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Date : 20230530


Dossiers : T-631-22

T-610-22

Référence : 2023 CF 751

Ottawa (Ontario), le 30 mai 2023

En présence de madame la juge Rochester

Dossier : T-631-22

ENTRE :

FRANÇOIS MORIN

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Dossier : T-610-22

ET ENTRE :

EMMANUELLA RUEL

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, François Morin et Emmanuella Ruel, sont conjoints de fait. Ensemble, ils sont propriétaires de plusieurs propriétés locatives, dont une maison située près de la ville de Québec, sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, qui est disponible pour location par l’intermédiaire d’Airbnb [la propriété].

[2] En mars 2020, en raison de la pandémie de COVID-19, les locations de la propriété ont cessé pendant un certain temps, pour ensuite reprendre lentement. Les demandeurs ont demandé et ont reçu la Prestation canadienne d’urgence pendant sept périodes de deux semaines et, par la suite, la Prestation canadienne de la relance économique [PCRE] pendant douze périodes de deux semaines. Bien que les demandeurs aient demandé à recevoir la PCRE pour une période supplémentaire, les paiements ont été mis en suspens par l’Agence du revenu du Canada [ARC] dans l’attente d’une vérification de leur admissibilité.

[3] Après avoir procédé à un deuxième examen de leurs demandes de PCRE, un agent de l’ARC [l’agent] a conclu que les demandeurs n’avaient pas droit à cette prestation. Dans les décisions qu’il a rendues les 17 et 24 février 2022, l’agent a conclu que les demandeurs ne répondaient pas aux critères d’admissibilité, n’ayant notamment pas gagné un revenu net d’un emploi ou d’un travail indépendant s’élevant à 5 000 $ ou plus en 2019 ou en 2020 ni au cours des 12 mois ayant précédé leurs demandes [les décisions]. L’agent a conclu que les demandeurs n’avaient jamais déclaré un revenu d’un travail indépendant auparavant et a observé qu’une modification avait été apportée à leurs déclarations de revenus respectives après la pandémie en vue d’inclure dans chacune un revenu de travail indépendant de 5 400 $ pour 2019. Préalablement aux modifications apportées aux déclarations de revenus respectives des demandeurs pour 2019, ces sommes ont été déclarées comme une partie d’un montant beaucoup plus important désigné comme un revenu de location.

[4] Les demandeurs soutiennent que le revenu d’un travail indépendant reflète la nature des travaux qu’ils effectuent pour la propriété, notamment les services d’entretien ménager qu’ils assurent entre chaque location et l’administration de la location de la propriété. Les demandeurs ont informé l’agent que la valeur des services exécutés dans le cadre de chaque entretien ménager est de 150 $, et la valeur totale de ces services, lorsqu’ils sont calculés en fonction des 72 locations qui ont eu lieu en 2019, correspond à 10 800 $, ou à 5 400$ chacun. Plutôt que de se ranger du même avis que les demandeurs, l’agent a préféré utiliser pour ses calculs le montant de 60 $, lequel correspondait aux frais pour services d’entretien ménager indiqués sur un certain nombre de factures Airbnb soumises par les demandeurs. Les frais indiqués sur les reçus Airbnb pour les services d’entretien ménager variaient entre 0 $ et 60 $.

[5] Il ressort du dossier qu’il ne fait aucun doute que les demandeurs ont effectivement loué leur propriété par l’intermédiaire d’Airbnb et que les revenus qu’ils ont ainsi gagnés ont été déclarés à l’ARC. En outre, rien au dossier n’indique que les demandeurs n’ont pas eux-mêmes effectué les tâches d’entretien ménager dans la propriété entre chaque location Airbnb. Plutôt, la question est de déterminer s’il était raisonnable pour l’agent de conclure, en fonction du dossier dont il disposait, que les demandeurs n’avaient pas chacun gagné un revenu de travail indépendant de 5 000 $ en 2019 – un revenu qui, en fait, diffère d’un revenu de location.

