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Date : 20230405


Dossier : T -1686 -21

Référence : 2023 CF 483

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario) le 5 avril 2023

En présence de monsieur le juge Régimbald

ENTRE :

CHRISTOPHER JOHNSON

demandeur

et

ASSOCIATION CANADIENNE DE TENNIS, MILOS RAONIC, GENIE BOUCHARD, DENIS SHAPOVALOV et

FÉLIX AUGER -ALIASSIME

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Contexte

[1] Monsieur Johnson, un demandeur qui se représente lui -même et qui est journaliste et photographe, a intenté une action en violation du droit d’auteur, pour utilisation de ses photographies, contre un certain nombre de défendeurs, à savoir l’Association canadienne de tennis (Tennis Canada), Milos Raonic, Genie Bouchard, Denis Shapovalov et Félix Auger -Aliassime.

[2] Le 30 mai 2022, le juge en chef a nommé la juge adjointe Coughlan comme juge responsable de la gestion de l’instance. En règle générale, lorsqu’une affaire est assujettie à la gestion de l’instance, aucune réparation ne peut être obtenue sans demander au préalable une conférence de gestion de l’instance.

[3] Malheureusement, l’action s’est prolongée et a donné lieu à plus de dix (10) ordonnances, à douze (12) directives et à de nombreuses conférences de gestion de l’instance.

[4] Le demandeur dépose une requête en vertu des articles 51 et 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98 -106 [les Règles], interjetant appel d’une décision rendue le 11 janvier 2023 par la juge adjointe Coughlan. Dans cette décision, le demandeur demandait ce qui suit :

[traduction]

  • a)Autorisation de la Cour pour procéder à des interrogatoires oraux des défendeurs Félix Auger -Aliassime et du PDG et président de Tennis Canada, Michael Downey, en réponse à leur refus de se conformer aux ordonnances des 20 juin et 25 août, conformément aux articles 88, 94, 97, 234, 235, 244 et 245 des Règles.

  • b)Que la Cour sanctionne le défendeur Milos Raonic pour refus d’autoriser le demandeur à procéder à son interrogatoire préalable et pour défaut de se conformer à l’ordonnance du 20 juin, conformément aux articles 97, 98 et 466 des Règles.

  • c)Que la Cour sanctionne le défendeur Denis Shapovalov pour défaut de répondre dans le délai de 30 jours aux questions d’interrogatoire écrit qui lui ont été envoyées le 19 septembre, et pour défaut de se conformer à l’ordonnance du 20 juin, conformément aux articles 97, 98, 99 et 466 des Règles.

  • d)Autorisation de procéder à l’interrogatoire préalable de Bernard Duchesneau, de Jeff Donaldson et de Natan Levi, des personnes qui ne sont pas parties au litige, conformément aux articles 233 et 238 des Règles.

[5] Dans sa décision rendue le 11 janvier 2023, la juge adjointe Coughlin a rejeté la requête du demandeur pour, entre autres, les motifs suivants :

[traduction]

  • a)En ce qui concerne la demande de procéder à des interrogatoires oraux des défendeurs Félix Auger -Aliassime et du PDG et président de Tennis Canada, Michael Downey, le demandeur avait déjà procédé à des interrogatoires écrits de ces défendeurs. Selon l’article 234 des Règles, le demandeur ne peut pas procéder à des interrogatoires préalables écrits et oraux sans le consentement ou l’autorisation de la Cour. Selon l’article 235 des Règles, une partie ne peut procéder à l’interrogatoire préalable d’une partie adverse qu’une seule fois, sauf si elle obtient l’autorisation contraire de la Cour. La juge adjointe Coughlan a statué que l’intention du demandeur de procéder à l’interrogatoire oral découlait du fait qu’un grand nombre des questions du demandeur ont été radiées ou reformulées, et que le demandeur n’était pas satisfait des réponses des défendeurs à son interrogatoire écrit. Étant donné qu’aucun appel n’a été interjeté à l’encontre de l’ordonnance de radiation ou de redéfinition des questions, et qu’aucune requête n’a été déposée en vertu de l’article 97 des Règles pour exiger une réponse à une question si l’on n’y répondait pas ou si l’on ne s’y opposait pas, la juge associée Coughlan a statué que la demande d’interrogatoire oral du demandeur était fondée sur le fait que la plupart des questions initiales qu’il a formulées dans l’interrogatoire préalable ont été radiées au motif qu’elles étaient non pertinentes et inappropriées, et qu’il n’avait pas présenté aucun fondement qui justifierait que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire et autorise un interrogatoire préalable oral. Le demandeur n’a mentionné aucune question ou lacune particulière dans les réponses fournies par les deux défendeurs qui justifierait un autre interrogatoire préalable, et le fait qu’il n’ait pas demandé l’autorisation de déposer une requête en vertu de l’article 97 des Règles pour obtenir de meilleures réponses étaye ce point de vue. De plus, le demandeur n’a pas fourni de détails sur les renseignements prétendument non divulgués ou sur le bien -fondé de ses affirmations.

  • b)En ce qui concerne la demande de sanction de M. Raonic, la Cour avait accordé à M. Raonic l’autorisation de déposer une requête en jugement sommaire. Dans les circonstances, M. Raonic n’a pas eu à prendre de mesures avant que cette requête ne soit adoptée. De plus, le demandeur n’a produit aucun élément de preuve dans son affidavit à l’appui voulant que M. Raonic eût été accusé d’outrage à une ordonnance de la Cour.

  • c)En ce qui concerne la demande de sanction de M. Shapovalov pour défaut de répondre aux questions d’interrogatoire écrit dans le délai de 30 jours, la raison pour laquelle M. Shapovalov était en retard était qu’il avait déposé une requête en radiation des questions d’interrogatoire sans réponse. M. Shapovalov n’a donc pas été accusé d’outrage à une ordonnance de la Cour.

  • d)En ce qui concerne la demande d’autorisation de procéder à l’interrogatoire préalable de personnes qui ne sont pas parties au litige, la demande a été rejetée pour la simple raison que la demande n’a pas été signifiée personnellement aux trois personnes qui ne sont pas parties au litige et que ces dernières n’ont pas été autorisées à participer à la demande, comme l’exige le paragraphe 238(2) des Règles.

II. Question en litige et norme de contrôle

[6] Comme le juge Diner en a conclu dans un autre appel interjeté par le demandeur en vertu de l’article 51 des Règles, la norme de contrôle est la suivante :

[22] La décision discrétionnaire rendue par un protonotaire est assujettie à la norme de contrôle applicable en matière d’appel énoncée dans les arrêts Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 aux paragraphes 27 -28, 65 -66 et 79 [Hospira] et Canada (Attorney General) v. Iris Technologies Inc., 2021 FCA 244 [Iris] au paragraphe 33). Dans l’arrêt Hospira, la Cour d’appel fédérale a conclu que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit sont susceptibles de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante, alors que c’est la norme de la décision correcte qui s’applique aux questions de droit.

