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Date : 20230803


Dossier : T-2044-22

Référence : 2023 CF 1066

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 août 2023

En présence de madame la juge Tsimberis

ENTRE :

ABDELRAHMAN MAHMOUD

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] M. Abdelrahman Mahmoud [le demandeur] sollicite le contrôle judiciaire des décisions datées du 7 septembre 2022 par lesquelles Farmana Chowdhury, une agente responsable de la conformité en matière de prestations [l’agente] de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC], a conclu à l’issue d’un deuxième examen que le demandeur n’était pas admissible à la Prestation canadienne d’urgence [la PCU], à la Prestation canadienne de relance économique [la PCRE] ni à la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement [la PCTCC]. L’agente a conclu que le demandeur devait rembourser les sommes qu’il avait reçues au titre de la PCU et de la PCRE alors qu’il n’y était pas admissible.

[2] Au paragraphe 6 de son mémoire, le demandeur a reconnu qu’il n’était pas admissible à la PCTCC, ce qu’il a confirmé à l’audience. Par conséquent, et compte tenu du fait que le demandeur n’a pas reçu d’argent au titre de la PCTCC, le présent jugement portera uniquement sur l’admissibilité du demandeur à la PCU et à la PCRE.

[3] Le demandeur sollicite un jugement de la Cour qui confirme son admissibilité à la PCU et à la PCRE.

[4] La Cour est d’accord avec le demandeur pour dire qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale, ce qui l’oblige à invalider les décisions de l’agente. Cependant, le demandeur n’a pas convaincu la Cour que les circonstances justifiaient une autre réparation que celle habituellement octroyée, soit le renvoi de l’affaire à l’ARC pour nouvelle décision. Par conséquent, et pour les motifs plus amplement décrits ci-dessous, la Cour accordera la demande de contrôle judiciaire du demandeur et renverra l’affaire à un agent de l’ARC qui ne s’est pas déjà occupé du dossier pour qu’il rende une nouvelle décision.

II. Le contexte

A. Les faits

[5] Le Parlement a mis en place la PCU et la PCRE pour répondre aux diverses répercussions de la pandémie de COVID-19. Il s’agissait de prestations imposables visant à offrir un soutien financier aux employés et aux travailleurs indépendants canadiens.

[6] Pour recevoir la PCU, une personne résidant au Canada devait présenter une demande pour chaque période de quatre semaines comprise dans la période commençant le 15 mars 2020 et se terminant le 26 septembre 2020. Les personnes admissibles recevaient une allocation de 2 000 $ pour chaque période de quatre semaines.

[7] Pour recevoir la PCRE, une personne résidant au Canada devait présenter une demande pour chaque période de deux semaines comprises dans la période commençant le 27 septembre 2020 et se terminant le 23 octobre 2021. Les personnes admissibles recevaient une allocation de 600 $ à 1000 $, avant les retenues d’impôt, pour chaque période de deux semaines.

[8] À son arrivée au Canada, le demandeur a vécu à Vancouver pendant quatre mois, puis à Toronto pendant 30 mois, avant de s’installer à Montréal, où il vit depuis septembre 2021. Le demandeur a déménagé fréquemment et a occupé divers emplois durant la crise de la COVID-19.

[9] Le 15 avril 2020, le demandeur a présenté une demande de PCU et a reçu des versements de 2000 $ pour sept périodes de deux semaines entre le 15 mars 2020 et le 26 septembre 2020.

[10] Le 26 octobre 2020, le demandeur a présenté une demande de PCRE et a reçu des versements de 1000 $ pour 21 périodes de deux semaines entre le 27 septembre 2020 et le 17 juillet 2021 et des versements de 600 $ pour six périodes de deux semaines entre le 18 juillet 2021 et le 9 octobre 2021.

[11] Le ou vers le 24 décembre 2021, l’ARC a sélectionné les dossiers de PCU et de PCRE du demandeur à des fins d’examen de l’admissibilité.

[12] Le 6 janvier et le 28 mars 2022, le demandeur a fourni plusieurs documents, dont la liste se trouve dans l’affidavit de l’agente, à savoir des factures et un contrat de sous-traitance.

[13] Le 8 avril 2022, l’agent chargé du premier examen a rejeté les demandes de PCU et de PCRE du demandeur pour la même raison : [traduction] « le demandeur n’a pas gagné au moins 5 000 $ (avant impôts) provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte en 2019 [ou 2020] ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle il a présenté sa première demande ».

B. Les décisions faisant l’objet du contrôle

[14] Le 14 avril 2022, le demandeur a demandé un deuxième examen de son admissibilité à la PCU et à la PCRE.

[15] Le 14 avril et le 26 avril 2022, le demandeur a fourni d’autres documents dont la liste détaillée figure aux paragraphes 29 à 31 de l’affidavit de l’agente.

