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Date : 20230731


Dossier : IMM-9566-22

Référence : 2023 CF 1040

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2023

En présence de l’honorable juge Pamel

ENTRE :

Ennio Celestino MINARINI AVILA

Daniel Alejandro MINARINI PEREZ

Carlos David MINARINI PEREZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs – Ennio Celestino Minarini Avila et ses deux fils adultes, Daniel Alejandro Minarini Perez et Carlos David Minarini Perez, – sont citoyens du Venezuela et de l’Italie. Ils demandent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [CISR] datée du 8 septembre 2022. La SAR a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la CISR selon laquelle les demandeurs n’ont ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger.

[2] Les demandeurs, tout comme l’épouse de M. Minarini Avila, Mme Alba Corina Perez de Minarini, ont demandé l’asile au Canada. La SPR a accueilli la demande de Mme Perez de Minarini, qui est titulaire de la nationalité du Venezuela et ne bénéficie pas de la nationalité italienne, ayant conclu qu’elle ferait face à une possibilité sérieuse de persécution sur la base de son opinion politique, si elle devait retourner au Venezuela. Mme Perez de Minarini n’est pas une partie au présent litige.

[3] Ni M. Minarini Avila ni son fils Carlos n’ont jamais vécu en Italie; seul Daniel y a vécu pendant six mois alors qu’il étudiait.

[4] Devant la SPR, M. Minarini Avila a témoigné qu’il ne voulait pas s’y installer, car il ne parle pas l’italien. Il a également fait allusion aux expériences d’autres membres de la communauté vénézuélienne qui n’y avaient pas été bien reçus. Pour sa part, son fils Daniel a témoigné que, pendant les six mois qu’il a passé en Italie à étudier, quelqu’un lui a mentionné que, malgré son passeport italien, il demeurait un étranger originaire du Venezuela. De plus, les demandeurs se sont appuyés sur la preuve documentaire dans le Cartable national de documentation [CND], qui rapporte plusieurs incidents de crimes racistes et d’actes de violence. Ils ont dénoncé que des élus italiens rejettent sur les immigrants la faute de la pandémie en plus de s’engager dans une rhétorique anti-immigration. Ils ont également présenté un rapport psychologique sur l’état de santé de Daniel, qui concerne la raisonnabilité et la viabilité d’un établissement en Italie par l’ensemble des appelants.

[5] La SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs; la question déterminante devant la SPR, comme devant la SAR, était celle de savoir si la discrimination en Italie s’élevait à de la persécution ainsi que la protection de l’État. La SPR a jugé que les demandeurs n’avaient pas réussi à démontrer qu’ils feraient face à une possibilité sérieuse de persécution en Italie. Elle a reconnu les problèmes de racisme, de xénophobie et d’intolérance auxquels l’Italie fait face, mais a noté la preuve objective indiquant que les autorités italiennes ont abordé ces problèmes à l’aide d’un plan d’action national pour lutter contre la discrimination. Elle a conclu l’Italie offre une protection adéquate aux personnes se trouvant sur son territoire. Les deux fils adultes avaient avancé une crainte de persécution au niveau de l’emploi fondée sur leur appartenance au groupe social particulier des jeunes hommes. La SPR a conclu qu’en fonction de leur âge, ils feraient partie de la population générale ayant un taux de chômage de 9,8 %, et donc qu’ils ne feraient pas face à de la discrimination en ce qui a trait à l’emploi. De plus, quoique la SPR ait reconnu qu’une ambiance discriminatoire et des tensions interethniques prévalent en Italie, elle n’a pas été convaincue que la situation équivalait à de la persécution.

[6] La SAR a confirmé la décision de la SPR. Elle a été d’avis que l’incident rapporté par le fils Daniel, malgré la nature vexatoire et discriminatoire de ce genre de commentaires, ne revêtait pas un aspect criminel ou ne ferait pas l’objet d’une intervention des autorités. Elle a noté que les autres expériences discriminatoires rapportées par les demandeurs découlaient surtout de ouï-dire des membres de la communauté vénézuélienne qui n’y avaient pas été bien reçus. La SAR s’est référé aux arrêts Rajudeen c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1984] ACF n601 (QL), et Canada (Procureur général) c Ward, 1993 CanLII 105 (CSC), [1993] 2 RCS 689, pour définir la persécution.

