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Date : 20230608


Dossier : T‐571‐22

Référence : 2023 CF 811

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 juin 2023

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE:

HOWARD PERSAUD

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. APERÇU

[1] Le demandeur est membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). Il est parti en congé de maladie en février 2012 et, en décembre 2016, alors qu’il n’avait toujours pas été autorisé à reprendre ses fonctions opérationnelles à temps plein, il a présenté un grief en vertu de l’article 31 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, RSC 1985, c R‐10 (la Loi sur la GRC). (Les dispositions applicables figurent à l’annexe de la présente décision). Dans son grief, le demandeur a allégué que les services de santé au travail (les SST) de sa division à la GRC n’avaient pas géré son dossier correctement et que cela avait retardé de manière injustifiée son retour à des fonctions à temps plein. Il soutient qu’en raison de ce manquement de la part des SST, il a manqué des occasions d’acquérir les compétences et l’expérience professionnelle nécessaires pour être compétitif en vue d’obtenir une promotion. En guise de réparation, il a demandé à être promu de deux grades.

[2] Le grief du demandeur a initialement été rejeté parce qu’il a été considéré comme ayant été déposé hors délai. Cette décision a été annulée en avril 2018, et le grief a ensuite été instruit sur le fond.

[3] Le processus d’arbitrage sur le fond s’est déroulé en deux étapes.

[4] Tout d’abord, aux termes du paragraphe 18(2) des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289, une arbitre de premier niveau a dû évaluer si « la décision, l’acte ou l’omission qui [faisait] l’objet du grief [était] conforme à la législation pertinente ou à la politique pertinente du Conseil du Trésor ou de la Gendarmerie et si, en cas de non‐conformité, un préjudice [avait] été causé au plaignant ». Si elle était convaincue que le grief devait être accueilli, elle pouvait renvoyer l’affaire en question pour réexamen ou ordonner toute réparation appropriée, en vertu de l’alinéa 16b) des Consignes du commissaire (griefs et appels).

[5] Dans une décision datée du 1er juin 2021, l’arbitre de premier niveau a convenu avec le demandeur que son profil médical n’avait pas été géré en conformité avec la politique de la GRC et que cela lui avait causé un préjudice. Elle a conclu que le profil médical avait été mal géré du 26 janvier 2014 au 30 mars 2017, date à laquelle le demandeur a été jugé apte à reprendre ses fonctions opérationnelles. L’arbitre a jugé que cette mauvaise gestion avait causé un préjudice au demandeur parce qu’il avait perdu des occasions de développer les compétences dont il avait besoin pour être compétitif en vue d’obtenir une promotion. Elle a toutefois conclu que la loi ne lui conférait pas le pouvoir d’ordonner la promotion du demandeur, comme il le souhaitait. Elle a donc inclus les commentaires suivants dans sa décision :

[TRADUCTION]

Vu les limites de ma compétence en ce qui concerne la réparation, je ne peux qu’offrir défendeur à l’intimé les suggestions suivantes :

1. L’intimé (par l’intermédiaire de la chaîne de commandement du plaignant) devrait prendre des mesures pour relancer la carrière du plaignant;

2. L’intimé (par l’intermédiaire de la chaîne de commandement du plaignant) devrait s’efforcer d’offrir au plaignant des possibilités concrètes de formation et d’apprentissage afin de favoriser l’évolution de sa carrière;

3. L’intimé devrait s’efforcer de fournir aux membres une rétroaction rapide sur tous les tests passés et de mettre à jour leurs profils médicaux conformément à la politique.

[6] Après avoir reçu cette décision, le demandeur a demandé que l’affaire soit renvoyée au dernier niveau de la procédure applicable aux griefs. Aux termes du paragraphe 32(1) de la Loi sur la GRC, le commissaire de la GRC constitue le dernier niveau de la procédure applicable aux griefs. Toutefois, les pouvoirs du commissaire à cet égard peuvent être délégués à un arbitre en vertu du paragraphe 5(2) de la Loi. Le grief de dernier niveau du demandeur a été présenté à un arbitre agissant en vertu d’un pouvoir délégué.

[7] Le pouvoir d’un arbitre de dernier niveau se limite à déterminer si la décision de l’arbitre de premier niveau contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable : voir le paragraphe 18(2) des Consignes du commissaire (griefs et appels). En vertu du paragraphe 18(1) des mêmes consignes, l’arbitre de dernier niveau peut rejeter le grief et confirmer la décision de premier niveau ou, s’il accueille le grief, peut renvoyer l’affaire pour réexamen ou nouvelle décision ou ordonner toute réparation appropriée.

[8] Le demandeur (qui n’était pas représenté par un avocat durant toute la procédure applicable aux griefs) a présenté des observations écrites détaillées concernant l’examen de dernier niveau. Il a contesté la décision de l’arbitre de premier niveau pour plusieurs raisons, affirmant notamment que l’arbitre avait commis une erreur en l’empêchant de faire valoir qu’il avait été victime de discrimination et de harcèlement fondés sur la race et la religion. (Il s’agit d’une question que le demandeur a soulevée pour la première fois dans ses observations en réplique au premier niveau). Dans les formulaires de présentation de son grief de dernier niveau, le demandeur a prétendu que [traduction] « le cœur » du grief concernait le racisme et la discrimination dont il avait été victime en tant que membre de la GRC. Il a également fait valoir que la réparation proposée par l’arbitre de premier niveau était manifestement déraisonnable, et a maintenu que la seule réparation adéquate était une promotion de deux grades. Lorsqu’il a présenté ses observations en réplique aux observations du défendeur, il a allégué pour la première fois qu’il était [traduction] « dans l’intérêt de l’arbitre de premier niveau de soutenir la GRC parce qu’elle travaill[ait] pour la GRC et [était] payée par elle ». Selon le demandeur, l’arbitre de premier niveau avait un parti pris contre lui, et son [traduction] « attitude préjudiciable était évidente tout au long de ses délibérations sur les faits ».

[9] Dans une décision datée du 11 février 2022, l’arbitre de dernier niveau a conclu que le demandeur n’avait pas établi que la décision de premier niveau contrevenait aux principes d’équité procédurale, qu’elle était entachée d’une erreur de droit ou qu’elle était manifestement déraisonnable. Elle a rejeté l’allégation de partialité de la part de l’arbitre de premier niveau que le demandeur avait formulée et a conclu que l’arbitre n’avait pas commis d’erreur en jugeant qu’elle ne pouvait pas accorder la réparation que souhaitait le demandeur, à savoir une promotion. L’arbitre de dernier niveau a également conclu que la réparation suggérée par l’arbitre de premier niveau (voir le paragraphe 5 ci‐dessus) [traduction] « n’était pas manifestement déraisonnable puisqu’elle donnait au demandeur toutes les chances possibles d’acquérir de nouveau de l’expérience et de suivre les formations qu’il avait manquées, afin qu’il puisse démontrer son potentiel et être promu à des grades plus élevés ». Par conséquent, l’arbitre de dernier niveau a rejeté le grief et confirmé la décision de l’arbitre de premier niveau.

[10] Le demandeur (qui n’est toujours pas représenté par un avocat) a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de l’arbitre de dernier niveau en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‐7. Il soutient que la décision est entachée d’une crainte raisonnable de partialité de la part du décideur et, dans tous les cas, qu’elle est déraisonnable.

[11] Comme je l’explique dans les motifs qui suivent, je ne peux souscrire à aucun des arguments du demandeur. À mon avis, l’allégation de crainte raisonnable de partialité n’est pas fondée. En outre, la décision de l’arbitre de dernier niveau – y compris sa décision de confirmer la décision relative à la réparation – est raisonnable compte tenu des contraintes juridiques auxquelles le décideur est assujetti. De toute évidence, le demandeur croit, peut‐être même à juste titre, qu’il n’a pas bénéficié d’une réparation valable pour la mauvaise gestion de son dossier médical et l’incidence que cela a eue sur sa carrière; cependant, il n’a offert aucun fondement permettant de conclure qu’il y a lieu de modifier la décision de l’arbitre de dernier niveau. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

II. CONTEXTE

A. Les antécédents professionnels du demandeur – de février 2012 à septembre 2017

[12] Le demandeur est membre de la GRC depuis 2001 et il est parti en congé de maladie le 22 février 2012. Durant sa première période de congé, il n’exerçait aucune fonction et fournissait régulièrement des rapports de son médecin pour justifier son absence. Plus tard, en août 2012, son profil médical a été mis à jour et il s’est vu attribuer la cote [traduction] « O6 - Inapte au travail ». Le 13 décembre 2012, après d’autres examens de son dossier, cette cote est passée à [traduction] « Temporaire O4 – Fonctions administratives seulement » (à compter du 2 janvier 2013). Un plan de retour au travail progressif a ensuite été mis en place pour que le demandeur reprenne des fonctions non opérationnelles.

