une différence quelconque dans l’emploi des marques de commerce par les parties – ce qui ne semble pas être le cas, à l’exception de l’emploi par les défenderesses de « 3‐in‐1 facial » au lieu de « 3‐in‐1 super facial » –, cet emploi aurait également créé de la confusion étant donné que les clients auraient cru que les produits et services offerts par les défenderesses provenaient aussi de Pollogen (Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 aux para 39‐45).

[104] Selon le témoignage de M. Ben-Shlomo, les produits OxyGeneo sont de première qualité, et DermaSpark s’est progressivement imposée comme la plus grande distributrice des produits de Pollogen. Il attribue ce succès à la qualité des produits, au travail des membres de son entreprise familiale, et à leurs démarches de promotion des produits, notamment dans les salons professionnels et, plus récemment, sur les médias sociaux. Il précise que DermaSpark compte parmi ses clients des cliniques de médecine esthétique, des esthéticiens et des chirurgiens plasticiens. Selon lui, le fait que les défenderesses aient cherché à se procurer les produits OxyGeneo témoigne de la réputation dont jouissent ces produits.

[105] M. Ben-Shlomo a expliqué que l’emploi non autorisé de contrefaçons des produits de Pollogen nuit aux démarches et au succès de DermaSpark. Premièrement, l’image de marque est ternie lorsque des consommateurs éventuels entendent parler de clients qui ont eu des éruptions cutanées ou des réactions défavorables après avoir reçu un traitement à l’aide de produits contrefaisants, ou qui n’ont pas vécu l’expérience ou obtenu les résultats escomptés. Deuxièmement, les salons de beauté qui achètent des appareils contrefaisants vendent leurs traitements à un prix inférieur étant donné qu’ils ont engagé une dépense d’investissement moindre. Cependant, ceux qui veulent acheter l’appareil et les produits authentiques pourraient décider de ne pas le faire parce qu’ils croient qu’ils ne pourront générer de profits s’ils offrent les traitements à des prix concurrentiels par rapport à ceux des salons qui utilisent des contrefaçons. Troisièmement, les demanderesses perdent des ventes d’appareils et de produits connexes authentiques.

[106] La preuve étaye la conclusion de la Cour selon laquelle DermaSpark et Pollogen jouissaient d’un achalandage. Les défenderesses ont donné l’impression qu’elles offraient les produits et services authentiques de la gamme OxyGeneo en recommandant les traitements faciaux OxyGeneo à des clients qui voulaient obtenir un rendez-vous et en affichant sur le site Web de Balsam Spa des images du site Web de Pollogen. Elles ont ainsi fait des fausses déclarations, sciemment ou sans se soucier des conséquences. La preuve étaye également la conclusion de la Cour selon laquelle les demanderesses ont subi un préjudice.

XI. Les défenderesses sont-elles coupables d’usurpation de marques de commerce contrairement aux articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce?

[107] Voici le libellé de l’article 19 et des paragraphes 20(1) et (1.01) de la Loi sur les marques de commerce :

19 Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services.

19 Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trademark in respect of any goods or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trademark the exclusive right to the use throughout Canada of the trademark in respect of those goods or services.

 

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20 (1) The right of the owner of a registered trademark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trademark or trade name;

b) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des produits, en vue de leur vente ou de leur distribution et en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(b) manufactures, causes to be manufactured, possesses, imports, exports or attempts to export any goods in association with a confusing trademark or trade name, for the purpose of their sale or distribution;

c) soit vend, offre en vente ou distribue des étiquettes ou des emballages, quelle qu’en soit la forme, portant une marque de commerce ou un nom commercial alors que :

(c) sells, offers for sale or distributes any label or packaging, in any form, bearing a trademark or trade name, if

(i) d’une part, elle sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée,

(i) the person knows or ought to know that the label or packaging is intended to be associated with goods or services that are not those of the owner of the registered trademark, and

(ii) d’autre part, la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(ii) the sale, distribution or advertisement of the goods or services in association with the label or packaging would be a sale, distribution or advertisement in association with a confusing trademark or trade name; or

d) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des étiquettes ou des emballages, quelle qu’en soit la forme, portant une marque de commerce ou un nom commercial, en vue de leur vente ou de leur distribution ou en vue de la vente, de la distribution ou de l’annonce de produits ou services en liaison avec ceux-ci, alors que :

(d) manufactures, causes to be manufactured, possesses, imports, exports or attempts to export any label or packaging, in any form, bearing a trademark or trade name, for the purpose of its sale or distribution or for the purpose of the sale, distribution or advertisement of goods or services in association with it, if

(i) d’une part, elle sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée,

(i) the person knows or ought to know that the label or packaging is intended to be associated with goods or services that are not those of the owner of the registered trademark, and

(ii) d’autre part, la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion.

(ii) the sale, distribution or advertisement of the goods or services in association with the label or packaging would be a sale, distribution or advertisement in association with a confusing trademark or trade name.

(1.01) Est réputé, sauf preuve contraire, une violation aux termes de l’alinéa (1)b) le fait pour une personne qui est non admise à employer une marque de commerce déposée d’importer à l’échelle commerciale des produits qui portent une marque de commerce identique à la marque de commerce déposée à l’égard de tels produits ou impossible à distinguer de celle-ci dans ses aspects essentiels.

(1.01) An infringement under paragraph (1)(b) is presumed, unless the contrary is proven, if a person who is not entitled to use a registered trademark imports goods on a commercial scale that bear a trademark that is identical to, or cannot be distinguished in its essential aspects from, the trademark registered for such goods.

[108] Aux paragraphes 18 et 19 de la décision Bean Box, Inc c Roasted Bean Box Inc, 2022 CF 499, la Cour a expliqué la distinction entre les articles 19 et 20 :

[18] La violation visée à l’article 19 est distincte de la violation visée à l’article 20. L’article 19 concerne l’emploi par un défendeur d’une marque de commerce qui est identique à la marque déposée du demandeur; le droit exclusif qu’il protège est le droit à l’emploi de la marque qui a été déposée. L’article 20 a une portée plus large; il vise l’emploi par un défendeur d’une marque qui crée de la confusion avec la marque déposée du demandeur, mais qui n’est pas nécessairement identique à celle-ci [Sandhu Singh Hansard Trust c Navsun Holdings Ltd., 2019 CAF 295 au para 20].

[19] La question qui est au cœur de la demande fondée sur l’article 19 n’est donc pas celle de savoir si la marque de la défenderesse ressemble à celle de la demanderesse au point de créer de la confusion, mais celle de savoir si les deux marques sont identiques.

[109] En l’espèce, comme je l’ai mentionné plus haut, les défenderesses ont employé exactement les mêmes marques de commerce que les marques déposées dans leur matériel promotionnel et sur leur site Web, et ont fait croire à leurs clients que les produits et services qu’elles offraient étaient ceux de Pollogen. Elles ne contestent pas que Pollogen est la propriétaire des marques de commerce, que DermaSpark est la distributrice exclusive des produits de Pollogen sur le marché canadien ni que seules les demanderesses sont autorisées à utiliser ces marques.

[110] Par ailleurs, s’il y avait un doute quelconque quant au fait que les marques sont identiques (à l’exception de l’emploi par les défenderesses de « 3-in-1 facial » au lieu de « 3-in-1 super facial »), il est certain qu’elles créeraient de la confusion. Les clients qui demandent de recevoir un traitement facial OxyGeneo au Balsam Spa ou qui se font offrir cette option croiraient facilement qu’il s’agit du traitement dont DermaSpark fait la publicité et la promotion.

[111] La preuve étaye la conclusion selon laquelle les défenderesses ont violé les droits des demanderesses aux termes des articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce.

XII. Les actes des défenderesses ont-ils entraîné la diminution de la valeur de l’achalandage attaché aux marques en cause en contravention de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce?

[112] Le paragraphe 22(1) est formulé ainsi :

22 (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

22 (1) No person shall use a trademark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

[113] Au paragraphe 46 de l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 [Veuve Clicquot], reproduit ci-dessous, la Cour suprême du Canada a énoncé les quatre éléments dont le demandeur doit faire la preuve pour établir le bien-fondé d’une action fondée sur l’article 22 :

[...] Premièrement, la marque de commerce déposée de la demanderesse a été employée par la défenderesse en liaison avec des marchandises ou services — peu importe que ces marchandises ou services entrent en concurrence avec ceux de la demanderesse. Deuxièmement, la marque de commerce déposée de la demanderesse est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable. L’article 22 n’exige pas que la marque soit connue ou célèbre (contrairement aux lois européennes et américaines analogues), mais une défenderesse ne peut faire diminuer la valeur d’un achalandage qui n’existe pas. Troisièmement, la marque de la demanderesse a été employée d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur cet achalandage (c.‐à‐d. de faire surgir un lien) et, quatrièmement, cette incidence sera probablement la diminution de la valeur de l’achalandage (c.‐à‐d. un préjudice). [En italique dans l’original.]

[114] Aux paragraphes 50 à 54 de l’arrêt Veuve Clicquot, la Cour suprême du Canada a précisé que l’achalandage « s’entend de l’association positive qui attire les consommateurs vers les marchandises ou services du propriétaire de la marque plutôt que vers ceux de ses concurrents » et a énoncé divers facteurs à prendre en considération, notamment la « célébrité » de la marque, son degré de reconnaissance, l’étendue et la durée de la publicité qui lui a été accordée, l’importance de son caractère distinctif inhérent ou acquis, et la mesure dans laquelle elle est perçue comme un gage de qualité.

[115] Comme la Cour l’a fait remarquer au paragraphe 43 de la décision Subway IP LLC c Budway, Cannabis & Wellness Store, 2021 CF 583 [Subway] :

[43] Le préjudice causé par la dépréciation de l’achalandage peut résulter d’un affaiblissement de l’image de marque ou de l’« érosion » de la capacité d’une marque de distinguer les produits de son propriétaire : Veuve Clicquot, aux para 63‐64. Subway n’a aucun contrôle sur le caractère et la qualité des produits et services des défendeurs, et l’emploi par les défendeurs de la marque de commerce BUDWAY entraîne un affaiblissement de l’image de la marque SUBWAY et une réduction de sa capacité à distinguer les produits et services de Subway.

[116] Dans la décision 1196278 Ontario Ltd (Sassafraz) v 815470 Ontario Ltd (Sassafras Coastal Kitchen and Bar), 2022 FC 116, la Cour a indiqué ce qui suit au paragraphe 98 :

[traduction]

[98] L’achalandage attaché à la marque peut subir une diminution de sa valeur de différentes façons, notamment par le dénigrement, l’emploi de la marque d’une manière susceptible de nuire à sa réputation sur le marché, l’affaiblissement de l’image de la marque, l’« érosion » de la capacité de la marque de distinguer les produits de son propriétaire, l’affaiblissement de la capacité du propriétaire de la marque à en contrôler l’emploi, l’absence de contrepartie pour le fait qu’un tiers bénéficie de la réputation de la marque et le détournement de ventes vers des produits autres que ceux du propriétaire : Veuve Clicquot, précité, aux para 63‐64; Cheung c Target Event Production Ltd, 2010 CAF 255 aux para 26‐28; Toys “R” Us, précitée, aux para 6162; A&W, précitée, aux para 88‐91; Orkin Exterminating Co v Pestco Co of Canada (1985), 50 OR (2d) 726 (CA) aux para 46‐49.

