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Date : 20230602

Dossier : T‑89‑18

Référence : 2023 CF 770

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

 


ENTRE :

ENTRE

 

 

 

 

MUD ENGINEERING INC.

demanderesse

et

SECURE ENERGY (DRILLING SERVICES)

INC. ET SECURE ENERGY SERVICES

INC.

défenderesses

ET ENTRE :

SECURE ENERGY (DRILLING SERVICES)

INC.

demanderesse reconventionnelle

et

MUD ENGINEERING INC. ET AN‑MING (VICTOR) WU

défendeurs reconventionnels

MOTIFS DE LA TAXATION

GARNET MORGAN, officier taxateur

I. Introduction

[1] La présente taxation des dépens concerne plusieurs requêtes pour lesquelles la Cour a adjugé des dépens à Secure Energy (Drilling Services) Inc. et à Secure Energy Services [ci‑après désignés collectivement Secure].

[2] En ce qui concerne la requête en procès sommaire déposée par Mud Engineering Inc. [Mud] et les défendeurs reconventionnels, Mud et M. An‑Ming (Victor) Wu, en vertu des articles 213 et 216 des Règles des Cours fédérales, DORS/98106 [les Règles], la Cour a rendu le jugement suivant le 30 juin 2022 :

1. La requête en procès sommaire est rejetée.

2. L’action de Mud Engineering Inc. est rejetée.

3. La demande reconventionnelle de Secure Energy (Drilling Services) Inc. est rejetée.

4. Des dépens sont adjugés à Secure conformément à l’article 407 des Règles.

[3] En ce qui concerne la requête de Mud visant à obtenir un jugement déclaratoire selon lequel la Cour a compétence pour trancher les questions liées aux brevets en litige, la Cour a statué, dans les ordonnances datées du 12 novembre 2020 et du 23 décembre 2020 (cette dernière modifiant l’ordonnance du 12 novembre), que « les dépens suivront l’issue de la cause ». Conformément au jugement de la Cour daté du 30 juin 2022, les dépens seront taxés en faveur de Secure.

[4] En ce qui concerne la requête de Secure en radiation de certaines parties de l’affidavit de M. An‑Ming (Victor) Wu, la Cour a ordonné, le 15 juin 2022, que [traduction] « [d]es dépens relatifs à [cette] requête [soient] adjugés en faveur de Secure ».

[5] Conformément aux décisions de la Cour, les dépens seront taxés en application de l’article 407 des Règles, lequel est libellé ainsi :

Tarif B

Assessment according to Tariff B

407. Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie‑partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

407 Unless the Court orders otherwise, party‑and‑party costs shall be assessed in accordance with column III of the table to Tariff B.

II. Documents déposés par les parties

[6] Le 18 novembre 2022, Secure a déposé un mémoire de dépens, engageant ainsi sa demande de taxation des dépens.

[7] Le 22 novembre 2022, les parties ont reçu une directive sur le déroulement de la taxation des dépens et le dépôt de documents supplémentaires. La directive a été envoyée par courriel aux parties par le greffe, et des confirmations de réception ont été reçues par courriel de la part des avocats de Secure et de Mud le 22 novembre 2022.

[8] Il ressort du dossier de la Cour (exemplaire papier et version informatisée) que les documents supplémentaires suivants ont été déposés par les parties dans le cadre de la présente taxation des dépens :

a) Le 13 janvier 2023, Secure a déposé un recueil de jurisprudence, un affidavit de Jaimee Middelkamp, assermenté le 12 janvier 2023, et des observations écrites;

  • b)Mud n’a déposé aucun document de réponse.

III. Questions préliminaires

A. L’absence de documents de réponse

[9] Mud n’a déposé aucun document en réponse à la demande de taxation des dépens présentée par Secure. En l’absence de documents de réponse de la part de Mud, le mémoire de dépens de Secure ne se heurte, pour l’essentiel, à aucune opposition. Au paragraphe 2 de la décision Dahl c Canada, 2007 CF 192 [Dahl], l’officier taxateur a déclaré ce qui suit concernant l’absence d’observations utiles sur la taxation des dépens :

[2] Effectivement, l’absence d’observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m’aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de dépens. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’est‑à‑dire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif. J’ai examiné chaque élément réclamé dans le mémoire de dépens, ainsi que les pièces justificatives, en fonction de ces paramètres. Certains éléments requièrent mon intervention, compte tenu des paramètres évoqués ci‑dessus et vu qu’il semble y avoir une opposition générale à ce mémoire de dépens.