[23] L’appel du demandeur repose sur son argument selon lequel la protonotaire a mal interprété les faits présentés à l’appui de sa requête dans son ordonnance. Par conséquent, il incombe au demandeur de montrer qu’une erreur manifeste et dominante a été commise dans la décision. La Cour d’appel fédérale a expliqué que la norme de l’erreur manifeste et dominante commande une grande déférence et qu’« on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier » (Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 au para 61).

III. Analyse

A. Arguments de M. Johnson

[7] Dans l’avis de requête et les observations écrites à l’appui de M. Johnson, ce dernier renvoie particulièrement aux paragraphes 46, 47 et 54 de ses observations écrites du 21 novembre 2022 concernant sa requête qui a donné lieu à la décision contestée, ainsi qu’aux paragraphes 16, 26 et 28 de ses observations écrites du 6 décembre 2022 en réponse. Le demandeur allègue que la juge adjointe Coughlan doit avoir ignoré ces paragraphes puisqu’ils contenaient des faits pertinents qui auraient dû influer sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour.

[8] Les paragraphes 46, 47 et 54 des observations écrites du 21 novembre 2022 du demandeur concernant sa requête affirment ce qui suit :

[traduction]

46. Par exemple, dans son affidavit établi sous serment du 8 septembre 2022 (envoyé par courriel le 23 septembre), M. Auger -Aliassime a déclaré qu’il avait publié ma photographie sur son compte Twitter officiel en juin 2016 et l’avait retirée le 27 juin 2019. Cela contredit sa note de litige de février 2019 et sa défense du 21 janvier 2022, dans laquelle il a nié les violations et tout lien avec le demandeur et sa photographie, mais il a également allégué que toute photographie avait été retirée « rapidement » en 2018. Toutes ces déclarations ne peuvent pas être vraies en même temps. Je devrais avoir le droit de le savoir. Sinon, je ne connaîtrai toujours pas leurs positions avant le procès.

47. De plus, dans son affidavit établi sous serment, et en réponse aux questions révisées de la juge Coughlan :

a) M. Auger -Aliassime a affirmé que « bien que cette photographie ait été publiée sur Twitter, je n’avais pas d’accord de commandite payée avec une marque ou une entreprise ». En fait, l’onglet 9 de mon affidavit de documents contient des captures d’écran de M. Auger -Aliassime dans les campagnes publicitaires de ses commanditaires, y compris l’équipement de tennis Babolat et les montres Tag -Heuer, entre autres, entre juin 2016 et le 27 juin 2019. Je devrais avoir le droit de lui poser des questions à ce sujet.

b) Dans des courriels et des appels téléphoniques en janvier 2022, son agent et avocat fiscaliste, Bernard Duchesneau, m’a dit que lui et son client avaient demandé à ATP, Facebook et d’autres personnes de prendre des mesures contre des personnes qui auraient « voler l’identité » de M. Auger -Aliassime. Quelque temps plus tard, ces comptes Facebook ont apparemment disparu en 2022. Toutefois, en réponse à la question révisée no 49 de la juge Coughlan, M. Auger -Aliassime allègue : « Il m’est impossible d’empêcher le monde de créer des pages d’admirateur en mon nom. » Je devrais avoir le droit de lui demander d’éclaircir ce mystère.

c) En réponse à la question révisée no 51 de la Cour, M. Auger -Aliassime affirme : « Je n’ai pas de tels dossiers et n’ai jamais traité directement avec des représentants de plateformes de médias sociaux à cet égard. » En fait, son propre affidavit de documents contient des dossiers de ces communications avec Facebook. M. Auger -Aliassime renvoie également à ces documents en réponse à la question qui s’ensuit. Je devrais avoir le droit de voir tous ces dossiers.

d) En réponse aux questions révisées no 56 et no 57 de la Cour, M. Auger -Aliassime refuse de fournir des dossiers et il contredit les déclarations de son agent concernant les présumés « administrateurs » de comptes de médias sociaux utilisant son nom. Je devrais avoir le droit de lui demander plus de renseignements sur ces « administrateurs » parce que j’ai des raisons de croire que lui et son « équipe Félix » le font.

e) En réponse à la question révisée no 65 de la Cour, M. Auger -Aliassime affirme qu’il a « ouvert un compte Facebook sous mon nom » en octobre 2021, ce qui contredit ses autres affirmations selon lesquelles il a ouvert son « premier » compte Facebook en février 2022, après que son agent ait communiqué avec le demandeur en janvier 2022. Je crois qu’il est sur Facebook depuis au moins 2017. Je devrais avoir le droit de demander des précisions sur ce fait essentiel dans l’affaire.

[...]

54. De plus, le demandeur devrait avoir le droit d’interroger oralement M. Downey parce que son affidavit établi sous serment est inapproprié et insuffisant pour les raisons suivantes :

a) Au lieu de se conformer à l’ordonnance du 25 août et de produire les documents non produits, M. Downey a énoncé à plusieurs reprises des versions du même refrain : « Tennis Canada n’est autrement pas en mesure de trouver les documents non produits en sa possession qui sont pertinents quant à cette question. » En fait, Tennis Canada reçoit des millions de dollars en fonds publics. Elle n’est pas tenue de tenir des dossiers et des documents.

b) M. Downey, qui niait auparavant tout lien avec le demandeur et sa photographie, a admis en réponse aux questions 11 et 12 que Tennis Canada avait publié mes photographies sur ses sites officiels. Toutefois, M. Downey n’a fourni aucune preuve ni aucun dossier à l’appui de son affirmation selon laquelle Tennis Canada a retiré mes photographies. Le demandeur devrait avoir le droit de demander à M. Downey de préciser ces contradictions.

c) En réponse à ma question 12, M. Downey a tenté d’induire la Cour en erreur en présentant de façon trompeuse mon courriel du 20 décembre 2018, dans lequel j’ai tenté d’établir des faits et d’établir de meilleures relations avec Tennis Canada. Il a déformé le sens de ma phrase « et mes publications ont été retirées ». Il a remplacé ma « virgule » par un « point » afin de changer le sens d’une phrase. Il a également omis la dernière phrase de mon paragraphe, où j’ai écrit : « Tennis Canada, ses employés et ses joueurs ne peuvent pas publier mon travail, supprimer ces publications, et ensuite exiger que le titulaire du droit d’auteur envoie des captures d’écran comme preuve. » En fait, ma dernière phrase met les deux phrases précédentes dans un contexte différent de celui que les défendeurs ont écrit dans leur réponse. C’est une tentative d’induire la Cour en erreur. Le demandeur devrait avoir le droit d’exiger qu’il réponde aux questions de façon appropriée et sincère.