[117] Les demanderesses soulignent qu’elles ont fourni des éléments de preuve montrant que les marques de commerce sont déposées (ce fait n’est pas contesté) et bien connues, et que leur emploi par les défenderesses a fait en sorte que les demanderesses n’étaient pas en mesure de contrôler la qualité des produits et services sur laquelle s’est taillée leur réputation. Elles ajoutent que les produits de Pollogen sont réglementés par Santé Canada et que l’utilisation de produits non réglementés expose les consommateurs à des risques qui, s’ils se concrétisent, portent atteinte à l’achalandage et à la réputation de Pollogen à titre de propriétaire des marques de commerce.

[118] Les demanderesses soutiennent également que l’emploi par les défenderesses des marques de commerce de Pollogen a entraîné une dépréciation de l’achalandage attaché aux marques étant donné que les produits et services offerts par les défenderesses étaient de moindre qualité.

[119] M. Ben-Shlomo a expliqué que l’emploi par les défenderesses (ou par tout autre usurpateur) des marques de commerce de Pollogen diminue la valeur de l’achalandage qui leur est attaché, et que les clients qui n’obtiennent pas les effets bénéfiques associés aux vrais traitements, ou ceux dont la peau a été blessée, se plaignent, à juste titre, aux demanderesses. Ces deux scénarios nuisent à la réputation et à l’achalandage dont jouissent les demanderesses et les produits de Pollogen. De plus, l’emploi par les défenderesses des marques de Pollogen, qu’elles ont reproduites sur le site Web de Balsam Spa, affaiblit ou érode la capacité de la marque à distinguer les produits authentiques. Il a également souligné les risques associés à l’utilisation d’instruments médicaux non homologués et de produits contrefaisants auxquels sont exposés les clients. À ses dires, les demanderesses reçoivent des plaintes de clients ayant visité des salons de beauté qui ne possèdent pas un appareil homologué.

[120] M. Ben-Shlomo a ajouté que le préjudice subi allait bien au-delà de la perte de profits; il comprend la perte de la vente d’un appareil et de produits authentiques, l’atteinte à la réputation, et les répercussions pour les autres entreprises lorsqu’un compétiteur qui utilise une contrefaçon qu’il a eue bon marché offre des services à moindre prix.

[121] Les demanderesses se sont acquittées de leur fardeau de démontrer que les actes des défenderesses ont entraîné une dépréciation de l’achalandage de leurs entreprises.

XIII. Les dommages-intérêts et l’injonction

A. Les dommages-intérêts préétablis pour violation des droits d’auteur

[122] La Loi sur le droit d’auteur prévoit des dommages-intérêts préétablis à l’article 38.1. Les paragraphes 38.1(1), (3) et (5) sont ainsi rédigés :

38.1 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, le titulaire du droit d’auteur, en sa qualité de demandeur, peut, avant le jugement ou l’ordonnance qui met fin au litige, choisir de recouvrer, au lieu des dommages-intérêts et des profits visés au paragraphe 35(1), les dommages-intérêts préétablis ci-après pour les violations reprochées en l’instance à un même défendeur ou à plusieurs défendeurs solidairement responsables :

38.1 (1) Subject to this section, a copyright owner may elect, at any time before final judgment is rendered, to recover, instead of damages and profits referred to in subsection 35(1), an award of statutory damages for which any one infringer is liable individually, or for which any two or more infringers are liable jointly and severally,

a) dans le cas des violations commises à des fins commerciales, pour toutes les violations — relatives à une œuvre donnée ou à un autre objet donné du droit d’auteur —, des dommages-intérêts dont le montant, d’au moins 500 $ et d’au plus 20 000 $, est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence;

(a) in a sum of not less than $500 and not more than $20,000 that the court considers just, with respect to all infringements involved in the proceedings for each work or other subject-matter, if the infringements are for commercial purposes; and

b) dans le cas des violations commises à des fins non commerciales, pour toutes les violations — relatives à toutes les œuvres données ou tous les autres objets donnés du droit d’auteur —, des dommages-intérêts, d’au moins 100 $ et d’au plus 5 000 $, dont le montant est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence.

(b) in a sum of not less than $100 and not more than $5,000 that the court considers just, with respect to all infringements involved in the proceedings for all works or other subject-matter, if the infringements are for non-commercial purposes.

[...]

[...]

(3) Dans les cas où plus d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur sont incorporés dans un même support matériel ou dans le cas où seule la violation visée au paragraphe 27(2.3) donne ouverture aux dommages-intérêts préétablis, le tribunal peut, selon ce qu’il estime équitable en l’occurrence, réduire, à l’égard de chaque œuvre ou autre objet du droit d’auteur, le montant minimal visé à l’alinéa (1)a) ou au paragraphe (2), selon le cas, s’il est d’avis que même s’il accordait le montant minimal de dommages-intérêts préétablis le montant total de ces dommages-intérêts serait extrêmement disproportionné à la violation.

(3) In awarding statutory damages under paragraph (1)(a) or subsection (2), the court may award, with respect to each work or other subject-matter, a lower amount than $500 or $200, as the case may be, that the court considers just, if

Blanc

(a) either

Blanc

(i) there is more than one work or other subject-matter in a single medium, or

Blanc

(ii) the award relates only to one or more infringements under subsection 27(2.3); and

Blanc

(b) the awarding of even the minimum amount referred to in that paragraph or that subsection would result in a total award that, in the court’s opinion, is grossly out of proportion to the infringement.

[...]

[...]

(5) Lorsqu’il rend une décision relativement aux paragraphes (1) à (4), le tribunal tient compte notamment des facteurs suivants :

(5) In exercising its discretion under subsections (1) to (4), the court shall consider all relevant factors, including

a) la bonne ou mauvaise foi du défendeur;

(a) the good faith or bad faith of the defendant;

b) le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle-ci;

(b) the conduct of the parties before and during the proceedings;

c) la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles du droit d’auteur en question;

(c) the need to deter other infringements of the copyright in question; and

d) dans le cas d’une violation qui est commise à des fins non commerciales, la nécessité d’octroyer des dommages-intérêts dont le montant soit proportionnel à la violation et tienne compte des difficultés qui en résulteront pour le défendeur, du fait que la violation a été commise à des fins privées ou non et de son effet sur le demandeur.

(d) in the case of infringements for non-commercial purposes, the need for an award to be proportionate to the infringements, in consideration of the hardship the award may cause to the defendant, whether the infringement was for private purposes or not, and the impact of the infringements on the plaintiff.

[123] Dans la décision Rallysport Direct LLC c 2424508 Ontario Ltd, 2020 CF 794, la Cour a expliqué, aux paragraphes 6 à 10, les principes applicables à l’imposition de dommages-intérêts préétablis :

[6] Le concept des dommages‐intérêts préétablis tient compte du fait que les dommages réellement subis sont souvent difficiles à prouver; d’une part, ces dommages‐intérêts encouragent les titulaires de droit d’auteur à investir et à faire respecter leur droit d’auteur et, d’autre part, ils dissuadent les éventuels auteurs d’une violation en les empêchant de s’enrichir injustement : Polsat c Radiopol Inc, 2006 CF 584 [Polsat] au para 40. Fixer le montant des dommages‐intérêts n’est pas une science exacte : Century 21 Canada Limited Partnership v Rogers Communications Inc, 2011 BCSC 1196 [Century 21] au para 387, citant Pinewood Recording Studios Ltd v City Tower Development Corp (1996), 31 CLR (2d) 1. Les dommages‐intérêts préétablis obligent plutôt à apprécier au cas par cas la totalité des circonstances pertinentes, dans le but de parvenir à une solution équitable : 1422986 Ontario Limited v 1833326 Ontario Limited, 2020 ONSC 1041 [1422986 Ontario] au para 100; Young v Thakur, 2019 FC 835 [Young] au para 46; Collett c Northland Art Company Canada Inc, 2018 CF 269 [Collett] au para 59. Une preuve qui illustre la facilité avec laquelle il est possible de violer un droit d’auteur en recourant aux moyens technologiques modernes peut obliger à prendre des mesures pour prévenir d’autres violations : Collett, précitée, au para 63.

[7] Dans le cas des violations de nature commerciale, la fourchette prescrite, qui s’étend d’un montant minimal de 500 $ à un montant maximal de 20 000 $ par œuvre, peut être réduite « dans le cas où plus d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur sont incorporés dans un même support matériel, si le tribunal est d’avis que même s’il accordait le montant minimal de dommages‐intérêts préétablis le montant total de ces dommages‐intérêts serait extrêmement disproportionné par rapport à la violation » : Polsat, précitée, au para 39. Il ressort d’une simple lecture du paragraphe 38.1(3) de la Loi sur le droit d’auteur que ce critère à deux volets est de nature conjonctive. Toute thèse contraire avancée dans le jugement sommaire, au paragraphe 65, était non intentionnelle.

[8] Certaines affaires donnent à penser qu’il faudrait que les dommages‐intérêts préétablis soient liés aux dommages réels ou probables, même si l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur n’est pas restreint de cette manière : Polsat, précitée, aux para 41‐45; Trader, précitée, au para 56; Pinto c Centre Bronfman de l’éducation Juive, 2013 CF 945, au para 195. Je souscris toutefois au principe selon lequel des [traduction] « dommages probables [ne sont] pas déterminant[s], et l’utilisation de cette estimation dans la détermination des dommages‐intérêts préétablis [n’est qu’un moyen pour] s’assurer que les dommages‐intérêts accordés sont justes et proportionnels » : Ronald Dimock, Intellectual Property Disputes: Resolutions & Remedies (Toronto : Thomson Reuters Canada, 2016) (feuilles mobiles, 5e révision), ch 3, p 3 à 38, passage cité dans la décision Young, précitée, au para 57, et Royal Conservatory of Music c Macintosh (Novus Via Music Group Inc), 2016 CF 929 [Royal Conservatory] au para 120. Ce principe, selon moi, concorde avec le paragraphe 38.1(5) de la Loi sur le droit d’auteur, lequel prévoit que la Cour, quand elle exerce son pouvoir discrétionnaire (c’est‐à‐dire, pour réduire le montant minimal des dommages‐intérêts préétablis qui sont accordés par œuvre), se doit de prendre en compte la totalité des facteurs pertinents, dont la bonne ou mauvaise foi du défendeur, le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle‐ci, de même que la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles du droit d’auteur en question.

[9] Il n’y a pas lieu de confondre les dommages réels et les dommages‐intérêts préétablis. Ces derniers ne sont pas destinés à être directement proportionnels aux pertes probables qui peuvent être prouvées. Ils peuvent plutôt englober à la fois les pertes économiques prouvables et des facteurs supplémentaires, tels que la dissuasion : Young, précitée, aux para 54‐55; Royal Conservatory, précitée, aux para 118‐122.

[10] Ce qui constitue de la mauvaise foi dépend du contexte, et cela peut inclure les aspects suivants : i) faire fi d’une lettre de mise en demeure (Microsoft Corporation c PC Village Co Ltd, 2009 CF 401 [PC Village] aux para 33‐35; Century 21, au para 416), ii) violer à plusieurs reprises le droit d’auteur afférent à des produits différents (Twentieth Century Fox Film Corp v Hernandez, 2013 CarswellNat 6160), iii) racler ou copier des photos directement d’un site Web (Trader, précitée, au para 61), iv) faire abstraction d’offres de ne pas porter le différend devant les tribunaux si l’on met fin à la violation (Polsat, précitée, au para 50), et v) utiliser un faux nom pour éviter d’être détecté (Collett, précitée, au para 64).

