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Date : 20230706


Dossier : T‐1591‐15

Référence : 2023 CF 804

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2023

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

ENERGIZER BRANDS, LLC ET ENERGIZER CANADA INC.

demanderesses

et

THE GILLETTE COMPANY, DURACELL CANADA, INC., DURACELL U.S. OPERATIONS INC. ET PROCTER & GAMBLE INC.

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS

(Version publique caviardée de la version confidentielle du jugement rendu le 7 juin 2023)

Table des matières Page

I. Aperçu 3

II. Contexte factuel 4

III. Témoins experts des parties 13

1) Les experts d’Energizer 13

a) Mme Joanne McNeish, Ph. D. 13

b) M. William A. Adams, Ph. D. 14

c) A. Scott Davidson 14

2) Les experts de Duracell 15

a) Mme Ceren Kolsarici, Ph. D. 15

b) M. Jay Whitacre, Ph. D. 15

c) Andrew C. Harington 16

IV. Témoins de fait des parties 16

1) Les témoins de fait d’Energizer 16

2) Les témoins de fait de Duracell 18

V. Historique des procédures, dont la requête en jugement sommaire présentée par Duracell 20

VI. Questions en litige 24

VII. Analyse 25

Question préliminaire : Les objections d’Energizer à la preuve d’expert 25

1) Mme Kolsarici 25

2) M. Whitacre 30

3) Andrew Harington 32

A. Dépréciation de l’achalandage? 34

1) Principes de droit 35

2) Concepts de marketing 39

3) Analyse 51

a) ENERGIZER et ENERGIZER MAX 51

b) L’expression « la marque du lapin » 57

c) L’expression « l’autre marque concurrente la plus populaire » 63

B. Désignations ou déclarations fausses ou trompeuses? 66

1) L’alinéa 7a) de la LMC – déclaration fausse ou trompeuse 66

2) L’alinéa 7d) de la LMC – désignation fausse sous un rapport essentiel 68

3) Le paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence – indications fausses ou trompeuses sur un point important 68

4) Analyse 74

a) L’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer 74

b) L’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin, l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire 81

C. Activités autorisées par une entente? 93

D. Réparations? 98

VIII. Conclusion 111

IX. Confidentialité 112

X. Dépens 112

Annexe A – Dispositions législatives applicables 115

Annexe B – Résumé de l’analyse comparative faite par M. Whitacre des tests auxquels les piles AA ont été soumises – Tests réalisés par Duracell* 120

 

I. Aperçu

[1] La présente affaire porte sur la publicité comparative. Pour trancher un litige de cette nature, la Cour doit souvent examiner si l’activité contestée a pour effet d’entraîner la dépréciation de l’achalandage et permet au concurrent de profiter de manière déloyale de la réputation du demandeur au moyen d’une déclaration fausse ou trompeuse sur lui ou ses produits, ou si l’activité contestée favorise une saine concurrence qui ne porte pas atteinte aux droits de propriété intellectuelle du demandeur.

[2] J’ai examiné attentivement la preuve documentaire présentée par les parties, les témoignages ainsi que les observations. Comme l’ont souligné les avocats des défenderesses dans leur plaidoirie finale, [traduction] « personne n’a hésité à présenter quoi que ce soit à la Cour ».

[3] Après avoir lu l’imposant dossier présenté à la Cour, je conclus que l’emploi par les défenderesses des marques déposées ENERGIZER et ENERGIZER MAX des demanderesses dans le cadre d’une publicité comparative affichée sur des étiquettes ou des autocollants apposés sur l’emballage des produits visés par les enregistrements contrevient à l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‐13 [la LMC]. Par conséquent, j’accueillerai l’action en partie selon les modalités décrites ci‐après.

[4] Autrement, je conclus que, dans les circonstances de l’espèce, les autres publicités comparatives des défenderesses ne sont pas susceptibles d’entraîner la dépréciation de l’achalandage, et qu’aucune publicité en cause en l’espèce ne comporte de déclarations fausses ou trompeuses contraires à la LMC et à la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C‐34. Par conséquent, je rejetterai le reste de l’action.

II. Contexte factuel

[5] Les demanderesses [Energizer] et les défenderesses [Duracell] sont propriétaires des principales marques de piles au Canada et sont les plus grandes concurrentes l’une de l’autre. Ensemble, elles représentent plus des deux tiers du marché des piles à usage domestique au Canada. Duracell détient la plus grande part de marché, suivie par Energizer.

[6] Energizer est propriétaire des marques de commerce canadiennes déposées suivantes :

Marque de commerce

Enregistrement

Numéro et date

Produits

ENERGIZER

LMC157162

7 juin 1968

Piles sèches électriques à utiliser dans des appareils électroniques, auditifs, lumineux et horlogers pour faire fonctionner les petits moteurs électriques

ENERGIZER

LMC740338

19 mai 2009

Piles à usage général

ENERGIZER MAX

LMC580557

2 mai 2003

Batteries

RABBIT & DESIGN

(LAPIN et Dessin)

LMC399312

19 juin 1992

Batteries

ENERGIZER BUNNY & Design

(LAPIN ENERGIZER et Dessin)

LMC943350

14 juillet 2016

Piles et batteries à usage général; chargeurs de piles et de batteries à usage général

[les marques de commerce d’Energizer]

[7] Le lapin Energizer est une mascotte emblématique. Il s’agit d’une marque de commerce bien connue, voire célèbre.

[8] Energizer Brands, LLC et, antérieurement, Eveready Battery Company, Inc., ont octroyé une licence à Energizer Canada Inc. l’autorisant à employer les marques de commerce d’Energizer au Canada, notamment de 2014 à 2017.

[9] Duracell est propriétaire de la marque canadienne déposée DURACELL, enregistrée le 22 septembre 1967 sous le numéro LMC153333, en liaison avec des piles électriques et des piles à combustible.

[10] Depuis 2010, Energizer et Duracell, y compris leurs prédécesseurs respectifs, fournissent des piles AA et des piles pour appareils auditifs de format 10, 13 et 312 à des magasins de vente au détail comme Walmart, Costco et Pharmaprix.

[11] Energizer se plaint des déclarations suivantes figurant sur des autocollants que les défenderesses ont apposés sur l’emballage de certaines piles DURACELL vendues au Canada [la campagne d’autocollants]; des exemples représentatifs des autocollants sont également reproduits ci‐après, ainsi que des exemples représentatifs des emballages sur lesquels les autocollants ont été apposés :

a) 15 % PLUS DURABLES vs les piles Energizer de format 10, 13 et 312.

15% LONGER LASTING vs. Energizer on size 10, 13, 312.

[l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer]

b) Durent jusqu’à 20 % PLUS LONGTEMPS vs les piles 10, 13 et 312 de la marque du lapin.

Up To 20% LONGER LASTING vs. the bunny brand on sizes 10, 13 & 312.

[l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin]

c) UP TO 15% LONGER LASTING vs. ENERGIZER MAX*

*AA size. Results vary by device and usage patterns (en anglais seulement)

[TRADUCTION]

DURENT JUSQU’À 15 % PLUS LONGTEMPS vs LES PILES AA ENERGIZER MAX*

*Les résultats varient selon le type d’appareil et la fréquence d’utilisation.

[l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX]

d) durent jusqu’à 15% plus longtemps que les piles de l’autre marque concurrente la plus populaire*

*L’autre pile alcaline AA la plus populaire selon les données sur les ventes de Nielsen. Les résultats varient selon le type d’appareil et la fréquence d’utilisation.

up to 15% longer lasting vs. the next leading competitive brand*

*Next leading alkaline based on Nielsen sales data. AA size. Results vary by device and usage patterns.

[l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire]

[collectivement, les autocollants en cause]

[12] La photo suivante illustre un présentoir typique de piles en magasin, qui comprend des piles DURACELL et des piles ENERGIZER :

[13] Dans la rangée supérieure de piles sur la photo ci‐dessus, le troisième emballage DURACELL en partant de la gauche semble porter l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin.

[14] Dans certains magasins, les piles ENERGIZER et les piles DURACELL ont chacune leur présentoir. Les photos suivantes illustrent ce type de présentoir :

[15] De plus, certains magasins ne vendent que des piles DURACELL, tandis que d’autres ne vendent que des piles ENERGIZER.

[16] Duracell admet avoir vendu des piles DURACELL au Canada dont l’emballage comportait des étiquettes ou des autocollants contenant notamment les expressions « la marque du lapin » ou « l’autre marque concurrente la plus populaire ». Aucun des emballages, autocollants ou présentoirs de point de vente de Duracell ne comporte à la fois les expressions « la marque du lapin » et « l’autre marque concurrente la plus populaire » (ou leurs équivalents anglais).

[17] La preuve démontre que Duracell a apposé les autocollants en cause sur les emballages de piles alcalines AA, contenant 6, 8, 10, 16, 20 ou 24 piles, et de piles pour appareils auditifs de format 10, 13 ou 312, contenant 8, 12 ou 24 piles [collectivement, les piles AA en cause, les piles pour appareils auditifs en cause, les piles en cause ou les emballages en cause, selon le cas], au cours de la période approximative allant d’août 2014 à août 2017, avec des dates de début et de fin différentes en fonction de l’autocollant.

III. Témoins experts des parties

[18] Les parties ont présenté une preuve d’expert, sous forme de rapports et de témoignages, conformément aux articles 52.1, 52.2 et 52.4 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106 [les RCF]. L’expertise pour laquelle ils ont été habilités à témoigner au procès est brièvement résumée dans les paragraphes qui suivent.

[19] Voir les dispositions législatives applicables à l’annexe A des présents motifs.

1) Les experts d’Energizer

[20] Les demanderesses s’appuient sur la preuve des experts suivants : a) Mme Joanne E. McNeish, Ph.D.; b) M. William A. Adams, Ph. D.; c) A. Scott Davidson, y compris sa preuve d’expert déposée en réponse.

a) Mme Joanne McNeish, Ph. D.

[21] Mme McNeish est professeure agrégée en marketing à l’École de gestion Ted Rogers de l’Université Ryerson (ancienne désignation). Elle a été reconnue à titre d’experte dans les domaines du marketing et de la recherche en marketing, de la stratégie de marque et du capital‐marque, du comportement, de la perception et de la prise de décision des consommateurs, ainsi que de la réaction des consommateurs envers les emballages de papier et de l’impact des activités de commercialisation. Mme McNeish a témoigné au sujet de l’incidence des autocollants en cause sur les décisions d’achat, le capital‐marque et la fidélité des consommateurs, ainsi que sur l’achalandage attaché à la marque d’Energizer.

b) M. William A. Adams, Ph. D.

[22] M. Adams, physico‐chimiste titulaire d’un doctorat en chimie physique, travaille dans le domaine des piles depuis 1977. Il a été reconnu à titre d’expert dans le domaine de l’électrochimie et dans la conception, le développement, la recherche et la mise à l’essai de piles, y compris les essais comparatifs de piles et la technologie des piles dans diverses applications, notamment l’analyse des données relatives aux mises à l’essai de piles. Il a témoigné au sujet des tests effectués sur les piles en cause dans le contexte des déclarations figurant sur les autocollants en cause.

c) A. Scott Davidson

[23] M. Davidson est comptable professionnel agréé et expert en évaluation d’entreprise auprès de Kroll Canada Limited. Il a été reconnu à titre d’expert en comptabilité, en évaluation d’entreprise et en quantification des pertes et préjudices financiers, y compris en évaluation des pertes et en comptabilisation des profits dans les litiges commerciaux et en matière de propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne les marques de commerce. M. Davidson a témoigné au sujet des profits de Duracell, des dommages subis par Energizer ainsi que d’autres chiffres liés à l’emploi par Duracell des autocollants en cause. Son témoignage était basé sur son rapport initial et sur un rapport qu’il a rédigé en réponse au rapport d’expert initial de M. Harington.

2) Les experts de Duracell

[24] Les défenderesses s’appuient sur la preuve des experts suivants : a) Mme Ceren Kolsarici, Ph. D.; b) M. Jay F. Whitacre, Ph. D.; c) Andrew C. Harington, y compris son rapport présenté en réplique.

a) Mme Ceren Kolsarici, Ph. D.

[25] Mme Kolsarici est directrice du Scotiabank Centre for Customer Analytics et professeure agrégée en marketing et analytique à l’Université Queen’s. Elle a été reconnue à titre d’experte en marketing et en publicité, y compris en comportement des consommateurs et en analyse du marketing. La preuve d’expert de Mme Kolsarici a été produite pour répondre à la façon dont Mme McNeish a abordé le contexte de l’expérience et de la prise de décision du consommateur lorsqu’il achète des piles dans un commerce de vente au détail, et pour offrir un autre point de vue à cet égard.

b) M. Jay Whitacre, Ph. D.

[26] M. Whitacre est directeur de l’Institut de l’innovation énergétique Wilton E. Scott de l’Université Carnegie Mellon de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Il possède une maîtrise et un doctorat en génie des matériaux de l’Université du Michigan. Il a été chercheur postdoctoral à l’Institut de technologie de la Californie et a travaillé au laboratoire de recherche sur la propulsion et à la NASA. M. Whitacre a été reconnu à titre d’expert dans la conception et la construction de piles, ainsi que dans la mise à l’essai et le rendement des piles, y compris le rendement comparatif. Sa preuve a été déposée en réponse à la preuve de M. Adams.

c) Andrew C. Harington

[27] M. Harington est comptable agréé, expert en évaluation d’entreprise et analyste financier agréé auprès de The Brattle Group. Il a été reconnu pour son expertise en juricomptabilité, en évaluation d’entreprise et en quantification des dommages et des pertes de profit dans les litiges commerciaux et en matière de propriété intellectuelle. Le témoignage de M. Harington était basé sur son rapport initial et sur un rapport qu’il avait rédigé en réplique au rapport d’expert présenté en réponse par M. Davidson.

IV. Témoins de fait des parties

[28] Les paragraphes qui suivent présentent les témoins de fait des parties et offrent un survol de la preuve qu’ils ont fournie.

1) Les témoins de fait d’Energizer

[29] Jeffrey Roth est le chef de la catégorie mondiale de la division des piles chez Energizer. Il a témoigné au sujet des questions suivantes : a) la structure de l’entreprise et les licences de marque d’Energizer; b) la concurrence sur le marché des piles à usage domestique; c) l’emploi des marques Energizer au Canada, y compris la promotion et la publicité.

[30] Joshua Showers est le directeur mondial de la qualité et du développement des fournisseurs auprès d’Energizer Holdings. Il a témoigné au sujet de la construction des piles Energizer vendues au Canada sous le nom de piles AA Energizer Max, et au sujet des tests effectués par Energizer sur les piles conformément aux normes ANSI et CEI. (Il s’agit des normes établies respectivement par le comité des normes nationales américaines de l’American National Standards Institute et par le comité technique de la Commission électrochimique internationale.)

[31] Daniel Durbin est directeur de la recherche et du développement des piles chez Energizer. Il a témoigné au sujet des tests effectués par Energizer sur des piles pour fournir un soutien technique aux entreprises clientes, aux partenaires de vente au détail et aux concepteurs d’appareils, au sujet des résumés des tests qui se chevauchent, et au sujet des méthodes et seuils statistiques permettant de justifier les allégations relatives aux produits.

[32] Avec l’autorisation de la Cour à l’audience, David Colin Decker, candidat au doctorat au département des sciences statistiques de l’Université de Toronto, a témoigné au sujet des ensembles de données fusionnées compilées à partir des tests effectués par Duracell sur les piles AA et les piles pour appareils auditifs sur lesquels se sont appuyés MM. Adams et Whitacre, et des histogrammes qu’il a préparés en utilisant les données relatives aux tests de Duracell.

[33] Ryan Sedlak, vice‐président, Partenariat d’affaires en finance mondiale chez Energizer Holdings, a témoigné au sujet des documents financiers d’Energizer ainsi que des renseignements connexes portant sur la manière dont Energizer comptabilise les ventes et les coûts.

[34] Kelley Vacca, directrice principale de la division des renseignements commerciaux mondiaux chez Energizer Holdings, a témoigné au sujet des données de la firme Nielsen et d’autres organisations spécialisées dans la compilation de données de marché. Elle a expliqué que les données de la firme Nielsen représentaient une estimation du marché basée sur les données des caisses des détaillants, auxquelles Nielsen apportait des ajustements pour tenir compte des détaillants qui ne fournissent pas de données, afin d’arriver à des prédictions sur l’ensemble du marché.

[35] Kim Ly et Marta Wysokinski ont témoigné sous forme d’affidavits qui ont été considérés comme ayant été lus, avec l’accord de la Cour et des parties. Leur témoignage a confirmé que les emballages de piles pour appareils auditifs Duracell portant la mention « vs [...] la marque du lapin » étaient toujours en vente chez les détaillants au Canada en juillet 2017, et même aussi récemment qu’en janvier 2020.

2) Les témoins de fait de Duracell

[36] Cecile Lach Hui est directrice à la division du financement des entreprises chez Procter & Gamble Canada Inc. [P&G]. Depuis son arrivée chez P&G en 1992, elle a occupé divers postes. P&G était propriétaire de Duracell avant que Berkshire Hathaway rachète l’entreprise en 2016. Mme Lach Hui a témoigné au sujet des documents comptables de Duracell jusqu’en février 2016 et a déclaré que le volume des ventes de Duracell était comptabilisé en nombre d’emballages, en nombre de piles ou en nombre de présentoirs ou de caisses.

[37] Aric Tai est le directeur financier principal de Duracell U.S. Operations Inc. depuis juillet 2020. Il a témoigné au sujet des documents comptables de Duracell postérieurs à mars 2016 et a déclaré que le volume des ventes de Duracell était comptabilisé en nombre d’emballages, en nombre de piles ou en nombre de présentoirs. Il a également déclaré que différents détaillants peuvent passer une commande par emballage ou par caisse, mais qu’il n’y avait pas de règle selon laquelle les clients utilisaient une mesure précise; tout dépendait de la manière dont Duracell configurait chaque code de marque.

[38] Ramon Velutini est directeur marketing mondial de Duracell U.S. Operations Inc. et président de Duracell pour l’Amérique latine. Il a été directeur principal de la marque Duracell en Amérique du Nord de 2014 à 2016. Il a témoigné au sujet de la campagne de marketing de Duracell concernant les autocollants en cause.

[39] Raymond Iveson est vice‐président principal et chercheur principal en recherche et développement chez Duracell U.S. Operations. Il s’est joint à Duracell en 2014 et a obtenu le poste qu’il occupe actuellement en décembre 2021. Il a témoigné au sujet des tests effectués à l’interne sur les piles.

[40] Bradley (ou Brad) Elliott est directeur de l’assurance‐qualité à la division de l’élaboration de l’emballage chez Duracell U.S. Operations, poste qu’il occupe depuis 2020. Il travaille pour cette entreprise depuis 1984. Il a témoigné sur la façon dont Duracell fait le suivi des colis, dont ceux expédiés au Canada.

[41] Au cours du procès, la Cour a permis à Andrew Harington de fournir des éléments de preuve factuels concernant son agrégation de données, ou sa préparation d’un ensemble de données fusionnées, sur lesquelles Mme Kolsarici s’est appuyée dans son analyse fondée sur la méthode des doubles différences, comme il en sera question en détail plus loin dans la section « Analyse », sous le titre « Question préliminaire : Les objections d’Energizer à la preuve d’expert ».

V. Historique des procédures, dont la requête en jugement sommaire présentée par Duracell

[42] La présente section résume l’historique des procédures ayant mené au procès en l’espèce.

[43] Energizer a déposé sa déclaration le 21 septembre 2015. Elle alléguait dans celle‐ci que Duracell employait les marques de commerce d’Energizer sur ses emballages et ses présentoirs aux points de vente d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché aux marques de commerce, en contravention du paragraphe 22(1) de la LMC. Energizer a ensuite déposé une déclaration modifiée le 11 décembre 2015, puis une deuxième déclaration modifiée le 18 octobre 2016. Cette dernière contenait les allégations suivantes : les emballages et le matériel de présentoir en magasin de Duracell contiennent des déclarations fausses ou trompeuses tendant à discréditer les piles d’Energizer, en contravention de l’alinéa 7a) de la LMC; contiennent des déclarations fausses sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde les caractéristiques, la qualité et le rendement des piles d’Energizer, en contravention de l’alinéa 7d) de la LMC; Duracell a donné, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses sur un point important, en contravention du paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence. Energizer a sollicité une restitution des bénéfices pour violation du paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence.

[44] Dans sa défense modifiée, Duracell a nié les allégations d’Energizer et a demandé que l’action soit rejetée avec dépens sur une base avocat‐client.

[45] Le 14 février 2018, Duracell a présenté une requête en jugement sommaire en vue de faire rejeter certaines allégations figurant dans la deuxième déclaration modifiée d’Energizer. Plus précisément, Duracell a cherché à faire rejeter les allégations d’Energizer selon lesquelles elle a employé l’expression « l’autre marque concurrente la plus populaire » et « la marque du lapin » et leurs équivalents anglais sur les étiquettes apposées sur les emballages de ses piles, en contravention des alinéas 7a) et d) et du paragraphe 22(1) de la LMC. Duracell a également cherché à faire rejeter la demande d’Energizer visant à obtenir une restitution des bénéfices au titre du paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence.

[46] Le juge Brown a accueilli en partie la requête en jugement sommaire de Duracell : Energizer Brands, LLC c The Gillette Company, 2018 CF 1003 [Energizer CF 2018]. Il a conclu que l’emploi par Duracell de l’expression « la marque du lapin » sur les emballages de ses piles pouvait contrevenir au paragraphe 22(1) de la LMC, compte tenu de l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 [Veuve Clicquot] rendu par la Cour suprême du Canada, de même qu’aux alinéas 7a) et d) de la LMC. Par conséquent, il n’était pas prêt à « radier » ces allégations.

[47] Le juge Brown avait toutefois un avis différent au sujet de l’emploi par Duracell de l’expression « l’autre marque concurrente la plus populaire », et a effectivement radié les allégations au motif qu’elles contrevenaient aux mêmes dispositions de la LMC.

[48] Ayant conclu qu’Energizer n’avait pas droit à la restitution des bénéfices au titre du paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence, le juge Brown a rejeté la demande au motif qu’en droit, le paragraphe 36(1) de la Loi sur la concurrence a pour effet de limiter les réparations pour violation du paragraphe 52(1) au recouvrement des pertes ou des dommages réels du demandeur.