[10] En outre, au paragraphe 26 de la décision Carlile c Canada (Ministre du Revenu national – MNR), [1997] ACF no 885 [Carlile], l’officier taxateur a mentionné ce qui suit au sujet du peu de documents disponibles pour la taxation des dépens :

[traduction]

26 […] Les officiers taxateurs sont souvent saisis d’une preuve loin d’être complète et doivent, tout en évitant d’imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou non nécessaires, s’abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés. Cela signifie que l’officier taxateur doit jouer un rôle subjectif au cours de la taxation. Dans les motifs que j’ai formulés le 2 novembre 1994 dans Youssef Hanna Dableh c Ontario Hydro [[1994] AFC no 1810], no de greffe T‑422‑90, j’ai cité, à la page 4, une série de motifs de taxation indiquant le raisonnement à suivre en matière de taxation des frais. La décision que j’ai rendue dans l’affaire Dableh a été portée en appel, mais le juge en chef adjoint a rejeté cet appel dans un jugement motivé en date du 7 avril 1995 [[1995] AFC no 551]. J’ai examiné les débours réclamés dans les présents mémoires de frais d’une façon compatible avec ces différentes décisions. De plus, à la page 78 de l’ouvrage intitulé Phipson On Evidence, quatorzième édition (Londres : Sweet & Maxwell, 1990), il est mentionné, au paragraphe 4‑38, que [traduction] « la norme de preuve exigée en matière civile est généralement décrite comme le fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités ». Par conséquent, le déclenchement de la procédure de taxation ne devrait pas se traduire par une hausse de ce fardeau vers un seuil absolu. Si la preuve n’est pas absolue pour le plein montant réclamé et que l’officier taxateur est saisi d’une preuve non contredite, bien qu’infime, indiquant qu’un montant a effectivement été engagé pour le déroulement du litige, il n’aura pas exercé une fonction quasi judiciaire en bonne et due forme en décidant de taxer l’élément à zéro comme seule solution de rechange à l’octroi du plein montant. Les litiges semblables à celui de la présente action ne se déroulent pas uniquement grâce à des dons de charité versés par de tierces parties désintéressées. Selon la prépondérance des probabilités, il serait absurde de n’accorder aucun montant à la taxation. […]

[11] Vu les indications fournies dans les décisions Dahl et Carlile, et malgré l’absence de documents de réponse de la part de Mud, je suis toujours tenu, en tant qu’officier taxateur, de m’assurer que les réclamations qui sont admises ne sont pas « déraisonnables ou non nécessaires » (Carlile, au para 26). Pour mon évaluation des réclamations de Secure, j’analyserai le dossier de la Cour, les règlements, les lois et la jurisprudence applicables ainsi que les documents relatifs aux dépens de Secure, afin de m’assurer que tous les dépens admis étaient nécessaires et raisonnables.

B. Services à taxer – niveau des dépens conformément à la colonne III du tarif B des Règles

[12] Toutes les réclamations de Secure pour des services à taxer ont été présentées selon la limite supérieure de la colonne III, ce qui visait à [traduction] « atteindre un équilibre entre la complexité de la procédure relative aux brevets et le barème prévu par défaut dans la à l’article 407 des Règles ». Secure a fait valoir que, conformément au paragraphe 400(3) des Règles, des facteurs [traduction] « comme le résultat de l’instance, les sommes réclamées et les sommes recouvrées, l’importance et la complexité des questions en litige, la charge de travail et la justification des dépenses engagées pour un témoin expert » peuvent être pris en compte pour la taxation des dépens. Pour étayer ce niveau de dépens, Secure a cité la jurisprudence suivante : Truehope Nutritional Support Limited c Canada (Procureur général), 2013 CF 1153 [Truehope] aux para 11‑14; Venngo Inc c Concierge Connection Inc (Perkopolis), 2017 CAF 96 au para 85; Teva Canada Limited c Janssen Inc, 2018 CF 1175 au para 6; et Porto Seguro Companhia de Seguros Gerais c Belcan SA, 2001 CFPI 1286 aux para 13‑18. La jurisprudence susmentionnée soutient le principe selon lequel la complexité des questions en litige et les facteurs propres aux instances de propriété intellectuelle peuvent justifier des dépens supérieurs (observations écrites de Secure, aux paras 13‑17).