[13] Le demandeur est retourné au travail comme prévu. Toutefois, en février 2013, son superviseur a communiqué avec les SST pour leur faire part de son inquiétude quant à un problème médical qui pourrait nuire au rendement du demandeur au travail. En juin 2013, après avoir discuté de la question avec le demandeur, et avec son appui, les SST ont demandé une évaluation médicale prescrite par l’employeur (EMPE) auprès d’un psychiatre exerçant en cabinet privé. Cette évaluation a débuté le 23 juillet 2013. Dans l’intervalle, le profil médical du demandeur a gardé la cote « Temporaire O4 ».

[14] Le dossier de grief indique que les SST n’ont pratiquement rien fait d’autre jusqu’au 25 juin 2014, date à laquelle ils ont communiqué avec l’évaluateur chargé de l’EMPE pour vérifier où il en était rendu. Ils ont finalement reçu les résultats de l’EMPE le 25 août 2014. Toutefois, ils n’ont pas communiqué les résultats au demandeur ni pris d’autres mesures à la suite de l’évaluation. Entre‐temps, le demandeur a continué à être assujetti à des heures et à des fonctions réduites, n’ayant le droit de travailler qu’un maximum de huit heures par semaine.

[15] En janvier 2016, le demandeur a obtenu une copie de l’EMPE de 2013 en faisant une demande d’accès à l’information.

[16] Comme le demandeur a demandé à plusieurs reprises de reprendre des fonctions opérationnelles, son dossier a été transféré à une nouvelle équipe clinique en mai 2016. Un nouveau plan de retour progressif au travail a été élaboré pour augmenter les heures de travail du demandeur. Les SST ont également demandé une EMPE à l’évaluateur initial afin de déterminer l’aptitude actuelle du demandeur à exercer des fonctions opérationnelles.

[17] La deuxième EMPE a été réalisée entre septembre et novembre 2016. Bien que les détails ne soient pas tout à fait clairs dans le dossier dont je dispose, il semble qu’en discutant avec l’évaluateur ou son équipe clinique au sujet de la nouvelle évaluation, le demandeur a appris que, même si le problème de santé qui lui avait été diagnostiqué était permanent, il avait une incidence minime sur sa capacité à reprendre des fonctions opérationnelles, et qu’il aurait été capable de reprendre de telles fonctions des années plus tôt.

[18] À la fin du mois de mars 2017, le demandeur a été autorisé à reprendre ses fonctions opérationnelles à temps plein à compter du 2 avril 2017. Il semble qu’il l’ait fait en septembre 2017.

B. Le grief du demandeur

[19] Comme je le mentionne plus haut, en décembre 2016, le demandeur a déposé un grief concernant le traitement de son profil médical. L’intimé au grief est le dirigeant des Relations employeur‐employés de la Division O.

(1) Les observations du demandeur

[20] Le demandeur a avancé trois arguments clés dans la présentation initiale de son grief. Premièrement, il a affirmé que les SST n’avaient pas effectué les évaluations de santé ni pris en compte les résultats en temps voulu. Deuxièmement, ce manquement serait contraire aux lois et aux politiques applicables, notamment aux exigences relatives à la mise à jour régulière des profils médicaux et à la rétroaction rapide sur les résultats des tests. Troisièmement, ce retard lui aurait causé un préjudice. Plus précisément, le demandeur affirme avoir perdu la possibilité de présenter sa candidature pour des promotions, parce que son état de santé restait indéterminé et qu’il n’accomplissait pas de fonctions opérationnelles à temps plein. Selon le demandeur, il n’a pas pu poser sa candidature pour les postes annoncés, [traduction] « parce que sa progression de carrière s’est arrêtée en 2013 alors qu’il attendait que les SST examinent son dossier ». En bref, [traduction] « compte tenu des nombreuses variables inconnues auxquelles [le demandeur] était confronté en raison du retard excessif dans l’établissement de son profil médical, il ne pouvait pas raisonnablement supposer qu’il était en mesure de satisfaire aux critères pour obtenir une promotion ».

(2) Les observations du défendeur

[21] Le représentant du défendeur a présenté des observations écrites en réponse aux observations du demandeur. Ses observations étaient accompagnées d’un aperçu chronologique du dossier médical du demandeur en rapport avec le grief, préparé par un agent des SST.

[22] Le défendeur a reconnu que, pendant le congé du demandeur en 2013, [traduction] « les services de SST ont tardé à évaluer son aptitude au travail, de même qu’à évaluer et à lui communiquer les résultats de son EMPE de 2013 ». Le défendeur n’était pas d’accord pour dire que tous les instruments de politique invoqués par le demandeur s’appliquaient dans son cas, mais il reconnaissait que le demandeur aurait dû recevoir les résultats de l’EMPE de 2013 en temps utile, ce qui n’a pas été le cas. Par contre, il a maintenu que l’EMPE de 2016 et l’approbation finale du retour au travail à temps plein du demandeur ont été gérés correctement. Enfin, le défendeur a nié que les retards dans le traitement du profil médical ont causé un préjudice au demandeur. Selon lui, rien n’empêchait le demandeur de présenter sa candidature en vue d’être promu durant la période visée et, dans tous les cas, il n’est pas possible de savoir si sa candidature aurait été retenue ou non.

(3) La réplique du demandeur

[23] Le demandeur a présenté une longue réplique écrite aux observations du défendeur. Il y a allégué, pour la première fois dans le cadre de ce grief, que tout au long de sa carrière à la GRC, il avait fait l’objet de discrimination et de harcèlement fondés sur la race et la religion. Il a également allégué pour la première fois que l’EMPE de 2013 n’était pas une véritable évaluation de son aptitude au travail, mais visait plutôt à faciliter son congédiement de la GRC. Le demandeur a réitéré son argument selon lequel l’EMPE de 2013 en particulier avait pris un temps déraisonnable, qu’il n’avait pas été informé des résultats en temps utile et que ces retards lui avaient causé un préjudice. Il a répliqué à l’argument du défendeur selon lequel il aurait pu présenter sa candidature en vue d’être promu pendant la période visée en soulignant qu’il n’avait jamais prétendu le contraire. Il avait plutôt affirmé qu’il aurait été inutile de le faire parce qu’il n’aurait pas été un candidat intéressant vu son manque d’expérience professionnelle et les occasions manquées de développer les compétences nécessaires.

C. La décision de premier niveau

[24] L’arbitre de premier niveau a énoncé que le grief portait sur [traduction] « l’omission du défendeur de gérer correctement l’EMPE du demandeur, ce qui a eu une incidence sur son retour en temps opportun à des fonctions opérationnelles ».

[25] L’arbitre a mentionné que le demandeur avait soulevé plusieurs autres questions, dont beaucoup étaient évoquées pour la première fois dans sa réplique, y compris des allégations de racisme, de discrimination et de harcèlement. Comme ces [traduction] « nouveaux faits et nouveaux motifs » n’ont été présentés qu’en réplique, l’arbitre a considéré qu’ils ne relevaient pas de la portée de son examen. Elle a indiqué que selon la politique qui régissait la procédure applicable aux griefs, on ne peut pas soulever de nouveaux faits ou motifs en réplique, sauf avec la permission de l’arbitre. Elle a jugé que bon nombre des nouvelles questions soulevées par le demandeur relèveraient probablement d’autres processus, comme ceux du Code de déontologie décrits dans la partie IV de la Loi sur la GRC. Par conséquent, elle a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour trancher ces questions (voir art 31(1) de Loi sur la GRC). L’arbitre a également conclu que dans tous les cas, la plupart des événements auxquels le demandeur faisait référence se sont produits avant 2013 et, par conséquent, ne respecteraient probablement pas les délais prévus par la loi concernant le dépôt d’un grief (voir art 31(2) de la Loi sur la GRC). Elle a donc refusé d’examiner les nouvelles questions soulevées par le demandeur.

