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                                                                                                                     Dossiers : ITA-13319-02

                                                                                                                                    ITA-13320-02

Citation : 2005 CF 1657

Ottawa, Ontario, le 5 décembre 2005

Devant :             L'HONORABLE JUGE GAUTHIER

                        Dans l=affaire de la Loi de l=impôt sur le revenu,

Dans l=affaire d=une cotisation ou des cotisations établies par le

                        ministre du Revenu national en vertu d=une ou plusieurs des

lois suivantes : la Loi de l=impôt sur le revenu, le Régime de

pensions du Canada et la Loi sur l=assurance-emploi,

                        CONTRE :

ROGER BLOUIN

Débiteur-saisi

                        ET :

ANNE-MARIE BLOUIN

ROSE-HÉLÈNE BLOUIN

MADELEINE BLOUIN

Tierces-saisies et

opposantes

                        ET :

BANQUE NATIONALE DU CANADA

Tierce-saisie

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Sa Majesté la Reine (le créancier-saisissant) demande à la Cour de rendre une ordonnance définitive confirmant la saisie-arrêt ordonnée provisoirement le 4 mars 2003 par le juge Michel Beaudry et visant les trois certificats de placement à terme de la Banque Nationale du Canada suivants :   

i)           certificat numéro 555134565403 au montant de 77 253,24 $ émis au nom de Madeleine Tardif-Blouin;

ii)          certificat numéro 555134561475 au montant de 106 460,22 $ émis au nom de Rose-Hélène Blouin;

iii)          certificat numéro 555134561327 au montant de 94 125,00 $ émis au nom de Anne-Marie Blouin.

[2]                En plus de déclarer qu'elles ne doivent aucune somme au débiteur-saisi Roger Blouin, Madeleine Tardif-Blouin, Rose-Hélène Blouin et sa soeur Anne-Marie Blouin ont déposé des oppositions à la saisie en vertu de l'article 597 du Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25 (C.p.c.). En réponse à ces oppositions, le créancier-saisissant demande à la Cour de déclarer inopposable les transferts d'argent faits par Roger Blouin aux opposantes parce que faits en fraude de ses droits. (Articles 1631 et suivants du Code civil du Québec, L.Q., 1991, ch. 64 (C.c.Q.)). Le texte de ces dispositions est reproduit à l'annexe 1.

[3]                Finalement, Anne-Marie Blouin et Madeleine Tardif-Blouin ont déposé, avec la permission de la Cour, des dossiers additionnels de requête dans lesquels ces deux opposantes demandent à la Cour d'annuler les transactions par lesquelles Roger Blouin a prétendu obtenir des prêts d'elles et de déclarer qu'en conséquence, la remise des sommes dans leur compte de banque ne peut constituer un contrat à titre onéreux ou à un contrat à titre gratuit ou un paiement fait en exécution d'un tel contrat au sens des articles 1631 et suivants du C.c.Q.

CONTEXTE

[4]                Madeleine Tardif-Blouin est la mère du débiteur Roger Blouin. Le 15 mai 2000, la Cour supérieure du Québec homologua un mandat donné par elle en prévision d'inaptitude conformément aux articles 2165 et 2166 du C.c.Q. Après que Jacques-François Blouin, le frère du débiteur, eut renoncé à sa charge, c'est Roger Blouin qui fut confirmé mandataire à la personne et aux biens de Madeleine Tardif-Blouin, et ce jusqu'à ce qu'il renonce à cette charge et que Jacques-François Blouin la reprenne en juin 2005.

[5]                Anne-Marie Blouin est la tante du débiteur Roger Blouin. Elle a été victime d'un grave accident le 23 novembre 1998 qui lui a enlevé toute autonomie. Elle est hébergée au Manoir Le Château depuis le mois de mars 1999. Le 18 avril 2001, elle signait un mandat général donnant à Roger Blouin la charge d'administrer ses affaires. Dans son affidavit, Jacques-François Blouin explique qu'il n'avait pas cru opportun de demander l'homologation du mandat d'inaptitude à ce moment-là.

[6]                Toutefois, un médecin conclut officiellement le 30 juillet 2002, que Madame Blouin était atteinte de confusion et n'était plus habile à s'occuper de sa personne et de ses affaires. Le 12 novembre 2002, la Cour supérieure du district de Québec homologua le mandat donné par elle en prévision d'inaptitude qui nommait Jacques-François Blouin comme son mandataire à la personne et aux biens.

[7]                Il appert que par la suite, Roger Blouin a continué dans les faits à agir comme le mandataire de sa tante Anne-Marie avec le consentement de Jacques-François Blouin parce qu'il s'occupait déjà des affaires de son autre tante Rose-Hélène et de sa mère Madeleine. Depuis le 22 juin 2005, par acte notarié, Jacques-François Blouin exerce de nouveau sa charge de mandataire.

[8]                Quant à la deuxième tante de Roger Blouin, soit la troisième opposante Rose-Hélène Blouin, celle-ci est âgée de plus de quatre-vingt ans et elle n'a jamais été déclarée inapte. Roger Blouin administre ses biens en vertu d'un mandat général notarié daté du 3 décembre 1999 qui est toujours en vigueur.