[6] Malgré les observations bien formulées présentées par M. Morin et Mme Ruel en leur propre nom, pour les motifs exposés ci-après, les présentes demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

[7] Les demandeurs ont déposé des demandes de contrôle judiciaires distinctes qui ont été entendues ensemble conformément à une ordonnance rendue par la juge adjointe Alexandra Steele. Bien que des dossiers distincts aient été déposés pour chaque affaire, il y avait un chevauchement important compte tenu du fait qu’une bonne partie des documents étaient identiques. M. Morin et Mme Ruel ont tous deux présenté des observations à l’audience. Je conclus qu’un seul jeu de motifs est approprié pour les deux causes et devra être versé à chacun des dossiers de la Cour.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[8] Les parties conviennent que la seule question à trancher est celle du caractère raisonnable de la décision de l’agent.

[9] Une décision raisonnable est une décision qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85 [Vavilov]).

[10] Il incombe aux demandeurs de démontrer le caractère déraisonnable de la décision rendue par l’agent (Vavilov au para 100). Pour pouvoir intervenir, la cour de révision doit être convaincue par la partie qui conteste la décision que celle-ci « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence », et que ces lacunes ou insuffisances reprochées « ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision » (Vavilov au para 100).

[11] Il faut se concentrer sur la décision qui a effectivement été rendue, y compris l’explication présentée pour celle-ci, et non sur la conclusion à laquelle la Cour serait arrivée à la place du décideur administratif. À moins de circonstances exceptionnelles, une cour de révision ne doit pas modifier des conclusions de fait. De plus, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, il n’appartient pas à notre Cour d’apprécier ou de soupeser à nouveau la preuve prise en compte par le décideur (Vavilov au para 125; Clark v Air Line Pilots Association, 2022 FCA 217 au para 9 [Clark]).

[12] Je note que les demandeurs, dans leurs observations verbales et écrites, allèguent qu’il a eu partialité de la part de l’agent, qui a présumé que les demandeurs avaient fait preuve de mauvaise foi en indiquant avoir modifié leurs déclarations de revenus de 2019 de façon à inclure un revenu d’un travail indépendant. La partialité est une question d’équité procédurale; à ce titre, sur ce point, la Cour doit déterminer si le processus suivi par l’agent satisfait au degré d’équité nécessaire dans les circonstances (Clark au para 10; Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35).

III. Discussion

[13] La PCRE était une prestation qui assurait un soutien financier aux personnes admissibles qui vivaient au Canada et qui étaient touchées par la pandémie de COVID-19. Elle était versée pour toute période de deux semaines comprise dans la période commençant le 27 septembre 2020 et se terminant le 23 octobre 2021. Pour avoir droit aux paiements de la PCRE, les demandeurs devaient satisfaire aux critères énoncés au paragraphe 3(1) de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, ch 12, art 2 [la Loi]. En l’espèce, les critères d’admissibilité en cause sont les critères d’admissibilité du revenu. Les alinéas 3(1)d) à f) de la Loi exigent qu’un demandeur démontre qu’il a gagné un revenu d’emploi ou un revenu net d’un travail indépendant d’au moins 5 000 $ avant impôt en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande et que, pour des raisons relatives à la COVID-19, il n’a pas exercé d’emploi ou exécuté un travail à son propre compte, ou a subi une réduction d’au moins 50 % de ses revenus hebdomadaires moyens.

[14] J’examinerai tout d’abord l’allégation de partialité avancée par les demandeurs, qui a été mentionnée précédemment. Le critère permettant de déterminer une partialité réelle ou une crainte raisonnable de partialité de la part d’un décideur est bien établi. La Cour suprême explique ce critère dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, 1976 CanLII 2 (CSC), [1978] 1 RCS 369, aux pages 394 et 395 :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique [...] ».

[...] Toutefois, les motifs de crainte doivent être sérieux [...] [et ne doivent pas être ceux] d’« une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne ».