d) De plus, M. Downey a écrit : « Tennis Canada n’est pas en mesure de trouver les documents non produits concernant le retrait des photographies. » Par conséquent, Tennis Canada n’a pas fourni de preuve pour prouver ses allégations selon lesquelles elle avait retiré mes photographies. En fait, elle ne m’a jamais retourné mes photographies, comme l’exige la Loi sur le droit d’auteur. De mauvaise foi, les défendeurs ont dissimulé délibérément des renseignements sur de présumés retraits ou les ont supprimés de leurs dossiers, de leurs fichiers informatiques ou de tout endroit qu’elle possède ou contrôle. Le demandeur et la Cour ne peuvent toujours pas déterminer qui a retiré mes photographies ou si elles ont même été retirées. Étant donné que cela est essentiel à l’argument des défendeurs fondé sur des « délais de prescription », le demandeur devrait avoir le droit de les interroger sur ce qui s’est exactement passé et quand.

e) M. Downey a affirmé que le site Web de Tennis Canada « est public et que le retrait représentait des renseignements publics depuis la date à laquelle il a eu lieu jusqu’à aujourd’hui ». Le demandeur devrait avoir le droit de demander à M. Downey d’expliquer comment quelque chose (comme un article ou une publication) qui n’existe pas sur Internet peut en quelque sorte être des « renseignements publics ». Selon cette logique, tout ce qui n’existe pas non plus sur Internet est aussi en quelque sorte des « renseignements publics ». Cela semble absurde.

f) La requête en radiation de M. Downey m’a empêché de demander comment les défendeurs tirent des avantages et des profits injustes des comptes de médias sociaux qui utilisent le nom des défendeurs afin de promouvoir les défendeurs. C’est essentiel à l’avancement de mon dossier. Toutefois, en réponse aux questions no 15 et no 19 sur ces comptes et plateformes de médias sociaux, M. Downey a simplement répondu : « Non, Tennis Canada n’est pas au courant et n’est pas en mesure de trouver un dossier de participation à de telles communications. » C’est faux. Le demandeur devrait avoir le droit d’exiger une réponse sincère.

g) En réponse à la question 20, M. Downey a tenté d’induire la Cour en erreur en affirmant à tort que le demandeur « a violé à plusieurs reprises le privilège relatif aux règlements en divulguant publiquement les détails de négociations sans préjudice en vue d’un règlement, souvent de façon inexacte ». En fait, les défendeurs ont refusé de participer à des négociations réelles et significatives en vue d’un règlement, conformément à l’article 257 des Règles des Cours fédérales. Lorsque mon avocat à Toronto lui a tendu la main pour entamer des négociations, M. Hafso a fait de fausses déclarations au nom de ses clients qui ont tenté de l’induire en erreur. Le demandeur soutient que les communications combatives, antagonistes, harcelantes et trompeuses ne sont pas des « négociations en vue d’un règlement » simplement parce que cela est pratique pour les défendeurs de les appeler ainsi. Il est donc erroné d’alléguer qu’un « privilège relatif aux règlements » l’emporte sur un comportement inacceptable. Si M. Downey veut prouver ou étoffer son allégation, il peut le faire dans le cadre d’un interrogatoire oral.

h) Au lieu de répondre aux questions, M. Downey a fait preuve d’hostilité envers les journalistes et de mépris envers la réalité factuelle et la Charte. Étant donné que M. Downey n’est pas un journaliste de formation ou un professeur de journalisme, il n’a pas l’autorité professionnelle pour critiquer le journalisme d’intérêt public par une entreprise en concurrence avec sa propre organisation médiatique, laquelle cherchait à détruire mon organisation. M. Downey n’a pas non plus démontré comment le journalisme de mon organisation est « souvent » inexact ou contraire à la loi au Canada, où la Charte protège les journalistes contre les tentatives de harcèlement, d’intimidation et de musellement. Si M. Downey veut prouver ou étoffer son allégation, il peut le faire dans le cadre d’un interrogatoire oral.

i) Au lieu de dire la vérité, M. Downey a utilisé ses réponses pour faire de fausses accusations non étayées pour nuire au demandeur et à sa réputation devant la Cour. Comme l’a écrit M. Downey, sans expliquer comment les courriels du demandeur sont contraires à la loi ou violent la Loi sur le droit d’auteur ou les Règles des Cours fédérales : « Ses communications ont été extrêmement longues, couvrent de nombreux sujets non pertinents et sont difficiles à suivre ». Je devrais avoir le droit de lui demander de prouver ou d’expliquer ses allégations dommageables.

j) Au lieu de fournir des dossiers ou de nouveaux renseignements, M. Downey a tenté d’induire la Cour en erreur et de lui faire perdre son temps en présentant des « pièces » de dizaines de captures d’écran déjà contenues dans l’affidavit de documents. Ces captures d’écran appuient en fait la position juridique du demandeur, et non celle des défendeurs, parce qu’elles démontrent la contrefaçon commise par les défendeurs et leurs mandataires.

k) M. Downey n’a produit aucun document en réponse à la question révisée 21 de la Cour, qui indiquait : « Tennis Canada doit déployer des efforts raisonnables pour identifier tout document non produit en sa possession dont elle a le contrôle concernant les communications entre Tennis Canada et d’autres personnes au sujet du blocage de Christopher Johnson sur les médias sociaux à tout moment, et, le cas échéant, les produire sous réserve de revendications d’un privilège. » Je devrais avoir le droit d’obtenir ces renseignements, qui sont essentiels pour démontrer comment les défendeurs ont pris des mesures maladroites pour me mettre effectivement sur la liste noire et m’empêcher de travailler lors de la tournée internationale de tennis et lors d’événements qui appartiennent à Tennis Canada ou qui sont organisés par celle -ci. Le fait que la Cour permette aux défendeurs de dissimuler ces renseignements.

l) Plutôt que de produire les communications entre lui et d’autres partis, y compris Jennifer Bishop, une administratrice de Tennis Canada, qui m’a bloqué sur les médias sociaux, M. Downey a simplement répondu : « Tennis Canada n’est pas en mesure de trouver les documents non produits en sa possession qui sont pertinents quant à cette question. » Je devrais avoir le droit de poser des questions au sujet de la participation de Mme Bishop, une avocate qui était la présidente de Tennis Canada, et donc l’une des plus puissantes personnes responsables des sports canadiens.

