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Date : 20230612


Dossier : IMM-4774-22

Référence : 2023 CF 830

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 juin 2023

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

SEMIR AHMED

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie du contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des réfugiés [la SAR] ayant confirmé la décision dans laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1), respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Pour les motifs exposés ci-dessous, je rejetterai la présente demande de contrôle judiciaire.

Le contexte

[3] Le demandeur, Semir Ahmed, est un citoyen de l’Éthiopie. Il affirme craindre d’être persécuté ou exposé à des menaces à sa vie de la part du gouvernement éthiopien en raison de ses opinions politiques et de la part du Front de libération oromo [le FLO] en raison de son origine ethnique mixte oromo-amhara.

[4] Le demandeur soutient que, en mai 2008, son père et lui ont été arrêtés chez eux et emmenés à un poste de police, où ils ont été faussement accusés d’appartenir au FLO, puis passés à tabac et torturés. Le demandeur a signé un document attestant qu’il était membre du FLO afin d’éviter d’être torturé à nouveau. Il a ensuite été transféré dans une prison, où il a encore été torturé. Il affirme avoir perdu connaissance durant une séance de torture et s’être réveillé à l’hôpital, d’où il s’est échappé au bout de 10 jours; avec l’aide d’un passeur, il a quitté l’Éthiopie en septembre 2008.

[5] Le demandeur est passé par le Kenya, l’Afrique du Sud, le Brésil, le Honduras, le Guatemala et le Mexique. Il est finalement arrivé aux États-Unis, où il a été arrêté pour entrée illégale. Il y a présenté une demande d’asile qui a été rejetée en mai 2009. Cependant, il a obtenu le sursis de son renvoi, ce qui l’obligeait à se présenter périodiquement aux autorités américaines de l’immigration tout en lui permettant de travailler. Il est resté aux États-Unis pendant neuf ans.

[6] Le demandeur explique que, lorsqu’il s’est présenté aux autorités américaines en mars 2018, il a été obligé de porter un dispositif de repérage GPS pendant la préparation des documents relatifs à son renvoi des États-Unis. Le 22 mars 2018, il a brisé le dispositif en question et s’est rendu au Canada, où il a demandé l’asile.

[7] La SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur dans sa décision du 11 août 2021. Elle a déclaré que les questions déterminantes étaient la crédibilité et le risque éventuel.

[8] Plus précisément, la SPR a constaté que, même si le demandeur a affirmé dans son témoignage que la police spéciale s’était présentée périodiquement chez lui en Éthiopie, parce qu’elle le recherchait – même encore tout récemment en juin 2021 – il n’en a pas fait mention dans l’exposé circonstancié de son Formulaire de fondement de la demande d’asile [le formulaire FDA] et dans son formulaire FDA modifié; la SPR était d’avis qu’il n’avait pas expliqué cette omission de façon raisonnable. De même, la crainte exprimée par le demandeur, soit d’être persécuté par le FLO en raison de son origine ethnique mixte oromo-amhara et du fait que le FLO voudrait le recruter s’il retournait en Éthiopie, n’est pas mentionnée dans l’exposé circonstancié initial, mais elle l’a été dans l’exposé modifié présenté quelques jours seulement avant l’audience. La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas fourni de motif raisonnable pour expliquer le long délai qui s’est écoulé avant qu’il apporte cette modification.

[9] En ce qui concerne l’origine ethnique mixte alléguée du demandeur, la SPR a souligné que celui-ci s’identifie comme étant Oromo-Éthiopien dans son formulaire FDA, mais que sa carte d’identité de résident éthiopien indique qu’il est Oromo. Le demandeur a attribué cette contradiction au fait que l’origine ethnique inscrite sur sa carte d’identité est déterminée par celle de son père, qui est Oromo. La SPR a jugé que cette réponse n’expliquait pas de façon raisonnable pourquoi le demandeur avait négligé de faire valoir son origine ethnique en partie amhara et que, selon la prépondérance des probabilités, il n’avait pas établi qu’il appartenait également au groupe ethnique amhara. La SPR a aussi examiné la preuve documentaire contenue dans le cartable national de documentation [le CND] faisant état des tensions et de la violence à caractère ethnique en Éthiopie. Cependant, elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs qui appuyaient l’allégation du demandeur selon laquelle le FLO cible systématiquement les personnes d’origine ethnique oromo-amhara.

[10] La SPR a également soutenu que le demandeur n’a pas fait valoir, ni dans son exposé circonstancié initial ni dans son exposé modifié, qu’il craignait que le FLO veuille le recruter. Elle n’a pas jugé raisonnable l’explication donnée par le demandeur au sujet de cette omission, étant donné qu’il avait exprimé sa crainte face au FLO, et en a tiré une conclusion défavorable quant à sa crédibilité.

[11] En ce qui concerne la crainte possible du demandeur envers le gouvernement éthiopien, la SPR a conclu que la crédibilité du récit du demandeur concernant les événements survenus en Éthiopie en 2008 était en cause et que, dans l’ensemble, la preuve documentaire montrait que les opposants politiques étaient généralement mieux traités.

[12] La SPR a aussi rejeté la demande d’asile sur place du demandeur.

[13] Pour ces motifs, la SPR a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur ne serait pas exposé à un risque de persécution ou de préjudice grave de la part du gouvernement éthiopien ou du FLO s’il retournait en Éthiopie.

[14] Le demandeur a interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR; la demande de contrôle judiciaire en l’espèce porte sur la décision rendue par la SAR.

La décision faisant l’objet du contrôle

[15] Après avoir effectué sa propre analyse du dossier, notamment en lisant la transcription de l’audience devant la SPR, la SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur et a confirmé sa décision.

[16] La SAR a jugé que la SPR n’avait pas commis d’erreur dans ses conclusions relatives à la crainte du demandeur d’être persécuté s’il était renvoyé en Éthiopie. Le demandeur a soutenu que le pays tout entier est engagé dans une guerre ethnique, mais le document du CND sur lequel il se fonde à cet égard portait en réalité sur la guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée, qui sont deux pays différents. En outre, même si les tensions ethniques demeurent un problème, la preuve montre que la situation s’est améliorée depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement en 2018. Par ailleurs, les éléments de preuve documentaires invoqués par le demandeur indiquent non seulement que le gouvernement a retiré le FLO de la liste des groupes terroristes, mais aussi que les deux parties ont signé un accord de cessez-le-feu; un climat de violence impliquant certains Oromos et d’autres groupes ethniques persiste toutefois.

[17] De l’avis de la SAR, même si les problèmes perdurent, le demandeur ne pouvait pas recourir uniquement à la preuve documentaire pour établir sa crainte fondée de persécution en Éthiopie. La crédibilité du demandeur devait être évaluée pour qu’on puisse déterminer s’il avait établi un lien entre sa situation personnelle et la preuve documentaire.

