Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230316


Dossier : IMM-4041-22

Référence : 2023 CF 365

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 16 mars 2023

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

MATIN ANVARI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Matin Anvari est citoyen de l’Iran. Il sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas (l’agent) a rejeté sa demande de permis d’études.

[2] M. Anvari a été admis à l’Institute of Technology Development of Canada [ITD], à Vancouver, en Colombie-Britannique, pour y suivre un programme d’une durée de deux ans. Il espérait obtenir un diplôme en gestion de l’accueil.

[3] L’agent n’était pas convaincu que M. Anvari quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé. Il a fondé sa conclusion sur la raison de la visite de M. Anvari ainsi que sur ses liens familiaux au Canada et en Iran.

[4] Les notes versées par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] font partie des motifs de la décision faisant l’objet du contrôle (Ebrahimshani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 89 au para 5). Les notes de l’agent dans le SMGC sont rédigées ainsi :

[traduction]

J’ai examiné la demande. J’ai tenu compte des facteurs favorables mis en exergue par le demandeur, y compris les déclarations et les autres éléments de preuve. Toutefois, j’ai accordé moins de poids aux facteurs favorables pour les motifs suivants : Après examen du plan d’études du demandeur, il me semble que ce dernier n’est pas assez bien établi pour que les études proposées constituent une dépense raisonnable. Tout compte fait, je juge que le demandeur principal n’a pas démontré que le programme d’études est raisonnable compte tenu du coût élevé des études internationales au Canada par rapport aux avantages professionnels potentiels, aux options locales offertes pour des études similaires et à sa situation personnelle. Le plan d’études du demandeur est vague et mal documenté. Après avoir apprécié les facteurs de la présente demande, je ne suis pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé.

[5] La décision de l’agent est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 10). La Cour n’interviendra que si la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100).

[6] Les critères « de justification, d’intelligibilité et de transparence » sont respectés si les motifs permettent à la Cour de comprendre le raisonnement qui a mené à la décision et d’établir si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Vavilov, aux para 85, 86, citant Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au para 47).

[7] L’obligation d’agir équitablement d’un agent des visas se situe à l’extrémité inférieure du spectre (Nauman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 964 au para 15). Néanmoins, les motifs doivent tout de même permettre à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision. Comme l’a expliqué le juge Alan Diner au paragraphe 17 de la décision Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 77 [Patel] :

Encore une fois, s’il est vrai que les bureaux des visas et les agents qui y travaillent sont soumis à des contraintes opérationnelles importantes et qu’ils doivent composer avec des ressources limitées à cause des quantités énormes de demandes à traiter, ils ne sauraient être dispensés de rendre des décisions adaptées à la trame factuelle qui leur est présentée. Renoncer à ce que ces décisions soient fondamentalement adaptées à la preuve enlèverait à l’examen du caractère raisonnable l’élément de rigueur exigé par l’arrêt Vavilov, aux par 13, 67 et 72. « Caractère raisonnable » n’est pas synonyme de « motifs abondants » : une justification simple et concise fera l’affaire.

[8] Dans ses motifs, l’agent affirme qu’il a tenu compte des [traduction] « facteurs favorables » dans la demande de M. Anvari. Ce dernier dit qu’il a fourni une preuve suffisante pour démontrer que sa famille et lui ont la capacité de payer les frais reliés à sa première année d’études, dont le reçu de paiement des droits de scolarité de 2 400 $ et la lettre d’acceptation de l’IDT confirmant qu’il est le bénéficiaire d’une bourse d’études de 12 000 $. Les motifs de l’agent ne révèlent pas quels facteurs sont considérés comme positifs ni comment ils ont été pondérés. (Gilavan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1698 au para 18).

[9] L’agent a conclu que les études proposées par M. Anvari n’étaient pas une dépense raisonnable parce qu’il n’était pas [traduction] « assez bien établi ». Au moment où il a présenté sa demande, M. Anvari avait 21 ans et venait de terminer ses études secondaires. Il est difficile de savoir si l’agent a tenu compte du jeune âge de M. Anvari ou de sa dépendance au soutien financier de ses parents et de sa tante (Mundangepfupfu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1220 au para 21).

[10] L’agent a mentionné les [traduction] « options locales offertes pour des études similaires », mais il n’y a aucun élément de preuve au dossier confirmant l’existence de programmes d’études comparables en Iran ni leurs coûts (Aghaalikhani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1080 au para 20).

[11] L’agent a conclu que le plan d’études de M. Anvari était [traduction] « vague et mal documenté ». Dans son plan d’études, M. Anvari a avancé les arguments suivants pour appuyer sa décision d’obtenir un diplôme en gestion de l’accueil au Canada : la réputation internationale des établissements d’enseignement canadiens, les professeurs compétents et les ressources universitaires offertes à l’ITD, l’absence de programmes comparables en Iran, son désir d’améliorer ses compétences en anglais, son expérience professionnelle antérieure comme réceptionniste dans un hôtel et son objectif à long terme de lancer sa propre entreprise en Iran. Les motifs de l’agent n’indiquent pas clairement quels arguments, le cas échéant, ont été considérés comme vagues et mal documentés. (Fallahi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 506 [Fallahi] aux para 13, 14).

[12] Le fait qu’un décideur n’ait pas réussi à s’attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux formulés par les parties permet de se demander s’il était effectivement attentif et sensible à la question qui lui était soumise (Vavilov, au para 128). Ce n’est pas le caractère succinct d’une décision qui la rend déraisonnable en soi, mais plutôt le fait que ses motifs ne soient pas adaptés aux observations présentées (Patel, au para 15). Comme le juge Richard Southcott l’a expliqué au paragraphe 17 de la décision Fallahi :

Dans le contexte de ces contraintes factuelles, la décision n’énonce pas de façon intelligible la manière dont l’agent est arrivé à la conclusion selon laquelle le plan d’études du demandeur principal ne semblait pas raisonnable, compte tenu de ses antécédents en matière d’emploi et d’études, ou selon laquelle le plan ne décrivait pas un cheminement de carrière et d’études clair pour lequel le programme d’études proposé serait avantageux. Cela ne signifie pas que de telles conclusions seraient nécessairement déraisonnables dans le contexte des faits en l’espèce, si l’agent avait tenu un raisonnement rationnel à l’appui de telles conclusions. Or, en l’absence d’un tel raisonnement rationnel, je conclus que la décision était déraisonnable en ce qui concerne l’agent principal.

[13] Les brefs motifs fournis par l’agent dans sa lettre de refus et ses notes dans le SMGC ne permettent pas à la Cour de comprendre les raisons du rejet de la demande de permis d’études de M. Anvari (Vavilov, au para 15). La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.

[14] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision.

« Simon Fothergill »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM‑4041‑22

 

INTITULÉ :

MATIN ANVARI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 MARS 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

DATE DES MOTIFS :

LE 16 MARS 2023

COMPARUTIONS :

Samin Mortazavi

Pour lE DEMANDEUR

Richard Li

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pax Law Corporation

North Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour lE demandeUr

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.