[26] L’arbitre a mentionné que, selon la politique applicable en matière de services de santé, [traduction] « les profils temporaires ne doivent pas durer plus de six mois sans être réexaminés par [les SST] et la date de réexamen doit être inscrite sur le formulaire de la manière suivante : “Temporaire jusqu’au (date)” ». Elle a conclu que, contrairement à ce que prévoit cette politique, les SST n’avaient pas procédé à une mise à jour continue du profil médical du demandeur entre l’EMPE de 2013 et celle de 2016. Plus précisément, les SST ont mis à jour le profil médical du demandeur le 28 novembre 2013. Ce profil était valide jusqu’au 26 janvier 2014, mais il n’a pas été mis à jour dans les délais prévus par la suite. Selon l’arbitre, il s’agit là du [traduction] « premier signe de mauvaise gestion ». L’arbitre a également conclu que, par la suite, les SST n’avaient pas géré correctement le profil médical temporaire du demandeur pendant et après l’EMPE de 2013 et pendant l’EMPE de 2016. Cette mauvaise gestion s’est poursuivie jusqu’au 30 mars 2017, date à laquelle le demandeur a été autorisé à reprendre toutes ses fonctions opérationnelles.

[27] De plus, l’arbitre a jugé que, compte tenu de l’importance que le processus d’EMPE avait pour le demandeur, ce dernier devait, pour être traité équitablement, recevoir en temps utile une rétroaction et une évaluation sérieuse des résultats de l’EMPE de 2013. À cette exigence d’équité procédurale s’ajoutait la politique applicable en matière de services de santé, qui prévoit que les membres doivent recevoir une rétroaction sur tous les tests passés au cours d’une évaluation. Cela n’a pas été fait. Le demandeur a subi un préjudice, car sa progression de carrière a été entravée.

[28] Ayant donc conclu que le grief était fondé, l’arbitre de premier niveau s’est penchée sur la réparation appropriée. Même si elle était d’accord avec le défendeur pour dire que rien n’empêchait le demandeur de présenter sa candidature en vue d’une promotion durant la période visée, elle était aussi d’accord avec le demandeur qu’il y avait une différence entre présenter sa candidature en vue d’obtenir une promotion et être compétitif dans le processus. L’arbitre a conclu que la mauvaise gestion du profil médical du demandeur faisait en sorte qu’il [traduction] « avait manqué d’importantes expériences de travail et possibilités d’apprentissage qui lui auraient permis de devenir un bon candidat pour une promotion ». Les omissions du défendeur ont eu une incidence négative sur la [traduction] « capacité du demandeur à développer les compétences nécessaires pour être compétitif dans un processus de promotion ».

[29] Malgré ces conclusions, l’arbitre a reconnu que les réparations qu’elle pouvait ordonner étaient limitées. Elle ne pouvait pas accorder au demandeur la réparation qu’il demandait parce que le commissaire de la GRC [traduction] « n’a pas délégué le pouvoir d’accorder une promotion » visé au paragraphe 7(1) de la Loi sur la GRC aux arbitres de griefs. Elle a également convenu avec le défendeur que dans tous les cas, [traduction] « il n’y avait aucune garantie que le [demandeur] aurait obtenu une promotion même si l’omission contestée ne s’était pas produite ». Le sous‐alinéa 16(1)(b)(i) des Consignes du commissaire (griefs et appels) confère à l’arbitre le pouvoir de renvoyer une affaire au niveau où l’erreur est survenue, mais cette réparation [traduction] « serait inutile et ne remédierait pas au préjudice [du demandeur] ». Le sous‐alinéa 16(1)(b)(ii) des Consignes du commissaire (griefs et appels) confère à l’arbitre le pouvoir d’ordonner « la réparation qui s’impose ». Compte tenu des limites de ses pouvoirs, l’arbitre a conclu qu’elle ne pouvait offrir au défendeur (par l’intermédiaire de la chaîne de commandement du demandeur) que des « suggestions », soit de relancer la carrière du demandeur, de fournir aux membres de la GRC une rétroaction opportune sur les tests passés et de mettre à jour les profils médicaux en conformité avec la politique (voir le paragraphe 5 des présents motifs). Elle a également ordonné qu’une copie de sa décision soit fournie au commandant du demandeur [traduction] « pour veiller à ce que les suggestions mentionnées fassent l’objet d’un suivi ».

[30] Enfin, l’arbitre a présenté ses excuses sincères au demandeur pour les retards dans le traitement de son grief.

D. Le grief de dernier niveau du demandeur

[31] En vertu de l’alinéa 31(2)(b) de la Loi sur la GRC, le demandeur avait le droit de présenter un grief au dernier niveau dans les quatorze jours suivant la réception de la décision relative au grief rendue au premier niveau. Comme je le mentionne plus haut, l’arbitre de dernier niveau peut seulement déterminer si la décision rendue au premier niveau contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable. En outre, le Manuel d’administration de la GRC (paragraphe II.3.4.9.3) prévoit que les parties « peuvent présenter de nouveaux éléments de preuve ou renseignements au dernier niveau uniquement si ces éléments de preuve ou renseignements n’étaient pas, et n’auraient raisonnablement pas pu être, connus au moment de la décision rendue au premier niveau ».

(1) Les observations du demandeur

[32] En résumé, le demandeur a allégué que l’arbitre de premier niveau avait commis deux erreurs fondamentales. Premièrement, elle aurait commis une erreur en ne tenant pas compte de [traduction] « l’ensemble des circonstances » dans lesquelles les SST et la GRC ont traité le dossier du demandeur, ainsi que [traduction] « des dommages qu’il a subis ». Il a soutenu que les SST avaient volontairement saboté sa carrière et que cela s’inscrivait dans le cadre d’une discrimination et d’un harcèlement fondés sur la race et la religion dont il a été victime pendant toute sa carrière à la GRC. Les SST ayant demandé une évaluation de son aptitude au travail, le demandeur avait été [traduction] « stigmatisé et considéré comme étant mentalement incapable de travailler ». Deuxièmement, le demandeur a fait valoir que la réparation proposée était déraisonnable. Il a affirmé que les suggestions de l’arbitre [traduction] « [étaient] non contraignantes et ne permett[aient] pas d’établir une réparation pour compenser les coûts d’opportunité associés aux occasions » qu’il avait perdues. La GRC est responsable des préjudices causés à la carrière du demandeur et elle [traduction] « devrait y remédier en lui accordant une promotion ». Le demandeur a également attiré l’attention sur plusieurs déclarations faites par l’arbitre dans sa décision et qui, selon lui, sont inexactes et nécessitent des éclaircissements.

(2) Les observations du défendeur

[33] À titre préliminaire, le représentant du défendeur s’est opposé à l’inclusion des allégations de discrimination et de harcèlement fondés sur la race et la religion dans le grief de dernier niveau du demandeur. Selon le défendeur, l’arbitre de premier niveau a refusé à juste titre d’examiner ces questions parce qu’elles ne relevaient pas de la portée du grief. En outre, ces allégations ne constituaient pas de nouveaux éléments de preuve au sens du Manuel administratif (paragraphe II.3.4.9.3) et n’ont donc pas été correctement soulevées dans le grief de dernier niveau.

[34] En ce qui concerne le bien‐fondé du grief de dernier niveau, le défendeur n’a pas contesté que l’EMPE de 2013 aurait permis un retour progressif aux fonctions opérationnelles à temps plein ou que, comme l’avait conclu l’arbitre de premier niveau, le profil médical du demandeur avait été traité incorrectement. Le défendeur a qualifié la décision de l’arbitre de juste et de correcte en droit, et a affirmé qu’elle n’était pas manifestement déraisonnable. Il a noté que le demandeur n’avait avancé aucun argument pour établir que la procédure applicable au grief de premier niveau était inéquitable ou que la décision était entachée d’une erreur de droit. En ce qui concerne l’équité procédurale plus particulièrement, le représentant du défendeur a écrit ce qui suit : [TRADUCTION] « Bien qu’il ne s’agisse pas d’un compte rendu exhaustif, j’estime que les deux parties ont reçu de l’information sur la procédure applicable aux griefs, sur le droit d’avoir une occasion équitable d’exposer leurs arguments respectifs (observations) et de corriger ou de contredire les déclarations ou les éléments de preuve pertinents à l’égard desquels nous avons un désaccord. Je juge que l’arbitre était impartiale tout au long de la décision ».