[9]                Roger Blouin indique dans son affidavit du 19 mars 2003 qu'il a emprunté à sa mère et à ses tantes les sommes suivantes :

i) Madeleine Tardif-Blouin         3 mars 2000                  35 000$

                                                9 juin 2000                    15 000$

                                                27 décembre 2000        19 000$

                                                Total                                                    69 000$

ii) Rose-Hélène Blouin 9 juin 2000                    42 000$

                                                14 juin 2000                  28 000$

                                                27 décembre 2000        25 000$

                                                Total                                                    95 000$

iii) Anne-Marie Blouin    21 janvier 2001             90 000$

                                                Total                                                    90 000$

[10]            Les chèques faits par Roger Blouin à son ordre pour les montants indiqués ci-dessus ont été déposés en preuve de même qu'une lettre manuscrite datée du 9 juin 2000, signée devant sa femme, Francine Blouin, et Jacques-François Blouin comme témoins dans laquelle Roger Blouin reconnaît devoir à Rose-Hélène Blouin la somme de 42 000$ et spécifie que ce montant a été placé au Trust général du Canada à son nom dans le compte numéro 511432.

[11]            Dans un autre document daté du 5 août 2000, Roger Blouin, devant Francine Blouin et Jacques-François Blouin comme témoins, reconnaît devoir à Madeleine Tardif ou à sa succession la somme de 50 000$ (35 000$ le 3 mai 2000 et 15 000$ le 9 juin 2000).

[12]            Les opposantes ont aussi déposé diverses pièces et affidavits afin d'établir la provenance de ces sommes qui étaient, selon elles, dans leurs comptes respectifs bien avant 1997.

[13]            Roger Blouin atteste qu'il a emprunté ces sommes afin de les consolider avec ses avoirs personnels et de les placer en gestion privée auprès du Trust général du Canada qui exige un placement minimum de 500 000 $[1] afin d'obtenir un meilleur rendement sur l'ensemble des placements. Il indique qu'il devait remettre 5 % d'intérêt sur le capital aux opposantes et qu'il avait l'intention de garder le profit additionnel, s'il en était. Selon lui, le 5 % d'intérêt était un taux supérieur à celui obtenu sur les placements des trois opposantes jusqu'alors.

[14]            En janvier 2001, une enquête relative aux comptes de Roger Blouin et de deux compagnies dont il est actionnaire, soit Les Placements Roger Blouin Inc. et 2735-5577 Québec Inc., est entreprise par l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Roger Blouin en est avisé le 24 janvier 2001.

[15]            Après avoir reçu divers avis de cotisation se rapportant à la période de déclaration se terminant le 30 novembre 1997 et tout particulièrement celui du 21 octobre 2002, monsieur Blouin admet dans les affidavits déposés aux dossiers de requête des opposantes, qu'il a demandé au Trust général du Canada de liquider les placements à long terme en son nom et ce afin de protéger le capital de Anne-Marie Blouin, Rose-Hélène Blouin et Madeleine Tardif-Blouin.

[16]            Quoi qu'il en soit, après que le Trust général du Canada eut disposé des placements, une somme de 404 281,83$ a été déposée au nom de Roger Blouin dans un compte récemment ouvert à son nom à la Banque Nationale du Canada, succursale de Sainte-Anne-de-Beaupré, et ce afin de faciliter les transferts de fonds aux trois opposantes, lesquelles avaient toutes des comptes bancaires à cette succursale de la Banque Nationale du Canada depuis longtemps.

[17]            De cette somme, un total de 277 838,35$ a ainsi été transféré le 3 décembre 2002, ce qui représentait, selon Roger Blouin, le remboursement du capital emprunté majoré des intérêts à un taux de 5 % soit :

Madeleine Tardif-Blouin :           77 253,25 $

Rose-Hélène Blouin :                 106 460,22 $

Anne-Marie Blouin :                         94 125 $

[18]            Le solde de 126 443,58 $ dans le compte personnel de Roger Blouin à la Banque Nationale fut saisi par le créancier-saisissant et appliqué au paiement des certificats enregistrés par celui-ci.

[19]            En effet, le 19 décembre 2002, le créancier-saisissant enregistrait à la Cour, dans le dossier ITA-13320-02, un certificat émis en vertu de l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) contre Roger Blouin pour un montant de 402 021,26 $ de même qu'un autre certificat dans le dossier ITA-13319-02 pour un montant de 529 189,68 $.

[20]            C'est dans le cadre de l'exécution de ces certificats que le juge Beaudry a émis une ordonnance provisoire de saisie-arrêt.

[21]            Notons aussi que le 19 décembre 2002, la juge Tremblay-Lamer a émis une ordonnance de recouvrement compromis en vertu du paragraphe 225.2(2) de la Loi et que le 18 février 2003, le juge Pinard rejetait la demande de révision de cette ordonnance présentée par Roger Blouin, le débiteur-saisi (paragraphe 225.2(8) de la Loi).