[49] Energizer a interjeté appel de ce jugement devant la Cour d’appel fédérale. Duracell a interjeté un appel incident à l’encontre de la portion du jugement ayant rejeté sa requête en jugement relativement à l’emploi par Duracell de l’expression « la marque du lapin ».

[50] La Cour d’appel fédérale a annulé le jugement de la Cour fédérale en partie et a rejeté l’appel incident de Duracell : Energizer Brands, LLC c The Gillette Company, 2020 CAF 49 [Energizer CAF 2020] au para 61. En particulier, la Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel interjeté par Energizer à l’encontre de la décision de la Cour fédérale de rejeter ses allégations fondées sur les alinéas 7a) et 7d) et sur le paragraphe 22(1) de la LMC relativement à l’emploi par Duracell de l’expression « l’autre marque concurrente la plus populaire ». Autrement dit, ces allégations ont été rétablies en vue d’un éventuel procès.

[51] En ce qui concerne les questions concernant la LMC, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’avis de requête de Duracell ne soulevait pas la question de savoir si les expressions s’apparentaient suffisamment aux marques de commerce d’Energizer (pour évoquer dans l’esprit des consommateurs le lien nécessaire entre les deux). La Cour fédérale n’aurait pas dû trancher la question, car, ce faisant, elle a privé Energizer de la possibilité de présenter ses arguments sur la question.

[52] En ce qui concerne les questions relatives à la Loi sur la concurrence, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il était justifié pour la Cour fédérale de rejeter la demande de restitution des bénéfices d’Energizer, car le libellé du paragraphe 36(1) est clair et restrictif (se limitant à une indemnisation pour des pertes, des dommages et des coûts). De plus, la question de savoir si le paragraphe 52(1) offre des réparations d’equity est une pure question de droit, qui peut être tranchée de façon satisfaisante sur requête en jugement sommaire. Par conséquent, la question de savoir si Energizer a droit à une restitution des bénéfices au titre du paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence n’est plus en litige.

[53] Les parties ont subséquemment déposé de nouveaux actes de procédure modifiés. Bien que les nouveaux actes de procédure modifiés d’Energizer fassent référence aux [traduction] « emballages et présentoirs aux points de vente de Duracell », je conclus que seuls les autocollants en cause apposés sur les emballages sont en litige en l’espèce. Il ne ressort pas clairement des actes de procédure si l’intention d’Energizer était que les [traduction] « emballages de produits » et les « présentoirs aux points de vente » soient considérés comme des supports différents ou que les deux expressions soient lues de manière interchangeable ou comme des expressions subsidiaires, mais, comme je l’expliquerai plus loin, cette question n’est pas déterminante en l’espèce selon moi.

VI. Questions en litige

[54] Compte tenu de ce qui précède et de l’exposé conjoint des questions en litige des parties, j’estime que les questions principales à trancher à l’instruction de l’action des demanderesses sont les suivantes :

  • C.Les activités contestées des défenderesses sont‐elles autorisées selon les modalités d’une entente conclue avec les demanderesses?

  • À quelles réparations les demanderesses ont‐elles droit, et pour quels montants le cas échéant, si elles établissent les allégations visées par l’une ou l’autre des questions A à C ci‐dessus et si les défenderesses n’établissent pas l’allégation visée par la question C (ou, même si cette allégation est établie, l’entente ne constitue pas une réponse ou une défense complète), y compris une injonction, des dommages‐intérêts ou une restitution des bénéfices, des dommages‐intérêts punitifs ou exemplaires, des intérêts avant jugement et des dépens?

VII. Analyse

[55] À l’instruction, Energizer s’est opposée à la preuve présentée par les experts de Duracell et s’est attardée à ces objections plus en détail dans sa plaidoirie finale. Je me pencherai sur ces objections à titre préliminaire dans la présente analyse.

Question préliminaire : Les objections d’Energizer à la preuve d’expert

1) Mme Kolsarici

[56] Pour les motifs exposés ci‐après, je conclus qu’une partie du rapport d’expert de Mme Kolsarici sera exclue.

[57] Mon analyse de l’objection d’Energizer à la preuve d’expert de Mme Kosarici part du principe que « [l]a preuve qui est par ailleurs logiquement pertinente peut être exclue [...] si sa valeur probante est surpassée par son effet préjudiciable » : R c Mohan, [1994] 2 RCS 9 à la p 21; White Burgess Langille Inman c Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23 au para 19.

[58] Mme Kolsarici a effectué une analyse fondée sur la méthode des doubles différences, laquelle a servi de base à son opinion d’expert au sujet des répercussions de la campagne d’autocollants sur les ventes des piles DURACELL en question. Dans son rapport, elle décrit la méthode des doubles différences comme une méthode quasi‐expérimentale qui se sert de groupes de traitement et de groupes de contrôle pour trouver un contrefactuel qui permettra d’évaluer, au moyen des données longitudinales obtenues, l’effet causal d’une intervention. L’objectif de l’estimation fondée sur la méthode des doubles différences est de contrôler les variables non observées (comme les autres activités de commercialisation des parties ou les conditions du secteur) qui peuvent fausser les estimations de l’effet causal.

[59] De plus, selon Mme Kolsarici, la méthode des doubles différences permet d’évaluer si la différence dans les différences est statistiquement différente de zéro. Une valeur positive statistiquement importante indique que la campagne d’autocollants a provoqué une augmentation importante sur le plan économique des volumes de ventes de piles pour Duracell, tandis que l’inverse signifierait une baisse des ventes pour Duracell.

[60] Au cours de son contre‐interrogatoire au procès, Mme Kolsarici a révélé qu’elle n’avait pas indiqué dans son rapport que son étudiant au doctorat (« Simon ») avait participé à certaines parties de l’analyse des données effectuée dans le cadre de l’analyse fondée sur la méthode des doubles différences. Mme Kolsarici n’avait pas non plus révélé, avant le contre‐interrogatoire, qu’elle avait demandé à Duracell de préparer [traduction] « une version complète et épurée des données », ce qui a fait en sorte qu’elle s’est retrouvée avec deux fichiers de données.

[61] Je suis d’accord avec Duracell pour dire que cette dernière omission a été réglée de manière concluante au cours du procès. Par exemple, je souligne qu’après que cette omission ait été révélée, M. Harington a été appelé à titre de témoin de fait pour déclarer qu’il avait préparé l’ensemble de données fusionnées (comprenant une agglomération des données contenues dans les pièces 70 et 110 à 119 produites par Duracell). Je fais également remarquer que les pièces 110 à 119 de Duracell sont énumérées dans une annexe de l’entente conclue entre les parties concernant la preuve. Plus précisément, les parties ont convenu que les documents énumérés seraient admissibles au procès pour la véracité de leur contenu sans autre preuve. Bien que la pièce 70 de Duracell ne figure pas sur la liste, j’estime néanmoins que le témoignage de M. Harington sur la préparation de l’ensemble de données fusionnées à partir des données qui y sont contenues répond à l’objection au ouï‐dire soulevée par Energizer.

[62] La participation de Simon, toutefois, est une question différente à mon avis. Il ne s’agit pas d’un cas où Mme Kolsarici a reconnu que Simon était l’auteur de déclarations ou de travaux, comme dans l’arrêt Bande Indienne Coldwater c Canada (Procureur général), 2019 CAF 292 aux paragraphes 43 et 44. Au contraire, elle ne fait aucunement mention de lui dans son rapport d’expert. Je compare cette omission à la déclaration contenue dans le rapport d’expert de M. Harington, par exemple, selon laquelle il a préparé le rapport avec l’aide d’autres professionnels sous sa direction et sa supervision, et à celle de M. Whitacre dans son rapport d’expert selon laquelle il a donné des instructions à l’avocat et l’a supervisé dans l’exécution de nombreux calculs (concernant le rendement des piles) et a ensuite examiné les calculs pour en confirmer l’exactitude.

[63] Mme Kolsarici a expliqué en contre‐interrogatoire que Simon et elle avaient effectué le même exercice séparément, mais qu’ils étaient parvenus aux mêmes résultats. Toutefois, elle a également admis qu’ils utilisaient individuellement des ensembles de données différents à différentes étapes de l’analyse et, en outre, que l’ensemble de données fourni à Energizer aurait pu provenir de l’un ou l’autre.

[64] Mme Kolsarici a également déclaré que seul Simon avait préparé les fichiers CSV qui ont alimenté le programme informatique « R », comme étape finale, pour effectuer l’analyse de régression. Mme Kolsarici affirme qu’elle n’a préparé aucun de ces fichiers parce que l’exercice consistait simplement à diviser les mêmes données en quatre et que cette partie de l’analyse n’était pas complexe. Qu’elles soient complexes ou non, ces étapes représentent à mon sens une partie importante de la méthode utilisée par Mme Kolsarici et des tests sur lesquels elle s’est appuyée pour préparer son opinion.

[65] Contrairement à la position de Duracell sur cette question, j’estime que la participation de Simon à l’analyse des données ne se limitait pas à celle d’un simple « employé de soutien » ou « technicien » et que, par conséquent, elle aurait dû être divulguée à Energizer. Le fait que Simon n’a pas trouvé d’erreurs dans les travaux de Mme Kolsarici qui auraient modifié son analyse, comme elle l’a déclaré, n’est pas pertinent à mon avis, car, à tout le moins, elle s’est appuyée sur les travaux de Simon pour vérifier ses propres travaux, si bien que, comme elle l’a admis en contre‐interrogatoire, ce sont les résultats de l’un ou de l’autre qui ont été communiqués à Energizer. Dans ces circonstances, je déduis que Mme Kolsarici a jugé utile de demander à Simon d’effectuer la double vérification, plutôt que de vérifier elle‐même ses travaux. De plus, aucune explication n’a été donnée sur la façon dont Mme Kolsarici et Simon sont arrivés au même résultat en utilisant des ensembles de données différents à diverses étapes de l’analyse.

[66] Je suis convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’au vu de cette preuve, Simon, un étudiant au doctorat, et non un stagiaire par exemple, était plus qu’un simple « employé de soutien » ou « technicien ».

[67] Les RCF comportent une annexe (établie au titre de l’article 52.2) intitulée « Code de déontologie régissant les témoins experts » [le Code]. Le Code prévoit des dispositions précises sur ce que comprend le rapport d’expert. À l’alinéa 3i), il est question d’« un résumé de la méthode utilisée, notamment des examens, des vérifications ou autres enquêtes sur lesquels l’expert se fonde, des détails sur les qualifications de la personne qui les a effectués et une mention quant à savoir si un représentant des autres parties était présent » [non souligné dans l’original].

[68] À l’annexe B du rapport d’expert de Mme Kolsarici se trouve un certificat relatif au code de déontologie régissant les témoins experts signé, dans lequel elle atteste avoir pris connaissance du Code.

[69] J’estime que le passage « des examens, des vérifications ou autres enquêtes sur lesquels l’expert se fonde » est suffisamment vaste pour englober les travaux effectués par Simon relativement à l’analyse fondée sur la méthode des doubles différences, de sorte que ses compétences (y compris, forcément, son identité) auraient dû être révélées dans le rapport d’expert de Mme Kolsarici. Cela aurait permis à Energizer d’examiner les effets de cette connaissance sur sa stratégie de litige et de procéder aux ajustements autorisés et conséquents jugés nécessaires. Energizer a été privée à son insu de cette possibilité, ce qui lui a porté préjudice.

[70] J’ajoute que je ne suis pas convaincue par la tentative de Duracell d’établir un parallèle avec l’aide que l’expert d’Energizer, Scott Davidson, a reçue de Katie Gosnell. Contrairement à Mme Kolsarici, M. Davidson a révélé dans son rapport d’expert et son rapport en réponse qu’il était assisté de Mme Gosnell, qui travaillait sous sa supervision et sa direction. Duracell n’a donc pas été privée de la possibilité de prendre en compte cette information dans sa stratégie de litige menant au procès, contrairement à Energizer lorsqu’elle a appris au procès que Simon avait participé à l’analyse fondée sur la méthode des doubles différences effectuée par Mme Kolsarici.

[71] Étant donné que le paragraphe 52.2(2) des RCF confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’exclure tout ou partie de l’affidavit ou de la déclaration du témoin expert, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire d’exclure la partie du rapport d’expert de Mme Kolsarici qui traite de l’analyse fondée sur la méthode des doubles différences, en particulier les paragraphes 258 à 272. À mon avis, cette mesure de réparation est proportionnelle en l’espèce au défaut de Mme Kolsarici de se conformer à l’alinéa 3i) du Code. En outre, je ne suis pas persuadée que l’issue de la présente action dépende de la présence ou de l’absence de l’analyse fondée sur la méthode des doubles différences effectuée par Mme Kolsarici.

2) M. Whitacre

[72] Contrairement aux arguments d’Energizer, je ne suis pas convaincue que certaines parties du témoignage de M. Whitacre devraient être écartées pour les motifs soulevés, à une exception près qui, à mon avis, est sans importance.

[73] Energizer soutient qu’il faut accorder moins de poids au témoignage de M. Whitacre, car son expérience des piles AA se limitait à un [traduction] « petit nombre » de piles alcalines AA pour une entreprise qu’il a fondée, Scaled Ionics LLC, et parce qu’il s’est risqué à parler de domaines dans lesquels il n’est pas un expert, comme les statistiques et le comportement des consommateurs. En ce qui concerne le premier point, Energizer ne m’a pas convaincue que l’expertise de M. Whitacre en matière de piles AA était en quelque sorte limitée ou réduite du fait que son expérience ne reposait que sur un petit nombre de piles AA.

[74] En ce qui concerne la question de savoir si le rapport d’expert de M. Whitacre débordait le cadre de son expertise, ce dernier a confirmé qu’il ne témoignait pas à titre d’expert en statistiques. Bien qu’il se soit prononcé dans son rapport d’expert sur l’absence d’une corrélation [traduction] « statistiquement importante » entre l’âge des piles et leur rendement au cours des périodes en cause, il a précisé (en fonction de son opinion, j’en déduis), dans un langage plus clair, que M. Adams n’avait pas démontré que les piles Duracell s’étaient avérées plus performantes lors des tests simplement parce qu’elles étaient plus récentes de 73 jours en moyenne. Dans ces circonstances, bien que je sois prête à accorder un peu de poids à la déclaration sur le manque d’importance statistique, je ne suis pas convaincue qu’elle fasse une grande différence à la lumière de la précision de M. Whitacre.

[75] J’estime également que les références de M. Whitacre à [traduction] « l’expérience du consommateur » ne concernaient pas le comportement du consommateur en tant que tel, mais visaient plutôt à décrire, de manière simple et évidente, le rendement relatif des piles (dont le consommateur peut être témoin lors de l’achat et de l’utilisation des piles) en testant des piles obtenues sur le marché. À mon avis, cela est illustré par la déclaration de M. Whitacre dans son rapport d’expert selon laquelle [traduction] « l’essai de piles achetées sur le marché est la meilleure façon de simuler l’expérience du consommateur en matière de rendement comparatif ».

[76] Energizer soutient également que les critiques envers le rapport d’expert de M. Adam doivent être tempérées par l’admission de M. Whitacre selon laquelle M. Adams a rempli le mandat qui lui avait été confié. J’estime toutefois que les critiques formulées par M. Whitacre concernent les instructions données à M. Adams.

[77] Je traiterai plus en détail du témoignage de M. Whitacre lorsque j’analyserai la question de savoir si Duracell a fait des déclarations ou des indications fausses ou trompeuses.

3) Andrew Harington

[78] Contrairement aux arguments d’Energizer, je ne suis pas persuadée que les infractions au Code que M. Harington aurait commises sont du même ordre que celles commises par Mme Kolsarici, décrites ci‐dessus. Comme je l’expliquerai, j’estime que la valeur probante du témoignage de M. Harington l’emporte sur tout effet préjudiciable possible.

[79] La plainte d’Energizer concernant les violations du Code alléguées comporte deux volets. Premièrement, elle soutient que M. Harington a enfreint l’alinéa 3d) du Code parce que, comme il l’a déclaré, il a parlé avec des employés de Duracell pour comprendre les documents sur les ventes de Duracell, mais n’a pas révélé ces discussions dans son rapport. Selon Energizer, M. Harington n’a pas non plus désigné dans son rapport les renseignements sur lesquels il s’est appuyé et qu’il a obtenus lors de ces discussions. Energizer souligne que dans le [traduction] « modèle » de rapport d’expert qu’il utilise, M. Harington fait mention des « documents et discussions » dont il tient compte dans la partie intitulée « Portée de l’examen », et elle soutient qu’aucune discussion n’était décrite dans le cas présent.

[80] Je fais remarquer que M. Harington a déclaré dans son témoignage que ses discussions avec les employés de Duracell visaient à confirmer sa compréhension des renseignements figurant dans les documents qu’on lui avait remis et, en outre, que les employés ne lui avaient rien dit qu’il ne pouvait pas déjà voir dans les documents eux‐mêmes. Il a donné l’exemple d’un format de pile associé à un code de marque qui était parfois désigné par « 10 », parfois par « 10/230 ».

[81] J’estime toutefois que rien ne démontre que des employés de Duracell aient aidé M. Harington dans son analyse des données. De plus, contrairement à Mme Kolsarici, M. Harington a précisé que son rapport d’expert avait été préparé avec l’aide d’autres professionnels sous sa direction et sa supervision, dont il a révélé l’identité en contre‐interrogatoire lorsqu’on lui a demandé cette information.

[82] Deuxièmement, Energizer soutient que M. Harington n’a pas fourni « un résumé de la méthode utilisée », comme l’exige l’alinéa 3i) du Code. La note de bas de page 6 est la seule description dans son rapport du processus d’agrégation des données, un processus qui, selon elle, a donné lieu à des erreurs importantes. Elle ajoute que M. Harington n’a pas non plus révélé qu’il avait utilisé le programme informatique « R » dans le cadre du processus d’agrégation des données. En ce qui concerne ce dernier point, je fais observer que M. Davidson n’a pas non plus mentionné les programmes informatiques qu’il a utilisés pour préparer son analyse et, aussi, que les parties et leurs témoins experts se sont appuyés sur des feuilles de calcul Excel et des outils logiciels au procès pour démontrer les conclusions qui pouvaient être tirées des diverses données produites.

[83] Je souligne également que la note de bas de page 6 détaille les données produites sur lesquelles M. Harington s’est appuyé dans son analyse. Bien que M. Harington ait déclaré s’être reporté à la pièce 70 de Duracell pour confirmer les codes de marque applicables, à mon avis, cela ne remet pas en cause la déclaration qu’il a faite à la note de bas de page 6 selon laquelle il ne s’est pas fié à ces données parce qu’elles contenaient la valeur des ventes en dollars plutôt que le nombre de produits vendus. J’estime que son témoignage était cohérent avec la raison qu’il a donnée pour justifier pourquoi il ne s’est pas appuyé sur ces données.

[84] Dans ces circonstances, je ne suis pas convaincue qu’il faudrait accorder peu de poids au témoignage d’expert de M. Harington, comme le soutient Energizer. De plus, je conclus que la valeur probante du témoignage de M. Harington, lequel contient une analyse de causalité, l’emporte sur tout préjudice potentiel.

A. Dépréciation de l’achalandage?

[85] Je conclus qu’Energizer a démontré que la campagne d’autocollants de Duracell concernant l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX a vraisemblablement entraîné une dépréciation de l’achalandage attaché à ses marques de commerce déposées ENERGIZER et ENERGIZER MAX d’une manière visée par le paragraphe 22(1) de la LMC. Toutefois, je ne suis pas convaincue qu’Energizer a démontré que l’emploi de l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin et de l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire a entraîné une dépréciation de l’achalandage. La section suivante est un résumé des principes de droit et des concepts de marketing dont j’ai tenu compte pour en arriver à cette conclusion, suivie de mon analyse.

1) Principes de droit

[86] Notre Cour reconnaît que la « publicité comparative aide les consommateurs à faire de meilleurs choix » : Compagnie d’assurance Petline c Trupanion Brokers Ontario Inc., 2019 CF 1450 [Petline] au para 9, citant Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc, 2003 CAF 297 au para 71, conf par 2005 CSC 65.

[87] Cela dit, l’article 22 de la LMC limite la publicité comparative au Canada en disposant que nul ne peut employer la marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque.

[88] Pour prouver qu’il y a eu dépréciation de l’achalandage, le demandeur doit satisfaire aux quatre volets du critère conjonctif décrit par la Cour suprême du Canada de la manière suivante : i) le défendeur a employé la marque de commerce déposée du demandeur en liaison avec des marchandises ou services, peu importe que ceux‐ci entrent en concurrence avec ceux du demandeur; ii) la marque de commerce déposée du demandeur est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable, bien que rien n’exige qu’elle soit connue ou célèbre; iii) l’emploi de la marque par le défendeur était susceptible d’avoir une incidence sur cet achalandage (autrement dit, il y avait un lien); iv) cette incidence sera probablement la diminution de la valeur de l’achalandage (c’est‐à‐dire un préjudice) : Veuve Clicquot, précité, au para 46.

[89] L’emploi visé par l’article 22 doit se faire d’une manière décrite à l’article 4 de la LMC, bien qu’il ne soit pas nécessaire que l’emploi soit en tant que « marque de commerce » (dans le sens où Duracell n’a pas utilisé les marques ENERGIZER et ENERGIZER MAX pour distinguer ses propres piles de marque DURACELL de celles d’Energizer; en d’autres termes, elle a employé les marques d’une manière « qui ne crée pas de confusion ») : Clairol International Corp. et al v Thomas Supply and Equipment Co. et al, 1968 CanLII 1280 (CA EXC), 2 Ex CR 552 [Clairol] à la p 570; H‐D U.S.A., LLC c Berrada, 2014 CF 207 [Berrada] au para 67.

[90] Il n’est pas non plus nécessaire que la marque de commerce contestée soit identique à la marque de commerce déposée; une marque de commerce qui comporte des mots mal orthographiés et des mots manquants (p. ex., VEUVE CLICQUOT par opposition à CLIQUOT) peuvent suffire à « transmettre l’idée » de la marque de commerce déposée, ou à créer l’association nécessaire avec celle‐ci, dans l’esprit du consommateur : Veuve Clicquot, précité, au para 48. Lorsque le juge Binnie a convenu que « l’emploi du mot Cliquot en transmet l’idée », j’en déduis qu’il parlait de l’idée de VEUVE CLICQUOT, et non juste de CLICQUOT, car la marque de commerce déposée de la demanderesse était composée des deux mots, et non juste du dernier.

