Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     IMM-3095-96

Ottawa (Ontario), le mercredi 30 juillet 1997

En présence de M. le juge Gibson

Entre :

     ABUL HASHIM MOHAMMAD, AYESHA SULTANA,

     ABUL AFJAL MOHAMMAD (mineur), FARJANA HASHIM (mineure),

     ABUL ASHRAF MOHAMMAD (mineur),

     requérants,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                         FREDERICK E. GIBSON

                                     Juge

Traduction certifiée conforme         
                                 François Blais, LL.L.

     IMM-3095-96

Entre :

     ABUL HASHIM MOHAMMAD, AYESHA SULTANA,

     ABUL AFJAL MOHAMMAD (mineur), FARJANA HASHIM (mineure),

     ABUL ASHRAF MOHAMMAD (mineur),

     requérants,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

         Ces motifs ont trait à une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié au sens de la Convention (la section du statut) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans laquelle la section du statut a conclu que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention selon la définition donnée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration1. La décision est datée du 16 août 1996.

         Les requérants sont tous citoyens du Bangladesh. Abul Hashim Mohammad (le requérant principal) fonde sa revendication du statut de réfugié sur la crainte qu'il dit avoir d'être persécuté s'il est obligé de retourner au Bangladesh, à cause de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social particulier, le parti Jatiya. Les autres requérants, qui sont l'épouse du requérant principal et leurs enfants, fondent leur revendication sur leur appartenance à un groupe social particulier, c'est-à-dire les membres de la famille d'un adhérent au parti Jatiya.

         Le requérant principal a servi pendant de nombreuses années dans les Forces armées au Bangladesh. En 1987, alors qu'il avait le grade de lieutenant-commander, il a été nommé à la direction générale du service de renseignement des Forces armées du Bangladesh. Le dossier des droits de la personne concernant cette direction générale laisse beaucoup à désirer. Pour cette raison, la section du statut a d'abord examiné la possibilité d'empêcher le requérant principal de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention en vertu de l'alinéa Fa) de l'article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. La section a conclu en ce sens :

     [TRADUCTION]         
     La formation conclut que la déposition du demandeur à cet égard manque de crédibilité. [...] Néanmoins, elle est d'avis qu'il n'y a pas suffisamment de preuve pour exclure le demandeur.         

         La section du statut a ensuite examiné les revendications du statut de réfugié des requérants. Elle en est arrivée à des conclusions défavorables pour des motifs liés à la crédibilité. Elle a noté ce qu'elle juge être un certain nombre d'incohérences internes dans la déposition du requérant principal. En faisant des observations à ce sujet dans ses motifs, la section indique que le requérant principal :

     [TRADUCTION]         
     [...] est une personne très instruite et très intelligente qui comprend et qui parle l'anglais.         

C'est un thème qui revient à plusieurs reprises dans les motifs de la section du statut. Ailleurs, la section du statut décrit le requérant principal de la façon suivante :

     [TRADUCTION]         
     [...] une personne avertie, intelligente et raffinée, qui a beaucoup voyagé, et qui a suivi des cours de formation aux États-Unis [...]         

         La section du statut relève également un certain nombre d'invraisemblances dans la déposition du requérant principal. Elle note qu'elle a trouvé le requérant principal [TRADUCTION] "[...] très évasif et vague dans son témoignage sur des questions qui sont essentielles à sa revendication".

         L'épouse du requérant principal a également témoigné devant la section du statut. Celle-ci a jugé que sa déposition manquait également de crédibilité. Elle a trouvé ses réponses "évasives". Et elle a relevé des invraisemblances dans sa déposition.

         Quant à la question de la persécution, la section du statut conclut dans les termes suivants :

     [TRADUCTION]         
     Compte tenu des invraisemblances et des incohérences notées ci-dessus dans les dépositions des requérants adultes de même que dans la manière dont ils ont témoigné - c'est-à-dire en termes vagues et évasifs - la formation conclut que le requérant et sa famille n'ont pas été persécutés au Bangladesh comme ils le prétendent.         

         Analysant ensuite la situation qui attend les requérants s'ils sont renvoyés au Bangladesh, la section du statut conclut dans les termes suivants :

     [TRADUCTION]         
     [...] la formation ne trouve aucune preuve convaincante tendant à établir qu'il y a plus qu'une simple possibilité qu'ils soient persécutés s'ils sont forcés de retourner au Bangladesh, uniquement parce que le requérant principal appartient au parti Jatiya.         

         Pour appuyer davantage sa conclusion défavorable aux requérants, la section du statut note que ceux-ci ont séjourné pendant cinq jours aux États-Unis avant de venir au Canada sans revendiquer le statut de réfugié dans ce pays. Elle a rejeté leur explication à cet égard comme étant [TRADUCTION] "[...] tout simplement un autre indice que les requérants n'avaient pas de crainte subjective d'être persécutés, pour les motifs énoncés dans la Convention, au Bangladesh". La section du statut fait également observer que les requérants ont détruit leurs documents de voyage avant d'entrer au Canada. De nouveau, la section du statut refuse leur explication et conclut que cette explication est [TRADUCTION] "encore un autre" indice du manque de crédibilité des requérants.

