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Date : 20230426


Dossier : IMM-6385-21

Référence : 2023 CF 606

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2023

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

ALI ASGHARI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. La nature de l’affaire

[1] Ali Asghari [le demandeur] sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 30 août 2021 par laquelle un agent des visas [l’agent] a rejeté sa demande de permis d’études. L’agent n’était pas convaincu que le demandeur remplissait les exigences énoncées au paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], compte tenu de ses biens personnels et de sa situation financière, de ses liens familiaux au Canada et en Iran, ainsi que de l’objet de sa visite.

[2] La décision de l’agent était déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

II. Le contexte

[3] Le demandeur est un citoyen iranien âgé de 33 ans. Il est marié et n’a aucune personne à charge. En 2012, il a obtenu un baccalauréat en génie civil de l’Université Shomal, puis, en 2014, il a obtenu une maîtrise en génie civil de l’Université Semnan.

[4] En 2018, le demandeur a constitué en Iran une société dénommée Ejaz Sakhte Datis [l’entreprise], pour laquelle il travaille à temps plein comme directeur général. Depuis décembre 2020, il travaille également à temps partiel comme directeur de travaux pour l’entreprise Fares Technology Kish, située en Iran. Il a obtenu de cette seconde entreprise une offre d’emploi permanent qui est conditionnelle à l’achèvement du programme d’études proposé.

[5] Le 30 juillet 2021, le demandeur a été admis au programme de maîtrise de deux ans en administration des affaires de l’Université du Nouveau‑Brunswick. Les frais de scolarité s’élèvent à environ 32 000 $ CA par année, et les frais de subsistance, à environ 23 000 $ CA par année.

[6] Le ou vers le 7 août 2021, le demandeur a présenté une demande de permis d’études. Son épouse a présenté une demande de permis de travail ouvert dans le but de l’accompagner au Canada.

III. La décision faisant l’objet du contrôle

[7] L’agent a rejeté la demande de permis d’études présentée par le demandeur, au motif qu’il n’était pas convaincu que celui-ci quitterait le Canada à la fin de la période de séjour compte tenu de ses biens personnels et de sa situation financière, de ses liens familiaux au Canada et en Iran, ainsi que de l’objet de sa visite.

[8] Les notes qu’a consignées l’agent dans le Système mondial de gestion des cas, lesquelles font partie des motifs de la décision, sont reproduites ci‑dessous dans leur intégralité :

[traduction]

J’ai examiné la demande. Compte tenu du plan d’études du demandeur, les documents qu’il a fournis pour étayer sa situation financière ne démontrent pas que les fonds seraient suffisants ou disponibles. Je suis d’avis que le programme d’études proposé ne constitue pas une dépense raisonnable. Je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour à titre de résident temporaire. Je souligne ce qui suit : le client est marié ou a des personnes à charge ou déclare entretenir des liens familiaux étroits dans son pays d’origine, mais il n’est pas suffisamment établi. Le demandeur principal sera accompagné de son épouse. Comme il est prévu que la famille immédiate du demandeur l’accompagne au Canada, les liens avec le pays d’origine sont affaiblis, puisque la motivation du demandeur à retourner dans son pays d’origine diminuera en raison de la présence de sa famille immédiate au Canada. Le plan d’études ne semble pas raisonnable, vu les antécédents scolaires et professionnels du demandeur. Je souligne ce qui suit : les études antérieures du client n’étaient pas dans un domaine connexe; le client a déjà fait des études du même niveau que le programme d’études canadien proposé. Étant donné que les antécédents scolaires et professionnels du demandeur sont dans le même domaine, je ne suis pas convaincu qu’il ne profite pas déjà des avantages de ce programme. Vu ses études antérieures et son emploi actuel, je ne suis pas certain qu’il s’agit d’une progression raisonnable de son cheminement académique. Au départ, le demandeur avait déposé, sans succès, une demande d’admission à un certain programme d’études. Dans le contexte de la présente demande, le demandeur principal a déposé une demande d’admission à un programme d’études différent et/ou auprès d’un autre établissement d’enseignement. Les objectifs d’apprentissage au Canada diffèrent d’une demande à l’autre, mais le demandeur n’a fourni aucune explication à ce sujet. Le choix du programme d’études moyennant un tel coût semble illogique ou redondant étant donné le parcours scolaire déclaré par le demandeur principal. Dans l’ensemble, je juge que le demandeur principal n’a pas démontré que le programme d’études est raisonnable compte tenu du coût élevé des études internationales au Canada par rapport aux éventuels avantages professionnels, aux programmes d’études similaires offerts en Iran et à sa situation personnelle. Après avoir soupesé les facteurs pertinents de la présente demande, je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Pour les motifs qui précèdent, je rejette la présente demande.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle

[9] Sur le fondement des observations présentées par les parties, les questions en litige sont les suivantes :

  1. La décision était-elle raisonnable?

  2. Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

[10] Le demandeur soutient que le fond d’une décision administrative commande l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 16, 17). Il ajoute que le contrôle des questions d’équité procédurale s’effectue selon une norme de contrôle semblable à celle de la décision correcte ou n’implique aucune norme de contrôle (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 [Khela] au para 79; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Canadien Pacifique] au para 55; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker] aux pp 837‑41).