m) M. Downey a donné la même réponse évasive à la question révisée 22 de la Cour, qui exige que Tennis Canada déploie des « efforts raisonnables » pour prouver comment le demandeur se serait comporté de « manière inappropriée ou agressive envers le personnel de Tennis Canada à tout moment pertinente ». Cela démontre que Tennis Canada ne peut pas ou ne fournira pas d’élément de preuve à l’appui du faux récit qu’elle utilise depuis plusieurs années pour intimider et harceler le demandeur au lieu de le payer pour son travail. Je devrais donc avoir le droit de lui demander pourquoi elle fabrique un faux récit à mon sujet.

n) Les réponses de M. Downey aux questions révisées 23 et 24 de la Cour contredisent ses allégations antérieures et ses fausses accusations en réponse à la question 20 et à d’autres questions. Au lieu de produire des documents ou des renseignements non produits, M. Downey répète la déclaration formulée par les défendeurs dans leur requête en réponse du 10 août selon laquelle ils n’ont pas fait valoir que je les ai harcelés ou diffamés d’une façon ou d’une autre, ou que j’étais « en guerre » contre Tennis Canada, tout en leur permettant d’utiliser mes photographies gratuitement. Comme l’a écrit M. Downey : « L’avocat m’informe que Tennis Canada n’a pas soulevé de telles allégations dans sa défense ». « Tennis Canada n’est pas en mesure de trouver les documents non produits en sa possession qui sont pertinents quant à cette question. » Par conséquent, étant donné que les défendeurs ne font pas valoir qu’il y a eu du harcèlement ou de la diffamation et qu’ils ne peuvent pas prouver leurs fausses accusations, le demandeur demande respectueusement à la Cour de se demander s’il est juste et équitable de permettre à M. Downey et à M. Hafso de me discréditer afin de ternir ma réputation devant la Cour en toute impunité.

o) Contrairement à sa « réponse » précédente, M. Downey a utilisé de mauvaise foi sa réponse à la question révisée 25 de la Cour pour attaquer le demandeur. « Il y a de nombreux dossiers du demandeur qui discréditent les commentaires au sujet de Tennis Canada et d’autres défendeurs, lesquels ont été produits dans le cadre de la production de documents à la fois de Tennis Canada et du demandeur. Tennis Canada n’est pas en mesure de trouver d’autres documents non produits en sa possession qui sont pertinents quant à cette question. » Étant donné que M. Downey n’a pas, en fait, produit de dossiers « exhaustifs », le demandeur devrait avoir le droit de l’interroger à ce sujet.

p) Au lieu de fournir des éléments de preuve en réponse à la question 40, M. Downey répète : « Tennis Canada n’est pas en mesure de trouver d’autres documents non produits en sa possession qui sont pertinents quant à cette question. » Par conséquent, si Tennis Canada et les défendeurs, conformément à leur requête du 10 août, ne font pas valoir pas qu’il y a eu « diffamation » ou « harcèlement », M. Downey devrait alors m’expliquer oralement pourquoi il me discrédite dans sa réponse à la question 25 et à d’autres questions.

q) En réponse aux questions révisées 26, 28 et 29 de la Cour, M. Downey a simplement répété des versions de sa réponse fréquente selon laquelle « Tennis Canada n’est pas en mesure de trouver de tels documents non produits en sa possession ». En fait, M. Auger -Aliassime a mentionné l’agent de sécurité d’ATP, Bob Campbell, dans son affidavit établi sous serment. De plus, les courriels de l’agent et avocat fiscaliste de M. Auger -Aliassime, Bernard Duchesneau, ont également mentionné son lien avec M. Campbell. De plus, les défendeurs ont déjà porté des accusations contre le demandeur en ce qui concerne Katie Spellman, qui a dit au demandeur qu’il ne pouvait pas photographier les événements de Tennis Canada, et le coordonnateur des médias sociaux de Tennis Canada, Jeff Donaldson, qui aurait publié les photos du demandeur sur les sites Web officiels et les comptes de médias sociaux de Tennis Canada. Les renseignements concernant le lien entre les défendeurs et M. Campbell, Mme Spellman, M. McIntyre, M. Donaldson et M. Levi sont essentiels à l’avancement de l’affaire du demandeur. Je devrais avoir le droit de lui demander plus de renseignements à ce sujet. Je demande également respectueusement à la Cour d’envisager de punir M. Downey pour avoir fourni des réponses non véridiques aux questions révisées dans l’ordonnance de la Cour du 25 août.

r) En réponse à la question révisée 36 de la Cour et à la question 37 du demandeur, M. Downey renvoie simplement aux renseignements et aux documents existants figurant dans son affidavit de documents. De plus, les défendeurs ont allégué le 10 août que la question de la signification était « théorique » parce qu’ils ont vigoureusement défendu la présente action. Je devrais avoir le droit de demander à M. Downey comment ils ont tenté d’échapper à la signification des documents de la Cour fédérale.

s) Enfin, à la fin de ses réponses, M. Downey a étrangement fourni des pièces avec un grand nombre de captures d’écran qui démontrent la contrefaçon commise par des employés, des collaborateurs et des mandataires de Tennis Canada. Ces éléments de preuve étaient déjà devant la Cour et figuraient dans l’affidavit de documents.

[9] En ce qui concerne les paragraphes 16, 26 et 28 des observations écrites en réponse de M. Johnson qui ont été déposées le 6 décembre 2022, ils énoncent ce qui suit :

[traduction]

16. Depuis 2018, les défendeurs et leurs avocats m’ont interdit de communiquer directement avec ces personnes qui ne sont pas parties au litige. Au nom de ses clients, M. Hafso a menacé en 2019 de me faire emprisonner pour « outrage au tribunal » si j’essayais de communiquer avec M. Levi et M. Donaldson. Il a ensuite obtenu une ordonnance de la cour provinciale le 26 juin 2019 m’interdisant de communiquer avec M. Levi, M. Donaldson et d’autres personnes liées à Tennis Canada.

L’ordonnance du juge F.C. Fisher exigeait également que M. Hafso reçoive la signification des documents pertinents et qu’il communique avec ces parties en mon nom. Par conséquent, le 2 novembre 2022, j’ai écrit directement à M. Hafso : « En ce qui concerne la conférence sur la gestion de l’instance, et l’action en justice devant la cour provinciale, j’aimerais vous demander de fournir les coordonnées complètes de Jeff Donaldson et de Natan Levi, puisque je demanderai à la Cour l’autorisation de procéder à leur interrogatoire préalable. » Toutefois, M. Hafso a refusé de le faire. Comme il l’a écrit le 2 novembre : « Je crois que votre demande est prématurée, car aucune autorisation n’a été accordée jusqu’à présent. »

De plus, j’ai essayé de signifier les documents à Bernard Duchesneau, mais il m’a dit de communiquer avec M. Hafso. Par conséquent, le 4 avril, j’ai envoyé à M. Hafso mes questions pour l’interrogatoire écrit de M. Duchesneau. Toutefois, M. Hafso s’y est opposé. Il a affirmé : « Je confirme la réception d’un interrogatoire écrit adressé à une personne qui n’est pas partie au litige, Bernard Duchesneau ». M. Hafso a écrit le 5 avril : « J’écris pour vous informer que la demande est refusée. L’autorisation de la Cour fédérale est requise pour interroger une personne qui n’est pas partie au litige, conformément à l’article 238 des Règles. Je ne suis pas au courant qu’une telle autorisée ait été accordée. »

[...]