[16] Les notes consignées au Système mondial de gestion des cas, utilisé par les agents d’immigration, indiquent que, le 10 août 2022, l’agente chargée du deuxième examen s’est entretenue par téléphone avec le demandeur à deux reprises. Selon les notes, le demandeur voulait s’assurer qu’il avait une preuve suffisante pour démontrer qu’il avait des revenus de plus de 5 000 $. Par ailleurs, c’est au cours de l’un de ces appels que le demandeur a dit à l’agente que La Baie d’Hudson avait refusé de lui fournir certains documents puisqu’il n’avait travaillé que très peu de temps dans son entrepôt. Les notes indiquent que le demandeur a demandé si l’agente pouvait appeler La Baie d’Hudson afin de procéder à une vérification et que l’agente lui a répondu que les agents ne communiquent pas avec des tiers pour faire des vérifications [traduction] « à moins que ce ne soit nécessaire ».

[17] Le 23 et le 26 août 2022, le demandeur a fourni d’autres observations et a indiqué, entre autres, que l’agence qui l’avait embauché pour travailler à La Baie d’Hudson en 2019 (Arrow Workforce) avait refusé de lui faire parvenir une preuve de ses revenus, qui s’élevaient à 1 930 $, et qu’il éprouvait des difficultés à obtenir cette preuve puisqu’il s’agissait de sa première année au Canada et qu’il avait déménagé.

[18] Selon les notes au Système mondial de gestion des cas, un [traduction] « [a]ppel [a été] effectué le 31/08/2022 à 13 h 10 HNE [sic], car le contribuable voulait soumettre des documents provenant de La Baie d’Hudson au sujet de revenus de 1 900 $ gagnés en 2019. J’ai informé le contribuable que j’attendrais aujourd’hui et demain pour les documents qu’il souhaite soumettre. Le contribuable a compris. »

[19] Le demandeur affirme qu’il a demandé une prolongation du délai afin de rassembler les éléments de preuve détenus par son ancien employeur. Sa demande a toutefois été rejetée et on ne lui a accordé qu’un jour supplémentaire pour soumettre toute la preuve. Le défendeur soutient que le demandeur n’a jamais demandé à l’agente de lui accorder un délai supplémentaire pour obtenir une autre preuve de revenus et la soumettre. De plus, le défendeur indique que le demandeur n’a fourni aucune preuve pour appuyer son affirmation. Le défendeur fait plutôt valoir ce qui suit :

[traduction]

50. Le demandeur a plutôt dit à la décideuse, lors d’une conversation qui a eu lieu le 31 août 2022, qu’il « voulait soumettre des documents obtenus auprès de La Baie d’Hudson au sujet de revenus de 1 900 $ gagnés en 2019 », ce à quoi elle a répondu qu’elle attendrait « aujourd’hui et demain » pour recevoir les documents. Le demandeur a répondu qu’il avait compris.

[20] Le 2 septembre 2022 à 11 h 15, moins de 48 heures après l’appel du 31 août 2022 à 13 h 10, l’agente a enregistré ses notes relatives aux décisions dans le Système mondial de gestion des cas, indiquant notamment ce qui suit [traduction] : « Mis à part un emploi à Adonis, le demandeur a travaillé à “Door dash” et à “La Baie d’Hudson” en 2019. […] Aucune preuve d’emploi provenant de La Baie d’Hudson n’a été présentée puisque l’employeur a refusé de fournir de documents à cet effet. »

[21] Le 7 septembre 2022, l’agente a rendu ses décisions à l’issue du deuxième examen dans lesquelles elle a conclu que le demandeur n’était pas admissible à la PCU, puisqu’il [traduction] « n’[avait] pas gagné des revenus d’au moins 5 000 $ (avant impôts) provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour [son] compte en 2019 ou au cours des douze mois précédant la date de présentation de [sa] première demande », ni à la PCRE, puisqu’il [traduction] « n’[avait] pas gagné des revenus d’au moins 5 000 $ (avant impôts) provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour [son] compte en 2019, en 2020 ou au cours des douze mois précédant la date de présentation de [sa] première demande ».

[22] À l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur a présenté à la Cour des éléments de preuve dont l’agente ne disposait pas. Parmi ces nouveaux éléments de preuve, il y avait notamment un affidavit et des chèques (datés des 2, 9, 16, 23 et 30 décembre 2019, ainsi que du 1er janvier 2020) totalisant 1930 $, qui provenaient de l’agence Arrow Workforce et que le demandeur avait pu obtenir en communiquant avec sa banque.

III. Les questions en litige

[23] La présente affaire soulève deux questions principales :

a) L’agente a-t-elle violé le droit du demandeur à l’équité procédurale?

b) S’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale, les décisions de l’agente étaient-elles raisonnables?

