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     Date: 19971125

     Dossier: IMM-243-97

ENTRE :

     VLADISLAV AGRANOVSKI

     Partie requérante

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie intimée

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 12 décembre 1996 par la Section du statut de réfugié statuant que le requérant n'est pas un réfugié au sens de la Convention tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration.

[2]      La demande de statut de réfugié faite par le requérante a été refusée une première fois par la Section du statut le 12 septembre 1995. Suite à une demande de contrôle judiciaire visant cette décision, cette Cour a retourné l'affaire pour une nouvelle audition devant le même tribunal, conformément à la demande faite par le requérant, au motif essentiel que ce tribunal avait négligé de suffisamment motiver sa décision pour préférer la preuve documentaire déposée par l'agent d'audience au témoignage du requérant. Lors de la deuxième audition devant le même tribunal, l'avocate du requérant a accepté que la transcription de la première audition soit déposée en preuve, ce qui explique la courte durée de cette deuxième audition au cours de laquelle, toutefois, le requérant lui-même et aussi sa mère ont témoigné brièvement.

[3]      Tel qu'il appert de la décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire, la Section du statut, après avoir résumé les faits, a conclu comme suit:

             Après avoir analysé la preuve, tant documentaire que testimoniale, le tribunal en est arrivé à la conclusion que le revendicateur n'est pas un "réfugié au sens de la Convention" pour les raisons suivantes :                 
             Certaines invraisemblances majeures dans l'histoire du demandeur nous portent à croire que celui-ci a inventé son histoire de toute pièce.                 
         1.      Le tribunal trouve invraisemblable que le demandeur ait été congédié en avril 1992 parce que son employeur venait de se rendre compte qu'il était un russe [goï]. En effet, il n'est pas plausible qu'il ne s'en soit rendu compte que neuf mois après son embauche alors que des gens l'auraient battu sur la rue après l'avoir reconnu comme ruse [sic] à son accent. Confronté, le demandeur n'a pas donné d'explication satisfaisante. Nous ne croyons donc pas qu'il ait été congédié parce que russe.                 
         2.      Le tribunal trouve invraisemblable que le demandeur ne sache pas avec plus de clarté s'il est ou non syndiqué alors qu'il déclare en même temps être allé se plaindre au syndicat Histadrut après son congédiement. Ces affirmations contradictoires ne tiennent pas à l'analyse.                 
         3.      Le tribunal trouve invraisemblable également que les militaires lui accordent la permission de quitter le pays pour aller se reposer à Chypre en septembre ou octobre 1993, alors qu'ils auraient pris la peine d'autre part de l'emprisonner durant trois jours en août 1993, parce qu'il ne s'est pas présenté à des convocations antérieures. Confronté, le demandeur n'a pas donné d'explication satisfaisante. Le témoignage de sa mère à ce sujet n'a pas non plus apporté un éclairage crédible. Il s'agit d'un témoignage intéressé qui ne peut suffire en l'absence totale de crédibilité du revendicateur.                 
             Pour ces raisons, le tribunal conclut que le demandeur n'est pas crédible sur l'ensemble de son histoire.                 

[4]      L'argument principal du requérant, voulant qu'il ait été victime d'un déni de justice naturelle parce que la question de sa crédibilité n'a pas été à nouveau expressément soulevée lors de la deuxième audition, est sans mérite. En effet, je suis d'avis que la Section du statut pouvait valablement considérer la transcription de la première audition afin d'évaluer la question de crédibilité, puisque cette transcription a été déposée en preuve devant lui avec le consentement exprès du requérant et aussi parce qu'une lecture de cette transcription révèle que le tribunal a bel et bien confronté le requérant avec chaque invraisemblance relevée dans sa deuxième décision. De plus, il était tout à fait loisible à l'avocate du requérant, lors de la deuxième audition, d'interroger ce dernier sur les invraisemblances en question. Enfin, le requérant ne peut se prétendre surpris du fait que la Section du statut ait motivé sa deuxième décision comme elle l'a fait, vu que c'est justement l'insuffisance des motifs concernant sa crédibilité, dans la première décision, qui avait justifié cette Cour de retourner l'affaire au même tribunal.

[5]      Pour le reste, le requérant ne m'a pas convaincu que le tribunal ne pouvait pas raisonnablement conclure comme il l'a fait, puisque la perception de ce dernier que le premier n'était pas crédible équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existait aucun élément crédible pouvant justifier la revendication du statut de réfugié en cause. Qu'il suffise, à cet égard, de rappeler ce qu'exprimait Monsieur le juge MacGuigan dans l'affaire Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, à la page 244:

             Le concept de la crédibilité des éléments de preuve et celui de la crédibilité du demandeur sont évidemment deux choses différentes, mais il est évident que lorsque la seule preuve soumise au tribunal qui relie le demandeur à sa demande est celle que ce dernier fournit lui-même (outre, peut-être, les dossiers sur différents pays dont on ne peut rien déduire directement à l'égard de la revendication du demandeur), la perception du tribunal que le demandeur n'est pas un témoin crédible équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existe aucun élément crédible sur lequel pourrait se fonder le second palier d'audience pour faire droit à la demande.                 

[6]      Par ces motifs, la présente demande doit être rejetée.

                            

                             JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 novembre 1997


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