[91] Les concepts d’achalandage et de dépréciation ne sont pas définis dans la LMC. Or, la Cour suprême du Canada a comblé cette absence en donnant comme directive que, « [d]ans son sens commercial ordinaire, [l’achalandage] s’entend de l’association positive qui attire les consommateurs vers les marchandises ou services du propriétaire de la marque plutôt que vers ceux de ses concurrents », alors que le terme « déprécier » dans son sens lexicographique ordinaire signifie « diminuer la valeur [...] de » ainsi que « dénigrer, [...] mésestimer, rabaisser » : Veuve Clicquot, précité, aux para 50, 63. De plus, la valeur d’une marque de commerce peut être diminuée lorsque celle‐ci est employée tour à tour par différents usagers, ou lorsque leurs actions causent un « affaiblissement » (c.‐à‐d. une « érosion » de la capacité de la marque de distinguer les produits du propriétaire et d’attirer des consommateurs) ou une « dilution », occasionnant l’affaiblissement du caractère distinctif : Veuve Clicquot, précité, aux para 63‐64; H‐D U.S.A., LLC c Varzari, 2021 CF 620 [Varzari] au para 49.

[92] Autrement dit (je paraphrase ici le juge Thurlow pour mieux m’aligner avec l’arrêt Veuve Clicquot), l’article 22 interdit à un concurrent d’employer la marque de commerce du propriétaire dans le but d’attirer les clients de ce dernier en cherchant à affaiblir l’habitude qu’ils ont d’acheter ce qu’ils achetaient auparavant ou la probabilité qu’ils achètent les produits du propriétaire, ou le lien quel qu’il soit qui les unit aux produits de ce dernier, de manière à modifier leurs habitudes d’achat : Clairol, précité, à la p 575.

[93] De plus, l’article 22 « présuppose l’existence d’un achalandage appréciable dont la valeur est susceptible de diminuer par suite d’un emploi qui ne crée pas de confusion » : Veuve Clicquot, précité, au para 53. Les facteurs non exhaustifs que la Cour doit prendre en compte pour déterminer s’il existe un « achalandage appréciable » sont notamment le degré de reconnaissance de la marque par les consommateurs de la population de référence, le volume des ventes et le degré de pénétration du marché des produits associés à la marque de la demanderesse, l’étendue et la durée de la publicité accordée à la marque de la demanderesse, sa portée géographique, l’importance de son caractère distinctif inhérent ou acquis, le fait que les produits associés à la marque de la demanderesse soient confinés à une voie de commercialisation restreinte ou spécialisée ou qu’ils empruntent des voies multiples, ainsi que la mesure dans laquelle les marques sont perçues comme un gage de qualité : Veuve Clicquot, précité, au para 54.

[94] De plus, la Cour doit tenir compte de l’incidence sur l’achalandage ou du lien du point de vue du « consommateur plutôt pressé »; en l’absence d’un lien, il ne peut y avoir d’incidence, qu’elle soit positive ou négative, sur l’achalandage : Veuve Clicquot, précité, au para 56. Bien que cette définition ait été établie dans le contexte du critère pour déterminer si une marque crée de la confusion, le juge Binnie a également décrit le consommateur plutôt pressé comme quelqu’un qui se base sur sa première impression et ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur : Veuve Clicquot, précité, au para 20. Comme l’a fait observer plus récemment le juge Rothstein, il s’agit de « la personne ordinaire à la recherche d’un produit et non pas [...] [de] la personne versée dans l’art du sens des mots » : Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 [Masterpiece] au para 83, citant Ultravite Laboratories Ltd. c Whitehall Laboratories Ltd., [1965] RCS 734.

[95] De plus, la manière dont une marque de commerce est exploitée est ancrée dans le concept de lien. Comme le juge Binnie l’a décrit dans un autre arrêt de principe en 2006, les marques de commerce font office de raccourci en matière de décisions d’achat et jouent donc un rôle essentiel dans le marché : Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22 [Mattel] au para 21. À mon avis, ce concept s’applique judicieusement à la publicité comparative.

[96] Des décennies plus tôt, la Cour suprême du Canada avait fait observer dans une affaire de commercialisation trompeuse sans précédent que les caractéristiques extérieures du produit, comme l’emballage, sont « un véhicule d’information reliée à la réputation vis‐à‐vis d’un consommateur ou d’un ensemble de clients[;] [l]’apparence est donc utile non seulement pour reconnaître le produit mais aussi pour le distinguer d’un autre, aux mêmes fonctions » : Ciba‐Geigy Canada Ltd. c Apotex Inc., [1992] 3 RCS 120 [Ciba‐Geigy] aux pp 138‐139.

[97] Comme la Cour suprême du Canada nous le rappelle, le consommateur moyen (concept qui a été défini dans un contexte pharmaceutique, mais qui, selon moi, s’applique également dans d’autres contextes) peut être un client régulier du produit en question, et pas nécessairement un premier acheteur. « Les patients prenant un médicament depuis un certain temps peuvent y être habitués et tenir à cette marque. En général, lorsqu’on est satisfait d’un produit, on a tendance à y être fidèle » : Ciba‐Geigy, précité, à la p 150 [non souligné dans l’original].

2) Concepts de marketing

[98] En plus des principes juridiques mentionnés précédemment, la preuve d’expert en marketing traite des concepts décrits ci‐dessous concernant le rôle de l’emballage et de l’étiquetage sur le capital‐marque (la valeur d’une marque d’une entreprise, y compris le résultat des efforts de commercialisation attribuables à la marque) et sur la fidélité à la marque (l’intention comportementale derrière les achats répétés), les deux étant à mon avis des aspects de l’achalandage.

[99] Les consommateurs ne prennent que quelques secondes pour absorber les informations figurant sur les emballages et les étiquettes dans un environnement de vente au détail : de 12,2 à 25 secondes en moyenne selon Mme McNeish, ou même moins de temps pour les achats de produits à faible implication comme les piles, selon Mme Kolsarici. Ce comportement concorde, à mon avis, avec le concept de consommateur moyen plutôt pressé.

[100] Les informations transmises par les emballages et les étiquettes aident les consommateurs à prendre des décisions d’achat. Des facteurs tels que la couleur, la forme, la taille et la police du texte et des chiffres, entre autres, peuvent influencer la décision. Des emballages et des étiquettes bien conçus peuvent stimuler les ventes et renforcer le capital‐marque et la fidélité à la marque. La fidélité à la marque peut être un facteur important dans une décision d’achat, même si elle l’est peut‐être moins dans le cas de l’achat d’un produit à faible implication.

[101] Le positionnement des produits en magasin peut toutefois avoir un impact sur la quantité d’informations qu’un consommateur pressé remarquera (comme le prix, le format de la pile et éventuellement la marque) au moment de l’achat. En outre, les contraintes de temps et la distraction dans une situation réelle de magasinage diminuent la mémorisation des informations.

[102] Les données objectives et la recherche concernant les campagnes de marketing actuelles aident les entreprises à comprendre leur capital‐marque, ou achalandage, et l’efficacité de leurs campagnes, ainsi qu’à concevoir les campagnes futures. L’achalandage est la somme des activités de commercialisation en cours, en plus d’une partie de l’achalandage acquis au cours des périodes précédentes.

[103] Les données sur les ventes sont une approximation de l’achalandage (c.‐à‐d. une façon de le mesurer).

[104] Mme Kolsarici souligne l’effet négatif que la publicité comparative (contrecoup) peut avoir sur le propriétaire de la marque qui fait ce type de promotion. L’efficacité des campagnes publicitaires diminue avec le temps en raison des achats répétés et des connaissances accrues des consommateurs. De plus, les consommateurs sont par nature sceptiques face aux promesses publicitaires. (Mme McNeish a également reconnu en contre‐interrogatoire que les consommateurs deviennent sceptiques ou qu’ils se disent sceptiques.)

[105] Je fais deux observations sur la preuve d’expert en marketing en l’espèce. Premièrement, les concepts mentionnés précédemment sont pour la plupart sensés, à mon avis. Deuxièmement, malgré leur expertise, les deux experts se livrent à des conjectures sur la réaction des consommateurs face aux autocollants en cause.

[106] Les experts en marketing conviennent, tout comme moi, que la quasi‐totalité des ménages achète des piles, puisqu’il existe une vaste gamme de produits alimentés par des piles. La gamme de produits ayant servi à tester les piles AA et à produire les données dont il est question ci‐après le confirme. Selon Mme McNeish, le consommateur moyen hypothétique est une personne au début de la quarantaine, qui gagne environ 70 000 $ par année et qui ne choisit que les piles DURACELL ou ENERGIZER, indépendamment des [traduction] « nombreuses variables » que le consommateur moyen prendrait en considération. À mon avis, cette hypothèse détourne l’attention de la Cour au lieu de l’aider à examiner comment le consommateur moyen pressé percevrait les autocollants en cause et les allégations de rendement contestées dans un contexte de vente au détail typique en ce qui concerne les piles pour appareils auditifs et les piles AA.

[107] De plus, Mme McNeish s’est formée une opinion sur les perceptions des consommateurs principalement après avoir regardé les autocollants en cause de près et séparément, plutôt que dans le contexte des magasins de détail où les emballages de piles sur lesquels les autocollants sont apposés ont été vendus. En contre‐interrogatoire, Mme McNeish a admis s’être rendue dans un magasin en juillet 2021, après la fin de la campagne d’autocollants, pour examiner les présentoirs de piles. Toutefois, son rapport d’expert n’en fait pas mention. Elle confirme en outre qu’elle n’a pas eu accès à des photos de piles DURACELL ou ENERGIZER lorsque les autocollants en cause figuraient sur les emballages en magasin.

[108] Mme McNeish suppose également que le consommateur canadien moyen de piles, dont le temps est limité, se concentrerait sur les autocollants en cause et voudrait comprendre la nature des comparaisons effectuées, et examinerait les autocollants. Il supposerait que les informations qu’il voit sont exactes. En revanche, il ne prendrait pas le temps d’examiner les renseignements rédigés en petits caractères au bas de l’emballage (ou marqués d’un astérisque). En d’autres termes, il examinerait l’étiquette et ne lirait rien d’autre avant de prendre sa décision d’achat, mais il prendrait le temps de lire l’autocollant complet une fois arrivé à la maison, comme l’a confirmé Mme McNeish en contre‐interrogatoire.

[109] Mme McNeish estime également que si les consommateurs comprennent la signification de l’expression « jusqu’à » dans d’autres contextes, ils ne comprendraient pas ce qu’elle signifie sur les autocollants en cause. Ils supposeraient donc que les piles dureraient de 15 % à 20 % plus longtemps, selon le cas, dans la plupart, voire la totalité des appareils, malgré l’avertissement que les « résultats varient selon le type d’appareil et la fréquence d’utilisation », dont ils n’auraient pas le temps d’assimiler le sens.

[110] Mme McNeish affirme également, sans preuve à l’appui, que [traduction] « l’étiquette de forme carrée utilisée par Duracell indique que ses piles ont une durée de vie plus longue et une meilleure puissance ». De plus, elle suppose, là encore sans fondement, que les piles Duracell qui se trouvent dans les emballages sur lesquels sont apposés les autocollants en cause contiennent des piles supplémentaires, ce qui renforcerait les déclarations comparatives de Duracell au fil du temps, à mesure que les piles sont utilisées.

[111] Bien que Mme Kolsarici ait reconnu le contexte de la vente au détail, elle a néanmoins disséqué les déclarations de Duracell et émis des hypothèses sur la façon dont les consommateurs en interpréteraient les différents aspects s’ils prenaient le temps de lire les autocollants en cause dans le [traduction] « fouillis » et l’« encombrement » des différents emballages de piles présentées.

[112] Par exemple, Mme Kolsarici a déclaré dans son rapport que l’expression « durent jusqu’à 15 % plus longtemps » signifie que [traduction] « la durée de vie de ces piles pourrait être de 0 à 15 % plus longue que celle des produits comparatifs » et que le « consommateur ordinaire saurait qu’il ne peut pas se fier à pareille prétention en matière de performance ».

[113] Je souligne au passage que l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer ne contient pas le qualificatif « jusqu’à », contrairement aux autres autocollants en cause.

[114] Comme autre exemple, soulignons que Mme Kolsarici a estimé que les consommateurs considéreraient l’expression « l’autre marque concurrente la plus populaire » comme une esquive, une échappatoire pour Duracell, ainsi qu’une forme de contournement. Elle était également d’avis que les consommateurs n’interpréteraient pas l’expression « la marque du lapin » comme faisant référence à [traduction] « une représentation particulière d’un lapin ou d’une marque en particulier » et qu’« il conviendrait d’évaluer » si les consommateurs comprennent qu’il s’agit de « la marque Energizer et de ses piles ». Mme Kolsarici a également souligné la nécessité d’évaluer la réaction des consommateurs face à l’expression « l’autre marque concurrente la plus populaire ».

[115] Bien que Mme Kolsarici ait présenté peu d’éléments de preuve pour étayer ses opinions, elle a cité les documents de marketing précis sur lesquels elle s’est fondée pour dresser sa liste de principaux facteurs qui incitent à faire des achats en magasin – le prix, la promotion, l’emplacement du produit (c.‐à‐d. l’emplacement dans les allées et l’emplacement du présentoir), le nom de la marque, la commodité et les habitudes. Mme Kolsarici a également fait référence à des recherches indiquant que les consommateurs n’examinent généralement pas les informations relatives au produit ou à la marque lorsqu’ils achètent des produits à faible implication. Je souligne que Mme McNeish ne reconnaît pas que les piles sont un exemple de produits « à faible implication ».

[116] Cela dit, j’estime que les parties n’ont présenté aucune preuve par sondage qui aurait pu montrer les réactions des consommateurs sur le marché face à la campagne d’autocollants; « précisément la question que le juge de première instance examine dans une affaire de [dépréciation][; l]’information fournie par ce genre de preuve n’est généralement pas connue des juges de première instance et, donc, contrairement à d’autres preuves d’expert, une telle preuve respecterait la deuxième exigence en matière de preuve énoncée dans Mohan, à savoir la nécessité de la preuve en question » : Masterpiece, précité, au para 93.

[117] En particulier, les demanderesses n’ont présenté aucune preuve venant de clients ou d’employés au sujet de l’incidence directe des déclarations figurant sur les autocollants, le cas échéant, sur l’achalandage (c.‐à‐d. « l’habitude qu’ils ont d’acheter ce qu’ils achetaient auparavant ») : Clairol, précité, à la p 575; Petline, précitée, au para 34. Mme McNeish a confirmé cette information en contre‐interrogatoire. Elle a témoigné de l’utilisation de différentes méthodes, y compris d’entretiens approfondis avec des consommateurs, pour tester des hypothèses (dont certaines n’ont pas été confirmées) dans le cadre d’études et de sondages qu’elle a menés et d’articles qu’elle a rédigés ou corédigés concernant le comportement des consommateurs et qui étaient mentionnés dans son curriculum vitae. Or, Mme McNeish a admis qu’elle n’avait pas mené des études ou des sondages de ce type en ce qui concerne le marché canadien des piles avant de préparer son rapport d’expert en l’espèce; son rapport était fondé en grande partie sur une analyse de documents de recherche effectuée par des universitaires dans d’autres domaines de produits (qui ne concernaient pas les piles). Elle a également admis que les experts acquièrent leurs connaissances en répétant les mêmes études de nombreuses fois.

[118] En fait, il ne fait aucun doute qu’aucun des experts en marketing n’a procédé à la collecte de données primaires (c.‐à‐d. la collecte de données sur le terrain, au moyen de sondages ou de quelque autre manière). De plus, aucun de ces experts n’a tenu compte de l’importance des grands détaillants, comme Walmart et Pharmaprix, qui s’approvisionnent auprès d’Energizer et de Duracell par rapport au consommateur final qui achète les piles chez les détaillants.

[119] L’inconvénient du manque de données primaires sur la réaction des consommateurs face aux autocollants en cause est mis en évidence, à mon avis, dans le contre‐interrogatoire effectué par Energizer du témoin de fait de Duracell, Ramon Velutini. À la question [traduction] « Qu’est‐ce que Duracell pensait que le consommateur retiendrait de la référence à “l’autre marque concurrente la plus populaire”? », M. Velutini a répondu, sans surprise, qu’il ne savait pas et qu’il ne ferait que des suppositions. Il a ensuite expliqué qu’il [traduction] « s’agissait d’une déclaration précise concernant l’un de [leurs] produits par rapport à un produit d’Energizer et que l’intention était de la communiquer de la manière la plus véridique possible ». Il a confirmé plus d’une fois que les piles AA d’Energizer étaient le produit auquel Duracell souhaitait comparer ses piles dans la déclaration.

[120] Abstraction faite de la question de la « véracité » de la déclaration, sur laquelle je reviendrai plus loin dans les présents motifs, je retiens du témoignage de M. Velutini que Duracell utilisait l’expression « l’autre marque concurrente la plus populaire » dans l’intention de désigner un produit d’Energizer. La question de savoir si le consommateur a réellement compris la référence en tant que telle et l’effet probable sur l’achalandage, le cas échéant, doivent être examinés par notre Cour en l’absence de données primaires qui auraient pu lui être utiles.

[121] À mon avis, aucune des deux expertes en marketing ne s’est véritablement prononcée sur l’environnement d’achat. L’une des expertes, Mme McNeish, a adopté une approche davantage hypothétique et axée sur la documentation, tandis que l’autre, Mme Kolsarici, a fondé son opinion sur des photos de présentoirs de vente. Les photos ne montrent pas clairement à quelle distance le photographe se tenait des présentoirs. Plus important encore, il n’est pas possible de comprendre, à partir des photos de présentoirs contenant les piles de l’une des parties, comment le consommateur moyen viendrait à s’approcher du présentoir et percevrait ces piles ou toute autre pile à proximité et ce qui le motiverait à décider, dans la hâte, d’acheter un produit. Le contexte réel n’est pas pris en compte dans les témoignages des deux expertes en marketing, en dépit de leur expertise.

[122] De fait, et reconnaissant que l’incidence négative réelle mesurable n’est pas le critère à appliquer, je dois faire appel à mon bon sens en tant qu’acheteur potentiel des produits, mais en laissant de côté mes « connaissances ou [mon] tempérament particuliers » pour déterminer si la campagne d’autocollants des défenderesses a vraisemblablement entraîné la dépréciation de l’achalandage attaché aux marques de commerce d’Energizer, en contravention de l’article 22 de la LMC : Masterpiece, précité, au para 92.

[123] Bien que je ne sois pas forcément en désaccord avec Energizer sur le fait qu’un sondage n’est pas une exigence pour avoir gain de cause dans une demande fondée sur l’article 22 de la LMC, les décisions sur lesquelles elle s’appuie à cet égard (Toys “R” Us (Canada) Ltd. c Herbs “R” Us Wellness Society, 2020 CF 682 [Toys “R” Us] au para 59, et Varzari, précitée, au para 48, dans lesquelles la Cour a conclu à l’existence d’un lien en l’absence d’une preuve par sondage), se distinguent de l’espèce à mon avis pour au moins deux raisons. Premièrement, aucun des défendeurs dans ces affaires n’a participé à l’instance. Deuxièmement, et plus important encore, c’est l’emploi par le défendeur de la marque ou du logo qu’il avait adoptés pour distinguer ses propres produits ou services de ceux des demanderesses qui était en litige. Pareil emploi n’est pas en litige dans la présente affaire, qui porte sur la publicité comparative affichée par Duracell sur les autocollants en cause. Ni la décision Toys “R” Us ni la décision Varzari ne porte sur la publicité comparative.

[124] Fait intéressant, dans la décision Subway IP LLC c Budway, Cannabis & Wellness Store, 2021 CF 583, sur laquelle Energizer s’est également fondée dans sa plaidoirie finale, il existait une preuve que des « utilisateurs de médias sociaux [avaient] immédiatement [fait] le lien entre le magasin BUDWAY et l’entreprise de Subway » (au para 42). En l’espèce, aucune preuve de cette nature n’a été présentée à la Cour.

[125] Je conviens qu’il peut y avoir des cas où le lien requis peut se former de manière subtile ou subliminale : Berrada, précitée, aux para 111‐112, citant Veuve Clicquot, précité, au para 49. En l’espèce, il n’existe aucune preuve convaincante, selon moi, que le consommateur moyen pressé a été ou aurait pu être persuadé, de manière subtile ou subliminale, de modifier ses habitudes d’achat ou de ne plus être fidèle à la marque en raison des autocollants en cause.

[126] Il existe cependant une preuve que les parties en l’espèce, qui sont bien informées et représentent les principales marques de piles au Canada, effectuent périodiquement ou ont effectué pour leur propre compte des vérifications ou des sondages afin de rester au fait de leurs parts de marché respectives et des facteurs qui influencent les décisions d’achat des consommateurs sur le marché des piles. En d’autres termes, je ne suis pas persuadée qu’un sondage qui pourrait m’aider à trancher les questions en litige en l’espèce serait une « utopie ».

[127] Enfin, avant de me pencher sur les déclarations précises, Duracell fait valoir qu’en l’absence d’une preuve démontrant une perte de ventes (c.‐à‐d. une mesure ou un indicateur de dépréciation), il ne peut y avoir de dépréciation probable de l’achalandage : Scott Technologies Inc. c 783825 Alberta Ltd. (Scott Safety Supply Services), 2015 CF 1336 [Scott Technologies] au para 82. À mon sens, cette conclusion dans cette affaire doit être examinée en contexte.

[128] Dans l’affaire Scott Technologies, il y avait effectivement un recoupement de la clientèle des parties, mais celles‐ci offraient des produits et services différents. De plus, il n’existait « aucune preuve réelle de confusion » malgré 20 ans de coexistence sur le marché : Scott Technologies, au para 79. Les circonstances dans cette affaire ont été décrites comme suit par la Cour : la demanderesse s’est tournée les pouces, a permis à une autre entreprise d’exploiter son entreprise, d’y investir et de la faire croître, puis a surgi et a demandé la protection du tribunal après avoir adopté injustement le même nom, Scott Safety, que celui que les défenderesses utilisaient depuis 20 ans : Scott Technologies, au para 84.

[129] Autrement dit, dans la décision Scott Technologies, les conclusions de la Cour selon lesquelles il n’y a pas eu commercialisation trompeuse, ni contrefaçon ni dépréciation de l’achalandage reposaient en grande partie, à mon avis, sur les circonstances particulières de l’affaire, notamment la propre conduite de la demanderesse.