[124] Dans la décision Rallysport, la Cour a souligné, aux paragraphes 12 et 13, qu’il incombe aux défendeurs d’établir que l’octroi de la somme totale demandée à titre de dommages-intérêts préétablis serait « extrêmement disproportionné à la violation », ce qui pourrait s’entendre de dommages-intérêts trop élevés ou trop bas. La juge Fuhrer, qui a fait remarquer qu’il existe peu de jurisprudence sur cette question, a trouvé utile d’examiner la jurisprudence relative à la notion de « totalement disproportionné » en lien avec l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et a conclu qu’il convenait également, dans le cas de la notion d’« extrêmement disproportionné », de procéder à une analyse individualisée.

[125] En l’espèce, les demanderesses ont initialement réclamé des dommages-intérêts de 16 000 $ par violation des droits d’auteur sur les cinq œuvres, portant à 80 000 $ la réclamation totale. À l’audience, les demanderesses ont reconnu que cette somme était trop élevée compte tenu des principes énoncés dans la décision Rallysport. Elles soutiennent désormais que, certes, la somme de 16 000 $ par violation est trop élevée, mais qu’une somme correspondant au bas de la fourchette préétablie, ou la somme extrêmement faible de 200 $ par violation, n’est pas juste non plus. Elles font remarquer que si les défenderesses n’ont pas commis ces violations de façon intentionnelle, elles ont pour le moins fait preuve d’insouciance. Elles ajoutent que, si la Cour décide d’accorder une somme correspondant au bas de la fourchette préétablie, elle devrait également accorder des dommages‐intérêts punitifs.

[126] Les défenderesses font valoir que si la Cour accorde des dommages-intérêts pour violation de droits d’auteur, ces dommages-intérêts devraient correspondre à une seule somme de l’ordre de 200 $ à 500 $. Elles ajoutent que la Cour devrait tenir compte du fait que leur conduite n’était pas délibérée.

[127] Dans leurs observations sur les dommages-intérêts, les défenderesses ne tiennent pas compte de la distinction entre la violation des droits d’auteur et l’usurpation des marques de commerce, et confondent les deux types de violation. Encore une fois, elles se concentrent uniquement sur l’appareil OxyGeneo et soutiennent que les dommages-intérêts devraient être évalués uniquement en fonction de leur emploi de cet appareil. Cette vision étroite ne tient compte ni de l’emploi par les défenderesses des œuvres des demanderesses dans leur matériel promotionnel ni des dommages-intérêts préétablis pour violation des droits d’auteur qui peuvent être imposés pour chaque œuvre.

[128] Je suis d’avis que les défenderesses ont violé les droits d’auteur sur cinq œuvres. Les défenderesses n’ont pas démontré que l’octroi de dommages-intérêts conformément au paragraphe 38.1(1) serait extrêmement disproportionné. J’ai examiné l’ensemble des facteurs pertinents, notamment : la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles des droits d’auteur en question; la conduite insouciante ou l’aveuglement volontaire des défenderesses et le manque de diligence raisonnable dont elles ont fait preuve lorsqu’elles ont acheté l’appareil et les produits connexes sur Alibaba, alors qu’elles étaient au courant de leur prix et de leur offre par DermaSpark sur le marché canadien; le fait que les défenderesses semblent s’être rapidement conformées à la mise en demeure par laquelle les demanderesses leur ont enjoint de ne plus utiliser les produits après le 30 janvier 2020 et de retirer le matériel promotionnel du site Web de Balsam Spa. Je suis d’avis qu’une somme de 1 000 $ par violation, pour un total de 5 000 $, est une somme appropriée à titre de dommages-intérêts préétablis pour la violation des droits d’auteur. Cette somme n’est pas extrêmement disproportionnée par rapport aux violations commises.

B. Les dommages-intérêts pour l’usurpation des marques de commerce

[129] Les demanderesses réclament la somme de 100 000 $ à titre de dommages-intérêts pour l’usurpation des marques de commerce, ce qui englobe la commercialisation trompeuse, la dépréciation de l’achalandage et la concurrence déloyale.

[130] Les demanderesses font observer que, dans la décision Louis Vuitton SA c Yang, 2007 CF 1179 [Louis Vuitton], la Cour a repris l’approche adoptée dans la décision Nike Canada Ltd v Goldstar Design Ltd et al, T‐1951‐95 (CF 1re inst) [Nike] pour calculer les dommages-intérêts forfaitaires. Elles soutiennent que, selon les catégories énoncées dans la jurisprudence, les défenderesses correspondent à un « point de vente au détail conventionnel », catégorie à laquelle est associée la somme de 6 000 $ par violation en dollars de 1997. Elles ajoutent que la somme de 6 000 $ fixée dans la décision Nike et reprise dans la décision Louis Vuitton, puis rajustée à 7 250 $ en 2007 pour tenir compte de l’inflation, équivaudrait aujourd’hui à 8 500 $. Elles font également remarquer que les défenderesses ont commis au moins 45 violations (publicité sur le site Web de Balsam Spa, cinq messages accompagnés d’une vidéo publiés sur Facebook, enregistrement audio d’un client demandant et se faisant offrir un traitement facial OxyGeneo, et liste des services vendus par les défenderesses figurant dans la pièce jointe à l’affidavit de Mme Patel). Elles soulignent que les dommages-intérêts ainsi calculés seraient supérieurs à la somme de 100 000 $ qu’elles réclament.

[131] Les demanderesses soutiennent subsidiairement que la Cour peut accorder des dommages-intérêts symboliques. Selon elles, de tels dommages-intérêts sont appropriés dans les cas où il est difficile d’évaluer l’ampleur du préjudice subi par le demandeur. Elles reconnaissent que, selon la jurisprudence, la somme accordée à titre de dommages-intérêts symboliques varie entre 15 000 $ et 25 000 $ (voir, par exemple, Trans-High Corporation c Conscious Consumption Inc, 2016 CF 949 [Trans-High]; Toys “R” Us (Canada) Ltd c Herbs “R” Us Wellness Society, 2020 CF 682 [Toys “R” Us]).

[132] Les demanderesses font valoir que les défenderesses ont violé les droits conférés par cinq marques de commerce distinctes, chacune dotée de sa propre image de marque, contrairement aux décisions invoquées dans lesquelles les marques de commerce ou les marques verbales étaient toutes associées à la même image de marque (Trans-High; Subway). Selon elles, l’octroi de dommages-intérêts symboliques, le cas échéant, devrait se rapporter à chaque image de marque.

[133] Les défenderesses font valoir que, comme rien n’indique que les demanderesses ont subi un préjudice, les dommages-intérêts devraient être symboliques et peu élevés. Elles portent à l’attention de la Cour les sommes accordées dans les décisions Boulangerie Vachon Inc c Racioppo, 2021 CF 308 [Boulangerie Vachon] (10 000 $), Teavana Corporation c Teayama Inc, 2014 CF 372 (10 000 $) et H-D USA, LLC c Varzari, 2021 CF 620 [Harley-Davidson] (13 000 $), mais affirment que ces sommes sont trop élevées. Elles répètent que si elles ont violé les droits conférés par des marques de commerce, les violations étaient uniquement liées à l’appareil OxyGeneo. Elles ajoutent que les bénéfices nets tirés des traitements OxyGeneo s’élevaient à seulement 2 019 $. Selon elles, la seule perte subie par les demanderesses est celle de la vente d’un appareil. Elles soutiennent de nouveau que si, elles ont acheté et utilisé un appareil contrefaisant, il s’agissait d’une erreur involontaire et que les dommages-intérêts devraient refléter ce fait. Selon elles, la somme de 2 000 $ serait appropriée à titre de dommages-intérêts symboliques.

[134] La prétention des défenderesses selon laquelle il n’y a eu usurpation que d’une seule marque de commerce est erronée, comme il ressort des éléments de preuve présentés.

[135] Dans la décision Toys “R” Us, la Cour a écrit ce qui suit au paragraphe 67 :

[67] Toys “R” Us réclame des dommages-intérêts compensatoires d’un montant de 25 000 $. Elle n’a déposé aucune preuve de dommages pécuniaires réels au‐delà de la preuve d’une dépréciation probable de son achalandage. Elle demande donc des dommages‐intérêts « symboliques », tout en affirmant que les dommages‐intérêts symboliques ne doivent pas nécessairement signifier « peu élevés » : Decommodification LLC c Burn BC Arts Cooperative, 2015 CF 42, au par. 14. Toys “R” Us souligne que la Cour reconnaît que, dans le contexte de la commercialisation trompeuse, elle peut accorder des dommages‐intérêts pour perte d’achalandage sans preuve de dommages réels : Teavana Corporation c Teayama Inc, 2014 CF 372, aux paragraphes 39 à 41. Elle souligne également la nécessité d’un effet dissuasif associé à de tels dommages‐intérêts citant l’observation du juge Hughes au paragraphe 14 de Decommodification selon laquelle de tels dommages‐intérêts « sont généralement fondés sur une estimation des pertes, notamment un montant suffisant servant à dissuader d’autres qui envisageraient des activités semblables ».

[68] Bien que Toys “R” Us souligne les dommages-intérêts de 25 000 $ accordés par le juge Manson dans Trans-High, je crois que cela se situe au haut de l’échelle des dommages similaires accordés par la Cour. Je considère qu’il convient de reconnaître que Toys “R” Us a subi une certaine dépréciation de l’achalandage de sa marque, et qu’il convient d’examiner l’effet dissuasif d’une attribution de dommages-intérêts non négligeable. Dans les circonstances, j’évalue des dommages-intérêts au montant de 15 000 $, payables par Herbs “R” Us.

[136] Comme dans l’affaire Toys “R” Us, les demanderesses n’ont fourni en l’espèce aucune preuve de dommages pécuniaires réels. Cependant, la perte de la vente de ne serait-ce qu’un seul appareil OxyGeneo équivaut à une perte de 22 000 $ (selon le témoignage de M. Ben-Shlomo). Les demanderesses ont démontré la dépréciation de l’achalandage, la perte de contrôle des marques de même que la perte probable de revenus qui auraient été tirés des clients qui ont acheté des produits contrefaisants.

[137] Selon la jurisprudence, il peut convenir d’accorder des dommages-intérêts symboliques lorsqu’il est difficile d’évaluer le préjudice réel subi par le demandeur, comme en l’espèce, notamment parce qu’aucune enquête préalable n’a été réalisée.

[138] Si la Cour accordait à titre de dommages-intérêts symboliques une somme entre 15 000 $ et 25 000 $ multipliée par cinq « images de marque », comme le proposent les demanderesses, la somme totale se situerait entre 75 000 $ et 125 000 $. Comme on l’a vu, les demanderesses estiment que la somme de 100 000 $ serait appropriée à titre de dommages-intérêts symboliques. Cela étant dit, elles n’ont invoqué aucune jurisprudence à l’appui de cette nouvelle méthode de calcul des dommages-intérêts symboliques par « image de marque ». De plus, l’octroi de dommages-intérêts symboliques de l’ordre de 100 000 $, plutôt que les dommages-intérêts forfaitaires du même montant réclamés par les demanderesses, brouille la distinction entre ces deux types de dommages-intérêts, alors que les principes qui guident le calcul de chacun sont différents.

