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Date : 20230718


Dossier : T-936-22

Référence : 2023 CF 975

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 18 juillet 2023

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

TYLER PEARSON

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] M. Tyler Pearson, le demandeur, a travaillé dans un supermarché de septembre 2019 jusqu’à ce qu’il donne sa démission volontairement en septembre 2020. Son dernier quart de travail a eu lieu le 10 septembre 2020 et il n’a pas eu d’autre emploi avant le printemps 2021.

[2] M. Pearson a demandé la prestation canadienne de la relance économique (la PCRE) relativement à sept périodes de deux semaines entre le 27 septembre 2020 et le 27 février 2021. L’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a d’abord accepté, sans les examiner, les demandes de M. Pearson relativement aux six premières périodes en question.

[3] La PCRE faisait partie d’un ensemble de prestations introduites par le gouvernement du Canada par le biais de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 (la LPCRE), en réponse à la pandémie de COVID-19. Elle visait à fournir aux résidents canadiens admissibles un soutien financier durant des périodes de deux semaines entre le 27 septembre 2020 et le 23 octobre 2021 (LPCRE, articles 2 à 4). L’article 3 de la LPCRE établissait les critères d’admissibilité à la PCRE. La question en litige dans la présente affaire porte sur l’exigence selon laquelle le contribuable devait démontrer que, pour des raisons liées à la COVID-19 , 1) soit il n’avait pu travailler durant chaque période de deux semaines pour laquelle il demandait la prestation, 2) soit ses revenus hebdomadaires moyens d’emploi avaient diminué de moitié, au cours de la période de deux semaines pour laquelle il demandait la prestation, par rapport à ce qu’ils étaient au cours de l’année précédente ou des douze mois précédant la date à laquelle il avait présenté sa demande (LPCRE, art 3(1)f)).

[4] En mars 2021, l’ARC a commencé à examiner l’admissibilité de M. Pearson à recevoir la PCRE. Le 7 février 2022, un premier agent d’examen de la PCRE a contacté M. Pearson pour discuter de sa situation d’emploi. M. Pearson a alors déclaré que, lorsque les restrictions liées à la COVID-19 ont été mises en place, le nombre d’heures durant lesquelles il pouvait travailler au supermarché a diminué au point où il a décidé de quitter son emploi en septembre 2020 afin de se chercher un nouvel emploi. Le 14 février 2022, dans la décision découlant du premier examen du dossier, l’agent en question a conclu que M. Pearson n’était pas admissible à recevoir la PCRE étant donné qu’il avait volontairement abandonné son emploi.

[5] M. Pearson a demandé un nouvel examen de son admissibilité à la PCRE. Dans les documents qu’il a présentés à l’appui de sa demande, M Pearson a confirmé qu’il avait donné sa démission en bonne et due forme en août 2020 et que son dernier jour de travail au supermarché avait été le 10 septembre 2020. Il a fait valoir que cette date était conforme aux critères d’admissibilité à la PCRE étant donné qu’il avait cessé de travailler avant le lancement du programme de la PCRE, le 27 septembre 2020.

[6] Le 5 avril 2022, un deuxième agent d’examen de la PCRE (le deuxième agent) a contacté M. Pearson. À cette occasion, M. Pearson a confirmé qu’il avait démissionné de son emploi au supermarché et il a répété qu’il était admissible à recevoir la PCRE car il avait quitté son emploi avant le 27 septembre 2020.

[7] Le 7 avril 2022, dans la décision qui fait l’objet du présent contrôle (la décision contestée), le deuxième agent a conclu que M. Pearson n’était pas admissible à recevoir la PCRE pour les motifs suivants :

  • (1)les raisons pour lesquelles il ne travaillait pas n’avaient rien à voir avec la COVID-19;

  • (2)ses revenus hebdomadaires moyens n’avaient pas diminué de moitié, en raison de la COVID-19, par rapport à ce qu’ils étaient l’année précédente.

II. Analyse

[8] La seule question que notre Cour doit trancher est celle de savoir si la décision contestée, portant que M. Pearson n’était pas admissible à recevoir la PCRE, était raisonnable (Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139 au para 16; Crook c Canada (Procureur général), 2022 CF 1670 au para 4; suivant l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23).

[9] Je comprends bien les arguments de M. Pearson et je suis sensible à la situation dans laquelle il se trouve, mais je ne peux conclure que la décision contestée était déraisonnable.