[24] Enfin, il y a une question préliminaire à trancher puisque le demandeur a soumis à la Cour des éléments de preuve et des arguments dont l’agente ne disposait pas.

IV. La norme de contrôle

[25] La Cour suprême du Canada a établi que, lors du contrôle judiciaire d’une décision administrative sur le fond (c.-à-d. le contrôle judiciaire d’une mesure administrative qui ne comporte pas d’examen d’un manquement à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale), la norme de contrôle présumée s’appliquer est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23 [Vavilov].

[26] Les allégations de manquement à l’équité procédurale sont jugées selon une norme qui se rapproche de la norme de la décision correcte. Au bout du compte, la question fondamentale est de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 56 [Canadien Pacifique].

[27] L’allégation de manquement à l’équité procédurale sera donc tranchée selon la norme de la décision correcte.

[28] S’il n’y a pas de manquement à l’obligation en matière d’équité procédurale, la Cour applique la présomption énoncée dans l’arrêt Vavilov, c’est-à-dire la norme de la décision raisonnable. La cour qui applique la norme de la décision raisonnable ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif. Elle ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème : Vavilov, au para 83.

[29] Il est acquis que le décideur administratif peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise et que, à moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : Vavilov, au para 125.

[30] Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige de la cour de révision qu’elle fasse preuve de retenue envers une telle décision : Vavilov, au para 85.

V. Analyse

a) L’agente a-t-elle violé le droit du demandeur à l’équité procédurale?

[31] Le demandeur affirme que l’agente a manqué à son obligation d’équité procédurale du fait qu’il lui avait demandé un délai supplémentaire pour lui présenter des éléments de preuve, mais qu’elle ne lui a accordé qu’une seule journée supplémentaire, ce qui n’était pas assez pour rassembler et soumettre la preuve requise.

[32] Le défendeur fait valoir qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale puisque le demandeur n’a pas demandé à l’agente de lui accorder plus de temps ou de lui accorder une nouvelle prolongation du délai, ce qu’il aurait dû faire s’il en avait besoin.

[33] L’obligation d’agir équitablement comporte deux volets : le droit à une audience juste et impartiale devant un décideur indépendant et le droit d’être entendu (Fortier c Canada (Procureur général), 2022 CF 374 au para 14 [Fortier]; Therrien (Re), 2001 CSC 35, au para 82).

[34] En l’espèce, la question en litige porte sur le droit du demandeur d’être entendu, aussi appelée la règle audi alteram partem. En effet, toute personne a le droit d’avoir la possibilité de « présenter entièrement et équitablement [sa] position » (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au para 28).

[35] Pour reprendre les propos formulés par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 56 de l’arrêt Canadien Pacifique :

[56] Peu importe la déférence qui est accordée aux tribunaux administratifs en ce qui concerne l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire de faire des choix de procédure, la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu une possibilité complète et équitable d’y répondre. Cela pourrait s’avérer problématique si une décision a priori sur la question de savoir si la norme de contrôle applicable est la norme de la décision correcte ou la norme de la décision raisonnable donnait une réponse différente à ce qui est une question singulière fondamentale à la notion de justice – a-t-on accordé à la partie le droit d’être entendue et la possibilité de connaître la preuve qu’elle doit réfuter? L’équité procédurale n’est pas sacrifiée sur l’autel de la déférence.

[36] Dans une affaire semblable, le juge Lafrenière a conclu que rien n’indiquait que l’agent avait violé les principes d’équité procédurale applicables (Cantin c Canada (Procureur général), 2022 CF 939 au para 18 [Cantin]), puisque le demandeur dans cette affaire avait eu l’occasion de soumettre des documents ou renseignements additionnels.

[37] En n’accordant qu’une seule journée supplémentaire au demandeur (le délai initial était de 20 jours) lorsque celui-ci a demandé plus de temps pour soumettre la preuve qu’il n’avait pas en sa possession (le demandeur devait communiquer avec un tiers afin d’obtenir l’information ou trouver une autre manière de l’obtenir), l’agente a manqué à son obligation d’équité procédurale.

[38] La Cour ne partage pas l’avis du défendeur, qui affirme qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale puisque le demandeur bénéficiait de 20 jours pour obtenir l’information requise et qu’il aurait dû demander à l’agente de lui accorder plus de temps ou de lui accorder une nouvelle prolongation du délai. Les parties (en particulier les parties non représentées) à qui un agent n’accorde pas suffisamment de temps ne savent pas qu’elles peuvent insister lorsque la prolongation du délai est refusée ou lorsque le délai accordé est trop court. Il est injuste d’imposer ce fardeau à une partie qui ne connaît pas bien les rouages du système administratif ou judiciaire.