[18] À cet égard, en ce qui concerne l’omission du demandeur de mentionner dans son exposé circonstancié initial que les autorités éthiopiennes ont continué à le chercher après son départ à l’étranger, la SAR a estimé que l’explication donnée par le demandeur à la SPR – soit qu’il avait écrit dans son exposé circonstancié qu’il avait un problème et que cette mention couvrait tout – n’était pas raisonnable. La SAR a ajouté, à propos de l’allégation du demandeur selon laquelle il avait été arrêté, détenu et torturé avant de quitter l’Éthiopie en 2008, que la demande d’asile aux États-Unis avait été rejetée et que le demandeur n’avait demandé l’asile dans aucun des pays où il a séjourné avant son arrivée aux États-Unis, c’est-à-dire le Kenya, l’Afrique du Sud, le Brésil, le Honduras, le Guatemala et le Mexique.

[19] Quant à la crainte alléguée du demandeur d’être persécuté en raison de son origine ethnique mixte, la SAR a souligné qu’il en a fait mention pour la première fois dans son exposé circonstancié modifié. Les explications qu’il donne à ce sujet, soit que les événements se sont produits plus tard, vers 2018, étaient vagues. Dans son exposé circonstancié modifié, le demandeur a déclaré que c’est après l’accession au pouvoir du premier ministre Abiy Ahmed que la situation s’est détériorée et que la mère du demandeur a commencé à être harcelée et intimidée par le FLO. Toutefois, la SAR a conclu, à partir de la preuve documentaire, que la situation en Éthiopie ne s’était pas détériorée depuis la conclusion d’une entente avec le FLO et le retrait de celui-ci de la liste des organisations terroristes. De plus, selon les Règles de la Section de la protection des réfugiés [les Règles de la SPR], il est possible de modifier un formulaire FDA, mais il faut le faire par écrit, le formulaire modifié devant être transmis à la SPR sans délai et être reçu par elle au plus tard 10 jours avant la date fixée pour l’audience. Le demandeur n’a pas expliqué de façon raisonnable pourquoi il n’avait pas modifié l’exposé circonstancié de son formulaire FDA, en 2018, lorsque sa famille l’a informé que la situation s’était détériorée et que sa mère recevait des menaces du FLO.

[20] La SAR a également souligné que la SPR n’avait trouvé aucune preuve établissant que les membres des groupes amharas-oromos étaient persécutés par le FLO à cause de leur ethnicité mixte. Bien que la preuve documentaire présentée par le demandeur ait confirmé que l’Éthiopie est aux prises avec de graves tensions ethniques et que les tensions entre les Oromos et les Amharas se sont récemment exacerbées, le demandeur a déclaré que ses parents vivent toujours au même endroit et que son frère habite dans la maison de ses grands-parents. De plus, la SAR a déclaré qu’elle avait déjà conclu au manque de crédibilité du demandeur en ce qui a trait au fait que les autorités le soupçonnaient d’appartenir au FLO. La SPR n’a pas non plus commis d’erreur en concluant que le demandeur n’avait pas établi qu’il était réellement d’origine ethnique mixte. Qui plus est, même si la preuve documentaire permettait bien de croire que la situation vécue par les membres des groupes ethniques oromos était inquiétante, le demandeur n’a pas établi qu’il possédait les mêmes caractéristiques que les personnes ayant subi des violences et des mauvais traitements graves, ce qui le placerait dans la même situation qu’elles.

[21] La demande d’asile sur place était fondée sur les trois photos présentées par le demandeur pour montrer qu’il avait participé à une manifestation à Toronto. La manifestation dénonçait le déplacement d’habitants d’une région de l’Éthiopie et réclamait la fin du nettoyage ethnique dans le pays ainsi que la mise en place d’un gouvernement de transition. Se reportant aux documents du CND, la SAR a conclu que le problème des déplacements était multifactoriel, alimenté non seulement par l’État, mais aussi par des acteurs humains non gouvernementaux et plusieurs autres facteurs non humains. En conséquence, il n’était pas possible d’attribuer au seul gouvernement éthiopien la responsabilité des déplacements survenus dans une région ou la volonté de procéder à un nettoyage ethnique. L’intensification des tensions ethniques au cours des dernières années n’était probablement pas imputable non plus au gouvernement. Le demandeur n’a donc pas établi que les enjeux qu’il a dénoncés en participant à la manifestation pouvaient entraîner une réaction négative de la part des autorités éthiopiennes pouvant étayer sa demande d’asile sur place. Il n’a pas démontré non plus que le gouvernement éthiopien savait qu’il était présent à la manifestation et n’a isolé aucun élément de preuve documentaire établissant que la diaspora était étroitement surveillée par les autorités du pays.

[22] Enfin, la SAR a conclu qu’une lettre de la sœur du demandeur constitue le seul élément de preuve corroborant les événements qui, selon le demandeur, se sont produits en Éthiopie en 2008. Compte tenu des problèmes de crédibilité déjà relevés, la lettre n’était pas suffisante pour rétablir la crédibilité du demandeur, et la SPR n’a pas eu tort de n’y accorder, ainsi qu’aux autres lettres d’appui, qu’un poids limité.

Les questions en litige et la norme de contrôle

[23] Les questions soulevées par le demandeur peuvent être formulées dans les termes suivants :

  1. La SAR a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale?
  2. La décision de la SAR était-elle raisonnable?

[24] Les questions d’équité procédurale font l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). Dans l’arrêt Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Canadien Pacifique], la Cour d’appel fédérale a conclu que, même si l’exercice de révision est particulièrement bien reflété – quoiqu’imparfaitement – dans la norme de la décision correcte, certaines questions d’équité procédurale ne se prêtent pas nécessairement à une analyse relative à la norme de contrôle applicable. La Cour doit plutôt se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Canadien Pacifique, aux para 54–56; voir aussi Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35; Première Nation d’Ahousaht c Canada (Affaires indiennes et du Nord), 2021 CAF 135 au para 31).

[25] Quand il s’agit d’examiner sur le fond la décision d’un décideur administratif, comme la SAR, il existe une présomption selon laquelle la cour de révision appliquera la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 23, 25). En l’espèce, rien ne justifie de déroger à cette présomption. Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable lors d’un contrôle judiciaire, la Cour « doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Elle doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, au para 99).

Il n’y a aucun manquement à l’équité procédurale

La position du demandeur

[26] Le demandeur soutient que, dans son appréciation de la crédibilité, la SAR a intégré une question nouvelle, la présentation tardive d’informations. La SAR a évoqué l’omission du demandeur de présenter une demande d’asile ou sa présentation tardive au Kenya, en Afrique du Sud, au Brésil, au Honduras, au Guatemala et au Mexique, avant son arrivée aux États-Unis. Elle n’a pas respecté son obligation d’équité procédurale en n’avisant pas le demandeur de cette question et en ne lui donnant pas la possibilité d’y répondre.

