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Date : 20230719


Dossier : IMM-1939-22

Référence : 2023 CF 988

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa-(Ontario), le 19 juillet 2023

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

MEHRI HOSSEINIBAY

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Contexte

[1] La demanderesse est une citoyenne de l’Iran qui demande un contrôle judiciaire de la décision prise le 20 janvier 2022 par un agent des visas [l’agent], qui a refusé de lui accorder un permis de travail dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires [la décision]. Elle a postulé pour travailler comme coordonnatrice de projets de construction pour une entreprise d’aménagement paysager, Greenbay Northern Ltd. [Greenbay], pour un contrat de un an. Greenbay a reçu une étude d’impact sur le marché du travail [EIMT] favorable pour ce poste.

[2] La demanderesse a une formation et des antécédents professionnels pertinents, car elle possède six ans d’expérience comme coordonnatrice et directrice de projets dans le secteur de la construction en Iran.

[3] La première demande de permis de travail de la demanderesse a été rejetée parce que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle possédait les compétences linguistiques pour faire le travail. Elle a présenté une nouvelle demande en mars 2021. Sa seconde demande comprenait des renseignements sur ses antécédents en matière d’immigration, ses qualifications, l’EIMT favorable, des renseignements supplémentaires sur Greenbay et la preuve qu’elle avait suivi les cours en ligne exigés par Greenbay.

A. Décision faisant l’objet du contrôle

[4] Dans sa décision, l’agent affirme qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] indiquent ce qui suit :

[traduction]

J’ai examiné la demande.

Il s’agit de la seconde demande de la demandeure principale pour le même poste. Elle est une ingénieure en mécanique qui souhaite travailler au Canada comme coordonnatrice de projets de construction. Sa première demande a été rejetée en raison de ses compétences linguistiques limitées. Dans cette demande, son représentant déclare qu’elle a suivi divers cours en ligne que l’employeur potentiel utilise pour que ses employés renouvellent leurs compétences tous les deux ans, mais ces cours ne suffisent pas pour lui permettre de maîtriser l’anglais au niveau requis pour coordonner les activités du poste proposé.

L’emploi que la demandeure prévoit exercer au Canada ne semble pas raisonnable étant donné que la demandeure :

– ne maîtrise pas suffisamment la langue de l’emploi proposé.

Après avoir soupesé les facteurs dans la présente demande, je ne suis pas convaincu que la demandeure quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

Pour les motifs exposés ci-dessus, je rejette la présente demande.

II. Question en litige et norme de contrôle

[5] La demanderesse soutient que la décision est déraisonnable et que des questions d’équité procédurale se posent en l’espèce. Le caractère raisonnable de la décision étant déterminant, je n’ai pas besoin d’examiner les questions d’équité procédurale.

[6] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit évaluer si la décision est justifiée et si le processus décisionnel est transparent et intelligible (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 86, 99 [Vavilov]). En ce qui concerne la justification, il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Au contraire, « [d]ans les cas où des motifs s’imposent, le décideur doit également, au moyen de ceux‑ci, justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique » (au para 86; en italique dans l’original).

III. Analyse

[7] Pour contester la décision, la demanderesse soulève essentiellement l’argument qu’il est difficile de déterminer comment l’agent a conclu qu’elle ne possédait pas les compétences linguistiques nécessaires pour le poste.

[8] D’abord, aucune exigence linguistique n’est énoncée dans la description d’emploi applicable à la catégorie des directeurs/directrices de la construction, sous le code 0711 de la Classification nationale des professions. Ensuite, même si elle n’en avait pas l’obligation, la demanderesse a fourni une copie de ses résultats à l’examen du système d’évaluation en langue anglaise internationale [l’IELTS] selon lesquels elle avait un niveau d’anglais faible ou intermédiaire. Enfin, l’entreprise Greenbay elle-même a indiqué que la demanderesse répondait aux exigences du poste.

[9] L’agent n’a pas indiqué les renseignements que la demanderesse aurait dû fournir ni la façon dont il a évalué les compétences linguistiques de la demanderesse. Il ne ressort pas clairement non plus des motifs que l’agent a évalué ou pris en compte les éléments de preuve que la demanderesse a présentés quant à sa capacité de faire le travail demandé, dont ses compétences linguistiques.

[10] Je reconnais que les agents des visas ont un pouvoir discrétionnaire dans l’évaluation des demandes de permis de travail. Toutefois, pour qu’une décision soit raisonnable, la Cour doit pouvoir examiner le processus décisionnel et comprendre ce qui a amené l’agent à prendre sa décision.

[11] Pendant l’audience, l’avocate du défendeur a présenté des observations quant à la raison pour laquelle une note de 5 à l’examen de l’IELTS n’était pas suffisante pour faire le travail. Malheureusement, l’agent n’a procédé à aucune évaluation linguistique de ce genre dans les notes versées au SMGC ni dans la décision. Par conséquent, même si les préoccupations de l’agent pourraient être expliquées par une évaluation de ce genre, l’agent n’a pas fourni cette explication ou justification. Comme l’a fait remarquer la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, le contrôle selon la norme de la décision raisonnable porte sur la justification que donne le décideur à l’appui de sa décision (au para 15).

IV. Conclusion

[12] En résumé, la décision n’est pas raisonnable, et la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1939-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Ann Marie McDonald »

Juge


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-1939-22

INTITULÉ :

MEHRI HOSSEINIBAY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 juin 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 19 JUILLET 2023

COMPARUTIONS :

Mario D. Bellissimo

POUR LA DEMANDERESSE

Prathima Prashad

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BELLISSIMO LAW GROUP PC

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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