26. Les défendeurs, qui dissimulent des renseignements pertinents à la Cour, ont sélectionné les courriels qu’ils préfèrent à partir de centaines d’échanges de courriels depuis 2018 qui n’auraient pas été nécessaires s’ils avaient payé leurs factures en premier lieu. Ils ont pris nos échanges de mars 2022 hors contexte afin de tromper la Cour :

a) Le 29 mars, après avoir reçu leur affidavit de documents, j’ai demandé aux défendeurs de M. Hafso de plus amples renseignements et des documents supplémentaires. J’ai écrit : « Je tiens à souligner que ces documents ne suffisent pas à prouver vos allégations formulées dans la défense. Par conséquent, je demande respectueusement tous les éléments de preuve, renseignements et documents relatifs aux accusations que les défendeurs ont portées contre moi dans leur défense et leur affidavit de documents, y compris les accusations et les allégations formulées par les avocats Alexandra Shelley, David Outerbridge, Blake Hafso, Mark Feigenbaum et Bernard Duchesneau. De bonne foi, je crois avoir le droit de demander les documents de toutes les communications concernant le personnel, les joueurs, les mandataires ou les contributeurs de Tennis Canada (à temps plein, à temps partiel, payés ou non payés) relativement à tout ce qui a trait au demandeur Christopher Johnson. »

b) Dans son ordonnance du 25 août 2022, le juge responsable de la gestion de l’instance a également ordonné aux défendeurs de M. Hafso de répondre à cette question et de produire ces renseignements. Ils ont refusé de le faire.

c) De mauvaise foi, les défendeurs ont choisi de dissimuler des éléments de preuves corroborant leur contrefaçon et leur conduite odieuse envers moi. Le 29 mars, M. Hafso a écrit : « À la lumière de ce qui précède, nous ne fournirons aucun document ou renseignement en réponse à vos courriels du 29 mars 2022 pour le moment. » M. Hafso a ajouté : « Je donne également avis que nous pouvons demander un rejet sommaire ou une autre décision sommaire similaire. » Cela étaye le soupçon voulant que les défendeurs n’avaient pas l’intention réelle de répondre aux questions de façon sincère et de fournir tous les documents pertinents dans les délais.

d) Le 30 mars, j’ai répondu : « Veuillez également citer les règles sur lesquelles vous vous fondez pour refuser ou rejeter mes demandes respectueuses de renseignements plus précis concernant vos affirmations et vos allégations formulées dans votre défense. » J’ai ensuite cité les articles 234, 236, 240, 242 et 243 des Règles.

e) Au lieu d’agir de bonne foi, les défendeurs de M. Hafso ont pris des mesures exhaustives pour dissimuler des renseignements pertinents. Ils ont également refusé pendant plusieurs mois de répondre à mes questions d’interrogatoire écrit déposées le 30 mars et le 18 avril. M. Shapovalov a refusé pendant plus de 75 jours de répondre à mes questions qui sont fondées sur les questions qu’il m’a posées, auxquelles j’ai répondu.

[...]

28. Je n’avais pas « pleinement conscience » de tous les jeux que les défendeurs et leurs avocats joueraient pour ridiculiser le processus d’interrogatoire préalable. De bonne foi, j’espérais que les défendeurs répondraient à mes questions écrites de façon sincère dans le délai de 30 jours. Ils ne l’ont pas fait.

[10] Dans ses observations écrites dans le cadre de la présente requête, M. Johnson réitère les arguments qu’il avait déjà présentés dans le cadre de ses requêtes antérieures, y compris que les défendeurs ont refusé de le payer malgré leur violation de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C -42, qu’ils ont refusé de répondre à ses questions écrites d’interrogatoire préalable, qu’ils ont retardé l’instance, faisant ainsi gonfler les coûts, et qu’ils ont dissimulé des renseignements.

[11] Les observations écrites de M. Johnson passent ensuite à l’adoption, paragraphe par paragraphe, de la décision et de l’ordonnance du 11 janvier 2023 par la juge adjointe, déclarant que la juge adjointe l’a puni pour s’être conformé à ses ordonnances antérieures et a récompensé les défendeurs pour ne pas avoir répondu de façon sincère aux questions qui leur avaient été posées lors d’un interrogatoire écrit.

[12] M. Johnson soutient que la juge adjointe ne l’a pas informé qu’il pouvait déposer une requête en vertu de l’alinéa 97b) des Règles pour contraindre les défendeurs à répondre, ou qu’il pouvait interjeter appel d’une ordonnance antérieure datée du 25 août 2022, ce qui a entraîné la radiation de plusieurs de ses questions pour manque de pertinence. En fait, M. Johnson soutient que la juge adjointe a interdit aux parties de présenter toute requête sans avoir d’abord demandé une gestion de l’instance pour demander son autorisation. M. Johnson soutient également que la juge adjointe lui a donné comme directive de demander l’autorisation de procéder à d’autres interrogatoires, mais que son ordonnance du 11 janvier 2023 a rejeté cette demande. Essentiellement, M. Johnson soutient qu’on lui permet un processus d’interrogatoire préalable approprié et que l’ordonnance de la juge adjointe, ainsi que les ordonnances antérieures, a ignoré les règles et mal apprécié les faits.

[13] M. Johnson soutient ensuite que les défendeurs ne se sont pas conformés aux ordonnances de la juge adjointe, y compris les délais pour répondre à l’interrogatoire écrit, et qu’ils auraient donc dû être sanctionnés par la Cour.

[14] Enfin, M. Johnson soutient qu’il devrait être autorisé à interroger les personnes qui ne sont pas parties au litige parce que les défendeurs et leurs avocats lui ont interdit de communiquer avec elles, tout comme une ordonnance de la cour provinciale du 26 juin 2019.