La position du défendeur

[27] Selon le défendeur, la SAR peut formuler des conclusions défavorables indépendantes au sujet de la crédibilité d’un demandeur lorsque cette crédibilité était en cause devant la SPR, que les conclusions de celle-ci sont contestées en appel et que les conclusions additionnelles de la SAR découlent du dossier de preuve. C’est le cas en l’espèce.

Analyse

[28] Le demandeur s’appuie sur la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Alazar, 2021 CF 637, où le juge Norris a conclu, au paragraphe 75, que « le fait de rendre une décision sur un appel sur un nouveau fondement sans avoir d’abord avisé les parties que la question est en jeu peut constituer un manquement aux exigences de l’équité procédurale », de même que sur la décision Husian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 684, où le juge Hughes a déclaré ce qui suit au paragraphe 10 : « [S]i la SAR décide de se plonger dans le dossier afin de tirer d’autres conclusions de fond, elle devrait prévenir les parties et leur donner la possibilité de formuler des observations ».

[29] Cependant, à mon avis, ces affaires se distinguent de la présente instance, où la SAR n’a pas tranché l’appel du demandeur selon un nouveau fondement. La SPR a conclu que les questions déterminantes étaient la crédibilité et le risque éventuel, et ce sont ces questions que la SAR a examinées en appel.

[30] Le défendeur fait valoir que la SAR peut formuler des conclusions indépendantes défavorables à la crédibilité d’un demandeur lorsque cette crédibilité était en cause devant la SPR, que les conclusions de celle-ci sont contestées en appel et que les conclusions additionnelles de la SAR découlent du dossier de preuve (Han c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1390 au para 32; Mohamed c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 657 aux para 52–54. Voir aussi Siffort c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 351 au para 27).

[31] En l’espèce, la crédibilité du demandeur était en cause devant la SPR et la SAR. Le demandeur a interjeté appel devant la SAR des conclusions tirées par la SPR au sujet de la crédibilité. De plus, la déclaration de la SAR, soit que la demande d’asile du demandeur aux États-Unis avait été rejetée et que le demandeur ne s’était pas réclamé de la protection des autres pays où il est entré avant d’arriver aux États-Unis, découle clairement du dossier. On peut lire dans l’exposé circonstancié du demandeur que ce dernier est passé par ces pays avant d’entrer aux États-Unis et qu’il ne prétend pas avoir demandé l’asile ailleurs qu’aux États-Unis. Étant donné que la SAR s’est appuyée sur ces faits pour tirer une conclusion défavorable supplémentaire en matière de crédibilité, comme il est précisé au paragraphe 16 de la décision Farah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 116, il est bien établi que, lorsque la crédibilité est déjà en litige, un autre fondement par rapport à la crédibilité n’équivaut pas à une nouvelle question donnant lieu à un droit d’avis et de réponse.

[32] Par conséquent, comme la SAR n’a pas soulevé de nouvelle question, elle n’était pas tenue de transmettre un avis au demandeur. Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale.

La décision était raisonnable

La crédibilité

[33] Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en mettant en doute sa crédibilité à cause des prétendues omissions et divulgations tardives de certains renseignements. Il lui est reproché plus précisément de ne pas avoir fait valoir dans sa demande d’asile que les autorités éthiopiennes le cherchaient toujours, d’avoir mentionné son origine ethnique mixte et sa crainte de persécution juste avant l’audience et de n’avoir présenté aucun élément de preuve corroborant son identité ethnique mixte. Selon le demandeur, la SAR a commis une erreur en mettant en doute sa crédibilité à cause de ces omissions sans expliquer comment elle avait analysé et appliqué les documents d’orientation relatifs à la crédibilité et aux victimes de torture. Plus précisément, le demandeur alléguait avoir été victime de torture, ce que ni la SAR ni la SPR n’ont mis en doute. Elles ont plutôt négligé d’en tenir compte lorsqu’elles ont évalué les raisons données par le demandeur afin d’expliquer pourquoi il n’avait pas mentionné dans son exposé circonstancié que les autorités le recherchaient depuis 2008. L’omission de tenir compte de la torture est contraire à la Directive numéro 8 du président : Procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR et au Guide de formation concernant les victimes de torture de la SPR. Ni la SPR ni la SAR ne se sont reportées à ces documents d’orientation, ce qui constitue une erreur susceptible de contrôle (voir Niyongira c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 911 [Niyongira]).

[34] Le défendeur fait valoir qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure que le demandeur n’avait pas établi de façon crédible que le gouvernement éthiopien le soupçonnait d’être membre du FLO. Cette conclusion était fondée sur les éléments suivants : l’omission du demandeur de mentionner que la police spéciale le cherchait après son départ de l’Éthiopie et s’était rendue chez lui à cette fin, le rejet de la demande d’asile aux États-Unis, qui a miné les allégations du demandeur au sujet des événements survenus en Éthiopie, ainsi que le défaut du demandeur de se réclamer de la protection des pays par lesquels il est passé avant d’arriver aux États-Unis. En ce qui concerne le premier élément, le demandeur a omis des faits substantiels et la SAR a raisonnablement rejeté l’explication qu’il a donnée, soit qu’il croyait suffisant d’écrire dans son exposé circonstancié qu’il avait un problème avec le gouvernement. En ce qui concerne la deuxième conclusion, la SAR n’a pas reconnu que le demandeur avait été victime de torture. Elle s’est penchée sur ce point et a souligné que le rejet de la demande d’asile aux États-Unis avait affaibli la prétention du demandeur selon laquelle il avait été arrêté, détenu et torturé en Éthiopie.

[35] Je constate premièrement que tant la SPR que la SAR ont jugé que le demandeur n’était pas crédible. Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec le demandeur lorsqu’il affirme qu’elles ont reconnu qu’il avait été victime de torture.

[36] Deuxièmement, l’article 2.4 de la directive numéro 8 énonce que « [l]orsque cela est raisonnablement possible, la vulnérabilité doit être étayée par des éléments de preuve crédibles et indépendants déposés auprès du Greffe de la CISR ». De plus, l’article 7.3 précise que « [l]e conseil de la personne pouvant être identifiée comme étant vulnérable est le mieux placé pour porter la vulnérabilité de celle-ci à l’attention de la CISR, et il devrait le faire le plus rapidement possible ». On peut lire à l’article 7.4 que « le conseil d’une personne qui souhaite être identifiée comme étant une personne vulnérable présente une demande à cet effet en vertu des Règles de la Section ». Le demandeur était représenté par un conseil devant la SPR. Un examen de la transcription révèle que le conseil du demandeur n’a soulevé aucune préoccupation au sujet de la vulnérabilité du demandeur découlant de la torture alléguée. De plus, aucun élément de preuve de nature médicale ou psychologique n’a été présenté pour établir que le demandeur, en tant que victime de torture, éprouvait des difficultés sur le plan de la mémoire et de l’uniformité ainsi que de la cohérence de ses propos (Wardi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1509 au para 15). De plus, dans les observations qu’il a présentées à la SAR, le demandeur n’a pas reproché à la SPR d’avoir commis une erreur en ne tenant pas compte de la directive numéro 8. Par conséquent, ni la SPR ni la SAR n’ont commis d’erreur susceptible de contrôle en ne mentionnant pas expressément cette directive (voir p ex, dans un autre contexte, Konecoglu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1370 au para 26; Hillary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 51 aux para 42–44, 47–48). Le demandeur ne précise pas non plus maintenant les mesures d’adaptation dont il avait besoin, il ne fait pas valoir qu’elles lui ont été refusées et ne décrit pas non plus quelle en a été l’incidence sur son témoignage.