[35] En ce qui concerne la décision relative à la réparation, le défendeur a accepté comme étant raisonnable la conclusion de l’arbitre de premier niveau selon laquelle ses omissions ont eu une incidence négative sur la [traduction] « capacité du demandeur à développer les compétences nécessaires pour être compétitif dans un processus de promotion ». Il a donc fait valoir que de la proposition de relancer la carrière du demandeur et de lui offrir des formations et des possibilités d’apprentissage concrètes pour faciliter son développement professionnel constituait une réparation appropriée. Il a nié l’affirmation du demandeur selon laquelle sa réputation et sa crédibilité ont été entachées de manière permanente par tout ce qui s’était passé en rapport avec les évaluations de l’aptitude physique. En bref, le défendeur a qualifié la décision relative à la réparation de [traduction] « suffisante pour appuyer les aspirations professionnelles [du demandeur] pour l’avenir ».

(3) La réplique du demandeur

[36] Une fois de plus, le demandeur a longuement réfuté les observations du défendeur. Il a réitéré qu’il avait été victime de discrimination et de harcèlement fondés sur la race et la religion pendant toute la durée de son service à la GRC. Il a également allégué pour la première fois que la procédure d’arbitrage de premier niveau avait été injuste sur le plan procédural parce que l’arbitre était partiale. Selon lui, il était [traduction] « dans l’intérêt de l’arbitre de premier niveau de soutenir la GRC parce qu’elle travaill[ait] pour la GRC et [était] payée par elle. En tant qu’employée interne formée par la GRC, elle avait analysé les événements de manière à atténuer la responsabilité de la GRC. » Le demandeur a fait valoir que cette partialité s’était fait ressentir dans les conclusions factuelles de l’arbitre, son refus de tenir compte des allégations de discrimination et de harcèlement fondés sur la race et la religion, son incapacité à l’indemniser correctement pour les pertes subies et son incapacité à fournir une réparation efficace. Il a également soulevé pour la première fois des erreurs de droit qui, selon lui, avaient été commises par l’arbitre de premier niveau. Enfin, le demandeur a réitéré sa position selon laquelle la seule réparation raisonnable était la promotion.

III. LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[37] L’arbitre de dernier niveau a rejeté le grief et confirmé la décision de l’arbitre de premier niveau.

[38] Elle s’est d’abord penchée sur la question de savoir si la partialité alléguée de l’arbitre de premier niveau avait entraîné un manquement à l’équité procédurale. Bien que le demandeur ait soulevé cette question pour la première fois dans sa réplique, l’arbitre de dernier niveau a décidé qu’il était approprié de l’examiner pour deux raisons. Premièrement, [traduction] « une allégation de partialité à l’égard d’un arbitre est très grave, car elle remet en question sa crédibilité ». Deuxièmement, le représentant du défendeur avait « proactivement » soulevé la question de la partialité dans ses observations écrites de dernier niveau et fait valoir que l’arbitre de premier niveau [traduction] « était impartiale tout au long de la décision ».

[39] L’arbitre de dernier niveau a commencé son analyse de cette question en énonçant les exigences générales de l’équité procédurale telles qu’elles sont établies dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. Elle a souligné l’importance fondamentale du droit d’être entendu et du droit à une décision de la part d’un décideur impartial, deux éléments de l’équité procédurale. Elle a ajouté que le Guide national – Procédures relatives aux griefs de la GRC décrivait plus en détail les éléments de l’équité procédurale dans le cadre de la procédure relative aux griefs, et a énoncé expressément le droit d’être entendu et le droit à une décision d’un arbitre impartial (entre autres).

[40] L’arbitre de dernier niveau a ensuite énoncé le critère de la crainte raisonnable de partialité établi dans les arrêts Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, et R c S(RD), [1997] 3 RCS 484. Elle a mentionné que les arbitres de la GRC sont désignés par le commissaire pour exercer leur rôle à plein temps. Elle a aussi indiqué qu’ils étaient reconnus comme étant des tribunaux administratifs et des experts dans leur domaine. En outre, ils ne représentent pas les intérêts d’une partie par rapport à une autre et ils n’ont pas d’intérêt direct dans l’issue d’un grief. Elle a souligné que les arbitres de la GRC sont tenus de rendre leurs décisions en se fondant sur des éléments de preuve, la législation, les politiques et les observations des parties.

[41] L’arbitre de dernier niveau a ensuite déclaré ce qui suit en rejetant l’allégation de partialité du demandeur :

[traduction]
Tout cela pour dire que l’allégation de partialité est une allégation sérieuse. Le demandeur a fait une allégation tardive contre l’arbitre de premier niveau, dans sa réplique de dernier niveau, sans aucune preuve pour appuyer ses dires. Le simple fait qu’un arbitre ne soit pas en mesure de fournir la réparation demandée par un plaignant, ou qu’il décide de ne pas prendre en compte les arguments présentés en réplique pour respecter les principes d’équité procédurale, n’est pas suffisant pour démontrer une crainte raisonnable de partialité ou un manque d’impartialité. Le demandeur n’a présenté aucune preuve que [l’arbitre] de premier niveau a favorisé le défendeur ou a tenté de lui plaire, qu’elle a examiné les faits de manière non objective ou qu’elle a empêché le demandeur d’être entendu. Il a seulement donné son avis sur la question de savoir si les nouveaux renseignements auraient dû être pris en compte et sur l’inadéquation de la procédure relative aux griefs pour ce qui est de l’indemnisation des dommages. En réalité, l’arbitre de premier niveau semble très attentive et sensible aux problèmes du demandeur et aux répercussions qu’ils ont eues sur lui. Absolument rien n’indique qu’elle a adopté une « attitude préjudiciable », qu’elle a fait preuve d’un manque d’impartialité ou qu’il existe une crainte raisonnable de partialité de sa part. Le fait de prétendre qu’elle est partiale parce qu’elle est payée par la GRC n’est pas un argument probant. Le demandeur et le défendeur sont également rémunérés par la GRC. Un arbitre ne perd ni ne gagne rien en se prononçant en faveur ou à l’encontre d’une partie dans un grief.

[42] L’arbitre de dernier niveau a également conclu que le demandeur s’était vu accorder des droits de participation complets tout au long de la procédure relative aux griefs. Elle a donc jugé que la procédure était conforme aux exigences d’équité procédurale.

[43] Ensuite, l’arbitre de dernier niveau a expliqué pourquoi elle n’était pas convaincue que l’arbitre de premier niveau avait commis des erreurs de droit. Elle a estimé que l’arbitre de premier niveau avait bien interprété sa compétence ainsi que les lois et les politiques applicables. L’arbitre de premier niveau avait également [traduction] « appliqué correctement les normes juridiques requises aux faits de la décision contestée ». Par conséquent, l’arbitre de dernier niveau a conclu que la décision ne révélait aucune erreur de droit.

[44] Enfin, l’arbitre de dernier niveau a jugé que la décision de premier niveau n’était pas manifestement déraisonnable.

[45] L’arbitre de dernier niveau a commencé par décrire la norme à appliquer pour déterminer si la décision de l’arbitre de premier niveau était manifestement déraisonnable. Elle a noté que la question dont elle était saisie n’était pas de savoir quelle décision elle aurait rendue à la place de l’arbitre de premier niveau, mais plutôt de savoir si le demandeur [traduction] « avait établi que la décision de premier niveau était déficiente sur le plan de la politique, du droit ou des faits, ou sur le plan de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité, lorsque l’on applique le droit ou la politique aux faits ». Pour déterminer si c’est le cas, l’arbitre de dernier niveau doit accorder « une attention respectueuse » aux motifs donnés par l’arbitre de premier niveau afin de comprendre comment elle est arrivée à ses conclusions (voir Dunsmuir c Nouveau‐Brunswick, 2008 CSC 9 au para 48, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 84). Elle a également mentionné qu’elle devait [traduction] « faire preuve d’une grande retenue [lorsqu’elle applique] la norme de la décision “manifestement déraisonnable” aux conclusions de fait et aux conclusions mixtes de fait et de droit de l’arbitre de premier niveau ». Elle a ajouté que cela revenait à appliquer la norme de la décision manifestement déraisonnable (patent unreasonableness en anglais) (voir Kalkat c Canada (Procureur général), 2017 CF 794 au para 62, et Smith c Canada (Procureur général), 2021 CAF 73 aux para 55 et 56). En résumé, l’arbitre de dernier niveau s’est donné pour instruction de ne modifier la décision de l’arbitre de premier niveau que si le demandeur établissait une erreur de fait ou une erreur mixte de fait et de droit selon cette norme de déférence et que l’erreur [traduction] « était déterminante et permettait d’obtenir un résultat qui n’aurait pas été possible si l’erreur n’avait pas été commise ».