[15] Plus récemment, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Firsov v Canada (Attorney General), 2022 FCA 191, a confirmé que le critère à respecter est le suivant :

[56] [...] [s]i une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique [...] [c]roirait [...] que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendr[ait] pas une décision juste : Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25 aux para 20, 21 et 26.

[16] Il incombe aux demandeurs, qui allèguent la partialité, de démontrer qu’une personne raisonnable bien informée de toutes les circonstances pertinentes conclurait que l’agent n’a pas rendu une décision juste.

[17] Les demandeurs allèguent que l’agent n’était pas impartial parce qu’il présumait qu’ils avaient fait preuve de mauvaise foi. Les demandeurs soulignent le langage utilisé par l’agent dans ses notes dans lesquelles il mentionne qu’ils ont modifié leurs déclarations de revenus de 2019 pour y ajouter un revenu d’un travail indépendant. En réponse, les demandeurs soutiennent ne pas avoir ajouté de revenu lorsqu’ils ont ultérieurement modifié leurs déclarations de revenus, précisant qu’ils auraient en fait catégorisé leur revenu différemment. À leur avis, cette interprétation erronée vient prouver que l’agent n’était pas impartial et qu’il présumait qu’ils avaient fait preuve de mauvaise foi.

[18] Le défendeur soutient qu’il n’y a aucune preuve de partialité ou de mauvaise foi. En outre, les demandeurs ont eu la possibilité de contre-interroger l’agent, dont l’affidavit a été déposé dans les présentes procédures, mais ils ne l’ont pas fait.

[19] Après avoir examiné les arguments des demandeurs sur cette question, je ne saurais affirmer qu’ils ont démontré que l’agent a fait preuve de partialité. À mon avis, l’agent n’a pas eu tort de mentionner l’ajout du revenu de travail indépendant au moment de la modification des déclarations. Auparavant, aucun revenu de travail indépendant n’avait été déclaré. Le fait que les sommes déclarées en tant que revenu d’un travail indépendant, à savoir 5 400 $ chacun, aient été déduites d’un revenu déclaré précédemment comme un revenu de location n’a pas pour effet de faire du commentaire formulé par l’agent une mauvaise interprétation et ne démontre pas une présomption de mauvaise foi. Il n’est pas controversé que les demandeurs ont catégorisé différemment leur revenu compte tenu de la COVID-19 et des programmes offerts. Par conséquent, les demandeurs n’ont pas énoncé les motifs sérieux sur lesquels reposerait une crainte raisonnable de partialité.

[20] J’examinerai maintenant le caractère raisonnable de la décision. Je félicite les demandeurs pour le temps, les efforts et l’énergie qu’ils ont consacrés à leurs observations verbales et écrites. Cela dit, ils ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait de démontrer que les décisions sont déraisonnables. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, il ressort du dossier que la pandémie a incontestablement eu une incidence sur les revenus générés par la location de leur propriété par l’intermédiaire d’Airbnb. Également, il ressort clairement du dossier dont je suis saisie que les demandeurs étaient ceux qui nettoyaient et qui préparaient la propriété entre les locations Airbnb. Lors de l’audience, les demandeurs ont souligné toutes les tâches qu’ils exécutaient et le soin et l’attention qu’ils accordaient à leur propriété.

[21] Cependant, la question dont je suis saisie ne concerne pas l’appréciation du temps et des efforts qu’ils ont consacrés à l’entretien ménager et à la préparation de la propriété entre les locations. Je dois plutôt déterminer s’il était raisonnable pour l’agent, compte tenu du dossier dont il disposait, de conclure que la preuve n’étayait pas un revenu d’un travail indépendant d’au moins 5 000 $ pour chacun des demandeurs. Plutôt que d’attribuer 150 $ par location pour obtenir une somme totale de 10 800 $ pour les 72 locations de 2019, pour ensuite diviser cette somme par deux pour obtenir un montant de 5 400 $ pour chaque demandeur, tel qu’il a été indiqué par ces derniers, l’agent a préféré utiliser les frais d’entretien ménager de 60 $ qui figuraient sur un certain nombre de factures Airbnb soumises par les demandeurs. Ces factures comprenaient des frais d’entretien ménager qui variaient entre 0 $ et 60 $.

