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Date : 20230822


Dossier : T-2206-22

Référence : 2023 CF 1124

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 août 2023

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

CECILIA (TONI) JOSEPHINE HERON

demanderesse

et

LA PREMIÈRE NATION DE SALT RIVER NO 195

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Dans son avis de requête daté du 20 juin 2023, Cecilia (Toni) Josephine Heron [la chef Heron ou la demanderesse] sollicite les mesures de redressement suivantes :

  • (1)Une injonction provisoire en vue de la réintégrer à son poste de chef en attendant que la présente demande de contrôle judiciaire soit tranchée;

  • (2)Une ordonnance en vue de l’autoriser à modifier sa demande de contrôle judiciaire déposée le 10 janvier 2023 afin d’y inclure la décision de la défenderesse de la suspendre de l’exercice de ses fonctions de chef les 2 février 2023, 3 mars 2023 et 1er juin 2023;

  • (3)Une ordonnance en vue d’interdire à la défenderesse de la suspendre de manière répétée pour les mêmes allégations;

  • (4)L’octroi des dépens sur la base avocat-client;

  • (5)Toute autre mesure de redressement que les avocats peuvent demander et que la Cour estime juste.

[2] Dans la demande de contrôle judiciaire sous-jacente par laquelle elle conteste la décision du 13 octobre 2022 de la suspendre pendant 60 jours, sans rémunération, la demanderesse sollicite les mesures de redressement suivantes :

  • (1)Une ordonnance de certiorari en vue d’annuler la décision du 13 octobre 2022;

  • (2)Une ordonnance ou une déclaration portant que la demanderesse demeure chef de la Première Nation de Salt River [la PNSR];

  • (3)Une ordonnance ou une déclaration portant que la demanderesse a le droit de recevoir sa pleine rémunération qui a fait l’objet d’une retenue pendant sa suspension illégale sans solde;

  • (4)Une injonction provisoire en vue de la réintégrer à son poste de chef en attendant que la présente demande de contrôle judiciaire soit tranchée;

  • (5)L’adjudication des dépens.

[3] Dans une autre demande, T-97-23, la demanderesse cherche à contester la décision du 4 décembre 2022 de la défenderesse, par laquelle elle la suspendait pendant une période supplémentaire de 60 jours.

[4] Dans la demande T-2191-22, la PNSR conteste la décision du 18 octobre 2022 de la demanderesse, par laquelle elle convoquait une réunion extraordinaire des électeurs le 23 octobre 2022, afin d’examiner la destitution des deux conseillers, Brad Laviolette et Kendra Bourke. Le 21 octobre 2022, la PNSR a présenté une requête en injonction en vue d’interdire à la chef Heron de tenir la réunion extraordinaire le 23 octobre 2022, de confirmer la gouvernance actuelle de la PNSR composée de six conseillers, dont le conseiller Laviolette, à titre de chef intérimaire, et de confirmer la suspension de 60 jours de la chef Heron. Le 23 octobre 2022, la juge McDonald a interdit, par ordonnance, à la chef Heron d’exercer, d’exécuter ou de prétendre exercer ou exécuter les fonctions de chef jusqu’à l’expiration de sa suspension de 60 jours.

[5] En novembre 2022, la demanderesse a sollicité une injonction à l’encontre de la décision du 13 octobre 2022 de la suspendre. Elle a également sollicité que la demande T-2191-22 soit suspendue jusqu’à ce qu’il soit établi que les conseillers de la PNSR avaient le pouvoir de présenter la demande. Dans une ordonnance datée du 25 novembre 2022, dont la référence est 2022 FC 1628 [l’ordonnance du 25 novembre], la juge McDonald a rejeté la requête en injonction de la demanderesse et sa requête en vue de suspendre la demande T-2191-22. Les faits de la présente affaire sont les mêmes que ceux mentionnés dans l’ordonnance du 25 novembre, à l’exception des prolongations supplémentaires des suspensions imposées les 12 décembre 2022, 2 février 2023, 30 mars 2023 et 1er juin 2023. Une prolongation plus récente a été imposée le 3 août 2023, avec avis à la demanderesse.

[6] Le 28 février 2023, la Cour a rendu, sur consentement, une ordonnance prescrivant la jonction des demandes T-2206-22 et T-97-23, qui doivent être entendues avec la demande T-2191-22, le 13 septembre 2023.