[46] Après s’être donné ces instructions, l’arbitre de dernier niveau s’est penchée sur les deux questions clés soulevées par le demandeur : premièrement, s’il était manifestement déraisonnable pour l’arbitre de premier niveau de refuser d’examiner les allégations de racisme, de discrimination et de harcèlement; et deuxièmement, si la décision de l’arbitre de premier niveau relativement à la réparation était manifestement déraisonnable.

[47] En ce qui concerne les questions de racisme, de discrimination et de harcèlement, l’arbitre de dernier niveau a jugé que la décision de l’arbitre de premier niveau de ne pas les prendre en considération n’était pas manifestement déraisonnable. L’arbitre de premier niveau avait raisonnablement conclu qu’il s’agissait de nouvelles questions qui n’auraient pas dû être soulevées pour la première fois dans la réplique du demandeur. Si le demandeur souhaitait que ces questions soient traitées dans le cadre du grief, il aurait dû les inclure dans son grief initial (avec les éléments de preuve nécessaires à l’appui) et ne pas attendre de le faire dans sa réplique. L’arbitre de dernier niveau a également mentionné que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi il n’avait pas soulevé ces questions à la première occasion. Enfin, quoi qu’il en soit, celles‐ci [traduction] « n’auraient rien changé à la réparation que l’arbitre pouvait légalement octroyer ».

[48] En ce qui concerne la question de la réparation, l’arbitre de dernier niveau a estimé que la décision de l’arbitre de premier niveau n’était pas manifestement déraisonnable. L’arbitre de premier niveau n’avait pas le pouvoir d’accorder une promotion au demandeur, comme celui‐ci le demandait. Puisqu’il n’avait pas posé sa candidature à une promotion et qu’il n’avait pas fait l’objet d’un refus, aucune mesure de dotation ne pouvait être renvoyée au point où une erreur était survenue. Bon nombre des objections du demandeur à l’encontre de la décision relative à la réparation constituaient en fait des plaintes à l’égard du fait qu’elle ne le dédommageait pas pour les pertes qu’il avait subies en raison de l’inaction du défendeur; or, tel n’est pas le but d’un grief. L’arbitre de dernier niveau a accepté la conclusion de l’arbitre de premier niveau selon laquelle la mauvaise gestion du profil médical du demandeur lui a fait perdre des expériences de travail et des possibilités d’apprentissage importantes qui lui auraient permis d’obtenir une promotion et a déclaré que [traduction] « l’exercice de ses fonctions à temps plein lui aurait naturellement permis d’acquérir ces expériences et de profiter de ces possibilités ». Toutefois, comme le demandeur n’avait pas demandé de promotion pendant la période visée, elle a ajouté [traduction] « [qu’]il [était], au mieux, difficile de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, les retards [avaient] eu une incidence sur ses chances d’être promu ».

[49] L’arbitre de dernier niveau a conclu que la décision relative à la réparation rendue par l’arbitre de premier niveau n’était pas manifestement déraisonnable puisqu’elle accorde au demandeur [traduction] « la meilleure chance possible d’acquérir de nouveau de l’expérience et de bénéficier des formations manquées, afin qu’il puisse démontrer son potentiel et être promu à des rangs plus élevés ». Comme l’a également mentionné l’arbitre de dernier niveau, [traduction] « promouvoir un membre à un grade pour lequel il n’a pas démontré qu’il possédait les compétences nécessaires pourrait avoir des conséquences néfastes pour le membre, la GRC et les clients ». L’arbitre de dernier niveau a donc conclu que le demandeur n’avait pas réussi à établir que l’arbitre de premier niveau [traduction] « avait commis une erreur manifeste et déterminante dans sa décision, la rendant manifestement déraisonnable ».

[50] Pour ces motifs, l’arbitre de dernier niveau a conclu que le demandeur n’avait pas établi que la décision de premier niveau contrevenait aux principes d’équité procédurale, qu’elle était entachée d’une erreur de droit ou qu’elle était manifestement déraisonnable. Elle a donc confirmé la décision de premier niveau et a rejeté le grief.

IV. LA NORME DE CONTRÔLE

[51] Les normes de contrôle applicables ne sont pas contestées.

[52] La norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle qui est présumée s’appliquer lorsqu’une cour se penche sur le fond de la décision d’un arbitre de dernier niveau (Vavilov, au para 10). Les cours de révision « ne devraient déroger à cette présomption que lorsqu’une indication claire de l’intention du législateur ou la primauté du droit l’exige » (ibid). Rien ne permet de s’écarter de cette présomption en l’espèce.

[53] Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). La cour de révision doit faire preuve de retenue à l’égard d’une décision qui possède ces attributs (ibid). Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la cour de révision n’a pas pour rôle d’apprécier ou d’évaluer à nouveau la preuve examinée par le décideur ni de modifier des conclusions de fait en l’absence de circonstances exceptionnelles (Vavilov, au para 125).

[54] Pour qu’une décision soit jugée raisonnable, la cour de révision « doit être en mesure de suivre le raisonnement du décideur sans buter sur une faille décisive dans la logique globale; elle doit être convaincue qu’[un] mode d’analyse, dans les motifs avancés, [...] pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait » (Vavilov, au para 102, guillemets internes et renvoi omis). En outre, « si des motifs sont communiqués, mais que ceux‐ci ne justifient pas la décision de manière transparente et intelligible [...], la décision sera déraisonnable » (Vavilov, au para 136).

[55] Il incombe au demandeur de démontrer que la décision de l’arbitre de dernier niveau est déraisonnable. Afin de pouvoir infirmer la décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue « qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100).

[56] Le demandeur soutient également que la décision de l’arbitre de dernier niveau devrait être annulée parce qu’elle est entachée d’une crainte raisonnable de partialité de la part du décideur. Puisqu’il s’agit d’une question d’équité procédurale, la question que je dois me poser à cet égard est de savoir si la procédure devant l’arbitre de dernier niveau était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances : voir Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54; Gulia c Canada (Procureur général), 2021 CAF 106 au para 9; et Davidson c Canada (Procureur général), 2021 CAF 226 au para 9). Plus particulièrement, je dois procéder à ma propre analyse et déterminer si le demandeur a établi l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre de dernier niveau. (Le critère permettant d’établir une crainte raisonnable de partialité est exposé ci‐après). À proprement parler, il n’est pas nécessaire d’appliquer une norme de contrôle à l’égard d’une décision rendue par le décideur.

[57] Par contre, dans sa contestation de la décision de l’arbitre de premier niveau, le demandeur a soulevé plusieurs préoccupations concernant la partialité du décideur, préoccupations que l’arbitre de dernier niveau a examinées dans sa décision. Les parties conviennent que ces décisions doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable. Les parties conviennent également que la conclusion générale de l’arbitre de dernier niveau selon laquelle la décision de l’arbitre de premier niveau n’a pas été rendue d’une manière qui contrevenait aux principes de l’équité procédurale doit elle aussi être examinée selon la norme de la décision raisonnable. Je suis du même avis que les parties.