B. Il n’y a aucune erreur de droit ni aucune erreur de fait manifeste et dominante

[15] La présente requête est un exemple des conséquences malheureuses qui peuvent se produire lorsque des personnes se représentent elles -mêmes. Il ne fait aucun doute que le litige est complexe et qu’il n’est pas toujours possible de retenir les services d’un avocat. Bien que la Cour doive accorder une certaine latitude aux parties qui se représentent elles -mêmes pour régler le déséquilibre possible entre les parties, et peut -être, dans la mesure du possible, appliquer les Règles de façon souple, les parties qui se représentent elles -mêmes doivent néanmoins se conformer aux Règles.

[16] J’ai examiné les observations écrites de M. Johnson, et j’ai particulièrement tenu compte des paragraphes précis qu’il a mentionnés (et qui sont cités ci -dessus). Pour les motifs qui suivent, les paragraphes et les observations écrites supplémentaires déposées par M. Johnson dans le cadre de la présente requête présentée en vertu de l’article 51 des Règles visant à interjeter appel de l’ordonnance de la juge adjointe ne démontrent pas que la juge adjointe a commis une erreur de droit ou une erreur de fait manifeste et dominante en exerçant son pouvoir discrétionnaire pour rejeter la requête du demandeur.

(1) La demande d’interrogatoires oraux

[17] M. Johnson a demandé l’autorisation de procéder à des interrogatoires oraux des défendeurs Félix Auger -Aliassime et du président -directeur général (PDG) et président de Tennis Canada, Michael Downey. Pour être clair, M. Johnson n’a pas déposé de requête ni demandé, à titre subsidiaire, une réparation en vertu de l’alinéa 97b) des Règles pour contraindre les défendeurs à répondre aux questions à l’égard desquelles une objection a été jugée injustifiée ou auxquelles il a été mal répondu, ou pour contraindre les défendeurs à répondre à des questions supplémentaires qui découlent des réponses fournies.

[18] La question à l’origine la présente requête est que la demande de M. Johnson n’était pas conforme à plusieurs articles des Règles. Tout d’abord, selon les articles 88 et 234 des Règles, une partie doit être autorisée à procéder à un interrogatoire préalable oral ou écrit. L’article 234 des Règles prévoit explicitement que, si une partie a l’intention de procéder aux deux types d’interrogatoires préalables, le consentement de la personne interrogée est requis, ou l’autorisation de la Cour doit être obtenue. L’article 235 des Règles prévoit également qu’une partie ne peut faire l’objet d’un interrogatoire préalable qu’une seule fois [non souligné dans l’original].

[19] En l’espèce, M. Johnson a décidé de procéder à un interrogatoire écrit pour des raisons stratégiques ou d’autres raisons. Le choix de M. Johnson de procéder de cette façon a entraîné les conséquences suivantes : a) il ne pouvait pas interroger oralement la partie adverse sans le consentement ou l’autorisation de la Cour; b) sa décision de procéder à un interrogatoire écrit était sa seule occasion d’interroger la partie adverse (à moins qu’il n’en obtienne l’autorisation contraire).

[20] Bien sûr, si la tentative de M. Johnson d’obtenir des renseignements pertinents dans le cadre d’un interrogatoire écrit était impossible en raison des objections des défendeurs aux questions, ou en raison du défaut de répondre adéquatement aux questions pertinentes, M. Johnson disposait d’un recours en vertu de l’article 97 des Règles. Cet article prévoit que la Cour peut ordonner à la partie adverse de se soumettre à un autre interrogatoire (alinéa 97a) des Règles), de répondre à une question qui a fait l’objet d’une objection ou qui n’a pas reçu de réponse appropriée (alinéa 97b) des Règles), ou de répondre à des questions supplémentaires qui découlent des réponses fournies (alinéa 97b) des Règles). Bien que M. Johnson ait déposé une requête en vertu de l’article 97 des Règles de façon générale, il n’a pas demandé ce recours précis ni fourni d’éléments de preuve qui auraient permis à la juge adjointe de trancher en sa faveur.

[21] Dans sa décision rejetant la demande de M. Johnson, la juge adjointe a expliqué que, dès le départ, les défendeurs l’ont informé qu’ils ne consentaient pas à un interrogatoire écrit et à un interrogatoire oral.

[22] Après que le demandeur ait choisi de procéder à un interrogatoire écrit, les défendeurs ont déposé une requête en radiation de bon nombre des questions de M. Johnson. Dans deux ordonnances datées du 25 août 2022, la juge adjointe a radié plusieurs questions et en a reformulé plusieurs autres. M. Johnson n’a pas interjeté appel des ordonnances du 25 août 2022 en vertu de l’article 51 des Règles.

[23] Après les ordonnances du 25 août 2022, les défendeurs ont fourni leurs réponses aux autres questions.

[24] Insatisfait des réponses, M. Johnson a déposé une requête pour procéder à des interrogatoires oraux. Étant donné que le dossier est assujetti à une gestion de l’instance, la juge adjointe a refusé le dépôt de la requête avant la tenue d’une conférence de gestion de l’instance. Après la conférence de gestion de l’instance, M. Johnson a été autorisé à déposer sa requête pour procéder à des interrogatoires oraux, mais il a également demandé deux autres réparations : a) que la Cour sanctionne certains défendeurs; b) que la Cour autorise l’interrogatoire de personnes qui ne sont pas parties au litige. C’est la requête sur laquelle la juge adjointe s’est prononcée le 11 janvier 2023.

[25] Au cours de la même conférence de gestion de l’instance, les défendeurs ont été autorisés à déposer une requête en jugement sommaire. Le dépôt de cette requête a suspendu le calendrier établi par la Cour pour les étapes suivantes du litige, y compris le délai dans lequel les défendeurs doivent déposer leurs réponses à l’interrogatoire écrit.

[26] Une ordonnance rendue en vertu des articles 97, 234 et 235 des Règles – qui autorise une personne à se soumettre à un autre interrogatoire –, ordonnant à une personne de se soumettre à un interrogatoire oral ou ordonnant à une personne de répondre à des questions écrites supplémentaires, n’est ni automatique ni facile à obtenir (Nautical Data International, Inc c Navionics, Inc, 2017 CF 756 (CanLII) au para 24). La partie qui demande la réparation doit démontrer que les questions sont pertinentes et que les réponses sont nécessaires aux fins de l’instance, en ce sens que la question prouve ou infirme une allégation de fait formulée dans la déclaration du demandeur (Levi Strauss & Co c Lois Canada Inc (1987), 16 CPR (3d) 287 (CF 1re inst); Poly Foam Products Ltd c Indusfoam Canada Inc (1986), 6 FTR 201 (CF 1re inst)).

[27] Devant la juge adjointe, la justification de M. Johnson pour demander un interrogatoire oral était qu’il avait droit à un processus d’interrogatoire préalable approprié et qu’il serait par ailleurs injuste de le lui refuser; et que la Cour a radié presque toutes ses questions.