[13] Outre la jurisprudence citée par Secure, la Cour a ajouté ce qui suit, dans la décision Allergan Inc c Sandoz Canada Inc., 2021 CF 186 [Allergan], aux paragraphes 25 et 26, à propos du niveau des dépens dans les instances de propriété intellectuelle devant la Cour fédérale :

[25] Le niveau « par défaut » des dépens devant notre Cour se situe au milieu de la colonne III du tarif B : article 407 des Règles; Sanofi‑Aventis Canada Inc c Novopharm Limited, 2009 CF 1139 au para 4 [Sanofi‑Novopharm CF], conf. par 2012 CAF 265; Apotex c Sanofi‑Aventis, 2012 CF 318 au para 5 [Apotex c Sanofi‑Aventis]; Dennis c Canada, 2017 CF 1011 au para 8; Bernard c Canada (Institut professionnel de la fonction publique), 2020 CAF 211 au para 38. La colonne III vise à fournir une indemnisation partielle (par opposition à une indemnisation substantielle ou complète) dans les « cas d’une complexité moyenne ou habituelle » : Thibodeau, précité, au para 21; Novopharm Ltd c Eli Lilly and Co, 2010 CF 1154 au para 5 [Novopharm c Eli Lilly].

[26] Des dépens plus importants sont couramment adjugés dans les instances de propriété intellectuelle, compte tenu de leurs caractéristiques particulières : voir par exemple Consorzio, précité, au para 6; Lainco Inc c Commission scolaire des Bois‑Francs, 2018 CF 186, au para 8c). Ces caractéristiques, qui comprennent notamment une complexité supérieure à la moyenne, des parties averties, des notes d’honoraires d’avocat qui dépassent largement ce qui est prévu par la colonne III du tarif B, « incit[ent] les parties à prendre des décisions efficientes dans la conduite de l’instance judiciaire » : Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada SRI, 2020 CF 505 au para 4 [Seedlings]. Dans les litiges portant sur des brevets de médicaments et où les dépens adjugés sont fixés en se référant au tarif, l’échelon supérieur de la colonne IV est souvent jugé raisonnable et approprié : Sanofi‑Novopharm CF, précitée, au para 13, conf par 2012 CAF 265; Novopharm c Eli Lilly, précitée, au para 7; Apotex c Sanofi‑Aventis, précitée. Voir également le document du Comité des Règles de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale, intitulé Examen des règles relatives aux dépens : Document de travail, le 5 octobre 2015, à la p 8.

[14] Dans l’affaire Allergan, la Cour a déclaré que le niveau par défaut des dépens devant la Cour fédérale se situe « au milieu de la colonne III du tarif B » et que « [d]es dépens plus importants sont couramment adjugés dans les instances de propriété intellectuelle, compte tenu de leurs caractéristiques particulières ». Les caractéristiques particulières que la Cour pourrait prendre en considération pour adjuger des dépens plus importants sont « une complexité supérieure à la moyenne, des parties averties » et « des notes d’honoraires d’avocat qui dépassent largement ce qui est prévu par la colonne III du tarif B ». La décision Allergan reconnaît que « [d]es dépens plus importants sont couramment adjugés » dans les instances de propriété intellectuelle, mais elle n’indique pas qu’il faut absolument adjuger des dépens plus importants dans les instances de cette nature [non souligné dans l’original]. Mon examen des décisions de la Cour datées du 12 novembre 2020, du 23 décembre 2020, du 15 juin 2022 et du 30 juin 2022 n’a pas révélé que, selon cette dernière l’une ou l’autre des caractéristiques susmentionnées constituait un facteur ayant influencé le montant des dépens adjugés à Secure. La Cour n’a pas adjugé de dépens plus importants au titre des colonnes IV ou V du tarif B et elle n’a pas mentionné non plus qu’il convenait d’appliquer une fourchette supérieure dans la colonne III du tarif B.