[22] Le défendeur souligne qu’il était raisonnable pour l’agent de conclure que la thèse des demandeurs selon laquelle ils auraient chacun gagné 5 400 $ en revenu d’un travail indépendant en 2019 n’était pas cohérente compte tenu de la preuve au dossier. Le défendeur soutient que, bien que l’on puisse se livrer à une planification fiscale prospective, on ne peut pas simplement revenir en arrière et recatégoriser un revenu de location après coup dans le but d’être admissible à la PCRE (Canada (Procureur général) c Collins Family Trust, 2022 CSC 26). Le revenu tiré d’une entreprise ou d’un travail indépendant n’est pas assujetti au même traitement fiscal qu’un revenu tiré d’une propriété. Le défendeur soutient que, même si une partie du revenu pourrait être qualifiée de revenu tiré d’une entreprise ou d’un travail indépendant, il était raisonnable pour l’agent de se fonder sur l’élément de preuve documentaire et d’utiliser le montant de 60 $, qui était le montant le plus élevé indiqué sur les factures et qui ne suffit tout de même pas pour atteindre le montant nécessaire de 5 000 $ pour 2019. Autre que l’affirmation des demandeurs selon laquelle la valeur des services d’entretien ménager s’élevait à 150 $, aucun autre élément de preuve ne permettait de défendre ce point de vue auprès de l’agent.

[23] Je suis d’accord avec le défendeur. Selon le dossier dont l’agent était saisi, je conclus que le raisonnement de l’agence répondait aux critères énoncés dans Vavilov. Comme il a été mentionné ci-dessus, il n’appartient pas à notre Cour d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par l’agent, à moins de circonstances exceptionnelles. Je ne crois pas que de telles circonstances existent en l’espèce.

[24] Les demandeurs soutiennent que le bulletin d’interprétation IT434R fournit des critères qui leur permettent d’établir qu’ils ont gagné un revenu tiré d’une entreprise ou d’un travail indépendant plutôt qu’un revenu de location. Les demandeurs soulignent que le bulletin IT434R permet de désigner un revenu comme un revenu tiré d’une entreprise lorsque des services sont fournis. Le bulletin IT434R fournit des exemples de divers services qui peuvent être assurés dans le cadre de la location d’un immeuble et souligne que plus les services fournis sont nombreux, plus il est probable qu’il y ait exploitation d’une entreprise en plus de la location de la propriété. Les demandeurs soutiennent que l’analyse de l’agent n’était ni cohérente ni rationnelle parce que, entre autres, il ne s’est pas référé au bulletin IT434R pour évaluer le revenu tiré d’une entreprise ou d’un travail indépendant des demandeurs.

[25] Le défendeur soutient que le bulletin IT-434R date de plus de quatre décennies et qu’il n’a pas été invoqué devant l’agent. Le défendeur soutient également qu’un certain nombre de documents fournis dans le cadre de la présente procédure de contrôle judiciaire qui visent à fournir de plus amples détails sur les services d’entretien ménager assurés pour les locations Airbnb ne sont pas admissibles au motif qu’ils n’ont pas été présentés à l’agent. Les demandeurs soutiennent que les documents sont admissibles parce qu’ils fournissent un contexte général qui permet de mieux comprendre les questions dont la Cour est saisie.