[139] La somme totale réclamée par les demanderesses à titre de dommages-intérêts symboliques est excessive, alors que la somme proposée par les défenderesses est beaucoup trop faible et ne tient pas compte du fait que les demanderesses ont clairement subi un préjudice, notamment la perte de ventes d’appareils et de produits connexes et l’atteinte à leur réputation, ni du fait que les dommages-intérêts ne devraient pas équivaloir à une sanction dérisoire. Les demanderesses ont démontré la dépréciation de l’achalandage, la perte de contrôle des marques de commerce ainsi que la perte probable de revenus qui auraient été tirés des clients qui ont acheté des produits contrefaisants. Il importe de dissuader toute personne de prendre des risques en utilisant des contrefaçons qui nuisent à la réputation du propriétaire des marques de commerce et de possiblement exposer à des risques plus grands les clients sur qui ces contrefaçons sont utilisées. Comme on l’a vu, selon la jurisprudence citée, la somme accordée à titre de dommages-intérêts symboliques varie entre 15 000 $ et 25 000 $, et elle est toujours évaluée au cas par cas. En l’espèce, je suis d’avis que la somme de 20 000 $ est appropriée à titre de dommages-intérêts symboliques.

C. Les dommages-intérêts punitifs pour violation des droits d’auteur et l’usurpation des marques de commerce

[140] Les demanderesses réclament également des défenderesses des dommages-intérêts punitifs (aussi appelés « dommages-intérêts exemplaires ») afin de reconnaître que ces dernières ont agi sciemment ou qu’elles ont fait preuve d’aveuglement volontaire et de transmettre le message qu’une telle conduite ne sera pas tolérée et que des dommages-intérêts pour contrefaçon ne puissent pas être considérés comme des coûts d’exploitation.

[141] Les demanderesses sollicitent 40 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs tant pour la violation des droits d’auteur que pour l’usurpation des marques de commerce.

[142] Selon les demanderesses, les défenderesses étaient conscientes de la réputation de Pollogen et de DermaSpark et ont cherché à en tirer parti par leurs fausses déclarations. Elles soulignent en outre que l’appareil OxyGeneo est un instrument médical de classe III qui doit être homologué par Santé Canada, et que l’emploi de l’appareil contrefaisant par les défenderesses posait des risques pour la santé et la sécurité des clients de Balsam Spa (ou de toute personne qui utilise un appareil et des produits non homologués et non réglementés).

[143] Les demanderesses soutiennent que la conduite des défenderesses était préméditée et délibérée, puisque Mme Patel avait été impressionnée par leurs produits, qu’elle voulait se les procurer, mais qu’elle ne voulait pas payer leur prix. Elles sont d’avis que Mme Patel cherchait à réaliser des économies lorsqu’elle a acheté les produits sur Alibaba à très bas prix, ce qui aurait dû éveiller un doute dans son esprit quant à la possibilité qu’il s’agisse de contrefaçons. Elles ajoutent que les défenderesses ont utilisé les produits contrefaisants pendant deux ans.

[144] Les défenderesses soutiennent quant à elles qu’il n’est pas justifié de les condamner à des dommages-intérêts punitifs, puisque leur comportement n’était pas « malveillant, opprimant, abusif [ni] extrêmement répréhensible » (Harley-Davidson, au para 66).

[145] Aux paragraphes 226 à 227 de la décision Biofert Manufacturing Inc c Agrisol Manufacturing Inc, 2020 CF 379 [Biofert], la juge McVeigh a traité en ces termes de l’octroi de dommages-intérêts punitifs :

[226] Des dommages-intérêts punitifs ne sont accordés que lorsque la conduite est si « malveillante, opprimante et abusive qu’elle choque le sens de la dignité de la cour » (Hill c Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 RCS 1130, par. 196). Les objectifs de ces dommages-intérêts sont le châtiment, la dissuasion et la dénonciation. Des dommages-intérêts punitifs ne peuvent être accordés que si les dommages-intérêts compensatoires ne permettent pas de réaliser ces objectifs (Whiten c Pilot Insurance Co, 2002 CSC 18, par. 94 [Whiten]). On énonce au paragraphe 113 de Whiten plusieurs facteurs qui « peuvent » influer sur la gravité du caractère répréhensible (références omises) :

Le fait que la conduite répréhensible ait été préméditée et délibérée [...]

L’intention et la motivation du défendeur [...]

Le caractère prolongé de la conduite inacceptable du défendeur [...]

Le fait que le défendeur ait caché sa conduite répréhensible ou tenté de la dissimuler [...]

Le fait que le défendeur savait ou non que ses actes étaient fautifs [...]

Le fait que le défendeur ait ou non tiré profit de sa conduite répréhensible [...]

Le fait que le défendeur savait que sa conduite répréhensible portait atteinte à un intérêt auquel le demandeur attachait une grande valeur [...]

[227] Outre le caractère répréhensible, les dommages-intérêts doivent être proportionnels au degré de vulnérabilité du demandeur, au préjudice infligé au demandeur, au besoin de dissuasion et aux avantages que le défendeur a injustement tirés; ils doivent également être appropriés à la lumière des autres sanctions susceptibles d’être infligées au défendeur pour la même conduite répréhensible (Whiten, par. 114 à 125).

[146] Je suis d’avis que le témoignage de Mme Patel démontre qu’elle a fait preuve d’insouciance lorsqu’elle a acheté les produits et fait abstraction des signaux d’alerte qui auraient porté l’acheteur raisonnable à se renseigner ou à ne pas les acheter. Elle connaissait le prix de l’appareil OxyGeneo et des produits connexes, et elle voulait acquérir cette gamme de produits afin d’élargir la palette de services offerts à ses clients, mais elle n’était pas disposée à en payer le prix. Il semble qu’elle a cherché à trouver des produits similaires à moindre coût, puisqu’elle a déclaré qu’elle avait effectué des recherches sur eBay et Amazon, sans succès, puis sur Alibaba après que son mari lui eut dit qu’il y avait trouvé, selon ce que prétend Mme Patel, les mêmes produits. Les défenderesses ont utilisé les produits contrefaisants pendant deux ans. L’attitude de Mme Patel à l’égard de l’homologation requise des instruments médicaux de classe III était cavalière. Comme le montre la pièce jointe à son affidavit, les revenus nets générés par les services associés aux produits contrefaisants s’élevaient à approximativement 2 000 $. Il ne semble pas, d’après le document dans lequel sont énumérés les clients qui ont reçu les prétendus traitements faciaux OxyGeneo, que les défenderesses aient tiré des bénéfices importants de leur conduite attentatoire. Si la preuve ne permet pas de confirmer que Mme Patel s’est défaite de l’appareil, rien n’indique toutefois que l’appareil contrefaisant existe toujours ou que les défenderesses l’ont utilisé après le 30 janvier 2020 ou, au plus tard, le 2 mars 2022. Mme Patel a continué de nier les allégations de contrefaçon jusqu’à l’audition de l’affaire. Comme je l’ai dit plus haut, le témoignage de Mme Patel était incohérent, vague et évasif. Elle n’est pas simplement naïve; elle est une propriétaire d’entreprise qui avait des responsabilités dont elle a fait fi.

[147] Je suis d’avis que les dommages-intérêts préétablis (5 000 $) et symboliques (20 000 $) accordés ne sont pas suffisants pour sanctionner la conduite des défenderesses. Compte tenu de l’ensemble des facteurs pertinents, l’octroi de dommages-intérêts punitifs de 20 000 $ est justifié.

XIV. La responsabilité solidaire

[148] Les demanderesses soutiennent que la Cour devrait conclure à la responsabilité solidaire de Mme Patel puisque cette dernière a pris toutes les décisions, dont celle d’acheter les produits contrefaisants, ou des produits qu’une personne raisonnable aurait su reconnaître comme étant des contrefaçons en raison de leur prix extrêmement bas, de leur provenance et des erreurs dans les noms des produits inscrits sur la facture.

[149] Les défenderesses vont falloir que « le simple fait d’être l’âme dirigeante d’une société n’est pas suffisant pour établir une responsabilité personnelle » et que « le simple fait d’être la personne qui a pris la décision qu’une société pose des actes de contrefaçon ne suffit pas à créer une responsabilité personnelle » (Boulangerie Vachon, au para 121).

[150] Les défenderesses s’appuient sur des extraits de la décision Boulangerie Vachon et la conclusion finale qui y est tirée. Toutefois, dans cette décision, la Cour a appliqué les principes de longue date établis dans l’arrêt Mentmore Manufacturing Co c National Merchandising Manufacturing Co, [1978] ACF no 521 (CAF) [Mentmore] aux faits de l’espèce, lesquels diffèrent de ceux de la présente affaire.

[151] Aux paragraphes 161 et 162 de la décision Biofert, la Cour a repris les principes énoncés dans l’arrêt Mentmore :

[161] L’arrêt de principe sur la responsabilité personnelle de violations commises par une société est Mentmore Manufacturing Co c National Merchandise Manufacturing Co (1978), 40 CPR (2d) 164 (CAF) [Mentmore]. Le juge Le Dain a fait remarquer qu’il existe une « règle générale » selon laquelle les dirigeants, les administrateurs et les actionnaires « jouissent [...] du bénéfice de la responsabilité limitée qu’offre la constitution en société » (Mentmore, page 171). D’un autre côté, il existe une « règle selon laquelle chacun doit répondre de ses actes délictueux ». Il s’agit d’un exercice d’équilibre propre à un cas, lorsqu’« [i]l convient de pouvoir dans chaque cas apprécier toutes les circonstances pour déterminer si celles-ci entraînent la responsabilité personnelle ». Le juge Le Dain résume le critère de la façon suivante (à la page 174) :

À mon avis, il existe toutefois certainement des circonstances à partir desquelles il y a lieu de conclure que ce que visait l’administrateur ou le dirigeant n’était pas la conduite ordinaire des activités de fabrication et de vente de celle-ci, mais plutôt la commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon.

[162] Le critère établi dans Mentmore a été constamment appliqué par la Cour pour examiner les faits et déterminer s’ils satisfont au seuil de la responsabilité personnelle, et a également été adopté par la Cour suprême du Canada (Cinar Corporation c Robinson, 2013 CSC 73, par. 60). Lorsqu’il y avait plusieurs personnes derrière un voile corporatif, la Cour a parfois appliqué ce critère pour conclure que certaines personnes sont personnellement responsables et que d’autres ne le sont pas (1429539 Ontario Limited c Café Mirage Inc, 2011 CF 1290, par. 139 et 140 [Café Mirage]; Driving Alternative Inc c Keyz Thankz Inc, 2014 CF 559, par. 38 à 45).

[152] Dans la décision Trans-High, la Cour s’est également fondée sur l’affaire Mentmore et a tiré la conclusion suivante au paragraphe 25 :

[25] Après avoir examiné les éléments de preuve présentés par la société défenderesse, soit les documents de la société et les messages affichés sur les sites de réseaux sociaux, qui indiquent clairement que les deux défendeurs à titre individuel sont les propriétaires et les âmes dirigeantes de la société défenderesse, et après avoir conclu que leur contrefaçon intentionnelle des droits conférés par les marques de commerce de la demanderesse ne peut s’inscrire dans l’exercice légitime de leurs fonctions à titre de dirigeants, d’administrateurs ou d’âmes dirigeantes de la société défenderesse, je conclus que chacun des défendeurs, à titre individuel, est responsable des actes de contrefaçon décrits ci‐dessous.