[7] La SAR a reconnu la preuve dans le CND indiquant que la protection de l’État contre des actes discriminatoires et xénophobes n’est pas parfaite, mais a conclu que la SPR n’a pas commis d’erreur en déterminant que la protection étatique est adéquate. Elle a noté que le système juridique italien met en œuvre les droits fondamentaux garantis à tous nationaux. Bien que le CND fasse état de crimes racistes, ces crimes concernent surtout les personnes d’origine rom et non les Vénézuéliens ou les personnes de l’Amérique latine. Elle a noté que le même rapport dans le CND mentionne que les autorités de Foggia sont intervenues pour punir des personnes responsables de violence à l’encontre des personnes d’origine latino-américaine. Quant au rapport psychologique, la SAR a déterminé que les demandeurs n’avaient pas établi que l’Italie ne pourrait pas offrir des services similaires de psychothérapie ou que ces services ne pourraient pas être fournis à distance, en ligne.

[8] La SAR a noté, finalement, que la demande d’asile de Mme Perez de Minarini a été accueillie et qu’elle serait en mesure d’inclure, à tout le moins, son mari dans sa demande de résidence permanente (Chavez Carrillo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1228 au para 18).

[9] La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question du caractère raisonnable de la décision. La norme de la décision raisonnable s’applique au bien-fondé de la décision de l’agent des visas (Musasiwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 617 au para 22; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 10, 23).

[10] Les demandeurs soutiennent essentiellement que la SAR a effectué une évaluation sélective des documents contenus dans le CND concernant le niveau de discrimination en Italie, le niveau adéquat de protection étatique et la discrimination en ce qui a trait à l’emploi, dans le contexte de la preuve directe de la discrimination dans le dossier; ils soutiennent que la SAR a ignoré les parties de ces rapports qu’elle a elle-même cités, a commis une erreur en ne pas tenant compte de cette preuve contradictoire, n’a pas lié la preuve dans le CND à leur situation spécifique, et ne s’est pas demandé réellement si, compte tenu des circonstances des demandeurs, ils peuvent, de façon réaliste et en toute sécurité, se réfugier en Italie.

[11] Je suis loin d’être d’accord avec les demandeurs. Le problème que posent les arguments des demandeurs est que, hormis les six mois que Daniel a passé à étudier en Italie, ils n’ont jamais passé de temps en Italie; à part le seul exemple de discrimination dont Daniel a été victime lorsqu’on lui a dit que, bien qu’il ait un passeport italien, il ne serait jamais italien, il n’y a aucune preuve qu’ils aient personnellement souffert d’un quelconque niveau de discrimination. L’ensemble de leur argumentation repose sur le CND et sur des témoignages anecdotiques d’amis et de connaissances.

[12] La SAR a reconnu que la protection étatique n’était pas parfaite, mais les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils ne pourront pas bénéficier quand même d’une protection adéquate. Plus important encore, les arguments des demandeurs ne démontrent pas que la SAR a commis une erreur dans son évaluation de la persécution alléguée. Bien que, selon la preuve objective, il y ait de la discrimination raciste en Italie, notamment contre les migrants, les demandeurs ne m’ont pas persuadé que la SAR a été déraisonnable en concluant que les demandeurs n’avaient pas établi que cette discrimination équivalait à de la persécution.


JUGEMENT au dossier IMM-9566-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Peter G. Pamel »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9566-22

 

INTITULÉ :

ENNIO CELESTINO MINARINI AVILA, DANIEL ALEJANDRO MINARINI PEREZ, CARLOS DAVID MINARINI PEREZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 Juillet 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 juillet 2023

 

COMPARUTIONS :

Me Francisco Alejandro Saenz Garay

Pour les demandeurs

Me Rosine Faucher

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Saenz Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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