[130] Par ailleurs, je ne suis pas convaincue qu’en l’absence d’une preuve de perte de ventes, une dépréciation de l’achalandage n’est pas « susceptible de se produire » dans tous les cas, pour plusieurs raisons. Premièrement, comme je l’ai déjà dit, il a été reconnu dans l’arrêt Veuve Clicquot (aux para 63‐64) et dans la décision Varzari (au para 49) que la valeur d’une marque de commerce peut être diminuée si elle est employée tour à tour par différents usagers, ou si les actions des usagers causent un « affaiblissement » ou une « dilution » de l’image de marque et entraînent ainsi une diminution du caractère distinctif. Deuxièmement, et plus important encore selon moi, le paragraphe 22(2) de la LMC dispose que le tribunal peut refuser d’ordonner le recouvrement de dommages‐intérêts ou de profits dans une action en dépréciation de l’achalandage fondée sur le paragraphe 22(1). Le tribunal voudra peut être exercer pareil pouvoir discrétionnaire lorsque, par exemple, la dépréciation de l’achalandage qui est susceptible de se produire est plus subtile ou moins évidente que dans le cadre d’une action en commercialisation trompeuse ou en usurpation, ou pour éviter la double indemnisation dans des affaires où des allégations de commercialisation trompeuse et d’usurpation ont aussi été invoquées et prouvées.

[131] En gardant à l’esprit l’analyse qui précède, je me penche maintenant sur la question de savoir si la campagne d’autocollants, qui concerne les autocollants en cause, était susceptible de diminuer la valeur de l’achalandage attaché à a) ENERGIZER et ENERGIZER MAX, b) « la marque du lapin » et c) « l’autre marque concurrente la plus populaire », comme le prétend Energizer.

3) Analyse

a) ENERGIZER et ENERGIZER MAX

[132] Bien que Mme Kolsarici ait été contre‐interrogée au procès sur le fait qu’elle se soit fondée sur un article de Bereskin & Parr LLP (pour faire valoir que la publicité comparative est assez courante) publié dans le numéro de décembre/janvier 2012 du World Trademark Review, je ne suis pas en désaccord avec l’observation suivante de l’article : [TRADUCTION] « En raison de la définition du terme “emploi” dans la Loi, si la marque de commerce d’un concurrent est enregistrée en liaison avec des produits, il est risqué de formuler des allégations comparatives en utilisant la marque du concurrent sur des emballages ou des enveloppes. » Voir Clairol, précité, à la p 569. En ce qui concerne les marques ENERGIZER et ENERGIZER MAX en particulier, la Cour doit déterminer si ce risque a existé en l’espèce. Je suis d’avis que c’est le cas, et ce, pour les motifs exposés ci‐après.

[133] Nul ne conteste que pour une certaine période de 2014 à 2015, un nombre relativement faible de piles pour appareils auditifs et de piles AA DURACELL ont été vendues au Canada dans des emballages portant, respectivement, l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer dans le contexte de déclarations comparatives sur le rendement des piles. Ces autocollants sont différents des autres autocollants en cause, car ils mentionnent les marques de commerce déposées d’Energizer, à savoir ENERGIZER (enregistrements nos LMC157162 et LMC740338) et ENERGIZER MAX (enregistrement no LMC580557). Ces marques ont donc été employées par Duracell de la manière visée par l’article 4 de la LMC, mais pas dans le but de distinguer ses propres piles de celles d’Energizer; il s’agit d’un emploi qui ne crée pas de confusion.

[134] À mon avis, la question de savoir si les marques de commerce d’Energizer bénéficient d’un achalandage substantiel n’est pas en litige. Selon Jeffrey Roth, Energizer est l’un des plus grands fabricants de piles au monde, grâce à sa marque ENERGIZER reconnue à l’échelle mondiale. Les piles ENERGIZER sont vendues au Canada depuis au moins 2010 et, de 2014 à 2016, Energizer a dépensé plus de |||||||||||||| au Canada pour commercialiser les piles ENERGIZER. Je conclus dans les circonstances que la marque de commerce ENERGIZER est une marque de commerce bien connue, sinon célèbre, et que, implicitement, la marque ENERGIZER MAX, dont l’élément dominant est ENERGIZER, l’est aussi. Duracell est allée jusqu’à reconnaître la notoriété des marques Energizer dans sa plaidoirie finale et à admettre que l’achalandage qui y est attaché est important.

[135] À mon avis, le facteur du lien est le plus difficile à établir en l’espèce, et ce, pour plusieurs raisons. Je pars du principe qu’il convient pour la Cour d’examiner comment les piles des parties pourraient se présenter à un consommateur moyen plutôt pressé, qui aperçoit les piles dans une boutique ou un magasin de détail : Puma SE c Caterpillar Inc., 2023 CAF 4 aux para 53 et 55.

[136] Je suis d’accord avec Mme Kolsarici pour dire que le [traduction] « fouillis » et l’« encombrement » des différents emballages de piles présentés dans un magasin empêchent le consommateur pressé de se concentrer sur autre chose que le prix, la promotion, l’emplacement du produit (c.‐à‐d. l’emplacement dans l’allée et l’emplacement du présentoir) et le nom de la marque, l’habitude jouant un certain rôle, en particulier pour les clients réguliers.

[137] À titre d’exemple, les extraits des interrogatoires préalables consignés en preuve par les demanderesses comprenaient la photo suivante :

[138] Le présentoir montre des piles AA DURACELL emballées en paquets de 16 et de 8. Seuls les emballages contenant 8 piles AA portent l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX. Tous les emballages portent des autocollants bien visibles au sujet de la durée de vie globale des piles (c.‐à‐d. 10 ans, à l’exception des piles de 9 volts dans le coin inférieur droit de l’image). Si l’on examine le prix des piles AA emballées en paquet de 16 et celui des piles AA emballées en paquet de 8 sur cette photo, celles emballées en paquet de 16 sont vendues à 14,47 $, tandis que celles emballées en paquet de 8 sont vendues à 8,47 $.

[139] Si l’on se base uniquement sur le nombre de piles, le prix des piles AA emballées en paquet de 16 représente une meilleure affaire (plus de piles pour moins d’argent) que le prix des piles AA emballées en paquet de 8 (14,47 $ pour 16 piles contre 16,94 $ (8,47 $ x 2) pour 16 piles). Il n’existe cependant aucune donnée primaire ou preuve par sondage pour aider la Cour à comprendre ce que le consommateur moyen pressé remarquerait devant un tel présentoir et quels facteurs influenceraient sa décision d’achat devant cet amas d’informations, et plus précisément, s’il serait influencé par l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX ou par tout autre autocollant similaire.

[140] Mme Kolsarici renvoie à des études montrant que lorsque les consommateurs achètent des produits à faible implication, ils n’examinent généralement pas les informations sur le produit ou la marque. Or, même si je reconnais que les piles sont des produits à faible implication, je ne saurais reconnaître que la marque n’a pas d’importance en l’espèce.

[141] D’un point de vue logique, si l’on examine les éléments de preuve montrant la manière dont les emballages de piles sont présentés dans les magasins (voir les paragraphes 12 et 14 ci‐dessus, par exemple, en plus de l’image au paragraphe 137), les marques ENERGIZER et DURACELL sont très visibles et difficiles à manquer, à mon avis, tant sur les emballages eux‐mêmes que sur les présentoirs distincts dans les magasins. Le consommateur moyen qui sait lire et compter pourrait également remarquer, compte tenu de leur taille, le chiffre 15 ou 20 et le signe de pourcentage, selon l’autocollant. Toutefois, je crois qu’au moment où le consommateur aperçoit les autocollants en cause sur le présentoir (le [traduction] « premier moment de vérité », comme l’a formulé le prédécesseur de Duracell), selon toute vraisemblance, il « ne s’arrête[ra] pas pour réfléchir à la question en profondeur » : Veuve Clicquot, précité, au para 20.

[142] Cela signifie à mon avis, en particulier en l’absence de données primaires sur la façon dont les consommateurs réagissent réellement face aux autocollants, qu’il est peu probable qu’un consommateur pressé s’arrête pour regarder l’emballage suffisamment longtemps pour remarquer les comparaisons et les spécifications. Cette conclusion ne met toutefois pas fin à mon examen du paragraphe 22(1) de la LMC.

[143] J’estime en outre que l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX sont des exemples de marques d’un propriétaire qui sont employées tour à tour, ce qui entraîne une perte de contrôle pour le propriétaire et une diminution du caractère distinctif, comme il est indiqué dans l’arrêt Veuve Clicquot et la décision Varzari, précités, dans des circonstances où la jurisprudence ne permet pas qu’elles soient utilisées par des tiers sans leur consentement, comme sur leur emballage de produits. L’emploi des marques de commerce d’Energizer sur les emballages avait pour but de promouvoir la vente de piles DURACELL en suggérant aux consommateurs qu’ils obtiendraient un meilleur résultat s’ils utilisaient les piles de Duracell, dans l’espoir d’obtenir une partie du marché dont jouit Energizer : Clairol, précité, à la p 576. Cet objectif est confirmé selon moi par la présentation que Duracell a faite à l’interne, intitulée [traduction] « NOUVELLES FAÇONS D’ATTIRER LES CONSOMMATEURS CHEZ DURACELL – Catégorie Académie, 3 mars 2015 ». Dans cette présentation, il est mentionné que l’un des principaux avantages des déclarations sur la durée de vie des piles est de convertir davantage de consommateurs à Duracell afin de faire croître de 5 % sa part du marché des piles.

[144] De plus, [traduction] « [l]orsque les parties ont accompli l’acte reproché dans l’intention expresse d’arracher une part de clientèle à leurs concurrents et continuent de le faire, je ne vois aucune raison de douter qu’elles ont réalisé leur objectif » : Clairol, précité, à la p 576 [non souligné dans l’original]. À mon avis, la probabilité d’un tel succès est encore plus grande dans le cas de clients réguliers qui, pendant la campagne d’autocollants, auraient eu l’occasion de lire l’autocollant en cause apposé sur l’emballage après l’achat des piles.

[145] Par conséquent, je conclus qu’Energizer a démontré que la campagne d’autocollants de Duracell a vraisemblablement entraîné une dépréciation de l’achalandage attaché à ses marques de commerce déposées ENERGIZER et ENERGIZER MAX d’une manière visée par le paragraphe 22(1) de la LMC.

b) L’expression « la marque du lapin »

[146] Je ne suis pas contre la conclusion du juge Brown selon laquelle, « [s]ur le fondement des faits qui lui sont propres, l’arrêt Veuve Clicquot appuie la thèse selon laquelle plus que l’emploi d’une marque de commerce enregistrée ou des fautes d’orthographe mineures sont interdits par le paragraphe 22(1)[;] l’emploi d’une partie d’une marque, en plus des fautes d’orthographe d’une partie d’une marque, peut également être interdit » : Energizer CF 2018, précitée, au para 56 [non souligné dans l’original]. Dans l’arrêt Veuve Clicquot, bien que la marque de la défenderesse, CLIQUOT, était le mot CLICQUOT mal orthographié, ni le mot VEUVE ni une variante de ce mot ne faisait partie de la marque de la défenderesse, qui n’était formée que d’un seul mot.

[147] Toutefois, je ne suis pas convaincue, contrairement à ce que voudrait Energizer, que la conclusion suivante du juge Brown (Energizer CF 2018, précitée, au para 49) a résisté à l’examen et aux conclusions de la Cour d’appel fédérale, qu’elle ait été contestée précisément par Duracell ou non : « [...] le paragraphe 22(1) interprété de la manière exigée par l’arrêt Veuve Clicquot interdit l’emploi par Duracell de l’expression “la marque du lapin”, même si elle n’est pas une marque de commerce enregistrée d’Energizer. » À mon sens, la juge Dawson n’aurait pas pu s’exprimer plus clairement lorsqu’elle a affirmé que « la Cour fédérale a commis la même erreur en l’espèce, en statuant sur une question dont elle n’avait pas été saisie, c’est‐à‐dire sur la question de fait visant à déterminer si les expressions en litige pouvaient, dans l’esprit des consommateurs, être associées aux marques de commerce d’Energizer » : Energizer CAF 2020, précité, aux para 44, 49. Par conséquent, je conclus qu’il était loisible à Energizer et à Duracell de faire valoir leurs positions respectives sur cette question au procès.

[148] Je conclus que l’expression « la marque du lapin » peut évoquer l’image d’un lapin qui représente une marque, soit la « mascotte » emblématique d’Energizer, le lapin ENERGIZER (comme il est illustré dans l’enregistrement no LMC399312 ou l’enregistrement no LMC943350). Affirmer, comme les défenderesses demandent à la Cour de faire, que seul l’emploi d’une « marque » par un défendeur pourra servir de fondement à une demandée fondée sur l’article 22 de la LMC, équivaut à interpréter cette disposition trop étroitement, à mon avis, et ce, pour plusieurs raisons.

[149] Premièrement, la situation en l’espèce se distingue de celle examinée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Venngo Inc. c Concierge Connection Inc. (Perkopolis), 2017 CAF 96 [Venngo]. Dans cet arrêt, le juge Gleason a conclu que les intimés n’avaient pas contrevenu à l’article 22 en employant les mots MEMBER PERKS INCLUDE comme « une phrase introductive, employant des mots anglais courants, pour décrire ce qu’elle offrait à ses propres membres, en faisant observer que ses avantages comprenaient les articles qui figuraient dans les liens Web » (au para 83). Le juge Gleason a donc conclu que les mots MEMBER PERKS en particulier n’étaient pas employés comme une marque de commerce.

[150] Pour ma part, je conclus en l’espèce que Duracell a employé l’expression « la marque du lapin » pour désigner, de manière simplifiée, le célèbre lapin ENERGIZER (comme il est illustré dans l’enregistrement no LMC399312 ou l’enregistrement no LMC943350), puisqu’aucune preuve n’a été déposée au procès pour démontrer qu’il existe un autre concurrent dans le secteur des piles qui emploie un dessin de lapin comme marque de commerce ou dans sa marque de commerce. Pour paraphraser l’observation du juge Binnie dans l’arrêt Mattel (au para 21) sur la façon dont sont exploitées les marques de commerce, Duracell a selon moi employé l’expression « la marque du lapin » comme un raccourci pour diriger les consommateurs là où Duracell voulait qu’ils aillent en ce qui concerne la publicité comparative qu’elle a affichée sur les autocollants apposés sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin. Puisque la référence n’était pas constituée de la marque déposée elle‐même, la seule question à trancher pour ce qui est du lien consiste à savoir si l’appellation « la marque du lapin » était « étroitement apparentée à cette marque » : Venngo, précité, au para 83.

[151] De plus, bien que Duracell n’ait pas employé l’expression « la marque du lapin » pour distinguer ses marchandises de celles des demanderesses, il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’elle a été employée de la manière visée par le paragraphe 4(1) de la LMC. Plus précisément, l’expression était apposée sur les emballages lors du transfert de la propriété ou de la possession des piles DURACELL en question, dans la pratique normale du commerce à tel point que l’avis de liaison voulue (c.‐à‐d. en l’espèce, le lien à Energizer) a été donné au consommateur à qui la propriété ou la possession des piles a été transférée.

[152] Deuxièmement, à la simple lecture de la disposition, je suis d’avis qu’elle vise les activités qui supposent l’emploi par un défendeur de la marque déposée d’un propriétaire « d’une manière » susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de son achalandage. Hormis l’emploi qui est susceptible d’entraîner une diminution, les mots « d’une manière » ne sont pas limités d’une quelconque autre façon.

[153] Troisièmement, étant donné que l’alinéa 6(5)e) de la LMC prévoit qu’il peut y avoir un risque de confusion en raison des idées suggérées par les deux marques de commerce, j’estime que l’emploi qui est susceptible d’entraîner une diminution, bien qu’il ne doive pas nécessairement créer de la confusion (Veuve Clicquot, précité, au para 53), peut également porter sur les idées suggérées par la marque déposée et la « marque » employée par le défendeur, c’est‐à‐dire, en l’espèce, un lapin qui fait office de marque.

[154] Même si, dans l’arrêt Veuve Clicquot, la Cour suprême a examiné la question de la dépréciation de l’achalandage dans le contexte de deux marques nominales, elle a toutefois mis l’accent sur l’« élément distinctif » de la marque de l’appelante et l’idée que la marque fait surgir dans l’esprit du consommateur en mentionnant qu’une faute d’orthographe ne constituait pas un moyen de défense. De plus, « [i]l faut interpréter les exigences de l’art. 22 en tenant compte de son objet réparateur » : Veuve Clicquot, précité, au para 48. Comme je l’ai mentionné précédemment, je suis consciente que, dans l’affaire Veuve Clicquot, non seulement le deuxième mot de la marque de commerce de la demanderesse était mal orthographié, mais il manquait également le premier mot VEUVE.

[155] À mon avis, ce n’est pas parce que l’expression « la marque du lapin » peut évoquer la marque de commerce LAPIN et Dessin ENERGIZER que la question du lien est entièrement réglée. Comme pour l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX, je constate que, selon la prépondérance des probabilités, il est peu probable que le consommateur moyen pressé s’arrête assez longtemps au présentoir des piles en magasin pour lire l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin et pour remarquer la mention « la marque du lapin » écrite en caractères beaucoup plus petits que la marque DURACELL ou que le pourcentage « 20 % » et les mots « PLUS DURABLES ». Il pourrait également remarquer les mots « jusqu’à » compte tenu de leur proximité avec les deux derniers éléments de l’autocollant. Toutefois, il n’existe aucune preuve sous forme de données primaires ni de preuve par sondage allant dans un sens ou dans l’autre.

[156] De plus, pour que le consommateur fasse le lien avancé par Energizer, il doit déployer des efforts intellectuels supplémentaires lorsqu’il lit l’expression indirecte « la marque du lapin », contrairement aux marques de commerce plus directes ENERGIZER et ENERGIZER MAX. Tout d’abord, le consommateur doit voir les mots « la marque du lapin ». Ensuite, il doit penser à la mascotte emblématique d’Energizer. Puis, le consommateur doit se rappeler que le mot ENERGIZER est écrit sur le tambour du lapin, ce qui compléterait, dans l’esprit du consommateur, l’association à une marque de commerce d’Energizer, ou doit simplement se rappeler qu’un lapin rose à lunettes et aux grands pieds qui tient un tambour portant l’inscription ENERGIZER est la mascotte emblématique d’Energizer ou une marque de commerce d’ENERGIZER. Les deuxième et troisième étapes pourraient être simultanées pour certains consommateurs, mais il n’y a aucune preuve sous forme de données primaires, comme un sondage, pour aider la Cour à déterminer la façon dont le consommateur moyen pressé, qui a un vague souvenir des marques de commerce, aurait réagi à l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin.

[157] Dans les circonstances, je conclus que Duracell n’employait pas tour à tour une marque de commerce d’Energizer de cette manière. En l’absence d’une preuve de la réaction du consommateur face à l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin, je ne peux conclure que Duracell a vraisemblablement entraîné une dépréciation de l’achalandage attaché à la marque déposée LAPIN et Dessin ENERGIZER.

[158] Même si j’avais commis une erreur en tirant cette conclusion, j’estime en outre que, en tout état de cause, comme il est indiqué ci‐après à la rubrique « C. Activités autorisées par une entente? », l’emploi de l’expression « la marque du lapin » de cette façon est permise conformément à l’entente entre les parties.

c) L’expression « l’autre marque concurrente la plus populaire »

[159] Je ne suis pas convaincue qu’il existe une probabilité de dépréciation de l’achalandage attaché aux marques d’Energizer en raison de l’emploi par Duracell de l’expression « l’autre marque concurrente la plus populaire » sur l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire :

[160] La preuve qui a été soumise à la Cour ne permet tout simplement pas de déduire que le consommateur moyen pressé remarquera quoi que ce soit sur cette étiquette chargée, à part, peut‐être le pourcentage de 15 %, les mots « LONGER LASTING » ou leur équivalent français « PLUS LONGTEMPS » qui sont écrits en plus gros caractères, et peut‐être « up to » ou « durent jusqu’à » étant donné leur proximité avec le 15 %. Je crois que les chances qu’un consommateur tombe sur le qualificatif « *L’autre pile alcaline AA la plus populaire selon les données sur les ventes de Nielsen » et qu’il prenne le temps de comprendre que, selon ces données, la description « l’autre marque concurrente la plus populaire* » désigne Energizer, sont, au mieux, minces. De plus, aucune preuve n’a été soumise à la Cour pour montrer comment même le plus déterminé des consommateurs pourrait accéder aux données sur les ventes de Nielsen.

[161] De plus, je suis d’accord avec Duracell pour dire que la preuve d’Energizer n’établit pas que l’expression « l’autre marque concurrente la plus populaire » est un élément distinctif d’une marque de commerce d’Energizer ou qu’elle pourrait être confondue avec une marque de commerce d’Energizer. La question est celle de savoir si le consommateur ferait le lien entre « l’autre marque concurrente la plus populaire » et une marque de commerce d’Energizer, et non celle de savoir si le consommateur connaît « l’autre marque concurrente la plus populaire ». Pour paraphraser la juge Reed, alors qu’elle siégeait à la Cour fédérale, on peut à tout le moins soutenir, à mon avis, que cette expression sur l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire vise l’achalandage de l’entreprise, et non celui de la marque de commerce d’Energizer : Eye Masters Ltd. c Ross King Holdings Ltd. (1re inst), 1992 CanLII 14770 (CF), [1992] 3 CF 625, à la p 629 [Eye Masters].

[162] Je suis également d’accord avec Duracell pour dire que « l’autre marque concurrente la plus populaire » n’est pas une marque de commerce d’Energizer et que, à mon avis, cette expression n’est pas suffisamment semblable à l’une ou l’autre des marques de commerce d’Energizer pour évoquer l’une d’entre elles aux yeux d’un consommateur pressé. Autrement dit, je conclus que l’observateur occasionnel ne reconnaîtrait pas l’expression utilisée par Duracell comme une marque d’Energizer et que, par conséquent, sans un « lien, [une] connexion ou [une] association dans l’esprit du consommateur » entre l’expression et une marque de commerce d’Energizer, il ne peut y avoir de dépréciation : Veuve Clicquot, précité, aux para 48‐49.