V. ANALYSE

A. Le demandeur a‐t‐il établi l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre de dernier niveau?

[58] Les principes régissant une allégation de crainte raisonnable de partialité sont bien établis. Selon ce critère, il faut répondre à la question de savoir si une personne raisonnable et bien informée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que, selon toute vraisemblance, le décideur, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste. Il est incontestable qu’un décideur impartial est un élément essentiel d’une procédure équitable. L’objectif du critère est d’assurer non seulement l’existence, mais aussi l’apparence d’un processus décisionnel juste . Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui allègue la partialité (réelle ou perçue). En l’absence d’une preuve du contraire, les décideurs administratifs, tout comme les juges, sont présumés avoir agi de façon juste et impartiale. Le critère qui permet de conclure à la partialité (réelle ou perçue) est donc exigeant. Une telle allégation ne peut être soulevée à la légère. La partie qui formule l’allégation doit établir l’existence d’une probabilité réelle de partialité; de simples soupçons, des conjectures, des insinuations ou les impressions d’une partie sont insuffisants. Un simple désaccord avec la décision d’un décideur n’est pas suffisant pour justifier une allégation de partialité. Voir Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25 aux para 25‐26, et la jurisprudence qui y est citée; voir aussi Zündel c Citron, [2000] 4 CF 225 (CA) aux para 36‐37; Arthur c Canada (Procureur général), 2001 CAF 223 au para 8; et Blank c Canada (Justice), 2017 CAF 234 au para 5.

[59] Le demandeur s’appuie sur les éléments suivants pour tenter d’établir une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre de dernier niveau : 1) l’arbitre avait déjà participé à la gestion du dossier de grief du demandeur; 2) comme l’arbitre a été nommée à son poste par le commissaire, elle favoriserait les intérêts de la direction de la GRC plutôt que ceux d’un employé (argument relatif à la structure organisationnelle que le demandeur a également avancé par rapport à l’arbitre de premier niveau); 3) l’arbitre a formulé des commentaires discriminatoires et adopté aussi un raisonnement discriminatoire; 4) l’arbitre a manqué d’indépendance par rapport à l’arbitre de premier niveau (selon le demandeur, les deux ont dû [traduction] « collaborer » pour rendre la décision de dernier niveau).

[60] Ces allégations sont totalement dénuées de fondement.

[61] En avril 2017, agissant alors en tant qu’arbitre de premier niveau, l’arbitre de dernier niveau a donné des instructions concernant le dépôt d’observations sur le respect des délais dans le cadre du grief du demandeur. Elle ne s’est aucunement penchée sur le fond du grief. Un autre arbitre de premier niveau a par la suite jugé que le grief avait été présenté hors délai (une décision qui, comme je le mentionne plus haut, a été infirmée). Le fait que l’arbitre de dernier niveau avait déjà traité cette question purement procédurale est loin de constituer un motif raisonnable de craindre qu’elle ne rende pas une décision équitable sur le fond du grief.

[62] De même, l’argument relatif à la structure organisationnelle ne permet nullement de conclure à la partialité. Il n’y a aucune raison de penser que, simplement parce qu’elle est employée par la GRC, l’arbitre de dernier niveau favoriserait les intérêts de la direction plutôt que ceux d’un employé. En effet, lorsqu’elle a examiné les allégations du demandeur concernant une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre de premier niveau, elle a clairement exprimé sa propre compréhension quant à l’importance cruciale de l’indépendance et de l’impartialité d’un arbitre. Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve permettant d’étayer son allégation selon laquelle, malgré cela, l’arbitre de dernier niveau n’a pas statué sur son grief de manière indépendante et impartiale.

[63] L’allégation du demandeur selon laquelle l’arbitre de dernier niveau a formulé des commentaires discriminatoires et s’est fondée sur un raisonnement discriminatoire dans sa décision est totalement dénuée de fondement. À part mentionner qu’il était en désaccord avec la décision, le demandeur n’a indiqué aucun élément de la décision permettant d’étayer cette allégation grave.

[64] Enfin, la suggestion selon laquelle l’arbitre de dernier niveau a dû collaborer avec l’arbitre de premier niveau (parce que rien d’autre n’explique comment elles sont parvenues aux mêmes conclusions) est totalement infondée. La décision de l’arbitre de dernier niveau montre qu’elle a examiné attentivement les arguments du demandeur. Cette décision contient une explication raisonnée des motifs pour lesquels l’arbitre de dernier niveau n’était pas convaincue qu’il y avait matière à intervention. Rien dans la décision ou dans le dossier ne permet de suggérer, et encore moins d’établir, que l’arbitre de dernier niveau n’a pas tranché l’affaire de manière indépendante et impartiale.

[65] Pour ces raisons, le demandeur n’a pas établi que la décision de l’arbitre de dernier niveau était entachée d’une crainte raisonnable de partialité. Ce motif de contrôle judiciaire doit donc être rejeté.

B. Le demandeur a-t-il démontré que la décision de l’arbitre de dernier niveau est déraisonnable?

[66] Le demandeur conteste le caractère raisonnable des trois aspects suivants de la décision de l’arbitre de dernier niveau : 1) la décision de confirmer la décision de l’arbitre de premier niveau de ne pas prendre en considération les allégations de racisme, de discrimination et de harcèlement; 2) la conclusion selon laquelle la décision de l’arbitre de premier niveau n’est pas entachée d’une crainte raisonnable de partialité; 3) la décision de confirmer la décision de l’arbitre de premier niveau concernant la réparation.

[67] Le demandeur n’a pas établi qu’il y avait lieu d’intervenir à l’égard de ces trois aspects.

[68] L’arbitre de dernier niveau s’est d’abord penchée sur les allégations de racisme, de discrimination et de harcèlement, et elle a fourni des motifs détaillés expliquant pourquoi elle a jugé qu’il n’était pas manifestement déraisonnable pour l’arbitre de premier niveau de refuser d’examiner ces allégations. Ces motifs sont fondés sur le principe de base selon lequel, à l’étape de la réplique dans la procédure applicable aux griefs, il n’est généralement pas approprié de soulever de nouvelles questions. Ce principe sert à favoriser la présentation en bonne et due forme d’un grief. Il permet également de garantir l’équité envers les autres parties au grief. La procédure applicable aux griefs de la GRC prévoit des exceptions à cette règle générale dans des circonstances appropriées, mais le demandeur n’a fourni aucun argument justifiant une exception dans son cas. En effet, comme l’a constaté l’arbitre de dernier niveau, il n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas soulevé ces questions plus tôt dans la procédure. Les arbitres de premier et de dernier niveau ont également toutes les deux conclu que les allégations de racisme, de discrimination et de harcèlement formulées par le demandeur déborderaient de toute façon du cadre d’un arbitrage de griefs. Le demandeur n’a pas démontré qu’il y avait lieu de modifier les décisions rendues.

[69] À cet égard, le demandeur soutient également que l’arbitre de dernier niveau a commis une erreur en évaluant cette question, dans le cadre de l’appréciation du caractère manifestement déraisonnable de la décision de l’arbitre de premier niveau, plutôt que la question de savoir si la procédure suivie par l’arbitre de premier niveau répondait aux exigences de l’équité procédurale. Plus précisément, il avance qu’en refusant d’examiner les questions de racisme, de discrimination et de harcèlement, l’arbitre de premier niveau a limité son droit de présenter entièrement et équitablement sa position, ce qui est contraire aux exigences de l’équité procédurale. Ce point est potentiellement important, parce que la question de savoir si la décision de premier niveau est contraire aux principes d’équité procédurale nécessiterait vraisemblablement une norme de contrôle moins déférente que la question de savoir si la décision est manifestement déraisonnable.

[70] Je ne suis pas convaincu que le demandeur a prouvé que l’arbitre de dernier niveau a commis une erreur susceptible de contrôle. Même en supposant, pour les besoins de l’analyse, qu’un arbitre de dernier niveau appliquerait une norme de contrôle moins déférente (plus proche de la norme de la décision correcte) pour trancher la question de savoir si le premier niveau d’une procédure applicable aux griefs satisfait aux exigences d’équité procédurale, en l’espèce, l’arbitre de dernier niveau a examiné cette question comme elle l’a fait en raison de la façon dont le demandeur avait formulé ses observations à l’appui du grief de dernier niveau. Le demandeur n’a jamais laissé entendre que la décision de l’arbitre de premier niveau de refuser d’examiner les questions de racisme, de discrimination et de harcèlement ne respectait pas les exigences de l’équité procédurale. Au contraire, il a axé ses observations entièrement sur ce qui, selon lui, rendait la décision manifestement déraisonnable. Comme il est mentionné dans l’arrêt Vavilov, la cour de révision qui évalue le caractère raisonnable d’une décision doit prendre en considération la manière dont les parties ont formulé leurs préoccupations devant le décideur administratif (aux para 127‐128). En l’espèce, l’arbitre de dernier niveau a soigneusement examiné les questions soulevées par le demandeur. Le caractère raisonnable de la décision n’est pas remis en cause, parce que le décideur n’a pas tenu compte d’un argument qui ne lui a pas été présenté.