[15] Après examen des faits et de la jurisprudence susmentionnés, je tiens à souligner que je n’ai pas conclu que Secure était dans l’impossibilité de choisir une fourchette donnée d’unités dans la colonne III. Secure avait la possibilité de sélectionner le nombre d’unités de la colonne III qu’elle estimait approprié pour les services à taxer réclamés. Même si rien n’empêchait Secure de sélectionner des unités de la colonne III, j’estime que Secure n’a pas fourni une justification suffisante pour m’obliger à imposer le versement d’une indemnité globale pour toutes les réclamations de services à taxer à la limite supérieure de la colonne III. Au paragraphe 7 de la décision Starlight c Canada, [2001] ACF no 1376 [Starlight] (cité dans Truehope, au para 13), l’officier taxateur a déclaré ce qui suit au sujet de l’évaluation de chaque service à taxer en fonction des circonstances qui lui sont propres :

[7] Le Tarif prévoit une indemnisation partielle en établissant une liste, non nécessairement exhaustive, de services distincts que les avocats rendent pendant un litige. Les Règles visent à faire ressortir les questions pertinentes et à écarter celles qui ne le sont pas. Par exemple, les étapes des actes de procédures et de la communication de la preuve peuvent impliquer des opérations complexes de définition et de synthèse, simplifiant ainsi les questions à instruire. Ainsi, chaque article est taxable en fonction de ses propres circonstances et il n’est pas nécessaire d’utiliser le même nombre d’unités pour chaque service rendu. Si les services s’évaluent en fonction d’un nombre d’heures, le même nombre d’unités ne doit pas nécessairement être accordé pour chaque heure, particulièrement si les caractéristiques de l’audience ont varié pendant sa durée. Dans le présent mémoire de frais, le nombre minimal d’unités pour l’article 5 et la limite maximale d’unités pour l’article 6 sont des résultats possibles. Pour quelques articles à la fourchette peu étendue, comme l’article 14, il faut établir des distinctions générales relativement au choix de la position retenue dans la fourchette.

[16] En me fondant sur les enseignements de la Cour dans la décision Starlight, j’évaluerai une à une les réclamations de Secure pour les services à taxer afin de déterminer le montant des dépens à accorder pour chacune d’elles. Dans mon évaluation de chaque réclamation, je tiendrai compte de la fourchette entière des unités prévue à la colonne III parallèlement aux facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles, que je peux prendre en compte en tant qu’officier taxateur, conformément à l’article 409 de celles‑ci. Mon évaluation de chaque réclamation comprendra également un examen des documents relatifs aux dépens de Secure, du dossier de la Cour ainsi que des règlements, des lois et de la jurisprudence qui pourraient s’appliquer à une réclamation en particulier.

IV. Services à taxer

[17] Secure a réclamé 258,75 unités pour des services à taxer, pour un montant total de 41 400 $.

A. Articles 2, 3, 5, 7, et 11, alinéas 13a) et b) et 14a) et articles 15 et 26

[18] J’ai examiné les documents relatifs aux dépens de Secure parallèlement au dossier de la Cour et aux règles, aux lois et à la jurisprudence pertinentes, et j’ai conclu que les services à taxer présentés au titre des articles 2, 3, 5, 7 et 11, des alinéas 13a) et b) et 14a) et des articles 15 et 26 pouvaient être alloués tels que réclamés. À mon avis, ces réclamations n’exigent pas mon intervention car j’estime que les services rendus par Secure étaient nécessaires pour l’instruction de la présente instance en matière de propriété intellectuelle.

[19] Mon examen des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles, tels que « a) le résultat de l’instance », « b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées », « c) l’importance et la complexité des questions en litige » et « g) la charge de travail » m’a permis de constater que Secure avait obtenu gain de cause, qu’elle pouvait à juste titre réclamer et recouvrer les sommes selon un niveau supérieur à l’échelon médian de la colonne III pour les articles et les alinéas susmentionnés, que les questions débattues étaient de grande importance et d’une complexité moyenne, et que Secure a accompli beaucoup de travail dans le cadre de l’instance et de la présente taxation des dépens. Bien que la question de savoir si le nombre d’unités sélectionné pour chaque réclamation aurait dû se situer à la limite supérieure de la colonne III ou à un niveau légèrement inférieur puisse soulever quelques ambiguïtés, Mud n’a pas présenté d’observations alléguant qu’un nombre excessif d’unités auraient été accordés relativement à l’une ou l’autre des réclamations. En tant qu’officier taxateur, je ne dois pas abandonner « [m]a position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur »; mon rôle ne consiste donc pas à éviter, pour des raisons d’équité procédurale, que le défaut d’une partie de présenter des observations soit nuisible à cette dernière (Dahl, au para 2).