[153] L’arrêt Mentmore nous enseigne que l’examen de la responsabilité personnelle est un exercice d’équilibre propre à chaque affaire, qui commande l’appréciation de l’ensemble des circonstances. En l’espèce, les demanderesses font valoir que Mme Patel est la propriétaire, l’exploitante, l’unique actionnaire et l’âme dirigeante de la société faisant affaire sous le nom de Balsam Day Spa. Selon le témoignage de Mme Patel, même si son mari pouvait l’aider quand elle le lui demandait, c’était elle qui prenait toutes les décisions. Je conviens avec les demanderesses que la preuve étaye la conclusion selon laquelle Mme Patel était l’« âme dirigeante » de l’entreprise et qu’elle assurait l’exploitation de celle‐ci dans ses moindres détails. Comme je l’ai mentionné plus haut, elle prétend qu’elle est [traduction] « tombée sur » une présentation de DermaSpark et qu’elle a été impressionnée. Elle a déclaré qu’après avoir décidé d’acheter l’appareil, elle avait effectué des recherches sur eBay et sur Amazon. Elle a dit qu’elle avait décidé d’acheter les produits sur Alibaba après que son mari l’eut informée que l’appareil était en vente sur ce site Web. Selon son témoignage, elle n’a pas cherché plus loin, elle a acheté l’appareil, elle l’a utilisé et elle a également utilisé sur son site Web le matériel promotionnel des demanderesses. Elle a également admis qu’elle savait que DermaSpark était la distributrice de l’appareil, des traitements et des produits en cause au Canada. Elle prétend qu’elle n’a vu aucune mise en garde au sujet des produits contrefaisants sur les sites de Pollogen et de DermaSpark, mais elle reconnaît qu’elle n’a pas visité leurs sites Web avant d’effectuer son achat sur Alibaba. Les pièces au dossier montrent que ces mises en garde figuraient bel et bien sur les sites Web des demanderesses. Les décisions prises par Mme Patel et par nulle autre personne ont donné lieu à l’emploi par les défenderesses des produits contrefaisants et à la violation des droits d’auteur. Elle était indifférente aux risques découlant de sa conduite et elle devrait être responsable des conséquences. Compte tenu des circonstances, Mme Patel est solidairement responsable des dommages-intérêts accordés aux demanderesses.

XV. L’injonction

[154] Les demanderesses ont droit à une injonction permanente interdisant aux défenderesses et à leurs employés, mandataires, licenciés et autres personnes sur qui elles exercent un contrôle de se livrer aux actes suivants :

  • appeler l’attention du public sur leurs produits, leurs services ou leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’ils commencent à y appeler ainsi l’attention, entre leurs produits, leurs services ou leur entreprise et ceux des demanderesses, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;
  • employer les marques de commerce déposées de Pollogen, que seules les demanderesses sont autorisées à employer, d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage qui s’y attache, en contravention du paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce.

[155] Les demanderesses ont également droit à une ordonnance enjoignant aux défenderesses de remettre ou de détruire le matériel en leur possession ou sous leur contrôle et dont l’emploi irait à l’encontre de la présente ordonnance de la Cour. Étant donné que les défenderesses ont déclaré qu’elles se sont défaites de l’appareil OxyGeneo et qu’elles ne possèdent plus de produits connexes, les demanderesses cherchent à obtenir d’elles une déclaration sous serment portant qu’elles se sont défaites de l’appareil contrefaisant et des produits contrefaisants.

XVI. La demande reconventionnelle des défenderesses

[156] La demande reconventionnelle par laquelle les défenderesses alléguaient que l’action intentée par les demanderesses constituait un abus de procédure et réclamaient des dommages‐intérêts exemplaires et/ou punitifs de même que l’adjudication des dépens en leur faveur est rejetée pour absence de fondement.

[157] L’allégation des défenderesses selon laquelle DermaSpark et Pollogen n’avaient pris aucune mesure et étaient demeurées passives alors que d’autres personnes usurpaient leurs marques et faisaient de fausses déclarations en lien avec leurs produits n’est qu’une simple allégation, que les demanderesses ont réfutée, preuve à l’appui. Les demanderesses soulignent les mises en garde figurant sur le site Web de Pollogen, qui sautent aux yeux de quiconque le lit attentivement. M. Gurevitch affirme que Pollogen savait que certaines personnes violaient les droits des demanderesses, mais que ces dernières ne sont pas restées passives. M. Ben-Shlomo a fourni des éléments de preuve faisant état des démarches entreprises par les demanderesses afin de surveiller et de réprimer les violations, dont un nombre important de poursuites. S’agissant de l’argument des défenderesses selon lequel les demanderesses se sont désistées d’autres actions sans dépens, il n’appuie pas l’allégation voulant que celles-ci n’aient pas intenté de poursuites contre les auteurs des violations; M. Ben-Shlomo a fait remarquer que plusieurs affaires avaient été réglées hors cour.

[158] Les affirmations des défenderesses selon lesquelles elles ont acheté un appareil « authentique » et n’ont violé aucun droit, ou selon lesquelles les demanderesses ont perdu leurs droits d’auteur ou n’ont subi aucun préjudice, sont dénuées de fondement.

[159] L’allégation des défenderesses – selon laquelle les demanderesses attendent leur heure afin de pouvoir ultérieurement extorquer de l’argent des petites entreprises en les poussant à acheter les produits authentiques sous la menace d’intenter des poursuites – est inconsidérée et non fondée.

XVII. Les dépens de la présente requête

[160] Les parties ont demandé, et la Cour est d’accord, l’autorisation de présenter par écrit leurs observations sur les dépens. Ces observations ne doivent pas dépasser cinq pages. Dans le cas d’observations conjointes, les parties doivent les déposer dans les 20 jours suivant la date du présent jugement. Si elles ne parviennent pas à s’entendre sur la question des dépens, les demanderesses doivent déposer leurs observations dans les 20 jours suivant la date du présent jugement et les défenderesses, dans les 5 jours suivants.

[161] S’agissant des intérêts avant jugement sollicités par les demanderesses, la Cour tient à souligner qu’elles ont déposé la déclaration le 11 mars 2020, et que plusieurs mois se sont ensuite écoulés sans qu’aucune autre mesure ne soit prise. En décembre 2021, les parties ont demandé à la Cour de ne pas fixer les dates du procès. Compte tenu de la lenteur avec laquelle la présente affaire a progressé, il serait injuste d’accorder des intérêts avant jugement à compter du 11 mars 2020. Les intérêts avant jugement commencent à courir à compter de la date de dépôt de la deuxième déclaration modifiée, soit le 2 février 2022.


JUGEMENT dans le dossier T‐1308‐20

LA COUR STATUE :

  1. La Cour déclare que les défenderesses ont solidairement :

  1. violé les droits d’auteur des demanderesses aux termes de l’article 27 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‐42, et ses modifications;

  2. appelé l’attention du public sur leurs services ou leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’elles ont commencé à y appeler ainsi l’attention, entre leurs produits, leurs services ou leur entreprise et ceux des demanderesses, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‐13;

  3. fait passer d’autres produits et services pour ceux qui avaient été commandés ou demandés, en contravention de l’alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce;

  4. employé les marques de commerce déposées de Pollogen, que seules les demanderesses sont autorisées à employer, d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage qui s’y attache et de créer une concurrence déloyale, en contravention du paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce;

  5. violé les droits prévus à l’article 19 et commis la violation visée à l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce;

  1. Il est interdit de façon permanente aux défenderesses, à leurs dirigeants, administrateurs, employés, mandataires, licenciés, héritiers, ayants cause, ayants droit, ainsi qu’à quiconque sous l’autorité ou le contrôle de ces personnes d’effectuer les actes suivants, que ce soit directement ou indirectement :

  1. appeler l’attention du public sur leurs produits, leurs services ou leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre leurs produits, leurs services ou leur entreprise et ceux des demanderesses, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;

  2. employer les marques de commerce déposées de Pollogen, que seules les demanderesses sont autorisées à employer, d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage qui s’y attache, en contravention du paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce.

  1. Les défenderesses doivent remettre ou détruire, sous la foi du serment, le matériel en leur possession ou sous leur contrôle et dont l’emploi irait à l’encontre des ordonnances rendues par le tribunal en vertu de l’article 53.2 de la Loi sur les marques de commerce;

  2. Les défenderesses doivent fournir le nom complet et les coordonnées, y compris les adresses et numéros de téléphone, du ou des fournisseurs auprès desquels elles se sont procuré tous les produits contrefaisants en cause dans la présente action;

  3. Les défenderesses doivent, solidairement et sans délai, verser aux demanderesses la somme de 45 000 $ à titre de dommages-intérêts, à savoir :

  • la somme de 5 000 $ à titre de dommages-intérêts préétablis pour l’ensemble des violations des droits d’auteur;

  • la somme de 20 000 $ à titre de dommages-intérêts compensatoires (symboliques) pour l’usurpation des marques de commerce, la commercialisation trompeuse, la dépréciation de l’achalandage et la concurrence déloyale;

  • la somme de 20 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires.

  1. Les défenderesses doivent solidairement verser aux demanderesses :

  • les intérêts avant jugement à compter du 2 février 2022 conformément à la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‐7, et ses modifications, composés semestriellement au taux préférentiel majoré de 2 %;

  • les intérêts après jugement conformément à la Loi sur les Cours fédérales, composés semestriellement au taux préférentiel majoré de 2 %.

