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Date : 20230419


Dossier : IMM-8217-22

Référence : 2023 CF 566

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 avril 2023

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE:

ANDRES GERARDO VAAMONDE WULFF

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, un ressortissant du Venezuela, est âgé de 51 ans. Après être entré au Canada à titre de visiteur en août 2017, il a présenté une demande d’asile parce qu’il craignait d’être persécuté suivant son refus d’obtenir une Carnet de la Patria (carte de la patrie) et du fait de son opposition au gouvernement du président Nicolas Maduro. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) a rejeté la demande d’asile le 27 novembre 2018. La Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la CISR a rejeté l’appel interjeté par le demandeur de la décision de la SPR le 29 juillet 2020. Ce faisant, la SAR a souscrit à l’opinion de la SPR portant que le demandeur n’avait pas démontré que sa crainte alléguée d’être persécuté était bien fondée.

[2] Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAR en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée.

[3] Les parties conviennent, et je suis d’accord, que la décision de la SAR doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable.

[4] Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85). La cour de révision doit faire preuve de retenue à l’égard d’une décision qui possède ces attributs (ibid). Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la cour de révision n’a pas pour rôle d’apprécier ou d’évaluer de nouveau la preuve examinée par le décideur ni de modifier des conclusions de fait en l’absence de circonstances exceptionnelles (Vavilov, au para 125). Avant d’infirmer une décision au motif qu’elle est déraisonnable, la cour de révision doit être convaincue qu’elle « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100).

[5] Pour tenter d’établir que la décision de la SAR est déraisonnable, le demandeur s’appuie presque entièrement sur des renseignements tirés du cartable national de documentation de la CISR sur le Venezuela qui sont postérieurs à la décision de la SAR. Les nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas admissibles dans le cadre du contrôle judiciaire (Sharma c Canada (Procureur général), 2018 CAF 48, aux para 7-9). Bien que des exceptions à cette règle générale aient été reconnues (voir Sharma, au para 8), aucune ne s’applique en l’espèce. Au contraire, par sa tentative de s’appuyer sur de nouveaux éléments de preuve, le demandeur me prie en fait de trancher de novo les questions décidées par la SAR sur la foi d’éléments de preuve récemment produits. Il ne m’appartient pas d’intervenir à ce titre lors d’un contrôle judiciaire : voir Bekker c Canada, 2004 CAF 186 au para 11; et Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 aux para 18‑19.

[6] Au vu du dossier dont elle était saisie, les conclusions de la SAR sont entièrement raisonnables.

[7] En examinant d’abord la carte de la patrie, je constate que le demandeur a affirmé que la carte est nécessaire pour se procurer de la nourriture et des médicaments à des prix abordables ainsi que pour avoir accès à plusieurs services sociaux. Il a subi des difficultés au Venezuela du fait de son refus d’obtenir la carte. Le demandeur fondait son refus sur la croyance que toute personne qui obtient une carte de la patrie est automatiquement inscrite comme membre du parti politique au pouvoir (le Parti socialiste uni du Venezuela). Il s’oppose à l’idéologie de ce parti, donc il refuse d’y être inscrit à titre de membre. La SAR a rejeté la demande d’asile à cet égard parce qu’elle a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à établir que ses croyances portant sur l’utilisation de la carte de la patrie par le gouvernement étaient bien fondées.

[8] Le demandeur ne m’a pas convaincu que cette conclusion est déraisonnable. Le gouvernement vénézuélien a lancé la carte de la patrie au début de 2017 pour faciliter l’accès aux services sociaux, dont des traitements médicaux, des médicaments et de la nourriture subventionnés. Comme le révèle la preuve relative à la situation dans le pays dont disposait la SAR, des préoccupations ont été soulevées sur, entres autres, le caractère intrusif des questions posées lors du processus de demande d’une carte de la patrie (par exemple, concernant l’appartenance à un parti politique ou l’usage des médias sociaux), sur la pression exercée à l’endroit des membres de certains groupes pour l’obtenir (par exemple, les fonctionnaires et les étudiants universitaires), et sur le potentiel usage abusif de la carte par l’État pour recueillir des renseignements sur les citoyens. La SAR s’est penchée sur l’ensemble de ces éléments de preuve, mais a conclu qu’ils n’étayaient pas la croyance du demandeur voulant que l’obtention d’une carte de la patrie entraîne une inscription automatique à titre de membre du parti au pouvoir, la seule raison que le demandeur a donnée pour justifier son refus d’obtenir la carte. Il n’y a aucune raison de modifier cette décision.

[9] Le demandeur a également fondé sa demande d’asile dans sa participation à des manifestations antigouvernementales en 2017. La SAR a convenu que le demandeur avait participé à ces manifestations. Elle a également convenu que le récit du demandeur portant sur les réactions répressives de l’État aux manifestations concordait avec les rapports objectifs des événements. La SAR a toutefois conclu que la participation du demandeur à ces manifestations de masse était au mieux périphérique et qu’il n’avait pas été personnellement visé par l’État du fait de sa participation à ces manifestations. De ce fait, la SAR a conclu que, sur ce chef aussi, le demandeur n’avait pas établi qu’il craignait avec raison d’être persécuté pour un motif énuméré à l’article 96 de la LIPR, ni qu’il avait la qualité de personne à protéger au titre de l’article 97 de cette même loi. Fait capital, la SAR a conclu que la situation du demandeur se distinguait de celle de personnes identifiées par les autorités comme ayant participé à des manifestations antigouvernementales et qui avaient subi de la maltraitance en conséquence. Ces conclusions sont toutes raisonnables au vu du dossier dont disposait la SAR. Encore une fois, il n’y a pas lieu de les modifier.

[10] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[11] Les parties n’ont pas proposé de question grave de portée générale à certifier en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR. Je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-8217-22

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est soulevée.

« John Norris »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8217-22

 

INTITULÉ :

ANDRES GERARDO VAAMONDE WULFF c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 AVRIL 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 AVRIL 2023

 

COMPARUTIONS :

Manpreet Singh Batra

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Globe Immigration

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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