[11] Le défendeur convient que le fond d’une décision administrative est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit faire preuve de retenue et elle « ne doi[t] pas montrer trop d’empressement à trouver des lacunes graves » (Hamid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 886 [Hamid] au para 13). Elle doit plutôt intervenir uniquement lorsque cela est vraiment nécessaire pour « préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif » (Vavilov, au para 13).

[12] Je suis d’accord avec les parties pour dire que le fond de la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. En l’espèce, aucune des exceptions énoncées dans l’arrêt Vavilov ne réfute la présomption voulant que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable (aux para 16, 17).

[13] Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit tenir compte du résultat de la décision et du raisonnement sous-jacent à celle-ci afin de vérifier si la décision, dans son ensemble, possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov, aux para 15, 99). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et être « justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, aux para 85, 99). Cependant, la cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur (Vavilov, para 125). Lorsque les motifs du décideur permettent à la cour de révision de comprendre la décision et de conclure que celle‑ci appartient aux issues possibles acceptables, la décision sera jugée raisonnable (Vavilov, aux para 85, 86). À l’inverse, une décision sera jugée déraisonnable si elle souffre de lacunes qui sont suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, au para 100).

[14] La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est essentiellement celle de la décision correcte (Khela, au para 79; Canadien Pacifique, aux para 49, 54). L’examen par la Cour des questions d’équité procédurale ne suppose aucune marge d’appréciation ni retenue. Lorsqu’elle examine s’il y a eu manquement à l’équité procédurale, la cour de révision doit plutôt vérifier si la procédure suivie par le décideur était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Canadien Pacifique, au para 54; Baker, aux pp 837‑41).

V. Analyse

A. La décision était-elle raisonnable?

(1) La position du demandeur

[15] Rien ne porte à croire que le demandeur ne quittera pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée (Cervjakova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1052 [Cervjakova] au para 12). Les conclusions qu’a tirées le décideur sans tenir compte des éléments dont il disposait doivent être annulées dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

a) Les liens familiaux

[16] Tout d’abord, l’agent n’a fourni aucune explication justifiant sa simple déclaration selon laquelle, au regard des faits et de la preuve, le demandeur n’était [traduction] « pas suffisamment établi ». Le décideur doit expliquer les conclusions qu’il tire quant à l’insuffisance de la preuve, et ce, même dans les cas où l’obligation de fournir des motifs est minime (Opakunbi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 943 [Opakunbi] au para 12; Afuah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 596 au para 17; Vavilov, aux para 86, 96).

[17] L’agent n’a pas non plus traité des éléments de preuve étayant les forts liens familiaux et professionnels qui unissent le demandeur à l’Iran (Seyedsalehi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1250 [Seyedsalehi] au para 9). Si l’agent fait abstraction d’éléments de preuve pertinents ou s’il écarte arbitrairement des éléments qui contredisent sa conclusion, la Cour peut intervenir (Kheradpazhooh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1097 [Kheradpazhooh] au para 18; Balepo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 268 aux para 15, 16). Ensuite, l’existence de liens pertinents avec le pays d’origine étaye la conclusion selon laquelle le demandeur y retournera à la fin de la période de séjour autorisée (Rodriguez Martinez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 293 [Rodriguez Martinez] au para 15). En l’espèce, le dossier dont disposait l’agent montrait clairement que les parents et la fratrie du demandeur et de son épouse habitaient en Iran et qu’ils ne les accompagneraient pas au Canada; que le demandeur n’avait aucun lien familial au Canada; et qu’il avait des antécédents professionnels stables et avait obtenu de son employeur actuel une offre d’emploi permanent.

[18] Enfin, l’agent n’a pas expliqué pourquoi le fait que le demandeur soit accompagné de son épouse aurait pour effet d’affaiblir ses liens familiaux en Iran, compte tenu des trois points mentionnés plus haut. L’agent s’est plutôt fondé sur une généralisation pour en arriver à sa conclusion (Vahdati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1083 [Vahdati] au para 10). En outre, dans les faits, le sous‑alinéa 205c)(ii) du RIPR permet à l’agent, pour des raisons d’intérêt public, de faire abstraction de l’affaiblissement des liens avec le pays d’origine résultant du fait qu’un membre de la famille du demandeur accompagne celui-ci.

b) Les biens personnels et la situation financière

[19] L’agent a omis, sans motif légitime, d’expliquer pourquoi la preuve présentée par le demandeur était insuffisante (Ayeni c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1202 au para 28; Opakunbi, au para 12). De plus, le demandeur dispose de fonds suffisants pour étudier au Canada à titre d’étudiant étranger. Il était uniquement tenu de présenter des éléments de preuve montrant qu’il disposait de fonds suffisants pour la première année du programme d’études proposé (Cervjakova, au para 14). Le demandeur a satisfait à cette exigence, puisqu’il a fourni divers relevés bancaires montrant des fonds totalisant 87 175,22 $ CA.