[37] En ce qui concerne les conclusions qu’elle a tirées en matière de crédibilité, la SAR traite succinctement de la crédibilité du demandeur au sujet des événements qui seraient survenus en Éthiopie en 2008.

[38] Premièrement, la SAR a souligné que le demandeur avait négligé de mentionner dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA que, depuis son départ de l’Éthiopie en 2008, différentes personnes étaient à sa recherche, entre autres des membres de la police spéciale, et s’étaient présentées chez lui. La SAR s’est reportée à l’explication que le demandeur a donnée à la SPR relativement à cette omission. On peut lire cette explication dans la transcription de l’audience : [traduction] « J’ai écrit que j’ai un problème… j’ai un problème avec le gouvernement, j’avais peur du gouvernement et je crois que ça englobe toute l’affaire qui me concerne ». La SAR a jugé que cette explication n’était pas acceptable, car le demandeur, au début de l’audience, avait déclaré que le contenu de son formulaire FDA initial et les changements apportés par la suite étaient complets, véridiques et exacts.

[39] Il s’agit pour l’essentiel du même raisonnement et de la même conclusion que la SPR : celle-ci avait constaté que le demandeur, à l’audience, avait raconté que la police spéciale était à sa recherche et se présentait périodiquement à son domicile, dont la dernière fois en juin 2021, mais que ce fait ne figurait pas dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA initial ou dans son formulaire FDA modifié. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer cette omission importante, le demandeur a répondu qu’il avait écrit dans son formulaire FDA modifié que des gens se présentaient chez lui pour harceler sa mère. Selon la SPR, le demandeur avait indiqué dans son exposé circonstancié modifié que sa mère était harcelée par des partisans du FLO en raison de son origine ethnique amhara, ce qui n’était pas lié au fait que la police spéciale était à la recherche du demandeur et se présentait chez lui à cette fin, comme il l’alléguait. La SPR a conclu que l’explication du demandeur n’était pas satisfaisante, car le fait qu’il soit recherché par les autorités résidait au cœur de la crainte qu’il disait éprouver envers le gouvernement éthiopien. Il n’aurait pas omis cette information si la police spéciale avait déployé constamment des efforts pour savoir où il se trouvait au cours des 13 dernières années et même aussi récemment qu’en juin 2021. La SPR estimait que l’omission était importante et en a tiré une inférence défavorable quant à la crédibilité.

[40] La SPR et la SAR ont le loisir de tirer des conclusions défavorables au sujet de la crédibilité sur la base d’omissions importantes dans le formulaire FDA du demandeur d’asile qui ne font pas l’objet d’explications raisonnables. Le formulaire FDA doit être complet, et tous les faits et détails importants doivent y figurer. L’absence de ces détails peut nuire à la crédibilité du demandeur d’asile (Weche c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 649 au para 22; voir aussi Ogaulu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 547 aux para 18-20 [Ogaulu]). Qui plus est, contrairement aux observations du demandeur, la SAR n’a pas fait abstraction de son explication [traduction] « logique et adéquate » : elle l’a rejetée parce qu’elle la jugeait insatisfaisante. Je ne vois aucune erreur dans la décision de la SAR à cet égard.

[41] La SAR a ensuite ajouté, concernant l’allégation selon laquelle le demandeur a été arrêté, détenu et torturé avant de quitter l’Éthiopie en 2008, que la demande d’asile aux États-Unis a été rejetée et que le demandeur ne s’est réclamé de la protection d’aucun des pays où il a séjourné avant d’arriver aux États-Unis. La SAR n’a pas approfondi ce point. Le demandeur ne conteste pas non plus la conclusion qui a été tirée par la SAR.

[42] Quoi qu’il en soit, je souligne que les demandeurs d’asile sont censés présenter une demande d’asile dans le premier pays sûr où ils arrivent et que le défaut de le faire peut avoir une incidence négative sur l’évaluation du bien-fondé de leur crainte de persécution. Le demandeur a séjourné dans six pays entre septembre et novembre 2008 avant d’arriver aux États-Unis et n’a présenté aucun élément de preuve indiquant qu’il avait sollicité la protection d’un de ces pays. Comme l’a affirmé le juge Bell dans la décision Salim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 452 au para 23) : « Il est bien établi en droit que l’omission de demander l’asile dans le premier pays sûr où l’on entre peut révéler une absence de crainte subjective (Jeune c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 835 au para 15; Ndoungo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 541 au para 17) ».

[43] La SAR a aussi mentionné, sans donner d’autres explications, que la demande d’asile du demandeur aux États-Unis avait été rejetée, comme en fait foi le dossier, où on trouve une [traduction] « Ordonnance du juge d’immigration » délivrée par un tribunal de l’immigration des États-Unis le 19 mai 2009 et portant que la demande d’asile du demandeur était rejetée. Il est indiqué que ce document est un résumé de la décision rendue de vive voix et n’est présenté que par souci de commodité pour les parties. Si l’instance devait être portée en appel ou rouverte, la décision rendue oralement deviendrait le dossier officiel. Par conséquent, aucun motif n’est donné pour expliquer le rejet de la demande d’asile. Cependant, le tribunal américain fait droit dans son ordonnance à la demande de [traduction] « sursis du renvoi » présentée par le demandeur. Encore une fois, cette décision ne s’accompagne d’aucun motif.

[44] Le demandeur n’a pas non plus fourni à la SPR les observations qu’il avait présentées au tribunal de l’immigration des États-Unis à l’appui de sa demande d’asile ou de sa demande de sursis du renvoi.

[45] Il a bien présenté une preuve documentaire expliquant la différence entre l’octroi de l’asile et une ordonnance de sursis, laquelle empêche qu’une personne soit renvoyée dans son pays d’origine et lui confère le droit de rester aux États-Unis et d’y travailler. Ce document indique que le sursis au renvoi n’offre pas une protection permanente ni une voie d’accès à la résidence permanente. [TRADUCTION] « Si la situation s’améliore dans le pays d’origine du demandeur, le gouvernement peut révoquer le sursis du renvoi et réclamer à nouveau l’expulsion de la personne, ce qui peut se produire même des années après qu’elle a obtenu la protection en question ». Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve permettant de croire que le juge d’immigration des États-Unis lui a accordé un sursis parce qu’il avait reconnu le risque que le demandeur subisse de la torture une fois de retour en Éthiopie. En outre, comme le demandeur l’a indiqué dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA, les autorités américaines l’ont obligé en mars 2018 à porter un dispositif de repérage GPS jusqu’à ce que les documents relatifs à son renvoi des États-Unis soient prêts. Par conséquent, quel que soit le motif pour lequel le sursis a été prononcé, il semble que les autorités américaines aient déterminé, en 2018, que le demandeur pouvait être renvoyé en Éthiopie.