[39] Chaque affaire est tributaire des faits. La Cour n’affirme pas qu’il est systématiquement injuste de n’accorder qu’un jour supplémentaire au demandeur pour produire des éléments de preuve, mais, en l’espèce, c’était le cas. Le demandeur a accompli plusieurs petits boulots et devait démontrer qu’il avait gagné des revenus d’au moins 5 000 $ en 2019. Le demandeur dit avoir gagné des revenus de 1 900 $ provenant de l’emploi qu’il a tenu auprès de l’agence Arrow Workforce/La Baie d’Hudson, mais son employeur, qui disposait de la preuve de cet emploi, ne la lui avait pas fournie. Le demandeur n’avait assurément aucun contrôle sur la preuve qu’il avait l’intention de présenter. Il avait besoin de suffisamment de temps pour l’obtenir auprès de son ancien employeur ou par d’autres moyens (en l’occurrence, auprès de sa banque). En ne lui accordant qu’un jour supplémentaire ou un peu plus de 24 heures, l’agente n’a pas accordé au demandeur un délai raisonnable pour recueillir la preuve requise auprès de tiers et la présenter à l’ARC pour examen. Par conséquent, le demandeur n’a pas eu la « possibilité complète et équitable » d’être entendu (Canadien Pacifique, au para 56) et n’a pas pu exercer son droit d’être entendu.

[40] L’agente aurait pu essayer de comprendre la situation du demandeur et aurait pu lui demander de combien de jours il avait raisonnablement besoin pour obtenir et présenter la preuve, mais elle ne l’a pas fait. Elle aurait pu lui accorder la moitié du délai original (soit 10 jours) ou même le quart du délai original (soit 5 jours) plutôt qu’une journée. Au lieu, elle a accepté d’attendre [traduction] « aujourd’hui et demain ». Moins de deux jours plus tard, soit le 2 septembre 2022, elle a enregistré ses notes relatives aux décisions dans le système, et des lettres de décision ont été envoyées au demandeur le 7 septembre 2022.

[41] La Cour ne peut pas accepter l’argument du défendeur selon lequel le demandeur aurait dû dire à l’agente qu’il avait besoin de plus de temps à la suite de l’appel du 31 août 2022. Accepter cet argument signifierait excuser le comportement de l’agente, qui savait ou aurait dû savoir que l’obtention et la présentation de la preuve exigeraient un certain temps. Pourquoi? Parce que la preuve se trouvait en la possession d’un tiers qui avait déjà refusé de fournir l’information et que le demandeur ne bénéficiait pas de beaucoup de temps pour obtenir cette information, compte tenu du moment de l’appel avec l’agente (en début d’après-midi) et du fait que les heures ouvrables sont habituellement de 9 h à 17 h.

[42] Ainsi, pour reprendre les paroles de la juge St-Louis, « dans le cas d’erreurs procédurales ou d’erreurs substantives, le redressement habituel lorsque la Cour ne peut maintenir une décision administrative consiste à l’annuler et à la renvoyer au décideur pour qu’il procède à un nouvel examen » (Fortier, au para 18).

b) Les décisions de l’agente étaient-elles raisonnables?

[43] Puisqu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale, la Cour n’est pas tenue d’examiner le caractère raisonnable des décisions contestées. En effet, lorsqu’il y a manquement à l’équité procédurale, la décision en soi est dépourvue de pertinence et sera infirmée sans égard à son bien-fondé (David c Canada (Procureur général), 2014 CF 358 au para 62).

[44] Dans le même ordre d’idées, puisqu’il y a eu un manquement à l’obligation d’équité procédurale, la Cour n’a pas à se pencher sur la façon de traiter les nouveaux éléments de preuve déposés par le demandeur auprès de la Cour.

VI. Les dépens

[45] À l’audience, les parties ont convenu que la partie perdante verserait 500 $ à l’autre au titre des dépens.

VII. Conclusion

[46] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La question de l’admissibilité à la PCU et à la PCRE sera renvoyée à un agent de l’ARC qui ne s’est pas déjà occupé du dossier pour qu’il rende une nouvelle décision.


JUGEMENT dans le dossier T-2044-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Les décisions de l’agente datées du 7 septembre 2022 sont annulées.

  3. Les demandes de PCU et de PCRE sont renvoyées à un agent de l’Agence du revenu du Canada qui ne s’est pas déjà occupé du dossier pour qu’il rende une nouvelle décision.

  4. Des dépens de 500 $ sont adjugés au demandeur.

« Ekaterina Tsimberis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2044-22

 

INTITULÉ :

ABDELRAHMAN MAHMOUD c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 JUIN 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE TSIMBERIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 AOÛT 2023

 

COMPARUTIONS :

Andrey Mutchnik

 

Pour le demandeur

 

Anne Élizabeth Morin

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BMLex Avocats Inc.

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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