[26] En règle générale, le dossier de preuve qui est soumis à notre Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision administrative se limite au dossier de preuve dont disposait le décideur administratif (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 19). Si l’on examine les documents dans le but d’obtenir un contexte général, on comprend que, lorsqu’un certain niveau de services est offert en plus de la location d’une propriété proprement dite, une portion du revenu peut constituer un revenu tiré d’une entreprise. On peut également comprendre qu’Airbnb fournit de l’information et de la documentation concernant l’entretien ménager des propriétés locatives. Considérant les documents en tant que contexte général, je ne peux pas dire que, au final, ils sont utiles aux demandeurs à s’acquitter de leur fardeau, soit de démontrer que les décisions rendues par l’agent soient déraisonnables. De plus, en ce qui concerne l’affirmation des demandeurs selon laquelle l’agent ne s’est pas servi du bulletin IT434R pour évaluer le revenu tiré d’une entreprise ou d’un travail indépendant des demandeurs, je ne peux dire que les décisions rendues par l’agent sont déraisonnables parce qu’il n’a pas pris en compte un document qu’il n’avait pas en sa possession au moment de rendre ses décisions. En tout état de cause, l’agent a tenu compte de la thèse des demandeurs en ce qui concerne les services d’entretien ménager; toutefois, il a choisi de se fier à la somme indiquée dans un certain nombre de factures Airbnb fournies par les demandeurs.

[27] Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur en tenant compte des sommes indiquées sur les factures Airbnb parce qu’elles ne représentent pas le coût réel des services d’entretien ménager. Les demandeurs soulignent que la somme indiquée sur les factures varie. Ils soutiennent que l’établissement du montant à facturer aux clients pour les services d’entretien ménager est une stratégie commerciale. Ils soutiennent également que les frais indiqués sur les factures sont artificiellement bas. Le défendeur répond que l’agent a correctement conclu que la somme de 150 $ par location n’était pas cohérente étant donné les sommes indiquées sur les factures, particulièrement compte tenu du fait que l’agent ne disposait d’aucune preuve, autre que l’affirmation des demandeurs, qui lui aurait permis de conclure que les frais d’entretien ménager de 150 $ par location constituaient une somme appropriée.

[28] Je ne crois pas que l’agent a commis une erreur en tenant compte des sommes indiquées sur les factures Airbnb pour les services d’entretien ménager, lorsque l’on considère la thèse des demandeurs selon laquelle ils ont gagné un revenu tiré d’un travail indépendant en ayant assuré le nettoyage et le réapprovisionnement de la propriété après chaque location. Comme je l’ai mentionné plus haut, à défaut de circonstances exceptionnelles, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve examinée par l’agent.

IV. Conclusion

[29] Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les demandeurs ont été incapables de cerner une lacune ou une déficience suffisamment importante pour rendre les décisions déraisonnables.

[30] Le défendeur sollicite les dépens, mais n’a fait aucune observation quant au montant. Dans le cas qui nous occupe, je ne vois aucune raison de m’écarter de la pratique habituelle, soit d’adjuger les dépens à la partie qui a eu gain de cause. En l’espèce, il s’agit du défendeur. Aux termes du paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour peut tenir compte des facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles, notamment : l’issue de l’instance; l’importance et la complexité des questions en litige; le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens; la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance; et toute autre question que la Cour juge pertinente. La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés (paragraphe 400(4) des Règles).

[31] Dans les circonstances, je conclus qu’il convient d’adjuger les dépens au défendeur correspondant à 500 $ par demandeur, pour un total de 1 000 $.


JUGEMENT DANS LES DOSSIERS T-631-22 ET T-610-22

LA COUR ORDONNE que:

  1. Les présentes demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

  2. Des dépens de 500 $ par demandeur, pour un total de 1 000 $, sont adjugés au défendeur.

« Vanessa Rochester »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-631-22

INTITULÉ :

FRANÇOIS MORIN c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET DOSSIER :

T-610-22

INTITULÉ :

EMMANUELLA RUEL c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

QUÉBEC (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 DÉCEMBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

ROCHESTER J.

DATE DES MOTIFS :

LE 30 MAI 2023

COMPARUTIONS :

François Morin

Emmanuella Ruel

Pour les demandeurs

(POUR LEUR PROPRE COMPTE)

Mathieu Lamontagne

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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