[46] En résumé, la SAR n’a pas commis d’erreur dans ses conclusions défavorables sur la crédibilité. Elle n’a pas non plus commis d’erreur, dans ces circonstances, en n’appliquant pas la directive numéro 8.

La crainte possible

[47] Le demandeur soutient que la SAR s’est appuyée sur des documents décrivant les conditions dans le pays qui n’étaient pas à jour pour conclure que les tensions ethniques s’étaient atténuées en Éthiopie depuis l’arrivée du nouveau gouvernement au pouvoir en 2018 et que le FLO avait été retiré de la liste des organisations terroristes. Le demandeur fait valoir que la SAR, en tirant ces conclusions, [traduction] « a implicitement accepté » l’allégation selon laquelle il a été ciblé en raison de son soutien et de son appartenance allégués au FLO, mais qu’elle [traduction] « y insinue » que des membres et partisans réels et présumés du FLO ne font plus l’objet de persécution en Éthiopie. Il ajoute que l’analyse de la crainte possible de persécution faite par la SAR se fonde sur des documents qui ne sont plus d’actualité et que d’autres documents contredisent la conclusion de la SAR quant à l’absence de risque éventuel pour le demandeur fondé sur sa soi-disant appartenance au FLO. Le demandeur souligne qu’il ressort clairement de la jurisprudence que la SAR doit examiner les plus récentes sources d’information même lorsque l’information n’est pas produite par le demandeur (Sivapathasuntharam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 486 au para 22).

[48] Le défendeur concède que la SAR s’est fondée sur un document de novembre 2019 décrivant le traitement réservé aux membres du FLO, plutôt que sur des documents plus récents qui sont maintenant cités dans le dossier du demandeur. Cependant, il soutient que ce fait ne rend pas la décision de la SAR déraisonnable. Le document de 2019 se trouve toujours dans le CND d’octobre 2021 sur lequel s’appuie le demandeur. Plus important encore, la SAR n’a pas reconnu que le demandeur était ciblé par les autorités en raison de son appartenance et de son soutien présumés au FLO. Elle a conclu que le demandeur n’était pas crédible quant à la question de savoir si les autorités le soupçonnaient ou pas d’être un membre du FLO. Par conséquent, les éléments de preuve concernant le traitement réservé aux membres du FLO n’ont aucune importance et les énoncés généraux de la SAR, selon lesquels le demandeur ne peut pas se fonder uniquement sur la preuve documentaire objective pour établir sa demande, sont raisonnables.

[49] Premièrement, je ne suis pas d’accord pour dire, comme le demandeur, que le simple fait pour la SAR d’avoir mentionné ses observations sur la preuve documentaire relative à la violence ethnique signifiait qu’elle a accepté son argument, soit qu’il était ciblé en raison de son soutien et de son appartenance présumés au FLO. La SAR ne faisait que répondre aux observations du demandeur.

[50] La SAR a souligné que le demandeur, dans son mémoire, a affirmé que les tensions ethniques constituent le plus gros problème en Éthiopie. Elle a toutefois conclu que le document de mars 2021 publié par le Département d’État des États-Unis, Ethiopia, Country Report on Human Rights Practices for 2020 ((Éthiopie, rapport national sur les pratiques en matière de droits de la personne, 2020), sur lequel s’appuie le demandeur et qui figure dans le CND, indiquait que la Commission éthiopienne des droits de la personne avait enquêté sur des allégations de mauvais traitements commis par les forces de sécurité. De plus, un autre document du CND invoqué par le demandeur, qui date de novembre 2019 et émane de la Croix-Rouge autrichienne et de l’Austrian Centre for Country of Origin and Asylum Research and Documentation, intitulé Ethiopia, COI Compilation, mentionne que le parlement éthiopien a retiré le FLO de la liste des organisations terroristes le 5 juillet 2019 après la signature d’un accord entre les parties qui a mené à un cessez-le-feu. Cependant, des personnes associées au mouvement n’ont pas accepté ces changements, de sorte qu’il règne encore un climat de violence impliquant certains Oromos et d’autres groupes ethniques. La SAR a conclu qu’il était indéniable que les problèmes perdurent en Éthiopie. Néanmoins, le demandeur ne pouvait pas se fonder uniquement sur la preuve documentaire pour établir qu’il craint d’être persécuté s’il retourne en Éthiopie. Pour cette raison, il était important que la SAR analyse la crédibilité du demandeur au regard de ses allégations afin de déterminer s’il avait établi un lien entre sa situation personnelle et la preuve documentaire.

[51] La SAR a ensuite évalué la crédibilité du demandeur quant au fait que les autorités éthiopiennes le recherchaient en raison de son appartenance présumée au FLO et de son origine ethnique mixte.

[52] Elle a finalement conclu que la SPR n’avait commis aucune erreur relativement à la crédibilité et à la crainte possible, et elle a repris les motifs de la SPR, notamment :

[traduction]

[27] Des sources signalent que, le 5 juillet 2018, le parlement éthiopien a voté pour retirer le FLO de la liste des organisations « terroristes » du pays. Des dirigeants politiques et des combattants du FLO en exil sont revenus en Éthiopie en septembre 2018 après la signature d’un accord à Asmara le 7 août 2018 visant à mettre fin aux « hostilités » entre le FLO et le gouvernement éthiopien. Dans l’ensemble, la preuve documentaire indique que, depuis l’arrivée au pouvoir du premier ministre Abiy Ahmed, en avril 2018, le traitement réservé aux opposants politiques, dont les Oromos qui sont actifs politiquement, s’est généralement amélioré.

[28] Le tribunal a analysé le risque de la part du gouvernement et du FLO auquel est exposé le demandeur d’asile. Le demandeur d’asile allègue avoir été illégalement arrêté et emprisonné en 2008 pour une infraction (être membre du FLO) qu’il n’a jamais commise. Le FLO est aujourd’hui un parti politique légal en Éthiopie. Le demandeur est parti du pays depuis 13 ans. Il ne se livrait à aucune activité politique en Éthiopie. Ses allégations concernant les efforts constants déployés par la police pour le retrouver et les accusations portées contre lui manquaient de crédibilité. Il n’a pas réussi à établir de façon crédible son origine ethnique mixte (oromo et amhara) ni la prétendue persécution systémique des Oromo-Amharas par le FLO. Rien dans la preuve n’indique que sa participation à une seule manifestation était connue du gouvernement éthiopien. Pour ces motifs, le tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d’asile ne serait pas exposé à un risque de persécution ou de préjudice grave de la part du gouvernement éthiopien ou du FLO s’il retournait en Éthiopie.