[163] J’ajoute que Duracell s’est appuyé à tort sur la décision Interlego AG c Irwin Toy Ltd, [1985] ACF no 1169 [Interlego]. Dans le contexte d’une injonction interlocutoire portant sur l’emploi (ou le mauvais emploi) des marques de commerce LEGO et DUPLO et des images représentant des blocs Lego sur les emballages et dans les catalogues, il n’est pas surprenant, à mon avis, que la Cour n’ait pas examiné d’emblée la mention « Works with leading brand » (et la mention équivalente française « compatible avec la marque dominante ») et la question de savoir s’il fallait apposer une nouvelle étiquette sur les emballages. Je souligne que l’emballage en cause portait également la mention [traduction] « Compatible avec Lego » et affichait une image représentant des blocs où on pouvait voir le mot « Lego » sur les tenons servant à lier les blocs entre eux, ce qui permettait de préciser la phrase plus vague « Compatible avec la marque dominante » inscrite sur l’emballage, au moins jusqu’à ce que la Cour ordonne que les passages soient couverts d’une nouvelle étiquette ou que les mentions « Lego » soient retirées.

[164] Plus précisément, les mentions « Works with leading brand » et « Compatible avec la marque dominante » n’étaient pas les seules « marques » ou expressions sur l’emballage destinées à évoquer les produits ou les marques des demanderesses ou à créer un lien avec ceux‐ci, contrairement à l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire. De plus, il n’est pas clair, à mon avis, à la lumière de la décision elle‐même dans l’affaire Interlego, si, dans le cadre de leur demande d’injonction interlocutoire, les demanderesses cherchaient à faire interdire l’emploi de ces expressions dans l’attente du procès.

[165] Bien qu’il soit tentant, dans les circonstances, de qualifier d’« exagérations » le contenu de l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire, il est néanmoins nécessaire d’examiner ci‐après la déclaration sur le rendement dans le contexte de la question portant sur les « désignations ou descriptions fausses ou trompeuses » sur laquelle je me pencherai maintenant.

B. Désignations ou déclarations fausses ou trompeuses?

[166] Je conclus qu’Energizer n’a pas établi que les déclarations sur les autocollants en cause sont fausses ou trompeuses ou que les déclarations comparatives sur le rendement faites par Duracell sur tous les autocollants en cause n’étaient pas fondées sur motifs justes et raisonnables. Je conclus en outre que les déclarations ne sont pas trompeuses d’une façon importante parce qu’Energizer n’a pas démontré que Duracell a connu une hausse de ses ventes attribuable uniquement à la présence des autocollants, comme je l’explique dans l’analyse relative aux réparations ci‐après.

[167] En plus d’alléguer une dépréciation probable de l’achalandage, Energizer prétend que les déclarations figurant sur les autocollants en cause sont fausses et trompeuses, ce qui contrevient aux alinéas 7a) et 7d) de la LMC ainsi qu’a l’article 52 de la Loi sur la concurrence. Ces dispositions sont semblables et complémentaires. Les paragraphes qui suivent présentent un résumé des éléments constitutifs de ces dispositions, suivi d’une analyse des éléments de preuve et des arguments applicables présentés à la Cour.

1) L’alinéa 7a) de la LMC – déclaration fausse ou trompeuse

[168] L’alinéa 7a) de la LMC prévoit que nul ne peut « faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent ». L’effet combiné de l’alinéa 7a) et du paragraphe 53.2(1) de la LMC est de créer une cause d’action prévue par la loi en vertu de laquelle il est possible d’obtenir une réparation de nature injonctive, pécuniaire et autre si une personne a subi des dommages par suite des déclarations fausses ou trompeuses de la part d’un concurrent : S. & S. Industries Inc. c Rowell, 1966 CanLII 53 (SCC), [1966] SCR 419 [Rowell], à la p 424 (faisant référence à l’article 52 de la LMC, maintenant le paragraphe 53.2(1)); Petline, précitée, au para 5. Il n’est pas requis expressément que les déclarations fausses ou trompeuses soient faites avec connaissance de leur fausseté ou qu’elles soient faites malicieusement, quoique la présence ou l’absence de malice serait pertinente à l’évaluation des dommages : Rowell, précité, à la p 425.

[169] Les éléments essentiels de la cause d’action sont donc les suivants :

1. il y a une déclaration fausse ou trompeuse;

2. qui tend à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent;

3. et il en résulte un préjudice, à savoir qu’il doit y avoir un lien de cause à effet entre le préjudice et l’acte répréhensible allégué, c.‐à‐d. les déclarations fausses ou trompeuses.

(Voir E. Mishan & Sons, Inc. c Supertek Canada Inc., 2016 CF 986 aux para 7, 30.)

[170] De plus, selon le troisième volet du critère, il faut produire une certaine preuve de préjudice, contrairement à l’alinéa 7b) de la LMC ou au principe de la commercialisation trompeuse, qui prévoit l’examen du « préjudice réel ou possible »; en d’autres termes, il n’existe aucune une présomption de préjudice : Alliance Laundry Systems LLC c Whirlpool Canada LP, 2019 CF 724 [Alliance Laundry] aux para 40‐42 [non souligné dans l’original].

2) L’alinéa 7d) de la LMC – désignation fausse sous un rapport essentiel

[171] L’alinéa 7d) de la LMC vise à protéger les consommateurs en empêchant la duperie dans l’offre au public de marchandises ou services. Plus particulièrement, cette disposition interdit d’employer, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde, entre autres, leurs caractéristiques : MacDonald et al c Vapor, 1976 CanLII 181 (CSC), [1977] 2 RCS 134, à la p 148.

[172] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment en ce qui a trait à la dépréciation de l’achalandage au titre de l’article 22 de la LMC, il ne fait aucun doute dans mon esprit que Duracell a utilisé des déclarations comparatives sur le rendement, qui sont visées par le terme général « une désignation », en liaison avec des produits au moyen de l’apposition des autocollants en cause sur des emballages de piles. À mon avis, il s’agit également d’un emploi qui ne crée pas de confusion, comme il est prévu à l’article 4. Je suis également d’avis que les déclarations qui comparent la durée de vie des piles portent sur les caractéristiques des produits. L’analyse qui suit se limite donc à la question de savoir si les déclarations comparant le rendement sont fausses sous un rapport essentiel et si elles sont de nature à tromper le public.

3) Le paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence – indications fausses ou trompeuses sur un point important

[173] Selon le paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence, « [n]ul ne peut [...] aux fins de promouvoir [...] la fourniture ou l’utilisation d’un produit [...] donner au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses sur un point important ». Ensemble, le paragraphe 52(1) et l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur la concurrence créent une cause d’action prévue par la loi qui est toutefois limitée aux pertes ou aux dommages prouvés et aux dépens, comme l’a souligné le juge Brown dans la décision Energizer CF 2018.

[174] En l’espèce, je n’ai aucune difficulté à conclure que Duracell a utilisé les autocollants en cause dans le but de promouvoir la fourniture ou l’utilisation de ses piles, et que les indications sur les autocollants, c’est‐à‐dire les déclarations comparatives sur le rendement, étaient destinées au public. Les questions auxquelles la Cour doit répondre sont celles de savoir si Duracell a fait de telles déclarations sciemment ou sans se soucier des conséquences et si ces déclarations sont fausses ou trompeuses sur un point important.

[175] Si ce n’est que le paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence exige que la déclaration ait été faite en ayant connaissance de sa fausseté ou en faisant preuve d’insouciance à cet égard, le critère à appliquer relativement au paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence est le même que celui qui se rattache à l’alinéa 7a) de la LMC : Alliance Laundry, précitée, au para 79, citant Direct Energy Marketing Limited c National Energy Corporation, 2014 ONCA 105, au para 8. De plus, je fais remarquer que, suivant le paragraphe 52(4) de la Loi sur la concurrence, pour déterminer si les indications sont fausses ou trompeuses sur un point important, il faut tenir compte de l’impression générale qu’elles donnent ainsi que de leur sens littéral.

[176] Voici un résumé des principes énoncés par la Cour suprême de la Nouvelle‐Écosse et adoptés par la Cour qui s’appliquent à une décision prise en vertu de l’article 52 de la Loi sur la concurrence [citations omises] :

[TRADUCTION]

1. Il faut tout d’abord déterminer l’impression générale que donne la publicité. Pour ce faire, il faut tenir compte de la nature du segment de la population auquel elle s’adresse.

2. Il faut également tenir compte du sens littéral de la publicité.

3. Pour déterminer si la publicité donne des indications fausses ou trompeuses sur un point important, on peut tenir compte d’éléments de preuve extrinsèques, mais non dans le but de modifier l’impression générale déjà dégagée.

4. Pour être considérée comme trompeuse, une publicité doit être trompeuse sur un point important. L’importance se définit en fonction de l’effet que la publicité aurait sur la décision du consommateur d’acheter. Elle doit être à ce point « pertinente ou essentielle » pour influencer la décision du consommateur. De simples exagérations ne suffisent pas pour constituer une publicité trompeuse.

5. Une publicité agressive ne tombe pas sous le coup de la Loi sur la concurrence à moins qu’elle ne constitue un « dénigrement mensonger » des marchandises ou des services du concurrent.

6. Le tribunal ne devrait pas s’ingérer dans un marché compétitif, à moins que la publicité ne soit « manifestement injuste ».

7. Même si la publicité « repousse les limites de ce qui est juste », elle ne sera pas considérée comme étant trompeuse sur un point important.

8. Dans le contexte civil, la charge de la preuve qui incombe au demandeur est quand même celle de la prépondérance de la preuve, mais il s’agit d’un fardeau plus lourd en raison de la gravité des allégations. Il faut fournir une « preuve substantielle » de l’activité qui constituerait « un crime public très grave ».

(Voir Distrimedic Inc. c Dispill Inc., 2013 CF 1043, au para 262, citant Maritime Travel Inc c Go Travel Direct.Com Inc (2008), 66 CPR (4th) 61, 2008 NSSC 163 (CanLII) [Maritime], au para 39, conf par 2009 NSCA 42.)

[177] En somme, pour décider si une indication est fausse ou trompeuse, il faut la situer dans son contexte : Telus Communications Co. v Rogers Communications Inc., 2009 BCSC 1610 [Telus] au para 29; appel rejeté 2009 BCCA 581.

[178] J’ajoute que l’impression générale doit être évaluée du point de vue d’un consommateur ciblé par les indications données, soit un consommateur de piles qui n’est pas particulièrement aguerri et qui n’a pas d’expérience sur le plan technique, c’est‐à‐dire qui n’a pas d’expérience eu égard à l’information technique contenue dans les déclarations comparatives sur le rendement : Canada (Commissaire de la concurrence) c Canada Tax Reviews Inc., 2021 CF 921 [CTR] aux para 76‐85; Canada (Competition Bureau) v Chatr Wireless Inc., 2013 ONSC 5315 [Chatr] aux pp 131‐132. J’en suis venue à cette conclusion parce que, bien que les conclusions du juge en chef Crampton dans la décision CTR (concernant l’applicabilité de la décision Chatr et de l’arrêt Richard c Time Inc., 2012 CSC 8, pour déterminer la perspective pertinente) aient été tirées dans le contexte de l’alinéa 74.01(1)a) de la Loi sur la concurrence, à mon avis, cette disposition est essentiellement semblable au paragraphe 52(1). On peut facilement le constater à partir du tableau qui suit, à la différence que pour que le comportement soit considéré comme susceptible d’examen aux termes de l’alinéa 74.01(1)a), il n’est pas nécessaire que la déclaration soit faite sciemment ou sans se soucier des conséquences, comme l’exige le paragraphe 52(1) :

Paragraphe 52(1)

Alinéa 74.01(1)a)

Nul ne peut, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l’utilisation d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques, donner au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses sur un point important.

Est susceptible d’examen le comportement de quiconque donne au public, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l’usage d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques :

a) ou bien des indications fausses ou trompeuses sur un point important;

[Non souligné dans l’original.]

[179] De plus, la Cour a reconnu que « la Loi sur la concurrence (article 1.1) mentionne expressément que la protection du consommateur est l’un de ses objectifs sous‐jacents, et que cette loi a été reconnue comme une loi de protection du consommateur » : Lin c Airbnb, Inc, 2019 CF 1563 au para 57.

[180] Autrement dit, la perspective qu’il convient d’adopter pour apprécier l’impression générale est celle du consommateur ordinaire pressé « qui ne prête rien de plus qu’une attention ordinaire à ce qui lui saute aux yeux lors d’un premier contact avec une publicité » et non la perspective du consommateur prudent et diligent : Richard, précité, aux para 66‐67, citant Mattel, précité.

[181] De plus, l’impression générale applicable est celle créée chez le consommateur concerné après « un premier contact complet avec la publicité, et ce, à l’égard tant de sa facture visuelle que de la signification des mots employés » : Richard, précité, au para 57 [non souligné dans l’original]. La dissection du texte (comme le préconise Mme McNeish, par exemple) « s’éloigne d’une recherche de l’impression générale d’ensemble que la publicité donne au consommateur » : Richard, précité, au para 60.

[182] De plus, l’impression générale donnée par la publicité dépend de facteurs non exhaustifs, notamment la compréhension des personnes qui l’ont lue, [traduction] « telle qu’elle est démontrée au moyen d’une preuve par sondage »; l’utilisation de qualificatifs, comme « jusqu’à »; la nature des consommateurs; la nature du moyen de communication : Purolator Courier Ltd. v United Parcel Service Canada Ltd., 1995 CanLII 7313 (ON SC) [Purolator] au para 43.

[183] Je fais également remarquer que la Cour suprême dans l’arrêt Richard a souligné que le critère de l’impression générale ressemble au critère qui doit être appliqué afin de déterminer si une marque crée de la confusion (Veuve Clicquot, précité, au para 20, et Masterpiece, précité, au para 41). Cela étant dit, même si l’impression générale est celle créée chez le consommateur concerné après un premier contact complet avec la publicité, j’estime que, comme l’indiquent le paragraphe 20 de l’arrêt Veuve Clicquot et les paragraphes 40‐41 de l’arrêt Masterpiece, le consommateur moyen pressé « ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près [la publicité] ».

[184] Sans preuve sous forme de données primaires ni de preuve par sondage sur l’impression générale ou la compréhension qu’a le consommateur moyen des autocollants en cause qui figurent sur les emballages de piles au moment où le consommateur les a vus sur le marché ou dans un magasin de vente au détail, je conclus que la Cour doit elle‐même adopter une approche fondée sur le bon sens pour faire l’analyse sous‐jacente, en prenant en compte la preuve relative aux tests réalisés sur les piles produite par les parties.

[185] Je tiens à souligner que l’expert d’Energizer spécialisé dans les tests applicables aux piles, M. Adams, n’a analysé que les données des tests effectués par Duracell (qui incluaient à la fois les piles DURACELL et ENERGIZER) en ce qui concerne la source et l’âge des piles, ainsi que leurs conditions d’entreposage avant les tests. Il n’a pas eu le temps d’effectuer une analyse semblable des données relatives aux tests réalisés par Energizer. En contre‐interrogatoire, il a admis ou précisé qu’il n’avait pas reçu les données relatives aux tests réalisés par Energizer et qu’il ne les avait pas demandées.

4) Analyse

[186] En gardant à l’esprit les dispositions et les principes qui précèdent, je commencerai par examiner ce que disent réellement les autocollants en cause et l’impression générale qu’ils donnent. Comme la Cour suprême de la Colombie‐Britannique l’a souligné, [TRADUCTION] « [...] la première étape consiste à examiner à la fois le sens littéral et l’impression générale en fonction des déclarations effectivement faites dans les publicités, afin de corriger l’impression du consommateur moyen[;] [...] la Cour doit ensuite déterminer si cette impression est fausse ou trompeuse sur un point important, compte tenu de faits extrinsèques, le cas échéant » : Telus, précitée, au para 32.

[187] Mis à part l’exigence prévue par la loi (c.‐à‐d. le paragraphe 52(4) de la Loi sur la concurrence), j’estime que cette approche est logique dans le contexte des dispositions, comme toutes celles dont il est question ici, qui ont pour objet, directement ou indirectement, de protéger les consommateurs et les commerçants contre la concurrence déloyale.

[188] Je commencerai par l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer, qui ne comporte aucun avertissement, puis j’examinerai les autres autocollants en cause, qui comportent tous des avertissements.

a) L’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer

[189] Je reproduis ci‐dessous l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer pour en faciliter l’examen du sens littéral et de l’impression générale qui s’en dégage :

[190] Duracell soutient que, à toutes fins utiles, l’expression « tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent » (c.‐à‐d. l’alinéa 7a) de la LMC) et la notion de probabilité de dépréciation de l’achalandage reviennent à la même chose. Je ne suis pas de cet avis pour au moins trois raisons.

[191] Premièrement, comme Duracell l’a affirmé à plusieurs reprises dans ses observations écrites et orales, et d’après une simple lecture de l’article 22 de la LMC comparativement aux alinéas 7a) et 7d) de la LMC et au paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence, je suis d’accord avec elle que la dépréciation de l’achalandage doit avoir un lien avec la marque du concurrent et non avec son entreprise ou son produit.

[192] Deuxièmement, en ce qui concerne l’alinéa 7a) de la LMC en particulier, et comme je l’ai conclu précédemment, il est impératif que le concurrent (c.‐à‐d. Energizer en l’espèce) soit identifié dans la déclaration supposément fausse : Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada c CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp., 2020 CF 1191 au para 73. Comme Energizer est le premier mot de la dénomination sociale de chaque demanderesse, je suis disposée à conclure que cet élément de la disposition est respecté en ce qui concerne l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX. Le « lien » envisagé dans le critère applicable à la dépréciation de l’achalandage, toutefois, concerne la marque déposée (ou une marque de commerce qui s’y apparente) du propriétaire de la marque (qui peut ou non être un concurrent).

[193] Troisièmement, comme le fait valoir Duracell en invoquant l’arrêt Richard, précité, il convient d’examiner chaque autocollant en cause dans son intégralité pour déterminer s’il contient des indications fausses ou trompeuses. J’ai toutefois conclu, en ce qui concerne l’analyse de la dépréciation de l’achalandage, qu’il est peu probable que le consommateur moyen pressé voie l’autocollant au complet ou s’arrête assez longtemps pour l’observer attentivement. La première analyse porte sur le sens littéral des autocollants en cause et nécessite un examen de l’autocollant dans son intégralité, tandis que la seconde, à mon avis, porte davantage sur l’impression générale que le consommateur a pu se faire de l’autocollant, pour laquelle aucune preuve sous forme de données primaires ou de sondage n’a été présentée.

[194] En ce qui concerne l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer en particulier, je remarque qu’il n’y aucun avertissement (c.‐à‐d. de qualificatifs ou de limites), contrairement aux autres autocollants en cause qui sont examinés séparément ci‐après.

[195] L’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer indique « 15% LONGER LASTING vs. Energizer on size 10, 13 and 312 » en anglais et « 15% PLUS DURABLES vs les piles Energizer de format 10, 13 et 312 » en français [astérisques omis]. À mon avis, selon leur sens littéral, ces déclarations signifient que les piles pour appareils auditifs DURACELL de formats 10, 13 et 312 dureront 15 % plus longtemps que les piles pour appareils auditifs ENERGIZER de formats correspondants.

[196] L’absence d’avertissement sur l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer est un facteur important à prendre en considération pour déterminer si la déclaration est fausse ou trompeuse au sens de la LMC et de la Loi sur la concurrence. Cela dit, la preuve et les observations des demanderesses ne m’ont pas convaincue que les déclarations étaient de quelque façon que ce soit trompeuses ou injustes. Je conclus plutôt qu’elles sont raisonnablement fondées sur les données présentées par Duracell, puisque celles‐ci, après avoir fait l’objet d’un examen complet, révèlent que les piles de Duracell de formats 10, 13 et 312 |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| que les piles pour appareils auditifs d’Energizer de formats correspondants. Comme je l’expliquerai ci‐après, je conclus en outre que la preuve n’établit aucune violation des dispositions applicables de la LMC et de la Loi sur la concurrence.

[197] Energizer affirme que d’après son examen des données relatives aux tests, la déclaration sur le rendement qui figure sur l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer est fausse, selon les normes ANSI de 2009 et les normes de la CEI de 2011. Plus particulièrement, Energizer fait valoir que le témoignage d’expert de M. Adams démontre que |||||||||||||||||||||||||||| | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Dans son rapport, il a indiqué également que dans |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Fait intéressant, M. Adams n’a pas envisagé d’effectuer des tests pour les piles de format 312.

[198] Selon la preuve produite par Duracell, toutefois, les propres tests qu’elle a elle‐même effectués |||||||||||||| pour appuyer la « preuve de déclaration » pour les piles pour appareils auditifs, |||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Duracell affirme que M. Adams n’a pas tenu compte des résultats de la preuve de déclaration pour les piles pour appareils auditifs dans son analyse, mais qu’il a plutôt cherché à les miner en mettant l’accent sur des questions comme l’âge et les conditions d’entreposage des piles (qui, à son avis, pourraient avoir une incidence sur la préservation de la puissance ou la durée de vie de la pile).

[199] M. Adams a admis à l’audience que [traduction] « le but était de trouver des cas où la pile de Duracell ne durait pas 15 % plus longtemps que la pile d’Energizer » afin d’étayer la position selon laquelle la déclaration doit représenter une garantie qui sera respectée en tout temps. Bien qu’il y ait eu des cas où les tests ont révélé que le seuil de 15 % n’avait pas été atteint, je ne crois pas que, dans l’ensemble, les données relatives aux tests sur lesquelles Duracell s’est fondée pour étayer la déclaration ont permis d’établir que la déclaration était inexacte un nombre suffisamment important de fois.

[200] Selon la jurisprudence applicable, la publicité comparative est, de par sa nature, unilatérale et ne représente pas nécessairement un point de vue complet et équilibré; cela dit, la déclaration doit néanmoins être fondée sur un motif raisonnable : Purolator, précitée, au para 67; Maritime, précitée, au para 57. Dans l’affaire Purolator, UPS garantissait dans une publicité à la radio et à la télévision [traduction] « la livraison le lendemain avant 10 h 30, habituellement à des tarifs jusqu’à 40 % inférieurs à ceux des autres services de messagerie », et la preuve démontrait que « dans environ 16 % de toutes les permutations et combinaisons, les tarifs d’UPS [étaient] au moins 30 % inférieurs [aux tarifs de Courrier Purolator Ltée] ». La cour n’a pas été convaincue que les publicités en cause constituaient un dénigrement mensonger des biens ou des services d’un concurrent en contravention de l’alinéa 52(1)a) de la Loi sur la concurrence : Purolator, précitée, aux para 1‐3, 30, 65, 67. Autrement dit, la déclaration reposait sur un fondement raisonnable, même si les tarifs d’UPS étaient au moins 30 % inférieurs, et non 40 % inférieurs, et ce, pendant seulement environ 16 % du temps.