II. Le contexte

[7] Le 19 septembre 2022, la demanderesse a été élue chef de la PNSR. Les six conseillers ont été élus par acclamation le 17 août 2022 et sont immédiatement entrés en fonction. En l’espace de quelques semaines, des problèmes sont survenus entre la demanderesse et plusieurs conseillers concernant, entre autres, une soumission pour un projet de caserne de pompiers [la soumission] et la question de savoir si une réunion extraordinaire de l’électorat devait être tenue.

[8] Lors de la réunion du conseil de bande du 6 octobre 2022, le conseiller Laviolette a remis à la demanderesse une lettre signée par cinq conseillers dans laquelle figuraient certaines questions qu’ils considéraient comme urgentes pour la PNSR et auxquelles, à leur avis, la demanderesse n’était pas sensible. En réponse, dans une lettre du 7 octobre 2022 adressée aux conseillers Laviolette et Bourke, la demanderesse a contesté le fait qu’ils avaient fait signer la lettre par cinq conseillers à l’extérieur de la salle du conseil de bande et les a informés que leur conduite justifiait la tenue d’une réunion extraordinaire afin d’examiner leur destitution à titre de conseiller.

[9] Le 13 octobre 2022, le conseil a suspendu la demanderesse sans solde pendant 60 jours, au titre de l’article 153A du Code électoral de la PNSR. La résolution du conseil de bande [la RCB] énonçait les préoccupations suivantes : son beau-frère travaillait sur une soumission pour des travaux de construction sur laquelle la PNSR travaillait également; la demanderesse souhaitait discuter publiquement de la soumission, ce qui pourrait nuire aux intérêts économiques de la PNSR; la demanderesse n’a pas répondu aux rapports des avocats ni fourni de directives sur des actions en justice; elle a convoqué une réunion extraordinaire des électeurs pour destituer les conseillers Laviolette et Bourke; la demanderesse malmène le conseil et d’autres personnes qui ne sont pas d’accord avec elle. Cette RCB annulait également la réunion extraordinaire du 22 octobre 2022, dont l’objet était de destituer les conseillers Laviolette et Bourke, et déclarait le conseiller Laviolette chef intérimaire.

[10] Le 18 octobre 2022, la chef a convoqué une réunion extraordinaire des électeurs de la PNSR devant être tenue le 23 octobre 2022, afin d’examiner la destitution des conseillers Laviolette et Bourke. Lors de cette réunion, les électeurs étaient censés destituer les conseillers Laviolette et Bourke. Les conseillers ont contesté cette décision de convoquer une assemblée extraordinaire dans la demande T-2191-22. De plus, le 23 octobre 2022, ils ont demandé et obtenu un sursis à l’exécution de la décision du 23 octobre 2022 jusqu’à ce que la demande puisse être entendue sur le fond.

[11] Comme je l’ai déjà mentionné, les conseillers ont imposé des prolongations de la suspension, chacune de 60 jours supplémentaires, comme le permet le Code électoral. La dernière prolongation a été imposée à la demanderesse le 3 août 2023, par la voie d’une RCB détaillée.

[12] Pour appuyer la présente requête, la demanderesse a déposé son propre affidavit établissant une chronologie des faits.

[13] La défenderesse a déposé un affidavit, un affidavit supplémentaire et un autre affidavit supplémentaire du conseiller Laviolette ainsi qu’un affidavit de la conseillère Bourke.

III. La question en litige

[14] La seule question en litige est de savoir si la demanderesse a satisfait au critère conjonctif à trois volets régissant la délivrance d’une injonction interlocutoire énoncé dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, et dans sa version modifiée récemment dans l’arrêt R c Société Radio-Canada, 2018 CSC 5 [SRC] :

12. [...] À la première étape, le juge de première instance doit procéder à un examen préliminaire du bien-fondé de l’affaire pour décider si le demandeur a fait la preuve de l’existence d’une « question sérieuse à juger », c’est-à-dire que la demande n’est ni futile ni vexatoire. À la deuxième étape, le demandeur doit convaincre la cour qu’il subira un préjudice irréparable si la demande d’injonction est rejetée. Enfin, à la troisième étape, il faut apprécier la prépondérance des inconvénients, afin d’établir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond, selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée.

[15] Il faut satisfaire aux trois volets du critère pour que la Cour accorde la mesure de redressement discrétionnaire extraordinaire que constitue l’injonction.