[Notes de bas de page omises.]

[53] Étant donné, d’une part, que la SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur et, d’autre part, qu’elle a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’est pas crédible lorsqu’il allègue que les autorités éthiopiennes le soupçonnaient d’être un membre du FLO, je suis d’accord pour dire, comme le défendeur, qu’il importe peu que la SAR se soit appuyée ou non sur les documents les plus récents, ceux qu’invoque maintenant le demandeur, décrivant les conditions dans le pays en ce qui concerne le traitement réservé aux membres du FLO par les autorités.

[54] Quoi qu’il en soit, pour ce qui est de la prétention du demandeur, soit que le FLO est de nouveau considéré comme une organisation terroriste par le gouvernement éthiopien et, par conséquent, que la SAR a eu tort de se fonder sur un document où il était indiqué que le FLO avait été rayé de la liste des organisations terroristes, j’ai examiné les documents du CND et constaté que, dans l’ensemble, ils ne corroborent pas cet argument.

[55] Bien que le demandeur cherche à étayer sa thèse en citant des extraits de certaines sources tirés de divers articles, ces extraits ne peuvent être examinés isolément et sans contexte. Pris dans leur ensemble et compte tenu du contexte, les articles mentionnés par le demandeur et la SAR ne permettent pas de conclure, contrairement à ce que prétend le demandeur, que le FLO a de nouveau été désigné comme groupe terroriste par le gouvernement éthiopien. De plus, même s’il est possible que la nature de la relation entre les deux organisations ne soit pas claire, le FLO demeure un parti politique, tandis que l’Armée de libération oromo (l’ALO) semble être un groupe armé qui a été inscrit ultérieurement sur la liste des organisations terroristes. Le demandeur a quitté l’Éthiopie bien avant l’émergence du groupe dissident qu’est l’ALO. En outre, étant donné que la SAR a conclu que le demandeur n’était pas crédible lorsqu’il affirmait être un supposé partisan du FLO, même si elle avait commis une erreur en ne se reportant pas au document invoqué par le demandeur où il est souligné que les membres allégués du FLO risquent d’être l’objet d’arrestations arbitraires, ce fait n’aurait pas d’incidence sur sa décision finale. « Une demande d’asile ne peut reposer uniquement sur la preuve contenue au cartable national de documentation concernant le pays à l’égard duquel on invoque une crainte » (Jean c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 242 au para 19).

L’identité ethnique mixte

[56] Le demandeur reproche à la SAR d’avoir mal interprété ses arguments relatifs à son origine ethnique mixte. La persécution exercée contre les membres de sa famille à cause de leur origine ethnique mixte est un phénomène récent, qui a commencé en 2018. Elle donne lieu à un examen au titre de considérations relatives aux demandes d’asile sur place et doit être traitée séparément, non pas comme un aspect accessoire à la demande principale, ce qui constitue une erreur susceptible de contrôle. Le demandeur soutient également que la SAR s’est trompée quant à la situation concernant le FLO et sa relation avec le gouvernement éthiopien, puisque le FLO est une fois de plus proscrit en tant qu’organisation terroriste. De plus, la SPR et la SAR ont eu tort de remettre en question la crédibilité du demandeur en arguant qu’il a soulevé tardivement cette question, soit dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA modifié. En dernier lieu, le demandeur est d’avis que la SAR a commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas corroboré son identité ethnique mixte ni le fait que des personnes d’origine ethnique mixte sont ciblées en raison de leur identité, en n’examinant pas les documents disponibles sur les conditions dans le pays puis en confondant la crédibilité et le caractère suffisant des éléments de preuve.

[57] Selon le défendeur, il était raisonnable pour la SAR de conclure que le demandeur n’avait pas établi son origine ethnique mixte, pour les motifs suivants : le demandeur n’a pas fait mention de son origine ethnique mixte dans son formulaire FDA initial; sa déclaration au sujet de l’aggravation des tensions ethniques en Éthiopie n’était pas étayée par la preuve documentaire; il n’a pas modifié son formulaire FDA en 2018, lorsqu’il avait supposément été informé que la situation avait empiré. De plus, la preuve générale présentée au sujet du FLO est sans importance, puisque le demandeur n’a pas établi qu’il était soupçonné d’être membre du FLO. Le demandeur n’a pas non plus expliqué pourquoi il a attendu de 2018 à 2021 pour mettre à jour son formulaire FDA et, lorsqu’on lui a demandé des explications, il n’a pas invoqué les Règles de la SPR. Le défendeur fait valoir également qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure que l’origine ethnique du demandeur ne créait pas de risque éventuel, en ajoutant que le demandeur n’a pas contesté sur le fond les conclusions tirées par la SAR à cet égard. Par ailleurs, la SAR n’a pas reconnu, ce qui était raisonnable, que le demandeur était d’origine ethnique mixte oromo-amhara.

[58] J’examinerai d’abord l’observation du demandeur selon laquelle la modification tardive de son formulaire FDA ne devrait pas donner lieu à une conclusion défavorable en matière de crédibilité parce que cette modification a été apportée à temps et conformément aux Règles de la SPR.

[59] La SAR a constaté que c’est seulement lorsqu’il a modifié son formulaire FDA que le demandeur a fait part de sa crainte de retourner en Éthiopie fondée sur son origine ethnique mixte oromo et amhara. Dans son formulaire FDA initial, il avait déclaré qu’il était Oromo et Éthiopien. La SAR s’est reportée à l’article 9 des Règles de la SPR. Le paragraphe 9(1) concerne les modifications ou les ajouts au formulaire FDA. Le paragraphe 9(2) énonce les délais applicables : les documents modifiés sont transmis « sans délai et doivent être reçus par elle au plus tard dix jours avant la date fixée pour l’audience ».

[60] Dans sa décision, la SPR a souligné que la crainte exprimée par le demandeur, soit d’être persécuté par le FLO en raison de son origine ethnique mixte oromo-amhara et du fait que le FLO voudrait le recruter s’il retournait en Éthiopie, n’a pas été mentionnée dans l’exposé circonstancié initial du demandeur, mais elle l’a été dans l’exposé modifié présenté quelques jours seulement avant l’audience. Le demandeur avait expliqué que le problème avait surgi en 2018, avec l’arrivée du nouveau gouvernement, mais la SPR a conclu qu’il avait eu amplement le temps de transmettre un exposé circonstancié modifié entre 2018 et 2021 et qu’il avait simplement invoqué la détérioration de la situation depuis 2018 pour expliquer la présentation tardive de l’information, sans donner plus de précisions. La SPR a conclu que cette explication n’était pas raisonnable, compte tenu du retard important en cause, et qu’elle jetait des doutes sérieux sur la crédibilité de cette crainte du demandeur. La SAR a abondé dans le même sens et a conclu que le demandeur n’avait pas fourni d’explication satisfaisante quant aux raisons pour lesquelles la modification n’avait pas été transmise sans délai.