[201] À la lumière de la décision rendue dans l’affaire Purolator, je n’accepte pas l’argument d’Energizer selon lequel le consommateur de piles doit obtenir le bénéfice indiqué dans la déclaration comparative sur le rendement 50 % du temps, surtout en l’absence de jurisprudence à l’appui du contraire, même en l’absence d’un avertissement.

[202] Les parties peuvent [TRADUCTION] « repousser les limites de ce qui est juste, elles peuvent être près de la limite », mais cela ne signifie pas que la déclaration sur l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer en tant que telle est fausse. À mon avis, l’autocollant n’est pas non plus trompeur sur un point important, surtout en l’absence de preuve démontrant une hausse des ventes de Duracell attribuable uniquement à la présence de l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer, lorsque l’ensemble de la preuve est pris en considération : Tele‐Mobile Company, a Partnership v Bell Mobility Inc., 2006 BCSC 161 au para 63. Les données tirées des tests réalisés sur les piles applicables sont analysées plus en détail ci‐après.

[203] S’agissant de l’impression générale qui se dégage de l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer, je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que, s’il prend en effet le temps de lire l’autocollant, ce qui n’est démontré par aucune preuve directe ou preuve par sondage, le consommateur moyen pressé (en gardant à l’esprit que cette personne ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur) remarque uniquement la mention 15 % PLUS DURABLES et qu’il est tout aussi probable qu’il pense que les piles pour appareils auditifs DURACELL durent 15 % plus longtemps que les versions précédentes des mêmes piles DURACELL. À mon avis, cette conclusion est corroborée, dans une certaine mesure, par la déclaration comparative sur le rendement qui se trouve sur l’autocollant apposé sur les piles d’Energizer et qui a été déposé en preuve au procès (reproduit ci‐après), lequel indique ce qui suit (en français) : « AMÉLIORÉ! DURE JUSQU’À 30 % PLUS LONGTEMPS QUE LES PILES ENERGIZER MAX PRÉCÉDENTES DANS LES APPAREILS PHOTO NUMÉRIQUES » [l’autocollant avec la mention « amélioré »]. Pendant le contre‐interrogatoire, on a montré à Mme McNeish une photo d’un emballage de piles AA ENERGIZER MAX +POWERSEAL portant l’autocollant avec la mention « amélioré » ci‐dessous, et selon elle, elle avait déjà vu des autocollants semblables.

[204] À mon avis, il y a lieu de se demander pourquoi Energizer utilise une déclaration structurée de cette façon sur son autocollant avec la mention « amélioré » alors que, selon ses affirmations contraires dans la présente action (selon le témoignage d’expert de Mme McNeish et son témoignage en contre‐interrogatoire), les consommateurs ne lisent pas les mots « dure jusqu’à » et qu’ils s’attendraient à ce qu’une telle déclaration soit interprétée comme une garantie que toutes les piles portant la mention « amélioré » dureront au moins jusqu’à 30 % plus longtemps que les piles Energizer MAX précédentes dans les appareils photo numériques.

b) L’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin, l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire

[205] J’examinerai maintenant les autres autocollants en cause qui sont reproduits ci‐dessous pour faciliter l’examen de leur sens littéral et de l’impression générale qui s’en dégage :

Autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin

 

Autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX

Autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire

 

[206] L’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin indique « Up to 20% LONGER LASTING vs. the bunny brand on size 10, 13 and 312 » en anglais et « Durent jusqu’à 20% PLUS LONGTEMPS vs les piles 10, 13 et 312 de la marque du lapin » en français [astérisques omis]. À mon avis, le sens littéral de ces déclarations est que les piles pour appareils auditifs DURACELL de formats 10, 13 et 312 dureront 20 % (ou moins) plus longtemps que les piles pour appareils auditifs d’Energizer de formats correspondants, étant donné que les défenderesses ont admis au cours de l’interrogatoire préalable que l’expression « la marque du lapin » visait à faire indirectement référence à Energizer.

[207] L’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX indique « UP TO 15% LONGER LASTING VS. ENERGIZER MAX AA size. Results vary by device and usage patterns » en anglais seulement ([traduction] « JUSQU’À 15 % PLUS LONGTEMPS VS LES PILES ENERGIZER MAX AA. Les résultats varient selon le type d’appareil et la fréquence d’utilisation. »). À mon avis, le sens littéral de ces déclarations est que les piles AA DURACELL dureront 15 % (ou moins) plus longtemps que les piles AA ENERGIZER MAX, et que leur durée réelle dépendra de l’appareil dans lequel la pile est utilisée et de la manière (y compris la fréquence ou la durée d’utilisation) dont le consommateur utilise l’appareil.

[208] De même, l’autocollant apposé sur les piles mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire indique « up to 15% LONGER LASTING vs. the next leading competitive brand. Next leading alkaline based on Nielsen sales data. AA size. Results vary by device and usage patterns » en anglais et « durent jusqu’à 15% PLUS LONGTEMPS que les piles de l’autre marque concurrente la plus populaire. L’autre pile alcaline AA la plus populaire selon les données sur les ventes de Nielsen. Les résultats varient selon le type d’appareil et la fréquence d’utilisation » en français. À mon avis, le sens littéral de ces déclarations est que les piles AA DURACELL dureront 15 % (ou moins) plus longtemps que les piles AA d’Energizer, étant donné que les défenderesses ont admis au cours de l’interrogatoire préalable que les expressions « l’autre marque concurrente la plus populaire » et « selon les données sur les ventes de Nielsen » visaient à faire indirectement référence à Energizer. De plus, la durée réelle des piles AA DURACELL dépend de l’appareil dans lequel la pile est utilisée et de la manière dont le consommateur utilise l’appareil (bien que l’expression « la fréquence d’utilisation » en français semble renvoyer davantage au nombre de fois où l’appareil est utilisé).

[209] Je tiens à souligner que l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer MAX ne contient pas l’avertissement suivant : « Les résultats varient selon l’appareil et la fréquence d’utilisation. » L’absence de pareil avertissement est compréhensible étant donné que cet autocollant a été utilisé uniquement sur les emballages des piles pour appareils auditifs, c’est‐à‐dire les piles destinées à être utilisées dans un seul type d’appareil, à savoir les appareils auditifs.

[210] Je ne suis pas convaincue par l’argument d’Energizer selon lequel les consommateurs de piles qui seraient portés à lire ces autocollants ne comprendraient pas les avertissements, à l’exception de la référence aux données sur les ventes de Nielsen puisque des recherches plus poussées seraient nécessaires pour bien comprendre celles‐ci et qu’il n’a pas été établi que le consommateur ordinaire effectuerait pareilles recherches.

[211] Autrement, le consommateur moyen pressé n’est pas un « crétin pressé » ni [traduction] « totalement naïf ». Ce consommateur hypothétique est plutôt une personne d’intelligence ordinaire qui agit avec la prudence normale, et il faut lui accorder une certaine confiance : Mattel, précité, aux para 56‐57; Purolator, précitée, au para 58. Même Mme McNeish était d’avis que le consommateur moyen sait lire, écrire et compter, bien qu’elle ait affirmé de façon contradictoire que les consommateurs ne comprendraient pas les termes « jusqu’à » et « les résultats varient selon le type d’appareil » et trouveraient ces expressions inhabituelles.

[212] De plus, il ne s’agit pas d’un cas où les avertissements en cause se trouvent ailleurs sur les emballages de piles. À mon avis, elles font partie des déclarations primaires : Purolator, précitée, au para 56. J’accorde moins d’importance à l’utilisation d’avertissements marqués d’un astérisque sur l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire, bien qu’ils soient inscrits en petits caractères. L’information sur les autocollants est présentée de façon très concentrée, et un consommateur qui serait porté à lire l’autocollant au complet après avoir pris l’emballage dans l’étagère du magasin ou le présentoir serait en mesure d’assimiler l’information en un coup d’œil. Autrement dit, le moyen de communication de l’information a une incidence, à mon avis, sur la façon dont le message serait perçu : Purolator, précitée, au para 61. J’insiste encore une fois sur le fait qu’il n’y a aucune preuve sous forme de données primaires ou de preuve par sondage qui permettent de déterminer si le consommateur moyen serait porté à lire les autocollants en cause, au complet ou en partie, et je ne suis pas non plus prête à déduire qu’il serait porté à le faire compte tenu de la façon dont les piles sont vendues dans les magasins de vente au détail suivant la preuve tel qu’il ressort de la preuve présentée dans le cadre de la présente action.

[213] De plus, le contexte dans lequel s’inscrit la campagne liée aux autocollants en cause est différent, par exemple, de celui des étalages sur tablettes (c.‐à‐d. des « affichettes d’étagère ») ou des publicités télévisées qui sont relativement distinctes de l’emballage des piles. En d’autres termes, la proximité de l’information inscrite sur l’autocollant figurant sur l’emballage a joué un rôle important dans l’acceptabilité des autocollants de format similaire. Le présent contexte n’est pas le même que celui des étalages sur tablettes et de la publicité télévisée examinés par la division de la publicité nationale du Council of Better Business Bureaus, Inc. aux États‐Unis à la suite de plaintes formulées par Energizer à l’égard de déclarations comparatives sur le rendement que Procter & Gamble avait faites sur des autocollants apposés sur des emballages, sur des étalages sur tablettes et dans une publicité télévisée. Comme je l’ai mentionné plus tôt, seuls les autocollants apposés sur les emballages sont en cause dans le présent procès.

[214] En somme, je conclus que les déclarations littérales sont présentées de façon claire. Elles indiquent que les piles dureront « jusqu’à » la durée de vie indiquée, c’est‐à‐dire qu’elles pourraient durer de 1 % (ou au moins plus de 0 %) à 15 % ou à 20 % plus longtemps que le comparateur indiqué (soit « la marque du lapin », ENERGIZER MAX ou « l’autre marque concurrente la plus populaire ») et, de plus, que la durée de vie réelle dépendra de l’appareil dans lequel les piles sont utilisées et de la façon dont est utilisé l’appareil. S’agissant des consommateurs qui prendront le temps de lire les autocollants, je ne retiens pas l’argument selon lequel ceux‐ci ne liraient pas et ne comprendraient pas ces avertissements, étant donné que, selon ce qu’a affirmé l’expert en marketing d’Energizer, le consommateur moyen sait lire, écrire et compter et du fait que toute l’information se trouve au même endroit sur un autocollant.

[215] Quant aux impressions générales qui se dégagent de l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin, l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire, je crois qu’elles seraient comparables aux impressions qui se dégageraient de l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer. C’est‐à‐dire que si un consommateur pressé prêtait la moindre attention à tous les autocollants, il pourrait vraisemblablement, en un coup d’œil et sans s’arrêter pour réfléchir à la question en profondeur, croire que les déclarations sont des comparaisons avec des versions précédentes des mêmes piles DURACELL, compte tenu de la visibilité du pourcentage et des mots PLUS LONGTEMPS et PLUS DURABLES, ainsi que de la proximité de ceux‐ci avec l’expression « durent jusqu’à ».

[216] En ce qui concerne la preuve relative aux tests auxquels les piles ont été soumises, j’estime que la preuve et l’argumentation d’Energizer portent sur la question de savoir si la durée de vie des piles dépasse les pourcentages indiqués. Une simple lecture des déclarations sur les autocollants en cause permet de constater que ce n’est pas ce que les déclarations prétendent réellement, ou plus précisément ce qu’elles prétendent littéralement. Pour ce motif, et pour d’autres motifs que j’ai exposés ci‐après, je privilégie le témoignage de M. Whitacre qui s’est concentré sur [traduction] « [l’]expérience du consommateur », c’est‐à‐dire le rendement relatif des piles achetées et utilisées par un consommateur, sans la limitation de la preuve relative aux tests effectués sur les piles présente dans l’analyse faite par M. Adams (c.‐à‐d. s’il y a dépassement des pourcentages indiqués sur les autocollants en cause).

[217] Je suis d’accord avec Duracell pour dire que les déclarations en cause dans le présent litige ne renvoient pas aux normes ANSI/CIE (dont l’application est volontaire, selon M. Whitacre); qu’aucune preuve ne vient appuyer le fait que les consommateurs ordinaires connaissent ces normes; et qu’il est raisonnable de prendre en considération toutes les données disponibles pour déterminer en quoi les piles d’un fabricant se comparent aux piles d’un autre fabricant, ce que M. Whitacre a fait, à mon avis, contrairement à M. Adams, qui avait notamment le mandat de regrouper les tests par année civile et qui n’a pas tenu compte de certaines des données relatives aux tests produites par les parties. Je souligne qu’en réponse à ce regroupement, M. Whitacre a examiné les données qu’on lui a fournies par année pour répondre aux commentaires de M. Adams.

[218] Je suis également d’accord avec M. Whitacre pour dire que le consommateur moyen de piles n’achète probablement pas de piles dans les 60 jours (c.‐à‐d. conformément aux protocoles de tests relatifs aux normes ANSI/CIE ) suivant leur fabrication et pourrait même ne pas les avoir toutes utilisées 60 jours après l’achat. Pour mesurer la durée de vie du point de vue du consommateur, il est donc préférable d’utiliser des piles qui se trouvent sur le marché. M. Adams a souscrit à cette proposition en contre‐interrogatoire. Je tiens à souligner que la division de la publicité nationale a affirmé [traduction] « [qu’]utiliser des piles qui sont vendues sur le marché libre pour effectuer les tests permet d’obtenir des résultats qui reflètent mieux le rendement des piles achetées et utilisées par les consommateurs dans le quotidien »; bien que cette observation ne soit aucunement contraignante dans l’action dont la Cour est saisie, j’estime qu’elle est juste.

[219] Je reconnais également que l’utilisation de piles qui sont vendues sur le marché pourrait nécessiter la prise en compte de certaines variables comme les conditions d’entreposage (avant la vente, comme le degré d’humidité ou les changements de température) et l’âge, qui étaient des préoccupations importantes pour M. Adams. Toutefois, rien dans la preuve produite devant la Cour ne permet de démontrer que le consommateur moyen achète des piles immédiatement après leur fabrication et directement auprès du fabricant ou de montrer la façon dont les piles sont entreposées par le fabricant, avant ou pendant l’expédition, ou sur le marché après leur livraison. Je ne suis pas non plus convaincue, sans autre analyse d’expert, que ces variables ont eu une incidence appréciable sur les résultats des tests présentés en preuve. Cela est particulièrement le cas, à mon avis, compte tenu de la preuve selon laquelle Duracell a soumis certaines de ses piles provenant de l’usine à des processus de vieillissement artificiel pour qu’elles aient un âge similaire aux piles comparables d’Energizer, ce qui n’a pas été pris en compte par M. Adams. De plus, rien ne prouve que M. Adams a analysé les données disponibles en vue de confirmer un rendement inférieur en raison de ces variables.

[220] De plus, M. Whitacre a témoigné que les piles se dégradent lentement après les trois premiers mois qui suivent la fabrication. M. Adams a admis en contre‐interrogatoire que, pour réaliser les tests sur les milliers de piles AA et de piles pour appareils auditifs d’Energizer et de Duracell dont il devait analyser les données, les entreprises avaient acheté les piles auprès de détaillants qui s’étaient procuré les piles auprès de distributeurs. Autrement dit, les piles n’ont pas été expédiées directement du fabricant aux installations de test, et il a conclu que [traduction] « la plupart des piles avaient probablement été fabriquées il y a plus de 100 jours ». Ce témoignage confirme, comme le fait valoir Duracell et je suis de cet avis, qu’aucune des parties au présent litige ne s’est nécessairement limitée de manière précise aux protocoles de l’ANSI/de la CEI (passés, en vigueur ou prospectifs) dans tous les scénarios de test.

[221] M. Whitacre est également d’avis que les piles de même conception ou de même fabrication donneront des résultats moyens qui différeront aléatoirement d’un test à l’autre.

[222] Compte tenu de l’ensemble des données provenant des tests auxquels les piles AA ont été soumises, je conclus que l’analyse faite par M. Whitacre des données relatives aux tests effectués sur les piles de Duracell aux fins de la preuve de déclaration pour les années 2014 à 2017 appuie les déclarations concernant le rendement. Les tableaux tirés du rapport de M. Whitacre résumant les analyses qu’il a faites des données provenant des tests effectués aux fins de la preuve de déclaration pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017 sont reproduits à l’annexe B.

[223] Je conclus également que l’analyse faite par M. Whitacre des tests effectués sur les piles d’Energizer de 2014 à 2017 révèle que les piles de Duracell ont duré plus longtemps que les piles d’Energizer, fabriquées selon les normes applicables aux piles vendues au Canada, dans une proportion appréciable des tests effectués. Il ressort également de la preuve qu’il a présentée que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Dans la mesure où Energizer soutient que les données sur le rendement des appareils photo numériques faussent l’ensemble des données des tests auxquels les piles AA ont été soumises, je souligne l’observation formulée par M. Whitacre en réponse (en s’appuyant sur le même document que M. Adams), à savoir que le test pour les appareils photo numériques représente divers appareils, y compris d’autres appareils photo, épilateurs et rasoirs sans fil, jouets télécommandés et lampes à DEL de haute intensité.

[224] Même si M. Adams a admis qu’il a manqué de temps pour terminer son analyse des données provenant des tests d’Energizer, Energizer a indiqué dans ses observations finales que les tests effectués par Energizer sont comparables aux tests effectués par Duracell.

[225] Plus précisément, je suis convaincue que l’analyse des données relatives aux tests effectuée par M. Whitacre révèle que, pour un nombre considérable de consommateurs, le rendement des piles AA de Duracell pertinentes serait soit supérieur à 15 % (c.‐à‐d. celles vendues dans des emballages sur lesquels figure un des autocollants en cause), soit moindre, mais toujours dans une mesure qui respecterait quand même la déclaration de « jusqu’à 15 % ». Par exemple, si la pile AA de Duracell dure au moins 15 % plus longtemps que la pile d’Energizer |||| du temps (comme dans les résultats des tests menés en 2014 dans la catégorie « Brosse à dents » présentés à l’annexe « B »), cela signifie que la pile de Duracell ne durera pas plus de 15 % plus longtemps |||| du temps, mais que, pour certains consommateurs, le rendement restera supérieur à celui des piles d’Energizer, mais dans une proportion inférieure à 15 % (c.‐à‐d. « jusqu’à »).

[226] En ce qui concerne les piles pour appareils auditifs, je conclus qu’aucun des tests applicables n’établit que les déclarations de « 15 % » ou « durent jusqu’à 20 % » de Duracell sont fausses ou trompeuses. Les données présentées en preuve pour chacune des années de 2014 à 2017 appuient plutôt, à mon avis, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, tandis que les piles de Duracell de format 312 ont obtenu des résultats similaires. Je conclus donc que les données montrent, tout compte fait, que les piles de Duracell de format 10, 13 et 312 |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[227] À titre d’exemple, à la fin de 2014, Duracell a fait appel à une entreprise indépendante, Intertek, pour effectuer des tests comparatifs sur les piles pour appareils auditifs de Duracell et d’Energizer de formats 10, 13 et 312 obtenues sur le marché. Les tests effectués selon les normes de la CEI utilisés par Intertek ont montré que ||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Ces résultats concordaient avec ceux des tests effectués aux fins de la preuve de déclaration plus tôt cette année‐là.

[228] Comme autre exemple, les données des tests réalisés par Energizer pour 2014‐2015 analysés par M. Whitacre montrent que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. À l’aide de renseignements supplémentaires contenus dans les données d’Energizer, | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[229] Compte tenu de l’ensemble de la preuve relative aux tests réalisés sur les piles pour appareils auditifs présentée à la Cour et des observations des parties, je ne suis pas convaincue que l’une ou l’autre des déclarations faites par Duracell à l’égard des piles pour appareils auditifs n’est pas raisonnablement étayée par les données.

[230] À la lumière des analyses qui précèdent, je conclus donc que les déclarations qui figurent sur l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin (ainsi que sur l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer), l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant l’autre marque concurrente la plus populaire sont fondées. Par conséquent, je conclus que les déclarations ne sont ni fausses ni trompeuses sur un point important, surtout compte tenu de l’absence de preuve démontrant une hausse des ventes pour Duracell, ou inversement une perte de ventes pour Energizer, attribuable à la présence des autocollants en cause (comme il est expliqué plus en détail ci‐après dans l’analyse relative aux réparations), et qu’elles ne contreviennent pas aux alinéas 7a) et 7d) de la LMC ni au paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence.

[231] J’ajoute qu’à mon avis, pour qu’une déclaration sur le rendement soit justifiable, elle doit reposer sur un fondement qui confère au consommateur un avantage ou un bénéfice raisonnablement réalisable dans les circonstances, qui dépend des faits propres à chaque affaire. De plus, la présence d’avertissements comme « jusqu’à » et « les résultats varient selon le type d’appareil et la fréquence d’utilisation » peut tempérer les attentes des consommateurs à cet égard, encore une fois, selon les circonstances.

C. Activités autorisées par une entente?

[232] En ce qui concerne l’emploi de l’expression « la marque du lapin » par Duracell, je conclus qu’il est autorisé suivant les modalités d’une entente entre les parties, comme je l’expliquerai dans les paragraphes qui suivent.

[233] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. L’une des dispositions des ententes antérieures est rédigée ainsi : [traduction] « Aucune des deux parties n’utilisera le lapin de l’autre, ou un lapin semblable au point de créer de la confusion, dans une publicité comparative, à moins que la partie qui fait la publicité ne fasse une déclaration non équivoque et véridique selon laquelle son produit a une durée de vie supérieure au produit de l’autre partie. » |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[234] Même si j’ai conclu que l’emploi par Duracell de l’expression « la marque du lapin » sur l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin ne contrevenait pas à l’article 22 de la LMC, je juge que cette expression est visée par le libellé de la disposition contractuelle reproduite précédemment. Plus précisément, si elle avait été utilisée sur le marché des piles canadien dans le but de distinguer les piles de Duracell des piles d’Energizer, elle serait probablement considérée comme étant semblable au point de créer de la confusion avec les marques de commerce déposées d’Energizer LAPIN et Dessin et LAPIN et Dessin ENERGIZER, visées respectivement par les enregistrements nos LMC399312 et LMC943350, comme le prévoit le paragraphe 6(2) de la LMC. Aucune des parties n’a laissé entendre le contraire dans ses observations concernant l’entente.

[235] Je tiens toutefois à rappeler que la présente action ne concerne pas la violation d’une marque de commerce ou la commercialisation trompeuse. Je tire la conclusion ci‐dessus uniquement dans le contexte de l’interprétation de la disposition contractuelle applicable, situation qui, de l’avis de la Cour d’appel fédérale, relève de la compétence de la Cour : Salt Canada Inc. c Baker, 2020 CAF 127 (CanLII), [2020] 4 RCF 279 aux para 24, 40.