[20] Par conséquent, j’ai conclu, à la lumière de mon examen des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles et de l’absence d’opposition de Mud au mémoire de dépens de Secure, qu’il est raisonnable d’accueillir les réclamations de Secure au titre des articles 2, 3, 5, 7, et 11, des alinéas 13a) et b) et 14a) et des articles 15 et 26. Plus précisément, les unités suivantes sont accordées : 14 unités pour l’article 2; 18 unités pour l’article 3; 21 unités pour l’article 5; 5 unités pour l’article 7; 16,8 unités pour l’article 11; 10 unités pour l’alinéa 13a); 6 unités pour l’alinéa 13b); 69,3 unités pour l’alinéa 14a); 14 unités pour l’article 15; et 6 unités pour l’article 26.

[21] Les réclamations de Secure au titre de l’article 10, de l’alinéa 14b) et de l’article 24 soulèvent certaines questions qui seront examinées plus en détail ci‑dessous.

B. Article 10

[22] Secure a présenté de multiples réclamations au titre de l’article 10 pour la préparation de conférences de gestion de l’instance [CGI] et de gestion de l’instruction. Toutes ces conférences ont été réclamées à la limite supérieure de la colonne III. J’ai examiné les facteurs d’attribution des dépens énumérés au paragraphe 400(3) des Règles, soit les alinéas a), b), c) et g), et j’ai conclu que les facteurs pour la plupart des conférences sont les mêmes que ceux des articles que j’ai déjà analysés dans les présents motifs (au para 19). Les exceptions sont les CGI du 12 novembre 2020, du 17 décembre 2020, du 28 janvier 2021 et du 24 mars 2021. Pour ces dernières, il ressort du dossier de la Cour que cette dernière n’a fait aucune demande exigeant des parties qu’elles produisent des documents avant la tenue des CGI. Il ne ressort pas non plus du dossier de la Cour que Secure avait préparé et déposé des documents, telle une lettre, de son propre chef comme pour les autres réclamations au titre de l’article 10. En l’absence d’observations précises de Secure au sujet de ces CGI, il est difficile de savoir quelle préparation était nécessaire. Cela étant dit, dans la décision Guest Tek Interactive Entertainment Ltd c Nomadix, Inc, 2021 CF 848 [Guest Tek], la Cour a précisé, au paragraphe 42, que même les « conférences de gestion de l’instance ordinaires » nécessitent une certaine préparation. À la suite de mon examen des faits susmentionnés et en m’appuyant sur les décisions Guest Tek, Carlile et Allergan, j’estime qu’il est raisonnable d’accorder des dépens relativement à ces quatre CGI selon l’échelon médian de la colonne III (4 unités chacun), puisqu’un degré de préparation modérément faible a apparemment été exigé de la part de Secure pour ces CGI. Cela étant, un total cumulatif de 34 unités est accordé au titre de l’article 10 pour l’ensemble des réclamations.

C. Alinéa 14b) et article 24

[23] Secure a présenté des réclamations au titre de l’article 14b) pour la présence d’un second avocat à l’audience de la requête en jugement sommaire, qui a été tenue par vidéoconférence du 25 au 27 mai 2021 et le 17 décembre 2021. Secure a également présenté une réclamation au titre de l’article 24 pour le déplacement de l’avocat à Toronto, en Ontario, afin d’assister à l’audience de la requête en radiation qui a eu lieu le 16 août 2018.

[24] En ce qui concerne l’alinéa 14b), mon examen de l’ordonnance de la Cour relative à la requête en jugement sommaire datée du 30 juin 2022 n’a pas révélé que la Cour avait expressément accordé des dépens pour les honoraires du second avocat. Quant à l’article 24, la Cour n’a pas expressément accordé de dépens, dans son ordonnance datée du 9 octobre 2018, pour un déplacement en vue d’assister à l’audience de la requête en radiation, et elle a déclaré [traduction] qu’« aucune des parties n’a droit à quelques dépens que ce soit » (ordonnance, à la p 9). Les services à taxer recensés au titre du tarif B, qui mentionnent explicitement les honoraires du second avocat ou les déplacements de l’avocat (alinéas 14b) et 22b) et article 24) précisent tous que les dépens peuvent être taxés lorsque la Cour l’ordonne ou à la discrétion de celle‑ci. Dans l’affaire Capra c Canada (Procureur général), 2009 CF 916 [Capra], aux paragraphes 8 et 9, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit concernant les réclamations soumises au titre de l’alinéa 14b) pour les honoraires d’un second avocat :