[28] Au paragraphe 38 de ses observations écrites dans la présente requête en appel de l’ordonnance de la juge adjointe datée du 11 janvier 2023, M. Johnson soutient qu’il n’a pas demandé des interrogatoires préalables oraux parce que les questions ont été radiées, mais [traduction] « parce que les défendeurs n’ont pas répondu de façon sincère à [ses] questions écrites non radiées, ainsi qu’aux questions reformulées par la Cour ».

[29] Dans sa décision du 11 janvier 2023, la juge adjointe a statué, au paragraphe 9, que le demandeur [traduction] « n’avait présenté aucun fondement qui justifierait que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire et autorise un interrogatoire préalable oral. Bien qu’il ait attesté qu’un interrogatoire préalable supplémentaire est nécessaire pour assurer un procès équitable, il ne mentionne aucune question ou lacune particulière dans les réponses fournies par les deux défendeurs qui justifierait un autre interrogatoire préalable ».

[30] M. Johnson a relevé, dans plusieurs paragraphes de ses observations écrites (et qui sont cités ci -dessus), des questions précises auxquelles, à son avis, les défendeurs n’ont pas répondu de façon sincère ou qui étaient lacunaires. Toutefois, comme en a conclu la juge adjointe, ces paragraphes ne constituent pas des éléments de preuve voulant que les défendeurs [traduction] « dissimulent des renseignements » ou [traduction] « dissimulent la vérité », comme M. Johnson l’affirme, et ne démontrent pas que les réponses justifient un interrogatoire oral comme demandé. En fait, les réponses démontrent peut -être que les défendeurs ont fait des déclarations contradictoires ou incohérentes. De plus, ils représentent les éléments de preuve sur lesquels les défendeurs ont l’intention de s’appuyer lors de l’instruction. Toutefois, les questions et les réponses mentionnées par le demandeur dans ces paragraphes ne démontrent pas que l’ordonnance obligeant les défendeurs à se soumettre à un interrogatoire oral est nécessaire.

[31] Plus important encore, ces paragraphes ne démontrent pas que la juge adjointe a commis une erreur ou a commis une erreur manifeste et dominante en exerçant son pouvoir discrétionnaire et en n’accueillant pas la demande de M. Johnson ou en n’autorisant pas l’interrogatoire préalable oral.

[32] La présente requête pourrait être le résultat d’une mauvaise compréhension des règles d’interrogatoire préalable, ainsi que des attentes de M. Johnson à cet égard. Contrairement à ce que M. Johnson semble croire, les interrogatoires préalables ne visent pas à établir la [traduction] « vérité » ou à [traduction] « dissiper ce mystère », mais plutôt « de favoriser l’équité et l’efficacité de l’instruction en permettant à chacune des parties de se renseigner pleinement, avant l’instruction, sur la nature exacte des positions de toutes les autres parties, de façon à pouvoir définir avec précision les questions qui se posent » (Canada c Lehigh Cement Limited, 2011 CAF 12 au para 30). Par conséquent, le fait que M. Johnson croit que les défendeurs n’ont pas répondu de façon sincère et ont fourni des déclarations incohérentes n’est pas un motif justifiant la tenue d’un interrogatoire préalable oral. Il s’agit plutôt d’éléments de preuve sur lesquels le demandeur peut se fonder pour contre -interroger les défendeurs à l’instruction afin de miner leur crédibilité.

[33] La juge adjointe a conclu au paragraphe 9 que M. Johnson n’avait tout simplement pas fourni de fondement raisonnable qui justifierait que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire et autorise un interrogatoire préalable oral. En fin de compte, la juge adjointe a statué que :

[traduction]

[12] Je ne suis pas convaincue que l’intérêt de la justice penche en faveur de l’autorisation d’un interrogatoire oral. Le demandeur a choisi de procéder à un interrogatoire préalable écrit en sachant que les défendeurs s’opposeraient probablement à un interrogatoire préalable oral. C’était son choix et il a procédé en étant pleinement conscient des conséquences. De plus, bien que le demandeur se représente lui -même, les éléments de preuve présentés dans le cadre de la présente requête démontrent clairement qu’il a bénéficié des conseils d’un avocat.

[13] En tant que juge responsable de la gestion de l’instance, je dois également tenir compte du principe de proportionnalité du litige. Le demandeur a procédé à l’interrogatoire préalable des deux défendeurs. Bon nombre de ses questions ont été radiées au motif qu’elles étaient inappropriées ou non pertinentes. Aucun appel n’a été interjeté et aucune réparation n’a été demandée en vertu de l’article 97 des Règles. Le principe de proportionnalité est en contradiction avec la tenue d’un autre interrogatoire préalable et je rejette la requête du demandeur pour procéder à un interrogatoire préalable oral.

[34] Après avoir examiné les arguments de M. Johnson dans le cadre de la présente requête, ainsi que les arguments dont était saisie la juge adjointe, je ne peux pas conclure qu’une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante a été commise par la juge adjointe dans son examen des questions juridiques et factuelles. Elle a correctement appliqué les principes pertinents, y compris l’intérêt de la justice et le principe de proportionnalité, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[35] Si M. Johnson a des questions pertinentes à poser aux défendeurs qui découlent des réponses de ces derniers à l’interrogatoire écrit, y compris ce qui concerne le fait que les défendeurs ont indûment refusé tout engagement de divulguer et de fournir des documents supplémentaires, le recours dont dispose M. Johnson n’est pas un interrogatoire oral en vertu de l’article 234 des Règles. Le recours dont dispose M. Johnson consiste à présenter une requête en vertu de l’alinéa 97b) des Règles et à convaincre la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’accorder une ordonnance obligeant les défendeurs à répondre à des questions auxquelles ils se sont indûment opposés et à répondre à toute question pertinente découlant de leurs réponses. Toutefois, ce n’était pas la demande que M. Johnson a présentée à la juge adjointe et ce n’est pas l’objet de la présente requête.

[36] M. Johnson semble également accuser la juge adjointe d’avoir omis de l’informer qu’il pouvait interjeter appel de son ordonnance du 25 août 2022, qui a radié un grand nombre des questions de son interrogatoire écrit et omis de l’inviter à déposer une requête en vertu de l’article 97 des Règles. Toutefois, ce n’est pas le rôle de la Cour.

(2) La demande de sanction de M. Raonic par la Cour

[37] M. Johnson soutient que M. Raonic devrait être sanctionné pour ne pas avoir répondu à son interrogatoire écrit dans le délai fixé par la Cour.

[38] Toutefois, la juge adjointe a autorisé M. Raonic à déposer une requête en jugement sommaire. Le dépôt de la requête a suspendu le délai antérieur de la Cour pour que M. Raonic réponde à l’interrogatoire écrit de M. Johnson.

