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Date : 20230724


Dossier : IMM-8784-22

Référence : 2023 CF 993

Ottawa (Ontario), le 24 juillet 2023

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

ODION IGHODALO AKHELUMELE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Odion Ighodalo Akhelumele a fui le Nigeria par peur d’individus de son village ancestral, qui voulaient que M. Akhelumele soumette ses filles aux rites dites traditionnelles, y compris la mutilation génitale féminine. En 2012, lors d’une confrontation au village à ce sujet, M. Akhelumele a été poignardé. En août 2015, son étang de poisson à sa résidence à Abuja, qui constituait sa source primaire de revenu, a été empoisonné avec de l’huile de moteur et il a reçu une note menaçante. Il a quitté le Nigeria pour les États-Unis deux mois plus tard. Sa femme, qui n’a pas été admise aux États-Unis, a trouvé une autre note menaçante à son retour.

[2] La Section d’appel des réfugiés [SAR] a conclu que M. Akhelumele a une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Lagos. Elle a jugé que la preuve n’a pas démontré que les agents de préjudice ont la motivation de poursuivre M. Akhelumele à cet endroit. La SAR s’est fondée surtout sur le fait que la femme et les enfants de M. Akhelumele, qui habitent toujours à Abuja, n’ont pas été contacté par les agents de préjudice dans les sept années entre 2015 et l’audience devant la Section de la protection des réfugiés [SPR]. Elle a aussi conclu qu’il ne serait pas déraisonnable pour M. Akhelumele de déménager à Lagos.

[3] M. Akhelumele prétend que la décision de la SAR est déraisonnable et demande à cette Cour de l’infirmer en contrôle judiciaire. Pour les motifs suivants, la Cour conclut que M. Akhelumele ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait, c’est-à-dire de démontrer que la décision de la SAR est déraisonnable.

[4] La Cour contrôle la décision de la SAR selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16–17, 23–25; Aigbe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 895 au para 7. Quand elle révise une décision selon cette norme, la Cour n’apprécie pas à nouveau la preuve et ne se demande pas comment elle aurait elle-même tranché une question : Vavilov aux para 75, 125. La Cour a le droit d’intervenir seulement si la décision souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence : Vavilov aux para 99–101.

[5] M. Akhelumele prétend que la SAR a mis trop l’accent sur la période de sept ans durant laquelle sa famille a eu aucun contact avec les agents de préjudice et qu’elle n’a pas suffisamment pesé les évènements de 2012 et 2015 qui démontrent que M. Akhelumele était spécifiquement ciblé par ces agents. La Cour n’est pas d’accord. La détermination du statut de réfugié est prospective et doit nécessairement tenir compte des risques allégués tels qu’ils existent à la date de l’audience. La SAR a considéré les évènements de 2012 et 2015 ainsi que l’argument de M. Akhelumele que sa famille se cache à Abuja. Elle a conclu que l’absence de communication pour sept ans démontre de façon convaincante que les agents de préjudice n’ont plus la motivation de poursuivre M. Akhelumele à Lagos à ce jour puisque sa femme travaille toujours pour le même employeur depuis 14 ans et sa famille habite toujours à Abuja. Il était loisible à la SAR de tirer cette conclusion. Les arguments de M. Akhelumele selon lesquels les agents sont toujours motivés à le poursuivre sont effectivement une invitation à cette Cour d’apprécier à nouveau la preuve et d’en tirer ses propres conclusions, qui n’est pas le rôle de la Cour en contrôle judiciaire : Vavilov au para 125.

[6] M. Akhelumele critique aussi la conclusion de la SAR selon laquelle il serait raisonnable pour lui de déménager à Lagos. Il s’appuie surtout sur le taux de chômage élevé à Lagos et les difficultés auxquelles les personnes non autochtones d’une région du Nigeria font face, reliées particulièrement à l’accès à l’emploi et aux services gouvernementaux de la région. La Cour ne peut pas souscrire à ces arguments. La SAR a raisonnablement considéré la situation particulière de M. Akhelumele, un homme éduqué avec une histoire d’emploi positive. Il ne suffit pas de faire référence générale au taux de chômage pour démontrer qu’on ne peut pas se réfugier dans une ville : Ajepe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 91 au para 25.

[7] Quant à la question de l’identité autochtone, la Cour est d’accord avec le ministre que cet argument ne peut pas être accepté parce qu’il n’était pas soulevé devant la SAR. M. Akhelumele n’a pas allégué, ni devant la SAR ni devant la SPR, qu’il serait déraisonnable de déménager à Lagos parce qu’il n’est pas autochtone de cette région. Alors, il n’est pas déraisonnable que la SAR ne se soit pas adressé à cette question et M. Akhelumele ne peut pas la soulever pour la première fois en contrôle judiciaire : Ibrahim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1194 au para 35.

[8] Finalement, M. Akhelumele a soulevé brièvement dans ses prétentions écrites que la SPR ne lui a pas donné d’avis avant l’audience qu’elle aborderait la question de la PRI afin qu’il puisse préparer ses arguments en conséquence. Comme le prétend le ministre, cet argument doit être rejeté, à la fois parce qu’il n’a pas été soulevé devant la SAR et parce qu’il est, de toute façon, sans fondement étant donné l’avis que la SPR a donné au début de l’audience : Tariq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1017 aux para 27–29.

[9] M. Akhelumele n’a pas démontré à la satisfaction de la Cour que la décision de la SAR est déraisonnable. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[10] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier. La Cour est d’accord que le dossier n’en soulève pas.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑8784-22

LA COUR STATUE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8784-22

 

INTITULÉ :

ODION IGHODALO AKHELUMELE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 juillet 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 juillet 2023

 

COMPARUTIONS :

Me Claudia Aceituno

 

Pour LE DEMANDEUR

 

Me Mario Blanchard

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Claudia Aceituno

Avocate

Anjou (Québec)

 

Pour lE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour lE DÉFENDEUR

 

 

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