[61] Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour que tous les faits et détails importants d’une demande d’asile doivent figurer dans le formulaire et que l’omission de les mentionner peut affecter la crédibilité d’une portion ou de la totalité d’un témoignage (Ogaulu, au para 18; Manan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 150 au para 44; Husyn c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1386 au para 25; Hamidi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 243 aux para 27–29). La SPR peut également tirer une inférence défavorable relativement à la crédibilité en raison des modifications tardives portant sur des éléments importants de l’exposé circonstancié d’un demandeur (Amiryar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1023 au para 17; Zeferino c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 456 au para 31).

[62] En l’espèce, la modification était importante, car elle mettait au jour un nouveau motif de crainte de persécution. Dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA modifié, le demandeur a fait valoir qu’il y avait un nettoyage ethnique dans certaines régions de l’Éthiopie. Il a affirmé être d’origine ethnique mixte, puisque sa mère appartient au groupe ethnique amhara et que son père est Oromo. Il a déclaré que sa famille vivait dans la région d’Oromia et que la situation s’était détériorée avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement. Sa mère a été harcelée et intimidée par des partisans du FLO. Selon lui, s’il retournait en Éthiopie, il pourrait être attaqué par le FLO en raison de son origine ethnique, car cette organisation appuie le nettoyage ethnique de tout groupe n’appartenant pas à la tribu oromo.

[63] La SAR s’est rangée à l’avis de la SPR, qui a considéré que l’explication donnée par le demandeur, soit qu’il n’a éprouvé d’inquiétude à ce sujet que tardivement, était vague. Même s’il est vrai qu’un nouveau premier ministre est arrivé en 2018, cette situation n’expliquait pas pourquoi le demandeur a tardé jusqu’à quelques jours avant l’audience pour modifier son formulaire FDA.

[64] À mon avis, bien que le fait d’avoir attendu à la dernière minute pour modifier le formulaire FDA ne permette peut-être pas à lui seul de justifier la conclusion défavorable relative à la crédibilité du demandeur, la SAR était aussi d’accord avec la conclusion de la SPR suivant laquelle le demandeur n’avait, au fond, pas établi qu’il était réellement d’origine ethnique mixte.

[65] La SPR a constaté que le demandeur s’identifie comme étant Oromo-Éthiopien dans son formulaire FDA, alors que sa carte d’identité de résident éthiopien indique qu’il est Oromo. Le demandeur a expliqué cette contradiction en précisant que l’origine ethnique inscrite sur sa carte d’identité est déterminée par celle de son père, qui est Oromo. La SPR a jugé que cette réponse n’expliquait pas de façon raisonnable pourquoi le demandeur avait négligé de préciser son origine ethnique en partie amhara, et a donc conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur n’avait pas établi qu’il appartenait également au groupe ethnique amhara. La SPR a souligné par ailleurs que, lorsqu’on lui a demandé comment les gens pouvaient savoir qu’il est d’origine oromo-amhara, le demandeur a répondu qu’ils le déduiraient parce qu’il ne parle pas la langue oromo. Or la SPR a rappelé que le demandeur a affirmé dans son formulaire FDA qu’il parlait oromo. Elle n’a pas jugé crédible l’explication donnée par le demandeur, soit qu’il comprend l’oromo, compte tenu des instructions claires relatives au formulaire FDA et du fait que le demandeur a déclaré que ces instructions lui ont été traduites et que les renseignements qu’il a fournis étaient complets et véridiques. Cette contradiction a encore plus affaibli la crédibilité du demandeur en ce qui concerne sa prétendue origine ethnique oromo-amhara. Dans ses motifs, la SAR a ajouté que rien, dans le certificat de baptême du demandeur, n’indiquait que sa mère était membre du groupe ethnique amhara.

[66] À mon avis, la SAR n’a pas commis d’erreur dans son traitement de cette question. De plus, elle a conclu raisonnablement, comme la SPR, que le demandeur n’avait pas établi son origine ethnique oromo-amhara. Je ne suis pas non plus d’accord avec le demandeur, lorsqu’il accuse la SAR de n’a pas avoir tenu compte de la documentation sur les conditions dans le pays ni de l’explication qu’il a donnée ou lorsqu’il dit qu’elle a confondu la crédibilité avec le caractère suffisant de la preuve. Le demandeur n’est tout simplement pas parvenu à s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait. Par conséquent, comme cette conclusion était déterminante quant à l’existence d’un préjudice éventuel fondé sur l’origine ethnique mixte du demandeur, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres questions que ce dernier a soulevées sur la façon dont la SAR a traité cette question.

La demande d’asile sur place

[67] Le demandeur soutient que les conclusions tirées par la SAR au sujet de la demande d’asile sur place et qui concernaient les conditions en Éthiopie étaient erronées parce qu’elles étaient fondées sur une compréhension sélective et erronée de la situation. Il fait valoir qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve objectifs démontrant que ses activités seront probablement portées à l’attention des autorités éthiopiennes et qu’il sera vraisemblablement persécuté en tant que dissident à son retour.

[68] Le défendeur est d’avis qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure que le demandeur n’avait pas établi que sa participation à une manifestation à Toronto pouvait entraîner une réaction négative de la part des autorités éthiopiennes. Le demandeur n’a pas contesté la conclusion de la SAR selon laquelle il n’avait pas établi que les faits qu’il dénonçait pouvaient entraîner une telle réaction. Dès lors, la question de la surveillance de la diaspora est une considération mineure. Il reste que le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, les faits sur lesquels il fondait sa demande. La preuve qu’il a présentée ne permettait pas de croire que le simple fait d’assister à une manifestation rendait plus probable qu’improbable qu’il soit porté à l’attention des autorités éthiopiennes.

[69] En ce qui concerne la demande d’asile sur place, la SPR a souligné que le demandeur avait fourni trois photos afin de prouver sa participation à une manifestation à Toronto, en mars 2019, visant à mettre fin au génocide ethnique en Éthiopie. Cependant, le demandeur ne savait pas qui avait organisé la manifestation. Compte tenu de ses autres conclusions en matière de crédibilité, la SPR a jugé qu’il était probable que le demandeur ait participé à cet événement pour étoffer sa demande d’asile. De plus, elle a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le fait de tenir une pancarte lors d’une manifestation était insuffisant pour engendrer un risque de persécution ou de préjudice de la part des autorités éthiopiennes, et le demandeur n’a présenté non plus aucun élément de preuve démontrant que sa participation avait attiré l’attention des autorités. La SPR a accordé peu de poids aux photos pour ce qui est d’établir l’existence d’un risque éventuel.

[70] Selon la SAR, le demandeur a fait valoir que la conclusion de la SPR, soit qu’il avait participé à la manifestation pour étoffer sa demande, n’avait pas été établie et qu’il était clair, à la lumière de la preuve documentaire, que la diaspora est étroitement surveillée par les autorités éthiopiennes.