[71] En ce qui concerne la question de la crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre de premier niveau, le demandeur n’a pas établi que la décision de l’arbitre de dernier niveau était déraisonnable. L’arbitre de dernier niveau a correctement énoncé le critère juridique applicable. Elle a fourni des motifs détaillés qui répondaient directement à la question de la partialité soulevée par le demandeur. Comme je le mentionne plus haut (voir le paragraphe 41), l’arbitre de dernier niveau a procédé à une analyse claire et convaincante qui explique pourquoi elle a rejeté les allégations du demandeur. Ce dernier n’a pas démontré que cette analyse comportait des lacunes justifiant l’intervention de la Cour.

[72] Par souci d’exhaustivité, je note que le demandeur n’a contesté d’aucune autre façon le caractère raisonnable de la décision de l’arbitre de dernier niveau selon laquelle le premier niveau de la procédure applicable aux griefs satisfaisait aux exigences de l’équité procédurale.

[73] Enfin, en ce qui concerne la décision relative à la réparation, je remarque d’abord que le demandeur n’a fourni aucun élément permettant de remettre en question la prémisse de base des décisions des arbitres, à savoir qu’un arbitre de griefs n’a pas le pouvoir d’ordonner une promotion. Il s’agit d’une contrainte juridique cruciale par rapport à laquelle le caractère raisonnable de la décision de l’arbitre de dernier niveau doit être évalué (voir Vavilov, aux para 85 et 108‐110).

[74] Je conviens que, du point de vue du demandeur, la réparation proposée est loin d’être parfaite. Néanmoins, l’arbitre de dernier niveau pouvait uniquement déterminer si la décision de l’arbitre de premier niveau était manifestement déraisonnable. Elle a expliqué pourquoi elle jugeait que, compte tenu des limites imposées au pouvoir de réparation de l’arbitre de premier niveau, cette décision n’était pas manifestement déraisonnable. Mon rôle se limite à déterminer si cette conclusion est déraisonnable. L’arbitre de dernier niveau a expliqué que la forme de réparation demandée par le demandeur n’était tout simplement pas possible. Elle a raisonnablement déterminé que la réparation suggérée par l’arbitre accorderait au demandeur la meilleure chance possible d’acquérir de nouveau de l’expérience et de bénéficier des formations manquées afin de pouvoir présenter sa candidature pour des promotions. Contrairement à ce qu’affirme le demandeur, même si l’arbitre aurait pu fournir plus d’explications, elle a bien expliqué comment elle était parvenue à cette conclusion. Son explication est transparente, intelligible et justifiée.

[75] Le demandeur soutient que la décision de l’arbitre de dernier niveau est déraisonnable, parce que l’arbitre n’a pas tenu compte des autres formes de réparation, notamment la possibilité de recommander que sa candidature soit prise en considération pour une promotion ou qu’on lui accorde un poste intérimaire. Cette observation comporte plusieurs problèmes. Premièrement, ces autres formes de réparation n’ont pas été présentées à l’arbitre de dernier niveau, de sorte qu’on ne peut lui reprocher de ne pas les avoir prises en considération. Deuxièmement, étant donné que le demandeur n’a jamais proposé ces autres formes de réparation dans son grief de dernier niveau, je n’ai pas l’avantage de connaître l’opinion de l’arbitre sur la question de savoir si elles relèveraient ou non de la portée de son pouvoir. Troisièmement, en tout état de cause, ces solutions de rechange souffrent de la même lacune intrinsèque que la position principale du demandeur. La prémisse fondamentale de la demande de réparation du demandeur, que les deux arbitres ont acceptée, était que la mauvaise gestion de son profil médical lui avait fait perdre des occasions de développer les compétences dont il avait besoin pour être compétitif en vue d’une promotion. Il est difficile d’imaginer comment il pourrait être approprié pour un arbitre d’ordonner que le demandeur se voie accorder un poste pour lequel il n’est pas qualifié (même s’il avait le pouvoir de le faire). Au contraire, comme l’a noté l’arbitre de dernier niveau, accorder au demandeur un poste pour lequel il n’est pas qualifié pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour lui, pour la GRC et pour le public qu’ils servent tous les deux.

[76] En conclusion, le demandeur n’a pas démontré que la décision de l’arbitre de dernier niveau est déraisonnable. Par conséquent, je n’ai aucune raison de modifier cette décision.

VI. CONCLUSION

[77] Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[78] Le défendeur a demandé les dépens en cas de rejet de la demande de contrôle judiciaire, mais n’a pas insisté sur cette demande lors de l’audience. À mon avis, l’adjudication de dépens n’est pas appropriée en l’espèce.

[79] Enfin, le demandeur avait initialement désigné la Gendarmerie royale du Canada à titre de défenderesse. Le bon défendeur est le procureur général du Canada : voir l’art 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106. L’intitulé sera modifié en conséquence dans le cadre du jugement de la Cour.


JUGEMENT dans le dossier T‐571‐22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. L’intitulé est modifié de façon à désigner correctement le procureur général du Canada comme défendeur.

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« John Norris »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


ANNEXE

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, c R-10

Royal Canadian Mounted Police Act, RSC, 1985, c R‐10

Commissaire

Commissioner

Nomination

Appointment

5 (1) Le gouverneur en conseil peut nommer, à titre amovible, un officier appelé commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, qui, sous la direction du ministre, a pleine autorité sur la Gendarmerie et tout ce qui s’y rapporte.

5 (1) The Governor in Council may appoint an officer, to be known as the Commissioner of the Royal Canadian Mounted Police, to hold office during pleasure, who, under the direction of the Minister, has the control and management of the Force and all matters connected with the Force.

Délégation

Delegation

(2) Le commissaire peut déléguer à tout membre, aux conditions qu’il fixe, les pouvoirs ou fonctions que lui attribue la présente loi, à l’exception du pouvoir de délégation que lui accorde le présent paragraphe, du pouvoir que lui accorde la présente loi d’établir des règles et des pouvoirs et fonctions visés aux paragraphes 45.4(5) et 45.41(10).

(2) The Commissioner may delegate to any member, subject to any terms and conditions that the Commissioner directs, any of the Commissioner’s powers, duties or functions under this Act, except the power to delegate under this subsection, the power to make rules under this Act and the powers, duties or functions under subsections 45.4(5) and 45.41(10).

[...]

[...]

Nomination et désignation

Appointment and designation

7 (1) Le commissaire peut nommer les membres qui ne sont pas officiers et, par voie de promotion, nommer un membre qui n’est pas officier à un grade ou échelon supérieur, autre qu’au grade de sous‐commissaire, pour lequel il existe une vacance.

7 (1) The Commissioner may appoint members of the Force other than officers and, by way of promotion, appoint a member other than an officer to a higher rank, other than to the rank of Deputy Commissioner, or to a higher level, for which there is a vacancy.

[...]

[...]

Présentation des griefs

Presentation of Grievances

Règle

Member’s right

31 (1) Sous réserve des paragraphes (1.01) à (3), le membre à qui une décision, un acte ou une omission liés à la gestion des affaires de la Gendarmerie causent un préjudice peut présenter son grief par écrit à chacun des niveaux que prévoit la procédure applicable aux griefs prévue par la présente partie dans le cas où la présente loi, ses règlements ou les consignes du commissaire ne prévoient aucune autre procédure pour réparer ce préjudice.

31 (1) Subject to subsections (1.01) to (3), if a member is aggrieved by a decision, act or omission in the administration of the affairs of the Force in respect of which no other process for redress is provided by this Act, the regulations or the Commissioner’s standing orders, the member is entitled to present the grievance in writing at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Part.

Réserve

Limitation

(1.01) Tout grief qui porte sur l’interprétation ou l’application à l’égard d’un membre de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale doit être présenté sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

(1.01) A grievance that relates to the interpretation or application, in respect of a member, of a provision of a collective agreement or arbitral award must be presented under the Federal Public Sector Labour Relations Act.

Réserve

Limitation

(1.1) Le membre ne peut présenter de grief si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception d’un recours administratif prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne.