[8] L’officier taxateur a fait la déclaration suivante dans l’arrêt Balisky c. Canada (Ministre des Ressources naturelles), 2004 CAF 123, [2004] A.C.F. no 536 (paragraphe 6) :

Le paragraphe 400(1), qui confère à la Cour entière discrétion pour l’adjudication des dépens, signifie que les ordonnances et les jugements doivent contenir des instructions apparentes quant aux dépens adjugés. Compte tenu de l’article 3 et du paragraphe 5(1) de la Loi sur les Cours fédérales qui définissent la Cour et de l’article 2 des Règles de la Cour fédérale (1998) qui donne la définition d’un officier taxateur, l’absence d’exercice de ce pouvoir discrétionnaire par la Cour me laisse sans compétence pour procéder à la taxation des dépens en vertu de l’article 405 des Règles.

[9] L’alinéa 14b) comprend l’expression [TRADUCTION] « lorsque la Cour l’ordonne ». Puisque l’officier taxateur n’est pas un juge de la Cour et que la Cour n’a donné aucune directive et n’a rendu aucune ordonnance quant au second avocat inscrit au dossier, je n’ai pas compétence pour accorder le montant réclamé en vertu de l’alinéa 14b).

[25] En ce qui concerne l’article 24, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit, au paragraphe 6 de la décision Marshall c Canada, 2006 CF 1017 [Marshall], concernant les réclamations pour le déplacement d’un avocat :

[6] L’article 4 et le paragraphe 5.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, qui définissent la Cour fédérale, et l’article 2 des Règles des Cours fédérales, qui définit l’officier taxateur, signifient que les termes « Cour » (tel qu’il est utilisé à l’article 24 de la colonne III du Tarif B pour le déplacement de l’avocat pour assister à l’audience) et « officier taxateur » visent des entités distinctes. Comme la Cour n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire quant aux frais réclamés pour le déplacement de l’avocat pour assister à l’interrogatoire préalable, je n’ai pas le pouvoir d’accorder quelque montant que ce soit au titre de l’article 24. Cette restriction ne s’applique pas aux frais de déplacement connexes, pour lesquels je garde compétence en vertu de l’article 405 des Règles. Les frais d’avocat et les débours sont des articles de dépens distincts qui sont traités dans des parties différentes du Tarif, c’est‑à‑dire que les articles 1 à 28 du TABLEAU du Tarif B portent sur les frais d’avocat et que le Tarif B1 traite des débours. Par conséquent, l’article 24 porte sur les frais d’avocat et non sur les débours. Le pouvoir discrétionnaire réservé à la Cour d’autoriser les officiers taxateurs à octroyer certaines sommes en vertu de l’article 24, ou même de l’article 14b) pour un second avocat, s’exerce indépendamment du pouvoir discrétionnaire qui m’est accordé par l’article 405 des Règles et par le Tarif B1. Il n’existe aucune interdiction implicite qui m’empêcherait, en l’absence d’une directive de la Cour portant sur les honoraires des avocats, d’octroyer les débours liés aux déplacements de l’avocat pour les déplacements vers le lieu de l’audience et au retour de celle‑ci, prévus à l’article 24. […]

[26] Pour ce qui est de la fonction d’un officier taxateur, la Cour a expliqué ce qui suit dans l’arrêt Pelletier c Canada (Procureur général), 2006 CAF 418 [Pelletier], au paragraphe 7 :

[7] […] De par la Règle 405, un officier taxateur « taxe » (« assesses ») les dépens, ce qui suppose que des dépens aient été accordés. Il le fait, c’est la Règle 406 qui le dit, à la demande de « la partie qui a droit aux dépens », ce qui suppose, là encore, qu’une ordonnance adjugeant les dépens ait été prononcée en faveur de cette partie. Il taxe les dépens, c’est la Règle 407 qui le dit, en conformité avec la colonne III du tableau du Tarif B, et ce « sauf ordonnance contraire de la Cour ». Il peut tenir compte, en vertu de la Règle 409, « des facteurs visés au paragraphe 400(3) lors de la taxation des dépens ». Bref, la fonction de l’officier taxateur en est une, non pas d’adjudication, mais d’évaluation des dépens. Il ne lui appartient pas d’aller outre, ou à l’encontre de, l’adjudication déjà prononcée par le juge. […]