  1. La demande reconventionnelle des défenderesses est rejetée.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo


ANNEXE A

La preuve

  1. La preuve des demanderesses
  1. M. Gurevitch est vice-président de la division des ventes internationales de produits professionnels au sein de Pollogen Inc., en Israël. Il est responsable de la gestion du réseau de distribution de Pollogen à l’échelle mondiale.
  2. M. Gurevitch affirme ne jamais avoir fourni un quelconque produit de Pollogen aux défenderesses. Il déclare que DermaSpark est la distributrice exclusive des produits de Pollogen sur le marché canadien. Il déclare que les fabricantes des produits achetés en ligne par les défenderesses, soit Wuhan Gaze Laser Technology Co. Ltd [Wuhan] et/ou Gracelaser Electronic Technology Co., Ltd. [Gracelaser], sont des entreprises connues de Pollogen qui violent les droits des demanderesses. Il ajoute que les prétendus produits ou appareils de Pollogen achetés auprès de Wuhan et/ou Gracelaser sont contrefaisants, et que Pollogen n’en avait autorisé ni la fabrication ni la distribution au Canada ou ailleurs.
  3. M. Gurevitch joint une capture d’écran du site Web de Balsam Spa sur laquelle apparaissent des images, notamment le logo d’OxyGeneo de même que des images de la Capsugen et des produits NeoBright et NeoRevive. Il déclare que ces images (les « œuvres ») ont été créées par le personnel de Pollogen et que Pollogen détient tous les droits y afférents. Il affirme que les défenderesses n’ont aucun droit d’utiliser les œuvres de Pollogen à quelque fin que ce soit.
  4. Dans son témoignage de vive voix, M. Gurevitch a décrit plus en détail la capture d’écran du site Web de Balsam Spa et fait remarquer que le texte descriptif des produits NeoBright et NeoRevive provient également du site Web et du matériel de commercialisation de Pollogen. Il a souligné que le site Web de Balsam Spa reproduisant à l’identique des œuvres de Pollogen. Lors de son contre-interrogatoire, il a reconnu que les entreprises qui se procurent les produits de Pollogen auprès de ses distributeurs sont autorisées, en vertu d’une entente avec ces derniers, à utiliser ces images aux fins de promotion des produits.
  5. M. Gurevitch a expliqué que Pollogen dispose d’accords de distribution exclusive avec environ 40 distributeurs. Il a souligné qu’il n’y a qu’un seul distributeur des produits de Pollogen par pays – chacun constituant un [traduction] « marché » – et qu’il n’existe aucun tiers fabricant ni tiers distributeur reconnu par Pollogen. Il a déclaré que DermaSpark est la distributrice exclusive de Pollogen sur le marché canadien et qu’elle détient les droits exclusifs de protéger la propriété intellectuelle de Pollogen et d’assurer sa croissance. Il a dit que DermaSpark était la meilleure vendeuse parmi les distributeurs exclusifs de Pollogen.
  6. Lors de son contre-interrogatoire, M. Gurevitch a déclaré qu’il n’aurait pas eu besoin d’inspecter visuellement l’appareil des défenderesses pour confirmer qu’il s’agissait d’une contrefaçon, puisque Pollogen est l’unique fabricant de ces appareils et que Wuhan et Gracelaser ne sont pas des distributrices autorisées. Il a expliqué qu’il ignorait depuis combien de temps Wuhan et Gracelaser vendaient des produits contrefaisants, mais qu’il savait que huit à dix entreprises situées en Chine fabriquaient des [traduction] « imitations » des appareils de Pollogen.
  7. M. Gurevitch a précisé qu’il était également capable de faire la différence entre un appareil contrefaisant et un appareil authentique par l’énorme écart dans les prix.
  8. Lors de son contre-interrogatoire, M. Gurevitch a confirmé que l’appareil OxyGeneo et les produits connexes doivent être homologués par Santé Canada même s’ils sont non effractifs, ce qui signifie, selon son explication, que le traitement ne perce pas la peau.
  9. L’avocat des défenderesses a demandé à M. Gurevitch s’il était possible que l’appareil des défenderesses ait été un appareil authentique qui avait été volé, ce à quoi il a répondu que si l’appareil avait un numéro de série correspondant à celui d’un appareil authentique, l’appareil aurait pu être authentique, auquel cas il serait revenu à DermaSpark de décider si elle fournirait des produits pour cet appareil.
  1. M. Ben-Shlomo est le chef de la direction de DermaSpark Products Inc. Il affirme que DermaSpark est la distributrice autorisée de Pollogen Ltd. pour le marché canadien. Il a produit des pièces dans lesquelles figurent des renseignements sur l’entreprise, les produits et les droits de propriété intellectuelle.
  2. M. Ben-Shlomo déclare que, depuis le 13 octobre 2018, les défenderesses offrent, annoncent et promeuvent sur leur site Web les services de soins de la peau OxyGeneo et produits connexes de Pollogen, et ont vendu et fourni ces services et produits sans autorisation, permission ni licence. Il joint des captures d’écran des publicités des défenderesses. Il déclare que ni DermaSpark ni Pollogen n’a jamais fourni un quelconque produit de Pollogen aux défenderesses.
  3. M. Ben-Shlomo ajoute que les défenderesses ont employé des images tirées des sites Web de Pollogen et de DermaSpark pour faire la publicité et la promotion de leurs produits contrefaisants. Il précise que les photographies « avant et après » de même que celle de l’appareil OxyGeneo ont été réalisées par Pollogen et que l’image « Exfoliate/Infuse/Oxygenate » [exfolier/infuser/oxygéner] appartient à DermaSpark. Il joint des captures d’écran du site Web et des pages de médias sociaux des défenderesses.
  4. M. Ben-Shlomo affirme qu’il a eu plusieurs échanges par courriel avec Mme Patel durant le mois de janvier 2020 pour l’informer que l’appareil « OxyGeneo » de Balsam Spa était une contrefaçon. Le 30 janvier 2020, il a envoyé un courriel aux défenderesses (à M. Patel) dans lequel il leur demandait de lui faire parvenir l’appareil contrefaisant. Il joint des copies de ces courriels et l’enregistrement d’un appel téléphonique lors duquel un client potentiel a demandé et obtenu un rendez-vous pour un traitement facial OxyGeneo.
  5. M. Ben-Shlomo affirme qu’il ne s’est jamais présenté au salon de beauté Balsam Spa pour examiner l’appareil et qu’il n’a pas dit aux défenderesses qu’elles utilisaient un appareil authentique.
  6. M. Ben-Shlomo souligne que, le 2 mars 2020, son avocat a envoyé une lettre de mise en demeure aux défenderesses. Il affirme que DermaSpark avait déjà intenté des poursuites contre d’autres personnes qui violaient les droits des demanderesses.
  7. Lors de son témoignage de vive voix, M. Ben-Shlomo a expliqué que DermaSpark est une entreprise familiale dans laquelle il a investi temps, argent et énergie. Il a déclaré que DermaSpark distribue des produits et appareils de diverses marques et entreprises de l’industrie de l’esthétique à travers le Canada. DermaSpark compte parmi ses clients des salons de beauté, des esthéticiens et des chirurgiens plasticiens. Il a rappelé que, depuis 2013, DermaSpark est la distributrice exclusive des produits de Pollogen, dont la gamme de produits OxyGeneo, sur le marché canadien.
  8. M. Ben-Shlomo a décrit les démarches entreprises par DermaSpark afin de faire connaître la gamme de produits OxyGeneo en la promouvant [traduction] « sur toutes les plateformes possibles », dont la télévision, les salons professionnels, les magazines de mode, les magazines adressés aux professionnels de l’industrie, et maintenant principalement sur les médias sociaux. Il a ajouté que DermaSpark lance du matériel et des activités publicitaires non seulement à l’intention des entreprises, mais aussi des consommateurs, ce qui crée de la demande pour sa clientèle commerciale.
  9. M. Ben-Shlomo a déclaré que DermaSpark fait des présentations commerciales au Canada, notamment lors de salons professionnels ou lorsqu’un acheteur intéressé lui en fait la demande après avoir vu de la publicité. Il a précisé que, dans le second cas, DermaSpark envoie généralement un formateur qui fait une démonstration de l’appareil et des produits, enseigne aux esthéticiens comment les utiliser, puis leur remet une attestation de formation. Il a expliqué que l’appareil OxyGeneo est un instrument médical de classe III homologué par Santé Canada. Il a ajouté que les esthéticiens n’utiliseraient pas un appareil non homologué en raison des conditions de leur police d’assurance.
  10. M. Ben-Shlomo a expliqué que le site Web de Santé Canada indique si un instrument donné est un instrument médical qui doit être homologué et, le cas échéant, quelles licences ont été délivrées à l’égard de ces appareils. Il a ajouté qu’en raison de la réglementation de Santé Canada, DermaSpark tient un registre faisant état de l’emplacement de chacun de ses appareils et de leur numéro de série, ce qui lui permet de contacter les acheteurs en cas de rappel et de reconnaître les appareils contrefaisants.
  11. Lors de son contre-interrogatoire, M. Ben-Shlomo a expliqué que même les instruments médicaux non effractifs – par exemple, ceux servant aux traitements aux ultraviolets et à l’épilation au laser – doivent être homologués et sont réglementés par Santé Canada. Il a précisé que le terme « non effractif » s’oppose au terme « effractif », qui se dit des procédures recourant à des aiguilles ou à des incisions dans la peau. Il a déclaré que tout instrument médical doit être homologué et que Mme Patel aurait normalement dû le savoir avant de recevoir la lettre de mise en demeure.