[236] De plus, contrairement à la position d’Energizer, je suis convaincue que l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin est une forme de publicité et qu’il n’est donc pas soustrait à l’application de cette disposition. Je souligne que, selon l’experte en marketing d’Energizer Mme McNeish, l’emballage est le [traduction] « vendeur sur l’étagère » et qu’il est un élément essentiel de la stratégie de vente dont deux des trois principaux objectifs sont la communication et la persuasion. À mon avis, les autocollants apposés sur les emballages peuvent remplir au moins deux fonctions qui ne sont pas inconciliables : servir de matériel pour étalages au point de vente et de matériel publicitaire (qui fait des comparaisons avec d’autres produits ou avec ses propres produits).

[237] La déclaration qui figure sur l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin indique que les piles pour appareils auditifs de Duracell ont une plus longue durée de vie que les piles d’Energizer. La seule question qui reste à trancher à l’égard de la déclaration est celle de savoir si elle est [traduction] « non équivoque et véridique ». À mon avis, la déclaration sur cet autocollant est claire à première vue; elle est donc non équivoque.

[238] Il ne reste qu’à déterminer si la déclaration sur l’autocollant est « véridique ». Je souligne que la Cour de l’Ontario (Division générale), telle qu’elle était alors désignée, a jugé dans une décision antérieure que le terme « véridique » dans le contexte de cette même entente signifie [traduction] « dans un sens justifiable sur le plan commercial » : Eveready Canada v Duracell Canada Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 348, à la p 352. Compte tenu des conclusions que j’ai tirées sous le titre précédent, et en gardant ce raisonnement à l’esprit, j’estime que la déclaration qui figure sur l’autocollant est véridique.

[239] Je conclus donc que la forme de déclaration comparative qui figure sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin est autorisée ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[240] J’arrive à cette conclusion même si j’ai précédemment conclu que l’expression « la marque du lapin » sur l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin ne contrevenait pas à l’article 22 de la LMC. Dans le contexte de l’article 22 de la LMC, comme je l’ai expliqué précédemment dans les présents motifs, un demandeur doit satisfaire au critère conjonctif qui comporte les quatre éléments décrits dans l’arrêt Veuve Clicquot. Comme je l’ai déjà dit dans une conclusion précédente, l’expression « la marque du lapin » peut évoquer une image de la mascotte emblématique d’Energizer, à savoir le lapin ENERGIZER (comme celui rattaché à l’enregistrement no LMC399312 ou no LMC943350), et Duracell a utilisé l’expression « la marque du lapin » comme raccourci pour le lapin ENERGIZER. Il ne fait aucun doute que la valeur de l’achalandage attaché à ces marques d’Energizer est appréciable. J’ai toutefois conclu que les demanderesses en l’espèce ne satisfaisaient pas au troisième volet du critère, à savoir l’établissement d’un lien entre l’utilisation de l’expression en cause et l’effet sur l’achalandage. À mon avis, l’expression « la marque du lapin » demande au consommateur de déployer des efforts intellectuels supplémentaires, et il n’y a aucune preuve sous forme de données primaires, comme un sondage, pour aider la Cour à déterminer la façon dont le consommateur moyen pressé, qui a un vague souvenir des marques de commerce, aurait réagi à l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin.

[241] Comme l’indique la Cour suprême dans l’arrêt Veuve Clicquot (au para 15), « [...] le fardeau de démontrer l’existence d’une telle probabilité de dépréciation incombait lui aussi à l’appelante. Malgré l’indubitable renommée de la marque, il appartenait à l’appelante de prouver la probabilité de dépréciation, et non aux intimées de la réfuter ni au tribunal de la présumer. » [Non souligné dans l’original.]

[242] Le critère à quatre volets est conjonctif; ce n’est pas parce qu’il a été satisfait aux deux premiers volets que l’effet probable serait la dépréciation de la valeur de l’achalandage attaché à la marque. Par conséquent, je suis d’avis que, même si l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant la marque du lapin ne contrevient pas à l’article 22 de la LMC, l’expression « la marque du lapin » peut néanmoins être considérée comme étant semblable au point de créer de la confusion |||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||.

D. Réparations?

[243] Je ne suis pas convaincue qu’Energizer ait perdu des ventes en raison de l’emploi par Duracell de l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et de l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX ni en raison d’aucun des autocollants en cause. En fait, le contraire s’est produit pendant la campagne d’autocollants, selon la preuve qui a été soumise à la Cour. Je ne suis pas non plus convaincue, contrairement à ce qu’affirme Energizer, que la campagne d’autocollants a eu pour effet, à elle seule ou de quelque manière que ce soit, de ralentir la croissance des ventes que Energizer aurait autrement connue pendant cette période.

[244] Cela dit, à mon avis, la preuve établit que la campagne d’autocollants visait à accroître la part de marché de Duracell, alors que Duracell détenait déjà la plus grande part du marché devant l’autre marque concurrente la plus populaire, Energizer. Les emballages de piles sur lesquels figuraient l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX ne devaient pas être expédiés au Canada, selon Ramon Velutini, alors que, selon le témoignage de Brad Elliott, ces autocollants ont été apposés sur des emballages expédiés au Canada à la suite d’une erreur opérationnelle non intentionnelle découverte par Duracell elle‐même.

[245] La preuve démontre, cependant, que Duracell n’avait aucun processus de contrôle de la qualité en place à l’époque en ce qui a trait au processus d’étiquetage. Bien que Duracell ait cessé de fabriquer ces emballages (c.‐à‐d. les emballages sur lesquels figuraient l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX) sans délai après avoir découvert l’erreur, rien n’indique que Duracell ait déployé des efforts pour retirer les emballages qui se trouvaient déjà sur le marché canadien. Le fait qu’Energizer ait intenté la présente action contre Duracell peu de temps après avoir envoyé ses mises en demeure a contribué, à mon avis, au manque de coopération de la part de Duracell à cet égard. Au total, 864 emballages sur lesquels figurait l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX ont été expédiés au Canada, selon le témoignage de Brad Elliott.

[246] Pour les motifs plus détaillés qui sont exposés ci‐après, je conclus qu’Energizer a droit à une injonction permanente interdisant à Duracell d’employer les marques d’Energizer, ainsi que l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX sur les emballages de piles et, à des fins de dissuasion, à des dommages‐intérêts parce que Duracell a employé tour à tour les marques déposées ENERGIZER et ENERGIZER MAX d’une manière susceptible de diminuer la valeur de l’achalandage qui s’y rattache : Clairol, précitée, à la p. 577. En vertu du paragraphe 22(2) de la LMC, je refuse de donner à Energizer la possibilité de choisir le recouvrement de profits dans les circonstances.

[247] Bien que j’aie conclu que l’analyse fondée sur la méthode des doubles différences de Mme Kolsarici était irrecevable, la description qu’elle en fait est révélatrice. Dans son rapport, elle décrit l’utilisation de [traduction] « l’analyse fondée sur la méthode des doubles différences pour estimer l’incidence de la campagne publicitaire d’autocollants [...] en comparant les variations du volume des ventes avant et après la campagne ». En particulier, la technique facilite implicitement [traduction] « la prise en compte de variables qui ne sont pas observées dans les données, comme les autres activités de marketing de Duracell et d’Energizer (p. ex., la publicité à la télévision et dans les médias imprimés, la publicité numérique, les prix) ainsi que les conditions de l’industrie, comme l’essor de la catégorie de piles ». Elle conclut que [traduction] « ces variables contribuent probablement à la variation du volume des ventes ». Cependant, elle ne mentionne nulle part dans cette description les facteurs de reconnaissance de la marque et de la fidélité à la marque. Les principales marques des parties, ENERGIZER et DURACELL, figurent bien en vue sur leurs emballages et sur les étalages où leurs piles sont vendues en magasin.

[248] Le rapport d’expert examiné par la Cour dans la décision Eye Masters, précitée, comme il est décrit aux pages 634‐635 des motifs, semble être semblable ou précurseur à l’analyse fondée sur la méthode des doubles différences effectuée par Mme Kolsarici. Dans la décision Eye Masters, la Cour a conclu qu’il s’agissait d’une approche « très théorique » et elle s’est demandé comment démontrer que la perte des ventes de B avait été causée uniquement par le message publicitaire en cause de A (ou la modification du message publicitaire de A). La Cour s’est également demandé comment isoler les autres variables qui ont peut‐être influé sur les ventes des parties, et elle a conclu (à la page 635 de ses motifs) que les facteurs indiqués dans le rapport d’expert « devraient être relevés et leur effet trouvé négligeable ». À mon avis, l’explication de Mme Kosarici au sujet de l’analyse fondée sur la méthode des doubles différences et de l’équation de régression qu’elle a utilisée ne va pas aussi loin.

[249] De plus, contrairement à ce qu’affirme Energizer, rien ne prouve en l’espèce qu’une (1) vente perdue par Energizer équivaut à une (1) vente gagnée par Duracell (c.‐à‐d. un taux d’attraction de 100 %) uniquement en raison des autocollants en cause qui figurent sur les emballages des piles de Duracell. Les emballages de piles et les étalages en magasin, lorsqu’il y en a, sont dominés par les marques de commerce des deux parties ou leurs marques maison respectives, à savoir ENERGIZER d’une part et DURACELL d’autre part. En fait, M. Davidson a témoigné, dans le cadre de son interrogatoire principal au sujet de son rapport d’expert en réplique, que l’approche fondée sur la part de marché (c.‐à‐d. le taux d’attraction historique) reflétait plus fidèlement les ventes qu’Energizer aurait réalisées si Duracell n’avait pas utilisé les autocollants en cause (en supposant – ce qui, à mon avis, n’a pas été prouvé – que les autocollants en question étaient responsables d’une baisse des ventes subie par Energizer ou, comme il a été soutenu au procès, d’un ralentissement de la croissance des ventes qu’Energizer aurait autrement connue).

[250] J’estime toutefois qu’il n’y a aucune preuve directe que la campagne d’autocollants a perturbé le taux d’attraction historique d’Energizer. Par exemple, M. Davidson a admis en contre‐interrogatoire que la part de marché de Duracell n’avait pas changé de 2013, l’année précédant la campagne d’autocollants, à 2014, l’année où Duracell a lancé la campagne d’autocollants.

[251] M. Davidson affirme toutefois que la campagne d’autocollants a eu pour effet de ralentir, voire même d’arrêter, le déclin des ventes de piles AA pertinentes de Duracell. (Son rapport en réplique portait principalement sur les ventes de piles AA de Duracell, et non sur les ventes de piles pour appareils auditifs.) Il a toutefois admis en contre‐interrogatoire qu’il ne savait pas que ||||||| ne s’approvisionnait plus auprès de Duracell depuis 2019 (ce qui, à mon avis, a entraîné une baisse importante des ventes cette année‐là, par rapport aux deux années précédentes). Il a examiné les baisses en 2017, en 2018 et en 2019, et les a pondérées, mais il a souligné que les chiffres [traduction] « sont ce qu’ils sont », et il n’a pas mené d’enquête à cet égard et n’a pas déterminé s’il y avait une cause. Pour mettre en contexte la perte de |||||||| à titre de client, M. Harington a témoigné qu’en |||| Duracell a vendu uniquement à | clients et que presque |||||||||||||||||||| de ses piles étaient vendues à ||||||||||||||||||||, dont |||||||| représentait |||| des ventes.

[252] Bien que les analyses de M. Davidson comprennent des données fournies par Energizer et Duracell, j’estime que ses conclusions sont largement fondées sur les renseignements concernant les ventes de Duracell. Cela est surprenant étant donné que les données de Duracell montrent que la part de marché détenue par Energizer a augmenté pendant la campagne d’autocollants (Effem Foods Ltd. c H.J. Heinz Co. of Canada Ltd., [1997] ACF no 926 au para 4) et d’autant plus surprenant compte tenu du témoignage de Kelley Vacca concernant les données sur le marché recueillies par Energizer.

[253] La preuve produite par Mme Vacca comprenait des données sur le suivi des ventes obtenues auprès de Nielsen pour les piles d’Energizer et de Duracell, ventilées par certains formats et certaines catégories de piles, et des données obtenues auprès de TNS (Taylor Nelson Sofres) concernant la consommation de piles par appareil (en fonction des souvenirs qu’avaient les consommateurs de leur appareil et de l’utilisation qu’ils en ont faits). Dans son témoignage, Mme Vacca a déclaré que ces données permettent à Energizer de mesurer le rendement et les ventes, mais pas le capital‐marque. Toutefois, elle confirme que ces entreprises compilent des données qui permettent à Energizer d’évaluer le capital‐marque et la fidélité de sa clientèle, ainsi que ceux de ses concurrents. Elle affirme également qu’Energizer a aussi obtenu auprès de ces entreprises ou d’entreprises similaires des données sur les tests relatifs à la publicité, ainsi que des données sur la lisibilité optimale pour les emballages, c’est‐à‐dire des données concernant l’incidence des campagnes de marketing menées non seulement par Energizer, mais également par ses concurrents; pareilles données n’ont pas été soumises à la Cour en l’espèce.

[254] De plus, j’estime que le témoignage d’expert de M. Davidson repose sur des hypothèses non prouvées et non fondées selon lesquelles, si ce n’avait été des autocollants, Duracell n’aurait pas vendu les piles dans les emballages sur lesquels figuraient les autocollants et les ventes auraient alors été au profit d’Energizer. Autrement dit, rien ne prouve que la vente des piles dans les emballages sur lesquels figuraient les autocollants a eu d’autre effet que de prendre la place des piles sur lesquelles aucun autocollant n’était apposé ou que les autocollants ont entraîné une augmentation quelconque des ventes de piles DURACELL. À mon avis, cette constatation ressort clairement du rapport en surréplique de M. Harington qui révèle le nombre d’emballages de piles (ne comprenant que les formats de piles des emballages en cause) vendus au cours des années précédant la campagne d’autocollants (lorsqu’il n’y avait pas d’emballages sur lesquels figuraient des autocollants), ainsi que pendant et après la campagne (c.‐à‐d. de janvier 2012 à décembre 2019), détaillant les changements d’une année à l’autre, sur une base mensuelle, ainsi que sur des bases semestrielles.

[255] Le rapport de M. Harington a été produit en réponse au rapport de M. Davidson. M. Harington affirme que, d’un point de vue économique et comptable, le recouvrement de profits est calculé en multipliant le profit additionnel réalisé par Duracell par le nombre de produits additionnels vendus par celle‐ci (soit les ventes par Duracell de chaque type de piles en cause dans les emballages en cause sur lesquels figurent les autocollants en cause). De plus, d’un point de vue économique et comptable, les dommages‐intérêts (c’est‐à‐dire les profits perdus par Energizer sur les ventes qu’elle aurait autrement réalisées si Duracell n’avait pas vendu les piles en cause dans les emballages en cause sur lesquels figurent les autocollants en cause) sont calculés en multipliant le profit additionnel réalisé par Energizer par produit (pour chaque type de piles en cause dans les emballages en cause sur lesquels figurent les autocollants en cause) par le nombre de produits additionnels que Energizer aurait vendus si Duracell n’avait pas utilisé les autocollants en cause.

[256] M. Harington soutient que M. Davidson n’a pas établi ni analysé le nombre de produits additionnels vendus par Duracell et le nombre de produits additionnels qu’Energizer aurait vendus. Par conséquent, M. Davidson n’a pas déterminé s’il y a un lien de causalité entre les profits ou les dommages‐intérêts et les activités faisant l’objet du litige. Autrement dit, M. Davidson n’a pas déterminé si l’utilisation des autocollants en cause sur les emballages avait eu une incidence quelconque sur les volumes des ventes de manière à générer des profits additionnels, à savoir si un dépassement des volumes et des tendances historiques des ventes de Duracell avait été observé.

[257] M. Harington est d’avis qu’il n’y a aucune raison de conclure qu’il y a eu une hausse des ventes unitaires de piles AA ou de piles pour appareils auditifs de Duracell (formats 10, 13 et 312) dans les emballages en cause sur lesquels étaient apposés les autocollants en cause pendant la période en cause.

[258] Outre le fait que le rapport en réplique de M. Davidson ne tient pas compte des ventes de piles pour appareils auditifs de Duracell, je suis d’avis qu’Energizer considère les emballages sur lesquels figurent les autocollants comme une nouvelle offre de produits ou comme un nouveau venu sur le marché. Le taux d’attraction historique représente un effort visant à redistribuer à Energizer les profits réalisés sur la vente de ces produits, ou à calculer les dommages‐intérêts pour les pertes estimatives au titre de la vente de ces produits. Comme l’a déclaré M. Davidson en contre‐interrogatoire, [TRADUCTION] « [d]e toute évidence, je retire une part [du marché] appartenant à Duracell pour la transférer à Energizer ». De plus, M. Davidson a admis qu’on ne lui avait pas demandé d’effectuer une analyse du lien de causalité relativement aux profits, mais qu’on lui avait plutôt demandé de quantifier le recouvrement des profits comptabilisés pour la totalité des ventes en cause. De plus, il était essentiellement d’accord avec l’avocat de Duracell pour dire que si on lui avait demandé d’effectuer une analyse du lien de causalité, il n’aurait pas jugé raisonnable d’affirmer que la totalité de ces profits était directement attribuable aux étiquettes.

[259] Toute la preuve d’Energizer repose sur l’hypothèse – qui n’est étayée par aucun élément de preuve comme un sondage – que le consommateur moyen pressé se concentrerait uniquement sur l’autocollant en cause et non, par exemple, sur l’emploi plus visible de la marque maison DURACELL.

[260] Reprenant les propos de la Cour suprême du Canada, je conclus que Duracell a réalisé exactement les mêmes profits que si elle avait vendu ses piles pour appareils auditifs et ses piles AA sans l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et sans l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX, respectivement : Monsanto Canada Inc. c Schmeiser, 2004 CSC 34 (CanLII), [2004] 1 RCS 902 aux para 103‐104. Energizer n’a pas réussi à établir l’existence d’un lien de causalité entre la présence des autocollants et les profits que Duracell a réalisés relativement à la vente des piles contenues dans les emballages sur lesquels figuraient les autocollants. Je ne suis pas convaincue que Duracell a vendu plus de piles contenues dans les emballages sur lesquels figuraient les autocollants qu’elle en aurait vendu si ces autocollants n’avaient pas figuré sur ces emballages. « Il est évident qu’il ne peut être question de répartition en l’absence de répercussions clairement établies sur le marché. » : Teledyne Industries Inc. c Lido Industrial Products Ltd. [1982] ACF no 1024, au para 29.

[261] Je conclus donc que le paragraphe 22(2) de la LMC est applicable en l’espèce et, par conséquent, je refuse de donner à Energizer la possibilité de choisir le recouvrement de profits. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, je conclus qu’Energizer a droit à une injonction permanente interdisant à Duracell d’employer les marques d’Energizer, ainsi que l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX sur les emballages de piles et, à des fins de dissuasion, à des dommages‐intérêts parce que Duracell a employé tour à tour les marques déposées ENERGIZER et ENERGIZER MAX d’une manière susceptible de diminuer la valeur de l’achalandage qui s’y rattache.

[262] En l’espèce, il est difficile pour la Cour d’évaluer les dommages‐intérêts à accorder pour un préjudice qui, à mon avis, n’a pas entraîné une perte de part de marché démontrable. Toutefois, je garde à l’esprit le courant jurisprudentiel selon lequel la difficulté à évaluer le montant de la perte ne constitue pas un motif pour refuser d’accorder des dommages‐intérêts même considérables lorsqu’il est justifié de le faire : Boutique Jacob Inc. c Pantainer Ltd., 2006 CF 217, au para 53, citant Wood c Grand Valley Railway Company [(1913), 1913 CanLII 26 (ON CA), 30 O.L.R. 44, aux pp 49‐50; Kraft Canada Inc. c Euro Excellence Inc., 2006 CF 453 au para 39.

[263] Je souligne que le témoignage de M. Davidson comprend une estimation des [traduction] « profits perdus » par Energizer (y compris les intérêts avant jugement) qui sont attribuables aux emballages en cause vendus par Duracell, profits qui, selon Energizer, auraient autrement été réalisés par elle si ce n’avait été du prétendu emploi abusif de ses marques de commerce. Ses estimations incluent des scénarios prévoyant un taux d’attraction de 100 % comparativement à un taux d’attraction historique, et ce, pour les périodes d’août 2014 à janvier 2016 et d’août 2014 à août 2017. En ce qui concerne l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX, il n’est pas nécessaire de déterminer la période qui s’applique à un autocollant donné puisque la perte estimée est la même de toute façon, soit |||||||||| pour le taux d’attraction de 100 % et |||||||||| pour le taux d’attraction historique pour les deux autocollants pendant les deux périodes. Selon l’analyse qui précède, le taux d’attraction historique est, à mon avis, le taux le plus approprié.

[264] Le témoignage de M. Davidson comprend également une estimation des profits réalisés par Duracell (y compris les intérêts avant jugement) qui sont attribuables aux emballages en cause qu’elle a vendus (c.‐à‐d. les emballages sur lesquels figuraient les autocollants apposés sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et les autocollants apposés sur les piles AA mentionnant Energizer MAX). Ses estimations comprennent deux scénarios : l’un incluant et l’autre excluant les coûts indirects et les deux visant les périodes d’août 2014 à janvier 2016 et d’août 2014 à août 2017. Encore une fois, les estimations sont les mêmes, peu importe la période applicable, c’est‐à‐dire |||||||||| lorsque les coûts indirects sont inclus, et |||||||||| lorsque les coûts indirects sont exclus, pour les deux autocollants pendant les deux périodes.

[265] Bien que j’aie conclu qu’Energizer n’a pas droit à un recouvrement de profits, je conclus néanmoins que le montant de 179 000 $ au titre des dommages‐intérêts est équitable compte tenu de la nécessité de dissuader l’emploi tour à tour des marques d’Energizer ENERGIZER, visée par les enregistrements nos LMC157162 et LMC740338, et ENERGIZER MAX, visée par l’enregistrement no LMC580557, dans les circonstances où, comme je l’ai mentionné précédemment, la jurisprudence ne permet pas l’emploi des marques par des tiers sans consentement, comme sur un emballage d’un tiers dans le cas de produits. De plus, bien que je reconnaisse que Duracell n’avait pas l’intention de distribuer des emballages de piles sur lesquels figuraient l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX au Canada, la preuve démontre que Duracell n’avait aucun processus de contrôle en place à l’époque pour empêcher les faits en l’espèce de se produire. L’absence de mesures de contrôle est un facteur important dont j’ai tenu compte dans la détermination des dommages‐intérêts.

