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Date : 20230724


Dossier : IMM-7518-22

Référence : 2023 CF 1008

Ottawa (Ontario), le 24 juillet 2023

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

AHMAD MOUSSA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Ahmad Moussa sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] rejetant sa demande d’asile. La SAR a conclu que M. Moussa avait la possibilité de se réfugier à l’intérieur de son pays du Liban, conclusion qui est déterminante de toute demande d’asile selon les articles 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[2] M. Moussa prétend que la conclusion de la SAR au sujet du premier volet de l’analyse de la possibilité de refuge intérieur [PRI] est déraisonnable. Il atteste en particulier que la SAR a commis une erreur en rejetant sa croyance que l’agent de préjudice, un criminel qui lui a proposé de commettre des vols d’automobiles et qui blâme M. Moussa pour son arrestation, était affilié à Hezbollah. Cette question est pertinente aux déterminations de la SAR (i) qu’il n’y avait pas de lien entre le risque allégué et un des motifs prévus par la Convention; et (ii) que le criminel n’aura pas la motivation de poursuivre M. Moussa à Beyrouth ou à Nabatiyeh puisque le risque était de nature locale. Il allègue aussi que la SAR a spéculé quant à la motivation du criminel, ce qu’elle n’aurait pas dû faire. Je note que M. Moussa n’attaque pas la conclusion de la SAR, au deuxième volet de l’analyse de la PRI, qu’il serait raisonnable pour lui de se réinstaller dans une des villes proposées.

[3] Comme l’accepte M. Moussa, la Cour révise la décision de la SAR selon la norme de contrôle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16–17, 23–25. En faisant cela, la Cour ne tire pas ses propres conclusions de fait des éléments de preuve et ne se demande pas comment elle aurait elle-même tranché une question : Vavilov aux para 75, 125. La Cour ne peut infirmer la décision que si elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence : Vavilov aux para 99–101.

[4] Ayant considéré les arguments de M. Moussa à la lumière de la décision de la SAR et la preuve au dossier, la Cour conclut que la décision est raisonnable.

[5] La conclusion de la SAR selon laquelle la preuve présentée par M. Moussa ne démontre pas que le criminel est affilié à Hezbollah est raisonnable. M. Moussa lui-même a admis qu’il n’a [traduction] « pas d’information qui confirme qu’il est affilié à Hezbollah ». Il a simplement cru que [traduction] « parce qu’il est un voleur il doit avoir des affiliations avec Hezbollah ». M. Moussa a fait référence à une preuve objective au sujet des voleurs d’automobiles au Liban et leurs liens avec Hezbollah, preuve que la SAR a révisée en détail. La SAR a déterminé que cette preuve n’étaye pas une présomption selon laquelle un voleur d’automobiles au Liban est probablement membre de Hezbollah. Elle a conclu que la déclaration de M. Moussa que le criminel était affilié à Hezbollah n’était que spéculative de sa part et qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir cette affiliation.

[6] Le rôle de la Cour n’est pas de simplement réévaluer la preuve. Elle doit faire preuve de déférence envers les conclusions de la SAR et il incombe à un demandeur de démontrer le caractère déraisonnable de son évaluation : Vavilov aux para 100, 125. M. Moussa n’a pas démontré à cette Cour comment l’évaluation de la preuve par la SAR était déraisonnable.

[7] La question de la motivation du criminel de poursuivre M. Moussa à Beyrouth ou à Nabatiyeh, quant à elle, est centrale à la détermination de la viabilité d’une PRI. La Cour n’accepte pas l’argument de M. Moussa que les conclusions de la SAR à cet égard ne sont que spéculatives. La SAR a accepté qu’il ne soit pas permissible de simplement spéculer au sujet des motivations d’un agent de préjudice, citant la jurisprudence de cette Cour : Builes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 215 aux para 16–17. Par contre, la SAR a reconnu qu’elle pouvait tirer des inférences logiques sur la motivation de l’agent de la preuve : Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 757 au para 62. Dans cette instance, même si la preuve indique que M. Moussa a reçu des appels intimidants, celui-ci a confirmé que personne n’a jamais donné suite à ces menaces malgré sa présence continue dans sa ville. Comme l’a conclu la SAR, [traduction] : « même si les agents du mal lui ont fait des appels intimidants après qu’il n’a pas répondu à l’invitation à voler des voitures, et une autre après l’arrestation [du criminel], ils l’ont laissé tranquille autrement ». Par le biais de cette preuve, il était loisible à la SAR de tirer une inférence que le criminel n’était pas suffisamment motivé à lui faire du mal qu’il le poursuivrait jusqu’aux villes proposées comme PRI. Il s’agit donc d’une inférence logique tirée de la preuve qui porte sur la motivation et les actions de l’agent de préjudice et non pas de la simple spéculation sur cette motivation.

[8] Pour ces motifs, la Cour conclut que M. Moussa ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que la décision de la SAR est déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Aucune question pour certification n’a été proposée par les parties.

[9] Étant donné les conclusions de la Cour sur le fond, la Cour ne doit pas statuer sur la question à savoir si l’ordonnance du juge Bell accordant l’autorisation d’introduire la demande de contrôle judiciaire a implicitement accordé la demande en prorogation du délai de M. Moussa et, sinon, si une telle prorogation serait dans l’intérêt de la justice.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑7518‑22

LA COUR STATUE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7518-22

 

INTITULÉ :

AHMAD MOUSSA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 juillet 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 juillet 2023

 

COMPARUTIONS :

Me Chanez Ikhlef

 

Pour LE DEMANDEUR

 

Me Evan Liosis

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Chanez Ikhlef

Montréal (Québec)

 

Pour lE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour lE DÉFENDEUR

 

 

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