[10] Le deuxième agent a clairement justifié sa conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas admissible à recevoir la PCRE. En outre, cette conclusion est étayée par la preuve au dossier. Le deuxième agent a raisonnablement conclu que M. Pearson n’était pas en état de chômage et que les revenus hebdomadaires moyens de ce dernier n’avaient pas diminué, « pour des raisons liés à la COVID-19 », d’au moins la moitié par rapport à ce qu’ils étaient au cours des périodes antérieures à prendre en compte (LPCRE, art 3(1)f)).

[11] M. Pearson a choisi de quitter son emploi en août 2020 et il a cessé de travailler en septembre 2020. Il est demeuré sans emploi au cours des sept périodes durant lesquelles il a touché la PCRE, soit jusqu’au printemps 2021. M. Pearson n’a pas présenté de preuve établissant un lien quelconque entre, d’une part, la réduction de ses heures de travail qui, à ses dires, a eu lieu durant les semaines précédant immédiatement son dernier quart de travail le 10 septembre 2020 et, d’autre part, la pandémie de COVID-19. En outre, il ressort du dossier de travail de M. Pearson au supermarché que ses heures de travail avaient été réduites durant certaines semaines, mais que le nombre d’heures pendant lesquelles il avait travaillé au cours d’autres semaines reflétait les fluctuations qui s’étaient produites au fil de sa période d’emploi au supermarché. La décision volontaire de M. Pearson de quitter son emploi afin d’en chercher un autre n’établit pas, en elle-même, de lien suffisamment étroit entre l’état de chômage dans lequel il s’était trouvé et le manque de travail en raison de la pandémie de COVID-19.

[12] En outre, je souscris à l’avis du défendeur selon lequel la décision de M. Pearson d’abandonner son emploi ne peut servir, que ce soit intentionnellement ou non, à éviter l’application du critère de la diminution d’au moins cinquante pour cent des revenus hebdomadaires moyens, et ce même s’il avait pris cette décision avant le début du versement de la PCRE. La décision de M. Pearson d’abandonner son emploi en septembre 2020 avait eu pour effet de réduire à néant ses revenus au cours des périodes pour lesquelles il avait demandé de recevoir la PCRE. Il en résultait donc une diminution de cent pour cent de ses revenus hebdomadaires moyens par rapport à ce qu’ils avaient été l’année précédente. Cependant, les critères d’admissibilité énoncés au paragraphe 3(1) de la LPCRE sont cumulatifs. En d’autres termes, la personne qui demande de recevoir la PCRE doit satisfaire à chacune des exigences qui s’appliquent dans son cas. En l’espèce, le fait que M. Pearson ait abandonné son emploi avant le 27 septembre 2020 et l’application possible des alinéas 3(1)k) et l) de la LPCRE dans son cas n’ont pas pour effet de rendre la décision contestée déraisonnable, car cela ne remédie pas au fait qu’il n’avait pas satisfait aux critères énoncés à l’alinéa 3(1)f) de cette loi.

[13] De même, M. Pearson fait valoir que ses efforts pour se trouver un nouvel emploi démontrent qu’il avait satisfait au critère de l’ARC relativement à la recherche raisonnable d’un emploi. Cependant, le deuxième agent n’a pas conclu à l’inadmissibilité de M. Pearson à recevoir la PCRE sur le fondement que ce dernier n’avait pas vraiment cherché un nouvel emploi (LPCRE, art 3(1)i)). La décision contestée est fondée sur le seul fait que M. Pearson ne satisfaisait pas aux critères énoncés à l’alinéa 3(1)f) de la LPCRE.

III. Conclusion

[14] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de M. Pearson est rejetée.

[15] Avant l’audience, les parties ont convenu que la partie n’ayant pas obtenu gain de cause verserait une somme globale de 500 $ à l’autre partie au titre des dépens. Malgré cette entente entre les parties et compte tenu des circonstances de la présente affaire, j’ordonnerai, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire à cet égard, que le demandeur verse au défendeur la somme de 250 $ au titre des dépens.

 


JUGEMENT dans le dossier T-936-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. M. Pearson versera au défendeur une somme globale de 250 $ (tout compris) au titre des dépens.

« Elizabeth Walker »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-936-22

 

INTITULÉ :

TYLER PEARSON c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 JUILLET 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 JUILLET 2023

 

COMPARUTIONS :

Tyler Pearson

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Alice Zhao Jiang

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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