[266] Energizer réclame également des dommages‐intérêts punitifs qui, à mon avis, ne sont pas justifiés en l’espèce. Exceptionnellement, des dommages‐intérêts punitifs sont accordés dans les cas de conduite abusive, malveillante, arbitraire ou extrêmement répréhensible représentant un écart marqué par rapport aux normes ordinaires en matière de comportement acceptable : Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219 [Eurocopter] au para 163, citant Hill c Église de scientologie de Toronto, 1995 CanLII 59 (CSC), [1995] 2 RCS 1130 au para 196; Whiten c Pilot Insurance Co, 2002 CSC 18, [2002] 1 RCS 595 [Whiten] au para 36.

[267] Le juge Binnie a décrit dans l’arrêt Whiten (au para 94) les points applicables à la détermination des dommages‐intérêts punitifs que je résume comme suit :

  • a)Les dommages‐intérêts punitifs sont vraiment l’exception et non la règle.

  • b)Ils sont accordés seulement si le défendeur a eu une conduite malveillante, arbitraire ou extrêmement répréhensible, qui déroge nettement aux normes ordinaires de bonne conduite.

  • c)Lorsqu’ils sont accordés, leur quantum doit être raisonnablement proportionné, eu égard à des facteurs comme le préjudice causé, la gravité de la conduite répréhensible, la vulnérabilité relative du demandeur et les avantages ou bénéfices tirés par le défendeur, ainsi qu’aux autres amendes ou sanctions infligées à ce dernier par suite de la conduite répréhensible en cause.

  • d)En règle générale, ils sont accordés seulement lorsque la conduite répréhensible resterait autrement impunie ou lorsque les autres sanctions ne permettent pas ou ne permettraient probablement pas de réaliser les objectifs de châtiment, dissuasion et dénonciation.

  • e)L’objectif de ces dommages‐intérêts n’est pas d’indemniser le demandeur, mais de punir le défendeur comme il le mérite, de le décourager – lui et autrui – d’agir ainsi à l’avenir et d’exprimer la condamnation de l’ensemble de la collectivité à l’égard des événements.

  • f)Ils sont accordés seulement lorsque les dommages‐intérêts compensatoires, qui ont dans une certaine mesure un caractère punitif, ne permettent pas de réaliser ces objectifs, et leur quantum ne doit pas dépasser la somme nécessaire pour réaliser rationnellement leur objectif.

  • g)Des dommages‐intérêts punitifs modérés sont généralement suffisants, puisqu’ils entraînent inévitablement une stigmatisation sociale.

  • h)Les dommages‐intérêts punitifs constituent pour le demandeur un « profit inattendu » qui s’ajoute aux dommages‐intérêts compensatoires.

[268] De nombreux facteurs peuvent influer sur la gravité du caractère répréhensible de la conduite d’un défendeur, notamment a) le fait que la conduite répréhensible ait été préméditée et délibérée; b) l’intention et la motivation du défendeur; c) le caractère prolongé de la conduite inacceptable du défendeur; d) le fait que le défendeur ait caché sa conduite répréhensible ou tenté de la dissimuler; e) le fait que le défendeur savait ou non que ses actes étaient fautifs; f) le fait que le défendeur ait ou non tiré profit de sa conduite répréhensible; g) Le fait que le défendeur savait que sa conduite répréhensible portait atteinte à un intérêt auquel le demandeur attachait une grande valeur : Whiten, précité, au para 113. Comme le fait remarquer la Cour d’appel fédérale, « [i]l s’agit d’un critère très exigeant, restreignant considérablement les circonstances donnant ouverture à une condamnation à des dommages‐intérêts punitifs » : Eurocopter, précité, au para 184.

[269] Les observations d’Energizer sur les dommages‐intérêts punitifs ne me convainquent pas que la conduite de Duracell dans cette affaire peut être assimilée à une « conduite abusive, malveillante, arbitraire ou extrêmement répréhensible ». De plus, j’estime que certaines des observations faites par Energizer sur cette question se prêtent davantage à la taxation des dépens.

VIII. Conclusion

[270] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que l’emploi par Duracell des marques déposées d’Energizer ENERGIZER et ENERGIZER MAX dans la publicité comparative sur l’emballage des produits énumérés dans les enregistrements contrevient à l’article 22 de la LMC. J’accueille donc l’action, en partie, et j’accorde à Energizer une injonction permanente interdisant à Duracell d’employer les marques d’Energizer, ainsi que l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX sur les emballages de piles. De plus, j’adjuge à Energizer, à des fins de dissuasion, des dommages‐intérêts de 179 000 $ parce que Duracell a employé tour à tour les marques de commerce déposées ENERGIZER et ENERGIZER MAX d’une manière susceptible de diminuer la valeur de l’achalandage qui s’y rattache. De plus, je refuse d’adjuger à Energizer des dommages‐intérêts punitifs.

[271] Je conclus en outre que Duracell n’a fait aucune déclaration ou indication fausse ou trompeuse, en contravention des alinéas 7a) et 7d) de la LMC et du paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence. Je rejette donc le reste de l’action d’Energizer.

IX. Confidentialité

[272] Certains éléments de preuve présentés à la Cour font l’objet d’une ordonnance de confidentialité. Le jugement et les motifs ont été rendus initialement à l’intention des parties seulement de manière confidentielle. Dans les 14 jours suivant la date du présent jugement et de ses motifs, les parties doivent se consulter et présenter a) une seule version caviardée du présent jugement et de ses motifs sur laquelle elles se sont entendues, ou b) à défaut d’une entente, chacune sa propre version caviardée. Si aucune de ces mesures n’est prise dans le délai imparti, la présente version du jugement et de ses motifs sera versée au dossier public après le délai de 14 jours.

X. Dépens

[273] Les parties ont demandé plus de temps pour présenter des observations relativement aux dépens. Dans les 14 jours suivant la date du présent jugement et de ses motifs, les parties doivent également se consulter au sujet des dépens et a) aviser la Cour qu’elles se sont entendues sur les dépens, ou b) si elles ne peuvent s’entendre, signifier et déposer leurs propres observations sur les dépens d’une longueur maximale de cinq pages, accompagnées d’un mémoire de frais. Si aucune de ces mesures n’est prise dans le délai imparti, aucuns dépens ne seront adjugés étant donné que les demanderesses ont eu en partie gain de cause.



JUGEMENT dans le dossier T‐1591‐15

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  • 1.L’action des demanderesses est accueillie en partie.

  • 2.La Cour déclare que l’emploi par les défenderesses des marques déposées ENERGIZER, visée par les enregistrements nos LMC157162 et LMC740338, et ENERGIZER MAX, visée par l’enregistrements no LMC580557, sur les emballages de piles sous la forme de déclarations comparatives sur le rendement figurant sur l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX contrevient à l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce.

  • 3.La Cour interdit de façon permanente aux défenderesses, The Gillette Company, Duracell Canada, Inc., Duracell U.S. Operations Inc. et Proctor & Gamble Inc., et à chacun de leurs dirigeants, administrateurs, préposés, représentants, mandataires, employés, entités commerciales connexes ainsi qu’à tous les autres sur lesquels elles exercent un contrôle, d’employer, directement ou indirectement, les marques d’Energizer, l’autocollant apposé sur les piles pour appareils auditifs mentionnant Energizer et l’autocollant apposé sur les piles AA mentionnant Energizer MAX sur les emballages de piles.

  • 4.Des dommages‐intérêts de 179 000 $ sont adjugés aux demanderesses, y compris des intérêts avant jugement, payables par les défenderesses.

  • 5.De plus, des intérêts après jugement sont adjugés aux demanderesses au taux de 5 % par année sur toutes les sommes dues par les défenderesses conformément au présent jugement et à ses motifs, ainsi qu’à tout jugement et motifs supplémentaires ou à toute ordonnance relative aux dépens.

  • 6.Le reste de l’action des demanderesses est rejetée, y compris les allégations fondées sur les alinéas 7a) et 7d) de la Loi sur les marques de commerce et le paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence.

  • 7.Dans les 14 jours suivant la date du présent jugement et de ses motifs, les parties doivent se consulter et présenter a) une seule version caviardée du présent jugement et de ses motifs sur laquelle elles se sont entendues, ou b) à défaut d’une entente, chacune sa propre version caviardée. Si aucune de ces mesures n’est prise dans le délai imparti, la présente version du jugement et de ses motifs sera versée au dossier public après le délai de 14 jours.

  • 8.Dans les 14 jours suivant la date du présent jugement et de ses motifs, les parties doivent également se consulter au sujet des dépens et a) aviser la Cour qu’elles se sont entendues sur les dépens, ou b) si elles ne peuvent s’entendre, signifier et déposer leurs propres observations sur les dépens d’une longueur maximale de cinq pages, accompagnées d’un mémoire de frais. Si aucune de ces mesures n’est prise dans le délai imparti, aucuns dépens ne seront adjugés étant donné que les demanderesses ont eu en partie gain de cause.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


Annexe A – Dispositions législatives applicables

Trademarks Act (R.S.C., 1985, c. T‐13)

Loi sur les marques de commerce (LRC (1985), c T‐13)

Concurrence déloyale et signes interdits

Unfair Competition and Prohibited Signs

Interdictions

Prohibitions

7 Nul ne peut :

7 No person shall

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent;

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, goods or services of a competitor;

[...]

...

d) employer, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde :

(d) make use, in association with goods or services, of any description that is false in a material respect and likely to mislead the public as to

(i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition,

(i) the character, quality, quantity or composition,

(ii) soit leur origine géographique,

(ii) the geographical origin, or

(iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d’exécution.

(iii) the mode of the manufacture, production or performance

blank

of the goods or services.

Validité et effet de l’enregistrement

Validity and Effect of Registration

Dépréciation de l’achalandage

Depreciation of goodwill

22 (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

22 (1) No person shall use a trademark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

Action à cet égard

Action

(2) Dans toute action concernant un emploi contraire au paragraphe (1), le tribunal peut refuser d’ordonner le recouvrement de dommages‐intérêts ou de profits, et permettre au défendeur de continuer à vendre tout produit portant cette marque de commerce qui était en sa possession ou sous son contrôle lorsque avis lui a été donné que le propriétaire de la marque de commerce déposée se plaignait de cet emploi.

(2) In any action in respect of a use of a trademark contrary to subsection (1), the court may decline to order the recovery of damages or profits and may permit the defendant to continue to sell goods bearing the trademark that were in the defendant’s possession or under their control at the time notice was given to them that the owner of the registered trademark complained of the use of the trademark.

Procédures judiciaires

Legal Proceedings

Pouvoir du tribunal d’accorder une réparation

Power of court to grant relief

53.2 (1) Lorsqu’il est convaincu, sur demande de toute personne intéressée, qu’un acte a été accompli contrairement à la présente loi, le tribunal peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées, notamment pour réparation par voie d’injonction ou par recouvrement de dommages‐intérêts ou de profits, pour l’imposition de dommages punitifs, ou encore pour la disposition par destruction ou autrement des produits, emballages, étiquettes et matériel publicitaire contrevenant à la présente loi et de tout équipement employé pour produire ceux‐ci.

53.2 (1) If a court is satisfied, on application of any interested person, that any act has been done contrary to this Act, the court may make any order that it considers appropriate in the circumstances, including an order providing for relief by way of injunction and the recovery of damages or profits, for punitive damages and for the destruction or other disposition of any offending goods, packaging, labels and advertising material and of any equipment used to produce the goods, packaging, labels or advertising material.

Competition Act (R.S.C., 1985, c. C‐34)

Loi sur la concurrence (LRC (1985), c C‐34)

Recours spéciaux

Special Remedies

Recouvrement de dommages‐intérêts

Recovery of damages

36 (1) Toute personne qui a subi une perte ou des dommages par suite :

36 (1) Any person who has suffered loss or damage as a result of

a) soit d’un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI;

(a) conduct that is contrary to any provision of Part VI, or

[...]

...

peut, devant tout tribunal compétent, réclamer et recouvrer de la personne qui a eu un tel comportement ou n’a pas obtempéré à l’ordonnance une somme égale au montant de la perte ou des dommages qu’elle est reconnue avoir subis, ainsi que toute somme supplémentaire que le tribunal peut fixer et qui n’excède pas le coût total, pour elle, de toute enquête relativement en vertu du présent article.à l’affaire et des procédures engagées

may, in any court of competent jurisdiction, sue for and recover from the person who engaged in the conduct or failed to comply with the order an amount equal to the loss or damage proved to have been suffered by him, together with any additional amount that the court may allow not exceeding the full cost to him of any investigation in connection with the matter and of proceedings under this section.

Infractions relatives à la concurrence

Offences in Relation to Competition

Indications fausses ou trompeuses

False or misleading representations

52 (1) Nul ne peut, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l’utilisation d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques, donner au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses sur un point important.

52 (1) No person shall, for the purpose of promoting, directly or indirectly, the supply or use of a product or for the purpose of promoting, directly or indirectly, any business interest, by any means whatever, knowingly or recklessly make a representation to the public that is false or misleading in a material respect.

Preuve non nécessaire

Proof of certain matters not required

(1.1) Il est entendu qu’il n’est pas nécessaire, afin d’établir qu’il y a eu infraction au paragraphe (1), de prouver :

(1.1) For greater certainty, in establishing that subsection (1) was contravened, it is not necessary to prove that

a) qu’une personne a été trompée ou induite en erreur;

(a) any person was deceived or misled;

b) qu’une personne faisant partie du public à qui les indications ont été données se trouvait au Canada;

(b) any member of the public to whom the representation was made was within Canada; or

c) que les indications ont été données à un endroit auquel le public avait accès.

(c) the representation was made in a place to which the public had access.

Indications

Permitted representations

(1.2) Il est entendu que, pour l’application du présent article et des articles 52.01, 52.1, 74.01, 74.011 et 74.02, le fait de permettre que des indications soient données ou envoyées est assimilé au fait de donner ou d’envoyer des indications.

(1.2) For greater certainty, in this section and in sections 52.01, 52.1, 74.01, 74.011 and 74.02, the making or sending of a representation includes permitting a representation to be made or sent.

Indications accompagnant un produit

Representations accompanying products

(2) Pour l’application du présent article, sauf le paragraphe (2.1), sont réputées n’être données au public que par la personne de qui elles proviennent les indications qui, selon le cas :

(2) For the purposes of this section, a representation that is

a) apparaissent sur un article mis en vente ou exposé pour la vente, ou sur son emballage;

(a) expressed on an article offered or displayed for sale or its wrapper or container,

b) apparaissent soit sur quelque chose qui est fixé à un article mis en vente ou exposé pour la vente ou à son emballage ou qui y est inséré ou joint, soit sur quelque chose qui sert de support à l’article pour l’étalage ou la vente;

(b) expressed on anything attached to, inserted in or accompanying an article offered or displayed for sale, its wrapper or container, or anything on which the article is mounted for display or sale,

c) apparaissent à un étalage d’un magasin ou d’un autre point de vente;

(c) expressed on an in‐store or other point‐of‐purchase display,

d) sont données, au cours d’opérations de vente en magasin, par démarchage ou par communication orale faite par tout moyen de télécommunication, à un usager éventuel;

(d) made in the course of in‐store or door‐to‐door selling to a person as ultimate user, or by communicating orally by any means of telecommunication to a person as ultimate user, or

e) se trouvent dans ou sur quelque chose qui est vendu, envoyé, livré ou transmis au public ou mis à sa disposition de quelque manière que ce soit.

(e) contained in or on anything that is sold, sent, delivered, transmitted or made available in any other manner to a member of the public,

Blank

is deemed to be made to the public by and only by the person who causes the representation to be so expressed, made or contained, subject to subsection (2.1).

Il faut tenir compte de l’impression générale

General impression to be considered

(4) Dans toute poursuite intentée en vertu du présent article, pour déterminer si les indications sont fausses ou trompeuses sur un point important il faut tenir compte de l’impression générale qu’elles donnent ainsi que de leur sens littéral.

(4) In a prosecution for a contravention of this section, the general impression conveyed by a representation as well as its literal meaning shall be taken into account in determining whether or not the representation is false or misleading in a material respect.

Pratiques commerciales trompeuses

Deceptive Marketing Practices

Comportement susceptible d’examen

Reviewable Matters

Indications trompeuses

Misrepresentations to public

74.01 (1) Est susceptible d’examen le comportement de quiconque donne au public, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l’usage d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques :

74.01 (1) A person engages in reviewable conduct who, for the purpose of promoting, directly or indirectly, the supply or use of a product or for the purpose of promoting, directly or indirectly, any business interest, by any means whatever,

a) ou bien des indications fausses ou trompeuses sur un point important;

(a) makes a representation to the public that is false or misleading in a material respect;

Federal Courts Rules (SOR/98‐106)

Règles des Cours fédérales (DORS/98‐106)

Témoins experts

Expert Witnesses

Témoins experts

Right to name expert

52.1 (1) Une partie à une instance peut désigner un témoin expert même si les services d’un assesseur ont été retenus en application de la règle 52.

52.1 (1) A party to a proceeding may name an expert witness whether or not an assessor has been called on under rule 52.

Affidavit ou déclaration d’un expert

Expert’s affidavit or statement

52.2 (1) L’affidavit ou la déclaration du témoin expert doit :

52.2 (1) An affidavit or statement of an expert witness shall

a) reproduire entièrement sa déposition;

(a) set out in full the proposed evidence of the expert;

b) indiquer ses titres de compétence et les domaines d’expertise sur lesquels il entend être reconnu comme expert;

(b) set out the expert’s qualifications and the areas in respect of which it is proposed that he or she be qualified as an expert;

c) être accompagné d’un certificat, selon la formule 52.2, signé par lui, reconnaissant qu’il a lu le Code de déontologie régissant les témoins experts établi à l’annexe et qu’il accepte de s’y conformer;

(c) be accompanied by a certificate in Form 52.2 signed by the expert acknowledging that the expert has read the Code of Conduct for Expert Witnesses set out in the schedule and agrees to be bound by it; and

d) s’agissant de la déclaration, être présentée par écrit, signée par l’expert et certifiée par un avocat.

(d) in the case of a statement, be in writing, signed by the expert and accompanied by a solicitor’s certificate.

Limite du nombre d’experts

Limit on number of experts

52.4 (1) La partie qui compte produire plus de cinq témoins experts dans une instance en demande l’autorisation à la Cour conformément à l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada.

52.4 (1) A party intending to call more than five expert witnesses in a proceeding shall seek leave of the Court in accordance with section 7 of the Canada Evidence Act.


Annexe B – Résumé de l’analyse comparative faite par M. Whitacre des tests auxquels les piles AA ont été soumises – Tests réalisés par Duracell*

* « Moy. » signifie « moyenne » et « ET » signifie « écart‐type ».

Preuve de déclaration :

EN

FR

Test

Test

Relative Performance

Rendement relatif

Ave

Moy.

SD

ET

% Longer (Ave)

% plus longtemps (moy.)

% of the time Duracell will exceed 15% Longer Lasting

% du temps où les piles de Duracell dureront plus de 15 % plus longtemps

Digital Camera

Appareil photo numérique

Photoflash

Lampe éclair

Toothbrush

Brosse à dents

CD

Lecteur de CD

Audio

Appareil audio

Flashlight

Lampe de poche

Toy

Jouet

Remote

Télécommande

Radio/Clock

Radio/horloge

2014 :

EN

FR

Test

Test

Relative Performance

Rendement relatif

Ave

Moy.

SD

ET

% Longer (Ave)

% plus longtemps (moy.)

% of the time Duracell will exceed 15% Longer Lasting

% du temps où les piles de Duracell dureront plus de 15 % plus longtemps

Digital Camera

Appareil photo numérique

Photoflash

Lampe éclair

Toothbrush

Brosse à dents

CD

Lecteur de CD

Audio

Appareil audio

Flashlight

Lampe de poche

Toy

Jouet

Remote

Télécommande

Radio/Clock

Radio/horloge

2015 :

EN

FR

Test

Test

Relative Performance

Rendement relatif

Ave

Moy.

SD

ET

% Longer (Ave)

% plus longtemps (moy.)

% of the time Duracell will exceed 15% Longer Lasting

% du temps où les piles de Duracell dureront plus de 15 % plus longtemps

Digital Camera

Appareil photo numérique

Personal Groomer

Épilateur

CD

Lecteur de CD

Audio

Appareil audio

Remote/Radio/C lock

Télécommande/radio/horloge

Flashlight

Lampe de poche

Toy

Jouet

2016 :

EN

FR

Test

Test

Relative Performance

Rendement relatif

Ave

Moy.

SD

ET

% Longer (Ave)

% plus longtemps (moy.)

% of the time Duracell will exceed 15% Longer Lasting

% du temps où les piles de Duracell dureront plus de 15 % plus longtemps

Digital Camera

Appareil photo numérique

Personal Groomer

Épilateur

CD

Lecteur de CD

Audio

Appareil audio

Remote/Radio/C lock

Télécommande/radio/horloge

Flashlight

Lampe de poche

Toy

Jouet

2017 :

EN

FR

Test

Test

Relative Performance

Rendement relatif

Ave

Moy.

SD

ET

% Longer (Ave)

% plus longtemps (moy.)

% of the time Duracell will exceed 15% Longer Lasting

% du temps que les piles de Duracell dureront plus de 15 % plus longtemps

Digital Camera

Appareil photo numérique

Personal Groomer

Épilateur

CD

Lecteur de CD

Audio

Appareil audio

Remote/Radio/C lock

Télécommande/radio/horloge

Flashlight

Lampe de poche

Toy

Jouet


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐1591‐15

 

INTITULÉ :

ENERGIZER BRANDS, LLC ET ENERGIZER CANADA INC. c THE GILLETTE COMPANY, DURACELL CANADA, INC., DURACELL U.S. OPERATIONS INC., ET PROCTER & GAMBLE INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 10‐13, 17‐21 janvier et le 1er février 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS CONFIDENTIELS :

Le 7 juin 2023

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS (VERSION PUBLIQUE) :

Le 6 juillet 2023

 

COMPARUTIONS :

Carol Hitchman

Warren Springings

Nathaniel Dillonsmith

Nick awar

Mingquan Zhang

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Andrew Brodkin

Daniel Cappe

Ben Hackett

Kirby Cohen

Richard Naiberg

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sprigings IP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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