  12. M. Ben-Shlomo a également parlé des risques que pose pour la santé des consommateurs l’utilisation de contrefaçons. Il a affirmé que des consommateurs avaient communiqué avec DermaSpark pour se plaindre d’éruptions cutanées à la suite de traitements effectués au moyen d’appareils et de produits qu’ils pensaient provenir de Pollogen, alors que les cliniques avaient en fait utilisé des contrefaçons qu’elles avaient achetées auprès d’une source autre que DermaSpark.
  13. M. Ben-Shlomo a déclaré que DermaSpark surveille attentivement l’emploi non autorisé des marques de Pollogen déposées au Canada et qu’elle entreprend des démarches lorsqu’elle découvre de nouveaux cas de violation ou de contrefaçon. Il a expliqué que DermaSpark est tenue, en vertu l’accord qu’elle a conclu avec Pollogen, de surveiller les violations et de protéger les produits de cette dernière, et que les interventions de DermaSpark se limitent géographiquement aux violations commises au Canada. Il a précisé que DermaSpark n’avait fermé les yeux sur aucune violation et qu’elle était partie à des litiges devant la Cour fédérale et des cours du Québec, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. Il n’était pas d’accord pour dire que DermaSpark s’était désistée d’actions sans dépens, et a ajouté que certaines affaires avaient été réglées hors cour.
  14. M. Ben-Shlomo a déclaré que DermaSpark est tenue, en vertu l’accord qu’elle a conclu avec Pollogen, de surveiller les violations et de protéger les produits visés, et que les interventions de DermaSpark se limitent géographiquement aux violations commises au Canada. Il a ajouté qu’empêcher les contrefaçons fait également partie des obligations qu’a DermaSpark envers ses clients, qui ont payé pour obtenir l’appareil OxyGeneo (le prix actuel s’élevant, à ses dires, à 22 000 $), et qu’il s’agit d’une nécessité compte tenu des risques associés aux appareils contrefaisants.
  15. M. Ben-Shlomo a fait remarquer que parmi les mesures prises par les demanderesses afin de prévenir les cas de contrefaçon, DermaSpark et Pollogen se sont inscrites à un programme de surveillance offert par l’Agence des services frontaliers du Canada dans le cadre duquel cette dernière avise DermaSpark lorsqu’elle soupçonne une importation de produits associés aux marques déposées. Il a expliqué qu’il est avisé des cas potentiels de contrefaçon et que tous les cas qui lui avaient été présentés s’étaient avérés des contrefaçons.
  16. M. Ben-Shlomo a déclaré que les produits de Pollogen ne peuvent pas se trouver sur les plateformes occidentales comme eBay et Facebook, qui respectent les droits de propriété intellectuelle. Il a précisé que Pollogen dispose d’une équipe entièrement dédiée à la prise de mesures contre les personnes qui violent ses droits, mais lorsqu’il s’agit d’entreprises chinoises comme celles qui vendent leurs produits sur la plateforme Alibaba, cela pose certaines difficultés.
  17. Lors de son contre-interrogatoire, M. Ben-Shlomo a déclaré que les deux sites Web de DermaSpark – l’un à l’intention de la clientèle commerciale et l’autre, des consommateurs – présentent des mises en garde au sujet des contrefaçons. Il a expliqué que ces mises en garde y figurent depuis la découverte par DermaSpark du premier cas de contrefaçon en octobre 2017, et qu’ils devraient toujours y être étant donné qu’il n’a pas demandé leur retrait.
  18. M. Ben-Shlomo a affirmé que DermaSpark est la meilleure distributrice de Pollogen (devant les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne), ce qui est remarquable compte tenu du fait que le Canada compte une population plus faible. Il a expliqué que les emplois non autorisés nuisent aux activités et au succès de DermaSpark. Premièrement, la marque est ternie lorsque des consommateurs éventuels entendent parler de clients qui ont eu des éruptions cutanées après avoir reçu un traitement à l’aide de produits contrefaisants ou qui n’ont pas obtenu les résultats escomptés. Deuxièmement, les salons de beauté qui achètent des appareils contrefaisants vendent leurs traitements à bas prix étant donné qu’ils ont engagé une dépense d’investissement moindre, alors que les salons de beauté qui achètent l’appareil authentique ne peuvent générer de profits s’ils offrent les traitements à des prix concurrentiels par rapport à ceux des salons qui utilisent des appareils contrefaisants. Troisièmement, DermaSpark perd des ventes d’appareils et de produits connexes.
  19. Lors de son contre-interrogatoire, M. Ben-Shlomo a expliqué que la facture relative à l’achat de l’appareil des défenderesses montre que celui-ci a été fabriqué dans une usine située en Chine. Il a fait observer que dans les [traduction] « Conditions de commerce » qui figurent sur la facture de Gracelaser et Wuhan, le terme [traduction] « usine » est utilisé pour renvoyer aux vendeurs, terme qui, selon M. Ben-Shlomo, signifie une usine de fabrication.
  20. M. Ben-Shlomo a déclaré qu’il avait entendu parler des défenderesses pour la première fois en 2020 lorsque Mme Patel lui a téléphoné parce qu’elle souhaitait acheter des produits. Durant l’appel téléphonique, il a ouvert sa base de données et constaté que DermaSpark ne leur avait vendu aucun appareil. Il a déclaré qu’au départ, il ne croyait pas que les défenderesses possédaient un appareil contrefaisant, car il ne pouvait concevoir que des esthéticiens utilisent un instrument non homologué. Il a expliqué que sa première pensée a été qu’il pouvait peut-être s’agir d’un appareil qui avait été volé, auquel cas il leur aurait tout de même fourni des produits, mais qu’après s’être entretenu avec Mme Patel, par téléphone et par courriel, et avoir appris comment les défenderesses s’étaient procuré l’appareil, il a réalisé qu’il s’agissait d’une contrefaçon.
  21. M. Ben-Shlomo a souligné qu’aucun appareil OxyGeneo authentique n’entre au Canada autrement que par l’intermédiaire de DermaSpark et que Pollogen ne peut vendre ses produits au Canada sans passer par DermaSpark. Il a précisé qu’il avait vu des appareils contrefaisants et que non seulement leur apparence extérieure est différente, mais leurs composants internes sont également très différents de ceux des appareils authentiques.
  22. Lors de son contre-interrogatoire, M. Ben-Shlomo a précisé que comme il n’avait pas demandé à Mme Patel le numéro de série de l’appareil durant leur première conversation téléphonique, il lui a par la suite demandé par courriel de lui envoyer une photographie de l’arrière de l’appareil afin de connaître le numéro de série et le formateur associés à l’appareil. Il a nié qu’il cherchait à vendre une quantité minimale de produits aux défenderesses. Il a ajouté qu’il leur avait recommandé d’acheter un appareil authentique, ce qui, selon lui, était sa façon de donner à Mme Patel l’occasion de se racheter.
  23. Lorsqu’il lui a été demandé pourquoi aucune preuve antérieure au 30 janvier 2020 ne confirmait le fait que l’appareil des défenderesses était une contrefaçon, M. Ben-Shlomo a répondu qu’il avait discuté de cette question par téléphone avec le mari de Mme Patel, qui avait admis qu’il s’agissait d’une contrefaçon. L’avocat des défenderesses a prétendu que le courriel envoyé par Pollogen en août 2022 ne confirmait pas que l’appareil des défenderesses était une contrefaçon, mais M. Ben‐Shlomo a fait remarquer que le texte de la ligne Objet était le suivant : [TRADUCTION] « Objet : Confirmation que les appareils sont contrefaisants ».
  24. Lors de son contre-interrogatoire, M. Ben-Shlomo a de nouveau déclaré qu’il ne s’était jamais présenté au Balsam Spa ni n’avait rencontré Mme Patel en personne. Il a également confirmé que les défenderesses ne lui avaient transmis aucune photographie de l’arrière de l’appareil ni n’avait envoyé l’appareil à DermaSpark comme il leur avait été demandé.
  25. M. Ben-Shlomo a fourni des précisions au sujet de la pièce jointe à son affidavit, laquelle montre des captures d’écran du site Web des défenderesses, et expliqué que les photographies montrant la peau avant et après le traitement provenaient des sites Web et du matériel de commercialisation des demanderesses. Il a relevé chacun des textes et des photographies qui appartiennent à DermaSpark et Pollogen, et fait remarquer l’emploi de la mention « TM » à la droite du nom OxyGeneo. Ces images apparaissent sur une copie du site Web de DermaSpark. Il a déclaré que la vidéo d’animation montrant les étapes d’exfoliation, d’infusion et d’oxygénation avait été réalisée en 2015. Il a reconnu que les propriétaires d’appareils authentiques peuvent utiliser le matériel publicitaire moyennant des droits de transfert.
  1. Dans son affidavit, Mme Bran déclare qu’elle est conceptrice médiatique pour Rex Marketing. Elle affirme qu’elle crée régulièrement du matériel promotionnel, des images et des publications destinés à être employés en ligne ou en format papier par DermaSpark. Elle déclare qu’elle a créé une publication OxyGeneo ainsi que l’image « Exfoliate/Infuse/Oxygenate » [exfolier/infuser/oxygéner]. Elle précise qu’elle transfère automatiquement à DermaSpark les droits associés à ces œuvres, conformément à leur entente mutuelle de prestation de services contre rémunération. Elle déclare qu’elle n’a plus aucun droit sur ses créations.
  1. La preuve des défenderesses
  1. Mme Binal Patel