[20] Par ailleurs, il revient au demandeur de décider combien il veut investir dans son éducation afin d’améliorer sa situation. Il est déraisonnable, de la part d’un agent, de soulever des doutes du simple fait qu’une personne accorde une grande valeur aux études supérieures (Lingepo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 552 aux para 17, 18).

c) L’objet de la visite

[21] Premièrement, l’agent s’est appuyé sur des conclusions de fait non étayées par la preuve pour conclure que le demandeur profitait déjà des avantages du programme d’études proposé (Fallahi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 506 au para 17). L’agent a indûment assumé le rôle de conseiller en orientation professionnelle (Adom c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 26 aux para 16, 17). Il ressort de la preuve que, par la poursuite du programme d’études proposé, le demandeur cherche à progresser dans sa carrière et à favoriser les possibilités d’expansion de son entreprise. Plus spécifiquement, le demandeur a fourni la preuve de l’offre d’emploi permanent par laquelle l’employeur a convenu de confier des projets en sous-traitance à l’entreprise du demandeur au retour de celui-ci en Iran. Cet élément de preuve contredit directement la conclusion tirée par l’agent.

[22] Deuxièmement, les conclusions de l’agent concernant les études antérieures du demandeur et le programme d’études proposé sont contradictoires et inintelligibles (Vavilov, aux para 103, 104). L’agent a d’abord précisé que [traduction] « les études antérieures du [demandeur] n’étaient pas dans un domaine connexe » à celui du programme d’études proposé. Toutefois, par la suite, l’agent a jugé que, comme [traduction] « les antécédents scolaires et professionnels du demandeur [étaient] dans le même domaine », le programme d’études proposé était redondant. Il ressort clairement de la jurisprudence que « [l]es programmes ne peuvent pas être à la fois sans lien et redondants » (Vahdati, aux para 14, 15).

[23] Troisièmement, bien que le programme d’études proposé et les études antérieures du demandeur soient d’un niveau comparable, l’agent était tenu d’examiner les différences entre les deux programmes (Barril c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 400 au para 26).

(2) La position du défendeur

[24] Le demandeur conteste simplement la décision et demande à la Cour, sans motif légitime, de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve, ce qui n’est pas son rôle dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[25] Il incombe au demandeur de réfuter la présomption légale selon laquelle quiconque cherche à entrer au Canada y demeurera à titre d’immigrant (Danioko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 479 au para 15; Hamid, au para 18). L’agent ne pouvait accorder un permis d’études, puisqu’il avait conclu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences législatives relatives au caractère suffisant et à la disponibilité des fonds. L’une ou l’autre de ces conclusions suffit pour rejeter la présente demande.

a) Les liens familiaux

[26] L’agent a raisonnablement jugé que le fait que le demandeur soit accompagné de son épouse aurait pour effet d’affaiblir ses liens familiaux en Iran, puisque sa famille immédiate serait au Canada. Les faits dans les affaires invoquées par le demandeur se distinguent de ceux de l’espèce, car l’agent a fait remarquer que le demandeur avait [traduction] « déclar[é] entretenir des liens familiaux étroits [en Iran] ».

b) Les biens personnels et la situation financière

[27] L’agent devait rejeter la demande de permis d’études, étant donné que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences énoncées à l’alinéa 216(1)b) et à l’article 220 du RIPR (Ibekwe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 728 [Ibekwe] au para 31). L’article 220 du RIPR impose au demandeur l’obligation de démontrer qu’il dispose, sans qu’il lui soit nécessaire d’exercer un emploi au Canada, de ressources financières suffisantes pour acquitter la totalité des frais de scolarité du programme d’études, subvenir à ses propres besoins et à ceux de son épouse pendant toute la durée de ses études, et acquitter les frais de transport pour venir au Canada et en repartir. Ces exigences sont confirmées par la jurisprudence (Ibekwe, au para 29). En l’espèce, le programme d’études proposé par le demandeur est d’une durée de deux (à temps plein) à quatre (à temps partiel) ans. Les frais et dépenses liés au programme s’élèvent à approximativement 54 000 $ CA par année, soit : 32 000 $ CA en frais de scolarité, 17 000 $ CA en frais de logement et de nourriture, ainsi que 5 000 $ CA en dépenses diverses. Selon les relevés bancaires fournis par le demandeur, il dispose de fonds totalisant 87 175,22 $ CA. La conclusion tirée par l’agent n’était donc pas erronée.

c) L’objet de la visite

[28] Il était loisible à l’agent de juger que le programme d’études proposé par le demandeur était déraisonnable. Le demandeur avait déjà fait des études en Iran du même niveau que le programme d’études proposé, ses objectifs d’apprentissage différaient d’une demande à l’autre, et le coût élevé des études internationales semblait déraisonnable compte tenu de la situation personnelle du demandeur.