         Avant de rejeter séparément chacune des revendications des requérants, la section du statut formule sa conclusion générale dans les termes suivants :

     [TRADUCTION]         
     Compte tenu de ce qui précède, la formation conclut que les requérants n'ont pas de raison de craindre d'être persécutés au Bangladesh. Ayant conclu de la sorte, la formation ne traitera pas de la question de la possibilité de refuge à l'intérieur du pays, bien que cette question ait été identifiée dès le début de l'audience comme étant l'une des questions en litige.         

         L'avocat des requérants fait valoir que les conclusions de la section du statut quant à la crédibilité ne peuvent tout simplement être maintenues en se fondant sur la transcription de l'audience devant la section. Il m'a cité de nombreux passages de la transcription à l'appui de son argument. Il m'a aussi abondamment renvoyé à la preuve documentaire dont était saisie la section du statut qui, selon lui, appuie le témoignage des requérants.

         L'avocate de l'intimé cite des décisions de la Cour d'appel fédérale, dans lesquelles celle-ci fait une mise en garde au sujet des procédures de contrôle judiciaire relatives à des décisions d'un tribunal comme la section du statut qui sont fondées sur des conclusions au niveau de la crédibilité, en déconseillant de "passer à la loupe" les motifs de la section du statut et la transcription sur laquelle s'appuie ces motifs.

         Depuis l'audience à laquelle j'ai présidé, j'ai examiné la transcription de la déposition du requérant principal et de son épouse devant la section du statut et les éléments de l'abondante preuve documentaire dont était saisie la section du statut auxquels l'avocat des requérants m'a renvoyé.

         Je conclus que la section du statut n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle en concluant comme elle l'a fait au sujet de la crédibilité des dépositions qu'ont données devant elle le requérant principal et son épouse.

         La Cour d'appel fédérale reconnaît qu'une décision de la section du statut se fondant sur la crédibilité peut être infirmée au cours d'une procédure de contrôle judiciaire lorsque les conclusions de la section du statut sont tirées de façon abusive ou arbitraire, ne sont pas fondées sur la preuve, sont fondées sur des déductions auxquelles la section ne pouvaient pas raisonnablement parvenir, ou lorsque les contradictions internes dans la décision de la section du statut n'ont pas de rapport avec les questions ayant trait à la revendication. En outre, la Cour d'appel a statué qu'il y a lieu de faire preuve de retenue judiciaire à l'égard des décisions de la section du statut, mais que la Cour d'appel ne doit pas passer à la loupe la preuve dont la section du statut était saisie2.

         Dans l'examen des pièces dont était saisie la Cour ainsi que des arguments des avocats, j'ai également tenu compte de ce que je considère comme étant le sage conseil du juge Joyal dans Miranda c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration3, qu'il formule dans les termes suivants :

     Je suis toutefois d'avis qu'aux fins d'un contrôle judiciaire, les décisions de la Commission doivent être prises dans leur ensemble. Certes, on pourrait les découper au bistouri, les regarder à la loupe ou encore, en disséquer certaines phrases pour en découvrir le sens. Mais je crois qu'en général, ces décisions doivent être analysées dans le contexte de la preuve elle-même. J'estime qu'il s'agit d'une manière efficace de déterminer si les conclusions tirées étaient raisonnables ou manifestement déraisonnables.         

Bien que j'aie de la difficulté à accepter la déduction selon laquelle le critère à appliquer est le caractère raisonnable au regard d'un caractère manifestement déraisonnable, à tous autres égards, j'ai examiné les pièces et les arguments des avocats en m'appuyant sur le raisonnement du juge Joyal.

         Compte tenu de ce qui précède, je dois conclure que la section du statut, qui a entendu personnellement le requérant principal et son épouse quand ceux-ci ont donné leurs dépositions et, par conséquent, qui a eu la possibilité d'observer leur comportement et la manière dont leur déposition a été donnée, n'a commis aucune erreur pouvant donner lieu à examen en concluant comme elle l'a fait au sujet de la crédibilité de leurs témoignages et, à partir de cette conclusion, en rejetant les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention de tous les requérants en l'espèce. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

         Aucune question ne sera certifiée puisque les avocats n'en ont formulé aucune à cette fin.

                         FREDERICK E. GIBSON

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

le 30 juillet 1997

Traduction certifiée conforme         
                                 François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              IMM-3095-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ABUL HASHIM MOHAMMAD et al. c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le jeudi 17 juillet 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE GIBSON

DATE :                  le 30 juillet 1997

ONT COMPARU :

Roger Rowe                          POUR LE REQUÉRANT

Leena Jaakkimainen                      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Roger Rowe                      POUR LE REQUÉRANT

Toronto (Ontario)

George Thomson                      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

__________________

     1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

     2      Voir par exemple, Giron c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 143 N.R. 238 (C.A.F.); Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.); et Rajaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 135 N.R. 300 (C.A.F.).

     3      (1993), 63 F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.