[71] La SAR a souligné que les trois photos présentées par le demandeur indiquaient que la manifestation à laquelle il avait participé concernait le déplacement de 900 000 personnes d’une région de l’Éthiopie et visait à mettre fin au nettoyage ethnique ainsi qu’à réclamer la mise en place d’un gouvernement de transition. Se reportant à un document du CND, la SAR a souligné que son analyse avait relevé cinq causes différentes entraînant des déplacements en Éthiopie : les catastrophes naturelles, les conflits, le pastoralisme, les infrastructures, les projets de développement et les catastrophes d’origine humaine. En conséquence, la SAR estimait qu’il n’était pas possible d’attribuer aux seules autorités éthiopiennes la responsabilité des déplacements survenus dans une région ou la volonté de procéder à un nettoyage ethnique. Après avoir examiné d’autres documents du CND, la SAR a conclu que, même s’il était vrai que les tensions ethniques s’étaient exacerbées au cours des dernières années, elles ne résultaient pas d’un plan de nettoyage ethnique adopté par les autorités éthiopiennes – la violence était souvent commise entre citoyens et la police fédérale avait arrêté de nombreux fonctionnaires régionaux en raison de leur participation à des actes de violence ou de leur défaut de prévenir la violence. Ainsi, le demandeur n’a pas établi que ce qu’il a dénoncé en participant à la manifestation de mars 2019 pouvait entraîner une réaction négative de la part des autorités éthiopiennes ou que celles-ci savaient qu’il y était présent. Bien que le demandeur ait soutenu que la preuve documentaire établissait clairement une surveillance étroite de la diaspora, il n’a pas précisé d’où provenaient ces renseignements, et la SAR n’a trouvé aucune source confirmant cette allégation dans le CND.

[72] Les observations du demandeur sur cette question, présentées à l’appui du contrôle judiciaire en l’espèce, sont longues et comprennent des renvois à la jurisprudence, dont les décisions Melesse Mane c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1000 et Hailu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 908, dans lesquelles la Cour a conclu que le gouvernement éthiopien surveillait les membres de sa diaspora au Canada. À mon avis, ces jugements n’aident pas le demandeur, car ils sont antérieurs au changement de gouvernement de 2018. Qui plus est, même si le demandeur insiste sur le fait que la surveillance exercée par le gouvernement éthiopien à l’endroit de la diaspora s’est poursuivie depuis ces affaires, les seuls documents qu’il recense au sujet de cette surveillance au Canada sont deux réponses aux demandes d’information [RDI]. Le premier de ces documents s’intitule Éthiopie et Canada : Éthiopie et Canada : information sur l’Unité pour les droits de la personne et la démocratie (Unity for Human Rights and Democracy - UHRD), y compris ses activités ainsi que les exigences et la marche à suivre pour devenir membre; information indiquant si elle vérifie les activités politiques de ses membres en Éthiopie; information indiquant si les autorités éthiopiennes surveillent ou régissent les activités des membres de l’UHRD (2015-janvier 2017) Le demandeur ne prétend pas être membre de l’Unité, et cette RDI est antérieure à l’accession au pouvoir du nouveau gouvernement en 2018. La deuxième RIR est intitulée Éthiopie : information sur la capacité du gouvernement éthiopien à surveiller et censurer les dissidents éthiopiens vivant au Canada, y compris le type de surveillance, sa portée et la technologie utilisée; information sur le traitement réservé aux dissidents de retour du Canada; information indiquant si des profils particuliers présentent des risques plus importants au retour (2014‑janvier 2017). Elle est également antérieure au changement de gouvernement de 2018. Elle traite de la surveillance et de la censure dont font l’objet les dissidents éthiopiens au Canada. Encore une fois, le demandeur ne serait pas visé, étant donné que la SAR a conclu qu’il n’était pas crédible lorsqu’il a affirmé que les autorités le soupçonnaient d’être membre du FLO. Les autres documents du CND mentionnés par le demandeur portaient sur la surveillance exercée au Kenya, en Europe et aux États-Unis, et non au Canada.

[73] Un de ces documents du CND était le rapport du service de l’immigration du Danemark, daté de septembre 2018 et intitulé Political situation and treatment of opposition. Report based on interviews in Ethiopia (Situation politique et traitement de l’opposition. Rapport basé sur des entretiens en Éthiopie). Le demandeur a cité l’article 9.2 du rapport pour affirmer qu’il y avait une surveillance au Canada, mais cet article ne mentionne que la surveillance des manifestants antigouvernement aux États-Unis ou en Europe plus précisément. Fait à noter, les deux articles qui suivent cet extrait soulignent que la situation des membres de la diaspora s’est améliorée depuis l’élection de 2018 :

[traduction]

9.3. Après la nomination du nouveau premier ministre, la situation de la diaspora serait moins précaire et les membres de la diaspora sont moins inquiets pour leur sécurité qu’auparavant en raison de l’évolution marquée de la situation politique.

9.4. Selon le représentant de l’ambassade de Grande-Bretagne, les membres de la diaspora qui décident de retourner en Éthiopie sont autorisés à réintégrer la société en tant que citoyens et à exploiter des entreprises privées, ce que beaucoup choisissent de faire avec un certain succès.

[Renvois omis.]

[74] De plus, contrairement à ce que soutient le demandeur, la SAR n’a pas reconnu que le gouvernement éthiopien envoie ses informateurs et ses agents assister à des événements politiques organisés par des dissidents de la diaspora et qu’il consigne les noms des participants. Selon la SAR, c’est ce que le demandeur a allégué dans son mémoire, mais sans préciser où se trouvaient ces renseignements dans la preuve documentaire, et la SAR n’a rien relevé dans le CND qui pouvait confirmer cette information.

[75] Je suis d’accord pour dire que la SAR aurait peut-être dû reconnaître l’existence des documents susmentionnés dans le CND, étant donné que le demandeur a été jugé non crédible relativement à son appartenance FLO, et mentionner le changement de gouvernement de 2018, mais cette omission n’est pas fatale dans ces circonstances. De toute façon, comme le souligne le défendeur, le demandeur ne s’est pas attardé à la conclusion de la SAR selon laquelle l’objet de la manifestation n’attirerait pas l’attention des autorités éthiopiennes.

Conclusion

[76] Bien que les motifs de la SAR ne soient certainement pas parfaits, je ne suis pas convaincue, pour les raisons mentionnées ci-dessus, qu’une erreur susceptible de contrôle de la part de la SAR a été établie.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4774-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y aura pas d’ordonnance quant aux dépens.

  3. Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification, et aucune n’est soulevée.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4774-22

INTITULÉ :

SEMIR AHMED c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 MAI 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 12 JUIN 2023

COMPARUTIONS :

Teklemichael Ab Sahlemariam

POUR LE DEMANDEUR

Nicholas Dodokin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Teklemichael Ab Sahlemariam

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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