[27] À partir de mon examen des documents relatifs aux dépens de Secure parallèlement à celui du dossier de la Cour, et en me fondant sur les enseignements de la Cour dans les décisions Capra et Marshall, je conclus que je n’ai pas le pouvoir d’évaluer les réclamations de dépens de Secure pour les honoraires du second avocat et le déplacement de l’avocat à titre de services à taxer. Comme l’a indiqué la Cour dans l’arrêt Pelletier, mon rôle en tant qu’officier taxateur en est un « non pas d’adjudication, mais d’évaluation des dépens ». En l’absence de directive ou de décision de la Cour accordant expressément des dépens pour les honoraires d’un second avocat ou les déplacements d’un avocat à titre de services à taxer ou, subsidiairement, de toute jurisprudence invoquée par Secure en vue d’étayer l’allocation de ces dépens en l’absence de directive ou de décision de la Cour, j’estime que je n’ai pas le pouvoir de taxer ce type de dépens de manière autonome. Par conséquent, j’ai conclu que les réclamations de Secure pour les honoraires du second avocat et le déplacement d’un avocat à titre de services à taxer doivent être rejetées, car elle se rapportent au présent dossier. Les sommes rejetées s’élèvent à 34,65 unités au titre de l’alinéa 14b) et à 5 unités au titre de l’article 24.

D. Montant total accordé pour les services à taxer de Secure

[28] En tout, 214,10 unités ont été accordées pour les services à taxer de Secure, soit un montant total de 35 968,80 $, TPS incluse.

V. Débours

[29] Secure a réclamé la somme de 83 659,48 $ au titre des débours, taxes applicables incluses. Cette sommes est inférieure au total du mémoire de dépens, car Secure a prélevé un débours pour ses honoraires (1 925 $), qui n’étaient pas liés au présent dossier (observations écrites de Secure, paragraphes 3 et 4; annexe A – notes explicatives pour le deuxième trimestre de 2021).

[30] J’ai examiné les documents relatifs aux dépens de Secure parallèlement au dossier de la Cour et aux règles, aux lois et à la jurisprudence pertinentes, et j’ai déterminé que les débours pouvaient être alloués tels qu’ils sont réclamés. J’ai conclu qu’aucune de ces réclamations n’exigeait mon intervention, car j’estime qu’elles correspondaient à des dépenses raisonnables et justifiables compte tenu des questions en litige à trancher dans le cadre de la présente instance de propriété intellectuelle (Janssen Inc c Teva Canada Ltd, 2022 CF 269 au para 10; Nova Chemicals Corporation c Dow Chemical Company, 2017 CAF 25 au para 20). Les réclamations pouvaient être vérifiées au moyen du dossier de la Cour et les exigences relatives à la preuve des débours prévues au paragraphe 1(4) du Tarif B ont été respectées.

[31] Après avoir examiné les faits susmentionnés et considéré l’absence d’opposition de Mud au mémoire de dépens de Secure, j’ai conclu qu’il était raisonnable d’accorder à Secure la somme qu’elle réclamait au titre des débours, à savoir 83 659,48 $, taxes applicables incluses.

VI. Conclusion

[32] Pour les motifs susmentionnés, le mémoire de dépens de Secure est taxé et accueilli pour un montant total de 119 628,28 $. Ce montant devra être versé par la demanderesse, Mud Engineering Inc., aux défenderesses, Secure Energy (Drilling Services) Inc. et Secure Energy Services. Un certificat de taxation sera également délivré.

« Garnet Morgan »

Officier taxateur

Toronto (Ontario)

Le 2 juin 2023

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑89‑18

 

INTITULÉ :

MUD ENGINEERING INC. c SECURE ENERGY (DRILLING SERVICES) INC. ET SECURE ENERGY SERVICES INC., ET ENTRE SECURE ENERGY (DRILLING SERVICES) INC. ET MUD ENGINEERING INC. ET AN‑MING (VICTOR) WU

 

AFFAIRE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE LA TAXATION :

GARNET MORGAN, OFFICIER TAXATEUR Officer

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 juin 2023

OBSERVATIONS ÉCRITES :

s.o.

 

Pour la demanderesse

Défendeurs reconventionnels

 

Emilie Feil‑Fraser

Patrick Smith

Mathew Brechtel

Benjamin Pearson

Mike Myschyshyn

Pour les DÉFENDEURS

Demanderesse reconventionnelle

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour la DEMANDERESSE

Défendeurs reconventionnels

Seastone IP LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

Pour les DÉFENDEURS

Demanderesse reconventionnelle

 

 

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