(1.1) A member is not entitled to present a grievance in respect of which an administrative procedure for redress is provided under any other Act of Parliament, other than one provided for in the Canadian Human Rights Act.

Réserve

Limitation

(1.2) Malgré le paragraphe (1.1), le membre ne peut présenter de grief relativement au droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

(1.2) Despite subsection (1.1), a member is not entitled to present a grievance in respect of the right to equal pay for work of equal value.

Réserve

Limitation

(1.3) Le membre ne peut présenter de grief portant sur une mesure prise en vertu d’une instruction, d’une directive ou d’un règlement établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui‐ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

(1.3) A member is not entitled to present a grievance relating to any action taken under any instruction, direction or regulation given or made by or on behalf of the Government of Canada in the interest of the safety or security of Canada or any state allied or associated with Canada.

Force probante absolue du décret

Order to be conclusive proof

(1.4) Pour l’application du paragraphe (1.3), tout décret du gouverneur en conseil constitue une preuve concluante de ce qui y est énoncé au sujet des instructions, directives ou règlements établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui‐ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

(1.4) For the purposes of subsection (1.3), an order made by the Governor in Council is conclusive proof of the matters stated in the order in relation to the giving or making of an instruction, direction or regulation by or on behalf of the Government of Canada in the interest of the safety or security of Canada or any state allied or associated with Canada.

Prescription

Limitation period

(2) Un grief visé à la présente partie doit être présenté :

(2) A grievance under this Part must be presented

a) au premier niveau de la procédure applicable aux griefs, dans les trente jours suivant celui où le membre qui a subi un préjudice a connu ou aurait normalement dû connaître la décision, l’acte ou l’omission donnant lieu au grief;

(a) at the initial level in the grievance process, within thirty days after the day on which the aggrieved member knew or reasonably ought to have known of the decision, act or omission giving rise to the grievance; and

b) à tous les autres niveaux de la procédure applicable aux griefs, dans les quatorze jours suivant la signification au membre de la décision relative au grief rendue par le niveau inférieur immédiat.

(b) at the second and any succeeding level in the grievance process, within fourteen days after the day the aggrieved member is served with the decision of the immediately preceding level in respect of the grievance.

Restriction

Restriction

(3) Ne peut faire l’objet d’un grief en vertu de la présente partie une nomination faite par le commissaire à un poste visé au paragraphe (7).

(3) No appointment by the Commissioner to a position prescribed pursuant to subsection (7) may be the subject of a grievance under this Part.

Documentation

Access to information

(4) Sous réserve du paragraphe (4.1) et des restrictions imposées en vertu de l’alinéa 36b), le membre qui présente un grief peut consulter la documentation pertinente placée sous la responsabilité de la Gendarmerie et dont il a besoin pour bien présenter son grief.

(4) Subject to subsection (4.1) and any limitations specified under paragraph 36(b), a member presenting a grievance shall be granted access to any written or documentary information under the Force’s control and relevant to the grievance that the member reasonably requires to properly present it.

Communication de test standardisé

Access to standardized test

(4.1) Le membre ne peut consulter un test standardisé utilisé par la Gendarmerie ou des renseignements relatifs à celui-ci si, selon le commissaire, la communication aurait pour effet de nuire à la validité ou à l’utilisation continue de ce test ou porterait atteinte aux résultats d’un tel test en conférant un avantage indu à une quelconque personne.

(4.1) A member is not entitled to have access to a standardized test used by the Force, or to information concerning such a test, if in the opinion of the Commissioner, its disclosure would affect its validity or continued use or would affect the results of such a test by giving an unfair advantage to any person.

Définition de test standardisé

Definition of standardized test

(4.2) Au présent article, test standardisé s’entend au sens des règles établies par le commissaire.

(4.2) In this section, standardized test has the meaning assigned by rules established by the Commissioner.

Aucune sanction liée à la présentation d’un grief

No penalty for presenting grievance

(5) Le fait qu’un membre présente un grief en vertu de la présente partie ne doit entraîner aucune peine disciplinaire ni aucune autre sanction relativement à son emploi ou à la durée de son emploi dans la Gendarmerie.

(5) No member shall be disciplined or otherwise penalized in relation to employment or any term of employment in the Force for exercising the right under this Part to present a grievance.

Décision

Decision

(6) La personne qui constitue un niveau de la procédure applicable aux griefs rend une décision écrite et motivée dans les meilleurs délais après la présentation et l’étude du grief, et en signifie copie au membre intéressé, ainsi qu’au président du Comité en cas de renvoi devant le Comité en vertu de l’article 33.

(6) As soon as feasible after the presentation and consideration of a grievance at any level in the grievance process, the person constituting the level shall render a decision in writing as to the disposition of the grievance, including reasons for the decision, and serve the member presenting the grievance and, if the grievance has been referred to the Committee under section 33, the Committee Chairperson with a copy of the decision.

Exclusions

Excluded appointments

(7) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer, pour l’application du paragraphe (3), les postes dont le titulaire relève du commissaire, directement ou par l’intermédiaire d’une autre personne.

(7) The Governor in Council may make regulations prescribing for the purposes of subsection (3) any position in the Force that reports to the Commissioner either directly or through one other person.


 

Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289

Commissioner’s Standing Orders (Grievances and Appeals), SOR/2014‐289

PARTIE 1 Griefs

PART 1 Grievances

Décision au premier niveau

Decision at initial level

16 (1) L’arbitre qui dispose d’un grief de premier niveau peut rendre une décision :

16 (1) An adjudicator may dispose of a grievance at the initial level by rendering a decision

a) le rejetant et confirmant la décision, l’acte ou l’omission à l’origine du grief;

(a) dismissing the grievance and confirming the decision, act or omission that is the subject of the grievance; or

b) l’accueillant et :

(b) allowing the grievance and

(i) renvoyant l’affaire avec des directives relatives au réexamen de la décision, de l’acte ou de l’omission à l’intimé ou à la personne chargée de faire un tel réexamen,

(i) remitting the matter, with directions for reconsidering the decision, act or omission, to the respondent or to the person who is responsible for the reconsideration, or

(ii) ordonnant la réparation qui s’impose.

(ii) directing any appropriate redress.

Éléments à considérer

Considerations

(2) Lorsqu’il rend la décision, l’arbitre évalue si la décision, l’acte ou l’omission qui fait l’objet du grief est conforme à la législation pertinente ou à la politique pertinente du Conseil du Trésor ou de la Gendarmerie et si, en cas de non‐conformité, un préjudice a été causé au plaignant.

(2) An adjudicator, when rendering the decision, must consider whether the decision, act or omission that is the subject of the grievance is consistent with the relevant law, or the relevant Treasury Board or Force policy and, if it is not, whether it has caused a prejudice to the grievor.

[...]

[...]

Décision au dernier niveau

Decision at final level

18 (1) L’arbitre qui dispose d’un grief de dernier niveau peut rendre une décision :

18 (1) An adjudicator may dispose of a grievance at the final level by rendering a decision

a) le rejetant et confirmant la décision de premier niveau;

(a) dismissing the grievance and confirming the decision rendered at the initial level; or

b) l’accueillant et :

(b) allowing the grievance and

(i) renvoyant l’affaire avec des directives relatives au réexamen de la décision, de l’acte ou de l’omission à l’intimé ou à la personne chargée de faire un tel réexamen,

(i) remitting the matter, with directions for reconsidering the decision, act or omission, to the respondent or to the person who is responsible for the reconsideration,

(ii) renvoyant l’affaire à l’arbitre qui a rendu la décision au premier niveau ou à un autre arbitre, avec des directives en vue d’une nouvelle décision,

(ii) remitting the matter, with directions for rendering a new decision to the adjudicator at the initial level or to another adjudicator, or

(iii) ordonnant la réparation qui s’impose

(iii) directing any appropriate redress.

Éléments à considérer

Considerations

(2) Lorsqu’il rend la décision, l’arbitre évalue si la décision de premier niveau contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

(2) An adjudicator, when rendering the decision, must consider whether the decision at the initial level contravenes the principles of procedural fairness, is based on an error of law or is clearly unreasonable.

[...]

[...]

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐571-22

 

INTITULÉ :

HOWARD PERSAUD c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 NOVEMBRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 JUIN 2023

 

COMPARUTIONS :

Howard Persaud

 

Pour son propre compte

 

Daniel Côté‐Finch

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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