IV. Analyse

A. La thèse de la demanderesse

[16] Il existe une forte apparence de droit selon laquelle la suspension du 13 octobre 2022 et les prolongations ne sont pas fondées, car certaines allégations se rapportent à des actions qui se sont passées il y a plusieurs années. De plus, la demanderesse n’a pas reçu un avis suffisant des motifs de la suspension. Enfin, les prolongations des suspensions constituent essentiellement une prolongation d’une durée indéterminée qui s’apparente à une destitution, laquelle ne peut être prononcée que dans le cadre d’une réunion extraordinaire convoquée conformément à l’article 153A du Code électoral.

[17] Même si on a affirmé que la demanderesse devait établir une forte apparence de droit, dans ses observations orales, cette dernière a soutenu que ce volet du critère comporte une exigence minimale peu élevée, car la suspension continue s’apparente à une destitution (Bellegarde v Carry the Kettle First Nation, 2023 FC 129 aux para 21-23). À cet égard, même si cette question n’a pas fait l’objet d’un appel, la demanderesse a soutenu que la norme pour conclure à l’existence d’une question sérieuse, telle qu’elle est énoncée dans l’ordonnance du 25 novembre, était incorrecte.

[18] Dans l’ordonnance du 25 novembre, la juge McDonald a conclu que la demanderesse n’avait pas satisfait à ce volet du critère, parce que la suspension était définie et qu’elle n’avait pas été destituée (au para 21). Toutefois, les prolongations démontrent que la suspension est en réalité une suspension indéfinie.

[19] La demanderesse subira un préjudice irréparable, car elle ne pourra pas percevoir de dommages-intérêts et elle a subi une atteinte à sa réputation du fait de son incapacité à remplir le rôle prestigieux de chef (Frank v Bottle et al (1993), 65 FTR 89 aux para 26-28). Les prolongations sont contradictoires aux renseignements dont disposait la Cour au moment de rendre l’ordonnance du 25 novembre, en ce sens qu’elle avait souligné qu’il restait une période relativement courte avant l’expiration de la suspension de la demanderesse (au para 27). En l’espèce, compte tenu de ce qui s’est passé après la suspension du 13 octobre 2022, il y a eu des prolongations continues, ce qui rendait les suspensions indéfinies.

[20] La prépondérance des inconvénients penche en faveur de la demanderesse, car la nature indéfinie des suspensions soulève de sérieux doutes quant au processus démocratique de la PNSR. La demanderesse n’a pu occuper le poste de chef que pendant 24 jours, bien qu’elle ait été démocratiquement élue par l’électorat de la PNSR.

B. La thèse de la défenderesse

[21] La demanderesse demande un redressement interlocutoire mandatoire et, par conséquent, la défenderesse soutient que la demanderesse doit établir une forte apparence de droit (SRC, aux para 15, 16), ce qu’elle n’a pas fait. Outre le fait d’établir que les conseillers ont prolongé les suspensions imposées à la demanderesse en décembre 2022, en février, en mars, en juin et maintenant, en août 2023, la demanderesse a présenté les mêmes éléments de preuve qui étaient insuffisants pour s’acquitter de son fardeau, comme le démontre l’ordonnance du 25 novembre. Les éléments de preuve présentés au soutien de la présente requête sont les mêmes que ceux énoncés dans l’ordonnance du 25 novembre, à savoir qu’après avoir reçu un préavis de 48 heures de son droit d’être entendue lors de la réunion du conseil du 13 octobre, la demanderesse a choisi de ne pas y assister et de ne pas présenter d’observations. Par conséquent, la défenderesse a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 153A pour la suspendre.

[22] Les faits de la présente affaire sont semblables à ceux de la décision Martselos c Première Nation de Salt River, 2008 CF 8, confirmée dans l’arrêt Première Nation no 195 de Salt River (Bande indienne no 759de Salt River) c Martselos, 2008 CAF 221, où la demanderesse, dans cette affaire, avait renoncé à son droit de présenter des observations. En l’espèce, la demanderesse a également renoncé à son droit d’assister à la réunion du 13 octobre et d’y présenter des observations et elle est empêchée par préclusion de faire valoir qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale.

[23] Les prolongations des suspensions sont des mesures administratives, autorisées par l’article 153A du Code électoral, pour préserver le statu quo en attendant la décision définitive relative à la demande T-2191-22. Les prolongations ne constituent pas une destitution. Il est plus approprié de laisser à la Cour le soin de déterminer le caractère raisonnable des prolongations des suspensions et d’entendre ces questions sur le fond le 13 septembre 2023.