[29] L’agent n’a pas assumé le rôle de conseiller en orientation professionnelle. En fait, il devait analyser le plan d’études du demandeur en vue de tirer une conclusion quant à la question de savoir si le demandeur quitterait le Canada à la fin de la période de séjour, conformément à l’alinéa 216(1)b) du RIPR (Farnia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 511 aux para 15, 18). Dans le cadre de cette analyse, il devait nécessairement prendre en considération la deuxième maîtrise proposée et son coût élevé, pour lequel le demandeur n’avait pas établi qu’il disposait de fonds suffisants.

[30] De plus, les conclusions de l’agent concernant les études antérieures du demandeur et le programme d’études proposé n’étaient pas contradictoires. En fait, l’agent a jugé que le choix du programme d’études moyennant un tel coût semblait [traduction] « illogique ou redondant » compte tenu du parcours scolaire du demandeur.

(3) Conclusion

[31] Je juge que la décision était déraisonnable. L’agent est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve et il n’est pas tenu de faire mention de chaque élément de preuve. Cependant, lorsque l’agent passe sous silence des éléments de preuve qui contredisent clairement sa conclusion, « la Cour peut intervenir et inférer que le [décideur] n’a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait » (Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 au para 28). Je suis d’avis que c’est ce qui s’est produit en l’espèce.

a) Les liens familiaux et l’établissement

[32] L’agent a commis une erreur lorsqu’il a examiné l’établissement du demandeur en Iran. Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que l’agent n’a fourni aucune explication intelligible justifiant sa conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas suffisamment établi en Iran. Je conviens également que l’agent n’a pas traité des éléments de preuve étayant les liens économiques qui unissent le demandeur à l’Iran.

[33] Je prends acte du fait que, dans ses notes, l’agent a fait mention des liens familiaux du demandeur. Il y a écrit : « le [demandeur] est marié, a des personnes à charge ou déclare entretenir des liens familiaux étroits dans son pays d’origine, mais il n’est pas suffisamment établi. » Cependant, à l’instar des notes de l’agent dans l’affaire Rodriguez Martinez, cet extrait ne traite pas suffisamment des éléments de preuve étayant l’établissement du demandeur en Iran, fort des étroits liens familiaux qu’il y entretient (au para 15). Même après avoir lu la décision à la lumière du dossier, je ne peux qu’émettre des hypothèses sur ce qui a mené l’agent à tirer cette conclusion (Vavilov, aux para 103).

[34] De plus, la décision montre clairement que l’agent n’a fait aucune mention des éléments de preuve qui contredisent sa conclusion (Kheradpazhooh, aux para 18‑20). Par exemple, l’agent n’a pas tenu compte de la preuve relative aux biens, à l’entreprise ni aux antécédents professionnels du demandeur en Iran, notamment l’offre d’emploi permanent que celui-ci a reçue de son employeur actuel et qui l’attend à son retour en Iran. La présente affaire est semblable à celle dans la décision Seyedsalehi, où la Cour a jugé qu’il avait été déraisonnable, de la part de l’agent, de se concentrer sur certains facteurs dans son examen du degré d’établissement et d’écarter des éléments de preuve pertinents pour cette question « sans décrire ni analyser ce qui serait considéré suffisant » (au para 22).

[35] Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que la décision de l’agent n’est pas fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle ni n’est justifiée au regard des faits et du droit (Vavilov, au para 85). Cette conclusion est suffisante pour que je statue sur la présente demande. Il n’est pas nécessaire d’examiner les autres observations sur le fond de la décision.

B. Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

[36] Comme j’ai conclu que la décision était déraisonnable, il n’est pas nécessaire d’examiner les observations présentées au sujet des questions d’équité procédurale.

VI. Conclusion

[37] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision n’est ni justifiée, ni transparente, ni intelligible.

[38] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-6385-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6385-21

INTITULÉ :

ALI ASGHARI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 NOVEMBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

 

LE 26 AVRIL 2023

COMPARUTIONS :

Samin Mortazavi

POUR LE DEMANDEUR

 

Asha Gafar

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pax Law Corporation

Avocats

North Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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