[39] La juge adjointe a correctement appliqué les principes juridiques applicables à la suspension des étapes d’une procédure judiciaire lorsqu’un avis de requête est déposé.

[40] De plus, la demande de M. Johnson visait essentiellement à déclarer M. Raonic coupable d’outrage à une ordonnance de la Cour. Il s’agit d’une affaire grave qui exige des éléments de preuve, potentiellement une audience et une preuve hors de tout doute raisonnable, conformément aux articles 466 à 470 des Règles.

[41] En l’espèce, il n’y a tout simplement pas suffisamment d’éléments de preuves pour justifier une telle sanction. M. Johnson s’appuie en partie sur le fait que M. Raonic ne se soit pas soumis à un interrogatoire oral. Toutefois, M. Raonic n’a jamais reçu signification d’une assignation à comparaître en vertu de l’article 91 des Règles et n’a donc pas violé le droit de M. Johnson à un interrogatoire oral.

[42] Je fais remarquer que, dans ses observations écrites, aux paragraphes 88 et 89, M. Johnson soutient qu’il a demandé à la juge adjointe comment ordonner à M. Raonic de se soumettre à un interrogatoire, mais que la juge adjointe ne l’a jamais informé qu’une assignation à comparaître devait être signifiée en vertu de l’article 91 des Règles. Encore une fois, il n’appartient pas à la Cour de conseiller les parties.

[43] Par conséquent, la juge adjointe n’a commis aucune erreur de droit ou erreur de fait manifeste et dominante en refusant de sanctionner M. Raonic.

(3) La demande de sanction de M. Shapovalov

[44] M. Shapovalov a déposé une requête en radiation de certaines des questions écrites de M. Johnson qui lui ont été envoyées dans le cadre de son interrogatoire. La demande de M. Johnson voulant qu’il soit sanctionné pour son défaut de répondre à son interrogatoire écrit est rejetée pour les mêmes motifs que ceux mentionnés à l’égard de M. Raonic. M. Shapovalov n’a pas violé l’ordonnance de la Cour datée du 20 juin 2022, qui a été suspendue au moment du dépôt de la requête en radiation.

[45] La juge adjointe a également examiné les éléments de preuve dont elle était saisie qui donnaient à penser qu’il y avait eu des communications entre M. Johnson et l’avocat de M. Shapovalov sur des questions en suspens, y compris les réponses aux questions sans réponse.

[46] La juge adjointe n’a donc commis aucune erreur de droit ou erreur manifeste et dominante dans son examen des éléments de preuve, en rejetant la demande de M. Johnson que la Cour sanctionne M. Shapovalov.

(4) La demande d’autorisation d’interroger des personnes qui ne sont pas parties au litige

[47] Le paragraphe 238(2) des Règles est clair. Une partie à une action qui souhaite soumettre une personne qui n’est pas partie au litige à un interrogatoire préalable doit signifier personnellement à cette personne l’avis de requête en autorisation de l’interroger. Or, cela n’a pas été fait en l’espèce.

[48] M. Johnson soutient que l’avocat des défendeurs possède les coordonnées complètes des personnes à l’égard desquelles il demande l’autorisation de la Cour de les interroger, mais que l’avocat a refusé de les fournir. Bien que cela puisse être vrai, il n’en demeure pas moins que les personnes qui ne sont pas parties au litige n’ont personnellement reçu signification d’aucune assignation, ce qui est contraire à la disposition énoncée au paragraphe 238(2) des Règles.

[49] Si le demandeur est incapable de signifier aux personnes qui ne sont parties au litige qu’il souhaiterait demander à la Cour l’autorisation de les interroger, il existe un recours en vertu de l’article 136 des Règles, par exemple une signification substitutive ou une dispense de la signification. Toutefois, il faut produire des éléments de preuve appropriés pour permettre à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’ordonner la signification substitutive ou la dispense de signification. En l’espèce, non seulement la demande de signification substitutive ou de dispense de signification n’a jamais été présentée, mais il n’y a aucun élément de preuve concernant une tentative même de signification de la présente requête visant à obtenir l’autorisation d’interroger les personnes qui ne sont pas parties au litige. Par conséquent, la juge adjointe ne pouvait tout simplement pas accueillir la demande de M. Johnson, dans les circonstances où elle a été présentée.

IV. Conclusion

[50] Après avoir examiné toutes les observations et tous les éléments de preuve présentés dans le cadre de la présente requête, je ne peux pas convenir qu’une erreur de droit ou une erreur susceptible de contrôle a été commise par la juge adjointe. La juge adjointe a correctement exposé le droit et n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans son appréciation des faits et du droit. Par conséquent, l’appel est rejeté avec dépens.

[51] Comme il a été mentionné, M. Johnson s’est représenté lui -même, et la Cour ne s’attend pas à ce qu’il connaisse et comprenne tous les articles applicables des Règles, ainsi que le processus de la Cour. Toutefois, et même si la Cour peut faire preuve de souplesse au nom de l’accès à la justice, elle ne peut pas fournir de conseils juridiques aux parties ni exempter les parties de l’application des Règles (Brauer c Canada, 2021 CAF 198 au para 8; Fitzpatrick c District 12 du service régional de la GRC de Codiac, 2019 CF 1040 au para 19).

[52] Comme l’a affirmé le demandeur dans d’autres décisions de la Cour, le demandeur est encouragé à consulter le site Web de la Cour fédérale, qui contient une importante quantité de renseignements sur la façon de se conformer aux procédures de la Cour.


ORDONNANCE dans le dossier T -1686 -21

LA COUR STATUE que :

  1. la requête du demandeur est rejetée, avec dépens.

« Guy Régimbald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T -1686 -21

 

INTITULÉ :

CHRISTOPHER JOHNSON c ASSOCIATION CANADIENNE DE TENNIS, MILOS RAONIC, GENIE BOUCHARD, DENIS SHAPOVALOV et FÉLIX AUGER -ALIASSIME

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE RÉGIMBALD

DATE DES MOTIFS :

LE 5 AVRIL 2023

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Christopher Johnson

LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Blake P. Hafso

POUR LES DÉFENDEURS

(ASSOCIATION CANADIENNE DE TENNIS, DENIS SHAPOVALOV ET FÉLIX AUGER -ALIASSIME)

 

Mark A. Feigenbaum

POUR LE DÉFENDEUR

(MILOS RAONIC)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McLennan Ross LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

(ASSOCIATION CANADIENNE DE TENNIS, DENIS SHAPOVALOV ET FÉLIX AUGER -ALIASSIME)

 

Mark A. Feigenbaum Professional Corporation

Avocat

Thornhill (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

(MILOS RAONIC)

 

 

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