[24] Le conseil a récemment prolongé la suspension pour une période supplémentaire de 60 jours, le 3 août 2023. La demanderesse a été avisée de cette réunion, mais n’y a pas non plus assisté.

[25] La demanderesse n’a pas établi qu’elle subirait un préjudice irréparable. Elle s’est contentée de répéter ses affirmations et arguments qui avaient été rejetés dans l’ordonnance du 25 novembre. Depuis l’ordonnance du 25 novembre, la demanderesse n’a présenté aucun nouvel élément de preuve de l’existence d’un préjudice irréparable ni de préjudice irréparable qu’elle pourrait s’attendre à subir avant l’audience du 13 septembre 2023.

[26] La prépondérance des inconvénients penche en faveur du maintien du statu quo jusqu’à l’audience du 13 septembre 2023. La PNSR a fait face à l’incertitude du public quant à l’autorité compétente légitime, tant à l’interne qu’auprès des institutions externes, en raison du refus de la demanderesse d’accepter la suspension du 13 octobre. Ces circonstances étaient suffisantes pour démontrer que la PNSR subirait un préjudice irréparable, comme l’indique l’injonction accordée par la Cour le 23 octobre 2022 en faveur de la PNSR.

[27] La PNSR ne devrait pas être exposée aux mêmes incertitudes dans le mois précédant l’audience sur les questions juridiques soulevées dans les demandes réunies et dans la demande T-2191-22, le 13 septembre 2023 et jusqu’à ce que la Cour rende son jugement.

C. Conclusion

[28] La plupart des éléments de preuve des parties portent sur le fond des demandes qui seront entendues le 13 septembre 2023. Par conséquent, je veillerai à ne pas trop m’attarder sur ce que je considère comme des questions liées au fond.

[29] La demanderesse a établi l’existence d’une question sérieuse. Même si la défenderesse a raison de dire que la juge McDonald a conclu que la demanderesse n’avait pas satisfait à ce volet du critère énoncé dans l’ordonnance du 25 novembre, je conviens également avec la demanderesse que l’ordonnance du 25 novembre prévoyait que la suspension du 13 octobre 2022 serait d’une durée limitée. Le fait qu’il y ait eu plusieurs prolongations des suspensions soulève une sérieuse question quant à la norme élevée énoncée dans l’arrêt SRC.

[30] Cela dit, je suis d’avis que la demanderesse n’a pas établi qu’elle subirait un préjudice irréparable. Ses demandes réunies seront instruites sur le fond le 13 septembre 2023, soit environ un mois après la date de la présente audience. Du point de vue de la demanderesse, je comprends que les prolongations des suspensions sont, en fait, des suspensions d’une durée indéterminée; toutefois, cette question relève de l’audience sur le fond. Ce sera l’une des questions qui seront tranchées lors de l’audience du 13 septembre 2023. Le court délai avant l’audition des demandes sur le fond et le fait que la SRFN continuera d’être gouvernée selon le quorum constitué du conseil de bande d’ici là m’amènent à tirer cette conclusion.

[31] Je conclus également que la prépondérance des inconvénients favorise la SRFN, dans la mesure où elle bénéficiera du maintien du statu quo jusqu’à ce que les affaires soient entendues le 13 septembre 2023.

V. Conclusion

[32] Pour les motifs qui précèdent, la requête de la demanderesse en vue d’obtenir une injonction provisoire est rejetée dans son intégralité. Je refuse également d’accorder les mesures de redressement supplémentaires énoncées dans l’avis de requête.

[33] Il serait plus approprié que les mesures de redressement supplémentaires demandées dans la requête soient examinées lors de l’audience du 13 septembre 2023. Il n’est pas nécessaire de les examiner dans la présente ordonnance.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T-2206-22

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête de la demanderesse en vue d’obtenir une injonction est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Lyne Paquette, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2206-22

 

INTITULÉ :

CECILIA (TONI) JOSEPHINE HERON c LA PREMIÈRE NATION DE SALT RIVER NO 195

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 AOÛT 2023

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 22 AOÛT 2023

COMPARUTIONS :

Glenn Epp

Inez Agovic

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

David C. Rolf, c.r.

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thompson, Laboucan & Epp LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

MLT Aikins LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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