  1. Dans son affidavit, Mme Patel déclare qu’elle est l’unique actionnaire, administratrice et employée de Yashvi Inc., l’entreprise propriétaire et exploitante de Balsam Spa (faisant également affaire sous le nom de Balsam Day Spa). Balsam Spa est un spa de jour indépendant fondé en 2014 et situé à Newmarket, en Ontario, qui offre un éventail complet de services. Mme Patel fournit les renseignements relatifs à la constitution en société de l’entreprise de même que des factures et des données sur les ventes.
  2. Lors de son témoignage de vive voix, Mme Patel a confirmé ces éléments de son affidavit et a précisé, en contre-interrogatoire, que son mari l’aide parfois en faisant ce qu’elle lui demande, mais qu’elle prend toutes les décisions.
  3. Dans son affidavit, Mme Patel déclare qu’en 2017, elle est [traduction] « tombée sur » une présentation commerciale de DermaSpark et a alors décidé d’acheter un appareil OxyGeneo et les produits connexes afin de bonifier les services de soins de la peau offerts à la clientèle de Balsam Spa, mais qu’elle trouvait le prix trop élevé. Vers février 2018, elle a trouvé en ligne [traduction] « le même produit » en vente pour un prix moindre. Elle ajoute que Balsam Spa l’avait acheté et qu’elle n’avait remarqué aucune différence par rapport à l’appareil qu’elle avait vu dans le matériel promotionnel et ni eu connaissance de mises en garde de la part de DermaSpark ou Pollogen que les produits vendus en ligne ne sont pas les mêmes que ceux qu’elles offrent.
  4. Mme Patel affirme qu’elle a communiqué avec DermaSpark en janvier 2020 afin d’acheter des produits et qu’on lui a alors posé des questions au sujet de l’appareil et des produits qu’elle avait achetés. Elle déclare que M. Ben-Shlomo lui a ensuite envoyé un courriel dans lequel il a écrit que si l’appareil de son salon de beauté correspondait à [traduction] « ce dont [ils avaient] parlé », il s’agissait bien d’un appareil authentique. Elle ajoute que M. Ben-Shlomo lui a ultérieurement demandé de lui transmettre une photographie de l’arrière de l’appareil afin qu’il puisse voir qui était le formateur associé à l’appareil. Elle reconnaît qu’elle ne lui avait jamais envoyé cette photo.
  5. Mme Patel déclare que, le 2 mars 2020, elle a reçu une lettre de mise en demeure de l’avocat des demanderesses. Les défenderesses étaient sommées de se défaire de l’appareil et des produits, ce qui était fait deux jours plus tard. Elle affirme que l’appareil avait été envoyé à un site d’élimination des déchets situé à Markham, en Ontario. Elle explique que bien que les défenderesses n’aient pas partagé l’avis selon lequel les produits étaient contrefaisants, les revenus qu’ils généraient n’étaient pas suffisants par rapport aux coûts d’un éventuel litige.
  6. Mme Patel affirme que les revenus nets tirés de ces produits au cours de la période où Balsam Spa les a utilisés s’élevaient à environ 2 000 $.
  7. Mme Patel déclare que [traduction] « quelque temps après », M. Ben-Shlomo s’est présenté au salon de beauté afin de s’assurer que les défenderesses s’étaient conformées à la mise en demeure, et qu’il lui avait dit qu’il ne prendrait aucune mesure contre les défenderesses et que Balsam Spa devrait acheter les produits auprès de DermaSpark.
  8. Dans son affidavit, Mme Patel soutient que l’appareil qu’avait acheté Balsam Spa était un appareil authentique, mais qu’elle ne peut le prouver étant donné qu’elle s’en est défaite à la demande de DermaSpark.
  9. Mme Patel nie que les défenderesses aient violé les droits d’auteur ou les droits conférés par les marques de commerce de DermaSpark ou de Pollogen, et affirme que, si tel est le cas, il s’agissait d’une violation involontaire. Elle fait valoir que les demanderesses n’ont pris aucune mesure pour mettre fin aux activités de contrefaçon commises par d’autres, qu’elles n’ont subi aucun préjudice et qu’elles profitent des petites entreprises. Elle prétend que les demanderesses sont au courant depuis longtemps de la vente de leurs produits sur d’autres plateformes, mais elles n’ont pris aucune mesure afin de protéger les propriétaires d’entreprise.
  10. Lors de son témoignage de vive voix, Mme Patel a renvoyé à une pièce dans laquelle étaient énumérés tous ses clients qui avaient reçu les traitements en cause. Elle a dit qu’elle avait personnellement encouragé la majorité d’entre eux à essayer le traitement OxyGeneo et les produits connexes et que seulement quelques clients avaient téléphoné au salon de beauté afin de demander par eux-mêmes à recevoir ces traitements en réponse au matériel publicitaire de Balsam Spa.
  11. Lors de son contre-interrogatoire, Mme Patel a confirmé que son mari avait rédigé le document à l’aide d’un logiciel utilisé par Balsam Spa et qu’elle était alors présente [traduction] « quelque part » dans le salon de beauté. Elle a admis que les renseignements relatifs aux ventes n’avaient pas été validés par un vérificateur.
  12. Lors de son témoignage de vive voix, Mme Patel a déclaré qu’elle avait rencontré M. Ben‐Shlomo en personne à deux reprises. Elle a précisé que la personne qu’elle avait rencontrée était la même que celle qu’elle avait vu lors de l’audition du présent procès sommaire, qui a été tenue en mode hybride (en personne et par vidéoconférence Zoom). Elle a déclaré que M. Ben-Shlomo avait visité le salon de beauté pour la première fois en 2017 dans le but de lui faire connaître l’appareil, mais qu’elle ne se souvenait pas de la date ni s’il s’était présenté sur rendez-vous. Elle a affirmé qu’il avait fait une démonstration de l’appareil OxyGeneo sur elle et qu’elle avait été impressionnée par le traitement. Elle a déclaré que la visite avait duré environ une heure et que M. Ben‐Shlomo lui avait dit que le prix de l’appareil authentique était de 15 000 $, ce qu’elle avait trouvé trop cher.
  13. Mme Patel a déclaré que M. Ben-Shlomo avait de nouveau visité le salon de beauté [traduction] « quelque temps » après la réception du courriel du 30 janvier 2020, mais avant la réception de la lettre de mise en demeure du 2 mars 2020. Elle a affirmé qu’il lui avait demandé si elle avait toujours l’appareil, ce à quoi elle lui avait répondu que non. Elle a ajouté qu’il lui avait alors offert de lui vendre l’appareil authentique pour la somme de 18 000 $.
  14. Lors de son témoignage de vive voix au sujet de l’achat de l’appareil des défenderesses sur la plateforme en ligne Alibaba en 2018, Mme Patel a expliqué que le prix beaucoup plus bas n’avait éveillé aucun doute dans son esprit, car, selon elle, tout coûte plus cher au Canada. Lorsqu’il lui a été demandé comment elle pouvait être au courant de la contrefaçon de produits de grande marque, comme les sacs à main, mais pas de celle d’instruments médicaux, elle a répondu que tout le monde savait qu’il y avait des sacs à main contrefaisants.
  15. Lors de son contre-interrogatoire, Mme Patel a reconnu qu’elle connaissait DermaSpark et Pollogen à la date à laquelle elle avait décidé d’acheter le produit sur Alibaba. Elle a déclaré qu’elle avait inscrit « OxyGeneo » dans la barre de recherche d’Alibaba et avait ainsi trouvé un produit qui lui paraissait semblable à l’appareil qui lui avait été présenté. Elle a ensuite précisé que son mari avait trouvé l’appareil sur Alibaba en premier et qu’elle avait ensuite effectué sa propre recherche. Elle a confirmé qu’elle avait acheté l’appareil sur Alibabab pour la somme de 500 $ US et l’avait fait livrer à son adresse d’affaires. Elle ne se souvenait pas combien de temps s’était écoulé entre l’achat et la livraison de l’appareil. Elle a également précisé qu’elle n’avait fait aucune autre démarche en lien avec son achat.
  16. Lors de son contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Patel d’examiner une pièce jointe à son affidavit qui semblait être la transcription d’un échange sur l’application WhatsApp entre les défenderesses et le vendeur sur la plateforme Alibaba au sujet de l’achat. La pièce était intitulée [traduction] « Conversation avec le fournisseur sur Whats up [sic] ». Mme Patel a déclaré que son mari avait préparé la pièce jointe à son affidavit comprenant la facture d’Alibaba et la reproduction de sa conversation avec le fournisseur sur l’application WhatsApp. Elle a d’abord affirmé qu’elle n’était pas présente lorsque son mari a ajouté le titre sur le document dans lequel était reproduite la conversation sur l’application WhatsApp, mais a indiqué qu’elle était présente lors de certains échanges (la conversation s’était déroulée sur plusieurs jours). Elle a ensuite affirmé qu’elle était présente lorsque son mari a ajouté le titre [traduction] « Conversation avec le fournisseur sur Whats up [sic] ». Elle ne se souvenait pas dans quel type de fichier avait été reproduite la conversation tenue sur l’application WhatsApp ou s’il s’agissait d’une capture d’écran. Elle a précisé qu’aucune partie de la conversation n’avait été supprimée, mais qu’elle ne pouvait expliquer comment elle pouvait en être si certaine étant donné qu’elle n’avait pas été présente lors de tous les échanges.
  17. Lors de son contre-interrogatoire, Mme Patel a été questionnée au sujet de son affirmation selon laquelle DermaSpark et Pollogen n’avaient affiché aucune mise en garde au sujet des produits contrefaisants sur leurs sites Web. Elle a répondu que lorsqu’elle avait consulté leurs sites en 2017, elle n’y avait vu aucune mise en garde. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas consulté de nouveau le site de DermaSpark ou de Pollogen avant d’acheter l’appareil sur la plateforme Alibaba en 2018.
  18. Lors de son témoignage de vive voix, Mme Patel a expliqué qu’en janvier 2020, le salon de beauté avait besoin de produits pour offrir les traitements OxyGeneo, et elle a appelé DermaSpark. Elle a déclaré que M. Ben-Shlomo lui avait dit qu’il lui fournirait les produits si elle lui donnait le nom du formateur inscrit à l’arrière de son appareil. Elle a ajouté qu’elle lui avait répondu par téléphone qu’aucun nom de formateur n’était inscrit, mais qu’elle lui avait fourni le numéro de série et qu’elle lui avait dit que l’appareil portait la mention [traduction] « Fabriqué en Israël ». Elle a déclaré que M. Ben‐Shlomo lui avait par la suite envoyé un courriel dans lequel il confirmait qu’elle possédait un appareil authentique (sans toutefois faire mention du début de la phrase, qui était ainsi rédigé : [traduction] « S’il s’agit bien de ce dont nous avons parlé [ce qui semble faire référence à un appareil qui aurait été volé] [...] il s’agit d’un appareil authentique. Veuillez m’envoyer une photographie de l’arrière de l’appareil [...]. »). Elle a déclaré que, vu cette réponse, elle ne croyait pas qu’il était nécessaire qu’elle réponde au courriel précédent de M. Ben-Shlomo dans lequel il lui demandait de lui envoyer une photographie de l’arrière de l’appareil afin qu’il puisse vérifier qui était le formateur associé à l’appareil. Elle a déclaré que comme M. Ben-Shlomo n’avait pas communiqué à nouveau avec elle, elle s’était tournée directement vers Pollogen afin d’obtenir les produits. Elle a ajouté qu’elle avait [traduction] « pris peur» en voyant qu’il parlait de poursuite dans le courriel daté du 30 janvier 2020 et qu’elle avait demandé à son mari de répondre à M. Ben-Shlomo.
  19. Mme Patel a déclaré que M. Ben-Shlomo avait dit à son mari qu’un achat minimal d’un montant de 5 000 $ était requis, qu’il lui avait demandé d’envoyer l’appareil à DermaSpark et d’acheter un appareil authentique. Elle a ajouté que M. Ben-Shlomo avait mentionné pour la première fois que l’appareil était une contrefaçon dans le courriel qu’il avait envoyé après sa conversation téléphonique avec son mari. (M. Patel n’a fourni aucun affidavit pour étayer cette affirmation.)
  20. Mme Patel a déclaré qu’elle n’a jamais cru que son appareil était une contrefaçon ou différent de celui présenté par M. Ben-Shlomo, et qu’elle n’avait reçu aucune plainte de la part de ses clients. Mme Patel a répété qu’après avoir reçu la lettre de mise en demeure, elle s’était défaite de l’appareil et avait retiré tout le matériel publicitaire qui y était associé dans les deux jours suivants.
  21. Lorsqu’elle a été interrogée au sujet de la demande de rendez-vous pour un traitement OxyGeneo faite par une personne qui se faisait passer pour un client potentiel, Mme Patel a expliqué qu’un de ses employés avait répondu à l’appel en question et que ce dernier ne savait pas que le salon de beauté avait cessé d’offrir le traitement OxyGeneo après avoir reçu la lettre de mise en demeure. Elle a déclaré que lorsqu’elle a rappelé le client pour annuler le rendez-vous, elle s’est aperçue que le numéro de téléphone était celui de DermaSpark et a laissé un message sur la boîte vocale pour annuler le rendez-vous. Elle a déclaré que le salon de beauté n’avait plus offert de traitements OxyGeneo après la réception de la lettre de mise en demeure.
  22. S’agissant de la nécessité d’utiliser un appareil homologué, Mme Patel a déclaré qu’elle ne savait pas que l’appareil OxyGeneo était un instrument médical. Elle a expliqué qu’elle ne croyait pas qu’il s’agissait d’un instrument médical devant être homologué compte tenu de sa nature non effractive. Elle a affirmé qu’elle avait téléphoné à Santé Canada pour savoir si elle devait déposer une demande pour obtenir des licences, mais qu’on lui avait répondu que ce n’était pas nécessaire. Lors de son contre-interrogatoire, elle a déclaré qu’elle n’avait aucune trace écrite de cet échange et qu’elle ne se souvenait ni du nom de l’agent de Santé Canada ni du numéro.
  23. Lors de son contre-interrogatoire, Mme Patel a reconnu que son avocat avait rédigé son affidavit et qu’elle l’avait ensuite examiné puis adopté. Elle a précisé qu’elle ne faisait qu’émettre son point de vue lorsqu’elle affirmait que les demanderesses n’avaient subi aucun préjudice et qu’au contraire, il aurait plutôt profitable pour elles de lui vendre des produits pour son appareil. Elle a reconnu qu’elle ne possédait aucune preuve pour étayer cette affirmation.
  24. Mme Patel a également prétendu que les demanderesses n’avaient pris aucune mesure contre des personnes qui violaient leurs droits. Elle a soutenu qu’elle pouvait toujours trouver les mêmes produits sur Kijiji, mais elle n’a fourni aucune preuve à l’appui.
  25. Lors de son contre-interrogatoire, Mme Patel a déclaré qu’elle n’avait vu aucune différence entre l’appareil annoncé sur la plateforme Alibaba à la date de l’achat et l’appareil qui lui avait été présenté en 2017, et qu’elle n’en avait remarqué aucune lorsqu’elle avait reçu l’appareil. Lorsqu’on a attiré son attention sur les nombreuses coquilles dans les noms des produits figurant sur la facture transmise par Wuhan et Gracelaser (les vendeurs sur Alibaba), elle a dit que c’était la première fois qu’elle remarquait que les noms de l’appareil et des produits n’étaient pas les mêmes. Lorsqu’il lui a été demandé comment elle avait pu rater ces [traduction] « coquilles » alors qu’elle avait affirmé qu’elle avait mûrement réfléchi à l’achat de l’appareil et des produits, elle a répondu que les images et les vidéos qui apparaissaient sur Alibaba étaient les mêmes et qu’elle n’avait pas remarqué la graphie différente des noms de l’appareil et des produits. Elle a déclaré qu’il n’y avait aucune erreur typographique sur son appareil.
  26. Mme Patel a déclaré qu’elle ne s’était rendu compte que le produit qu’elle avait acheté ne provenait pas des demanderesses que le 30 janvier 2020, mais a ajouté qu’elle ne croyait toujours pas qu’il s’agissait d’un appareil contrefaisant. Elle a affirmé que ce n’était que maintenant – à savoir lors du contre-interrogatoire, lorsqu’on lui a montré la facture – qu’elle remarquait que les noms des produits étaient différents. Elle a également déclaré qu’elle n’avait pas remarqué auparavant que le terme [traduction] « usine » était employé pour faire référence à Wuhan et à Gracelaser, ce qui sous-entend qu’elles, et non Pollogen, avaient fabriqué l’appareil. Elle a affirmé à nouveau que ce n’était que maintenant qu’elle prenait conscience que son appareil était peut-être une contrefaçon.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1308-20

 

INTITULÉ :

DERMASPARK PRODUCTS INC, POLLOGEN LTD c BINAL PATEL, BALSAM SPA, faisant affaire sous le nom de BALSAM DAY SPA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 FÉVRIER 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 21 MARS 2023

 

COMPARUTIONS :

M. Michael Chevalier

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

M. Alnaz I. Jiwa

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

PINTO LÉGAL

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

JIWA LAW OFFICE

Scarborough (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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