[22]            Pour obtenir cette ordonnance de recouvrement compromis de la juge Tremblay-Lamer, le créancier-saisissant avait, entre autres, soumis le résumé d'une rencontre du 20 septembre 2002 préparé par Martin Desgagnés, directeur de comptes au Trust général. Au cours de cette rencontre, le débiteur-saisi aurait mentionné à monsieur Desgagnés ses problèmes d'impôt et le fait qu'il préférait ne rien garder à son nom afin de protéger ses actifs en cas de faillite. Il aurait proposé certains scénarios tels une faillite, mettre son REER insaisissable, créer une fiducie sans nommer de bénéficiaire et remettre les sommes au nom de ses tantes « en plaidant qu'il s'agissait d'un prêt » . Monsieur Desgagnés indique aussi que les sommes provenaient de placements au nom des tantes de monsieur Blouin. Se fondant sur ce document, le créancier-saisissant arguait que les argents dans les comptes des opposantes ont en fait toujours appartenu au débiteur.

[23]            Depuis, Roger Blouin, de même que monsieur Desgagnés, ont été contre-interrogés.

QUESTIONS EN LITIGE

[24]            La Cour doit déterminer les questions suivantes :

1)                   les sommes saisies étaient-elles la propriété du débiteur-saisi, Roger Blouin;

2)                   le remboursement ou le transfert de la somme de 277 838,35 $ est-il opposable au créancier-saisissant;

[25]            Pour les motifs que j'expliquerai ci-après, la Cour n'est pas compétente pour décider de la validité des transactions auxquelles réfèrent les dossiers de requête additionnels de mesdames Madeleine et Anne-Marie Blouin. Cette question ne sera donc pas examinée.

ANALYSE

Juridiction

[26]            Comme l'indique la Cour d'appel fédérale dans Canada (M.R.N.) c. Gadbois, [2002] A.C.F. no 836 (C.A.F.)(QL), il ne fait aucun doute que la Cour a le pouvoir d'assurer l'exécution de ses jugements et qu'elle peut être appelée à décider d'une manière incidente de questions de droit provincial soulevées dans le cadre de cette exécution. Les certificats du Ministre dûment enregistrés sont réputés être des jugements rendus par la Cour (paragraphe 223(3) de la Loi). Je suis donc satisfaite que la Cour a juridiction pour déclarer inopposable au créancier-saisissant les transferts ou remboursements fait le 3 décembre 2002 si celui-ci réussit à établir que les critères énoncés aux articles 1631 et suivants C.c.Q. sont rencontrés.

[27]            Par contre, la Cour n'est pas satisfaite qu'elle a compétence pour déclarer nul les actes qui, selon Madeleine Blouin et Anne-Marie Blouin, ont été faits alors qu'elles étaient incapables et que Roger Blouin connaissait cette incapacité (voir Gadbois, ci-dessus, aux paragraphes 19, 21 et 22). Cela va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l'exécution des certificats.

Les sommes saisies étaient-elles la propriété du débiteur-saisi?

[28]            À l'audience, les parties ont centré leurs arguments sur la demande du créancier-saisissant de déclarer que le transfert ou le remboursement des sommes « empruntées » par Roger Blouin lui est inopposable parce que fait en fraude de ses droits. Toutefois, le créancier-saisissant n'a pas formellement renoncé au premier argument qu'il avait soulevé soit que les argents retirés des comptes des opposantes étaient en fait la propriété de Roger Blouin.

[29]            Après avoir soigneusement analysé la preuve au dossier, la Cour est satisfaite que même en tenant compte des arguments soulevés dans les dossiers de réponse du créancier-saisissant à cet égard, les opposantes ont établi par prépondérance de preuve que les sommes qui furent transférées de leurs comptes par le biais des chèques faits à l'ordre de Roger Blouin (voir paragraphe 10, ci-dessus) leur appartenaient en propre.

[30]            La Cour devra donc analyser la question de l'inopposabilité en prenant pour acquis que les transferts d'argents à Roger Blouin entre le 3 mars 2000 et le 21 janvier 2001 (voir paragraphe 9 ci-dessus) ont été empruntés tel qu'allégué. La seule autre alternative serait de considérer que Roger Blouin s'est approprié ces sommes illégalement, tel qu'allégué par les opposantes dans leurs dossiers de requête additionnels. Tel qu'indiqué, la Cour n'a pas compétence à cet égard et de toute façon, cette alternative n'allègerait pas le fardeau du créancier-saisissant.

Inopposabilité des remboursements ou des transferts

[31]            L'article 1631 C.c.Q. prévoit que :

Le créancier, s'il en subit un préjudice, peut faire déclarer inopposable à son égard l'acte juridique que fait son débiteur en fraude de ses droits, notamment l'acte par lequel il se rend ou cherche à se rendre insolvable ou accorde, alors qu'il est insolvable, une préférence à un autre créancier.

[32]            Le créancier-saisissant n'a pas à intenter une action pour bénéficier de ce remède. Le véhicule procédural importe peu et il peut, comme ici, soulever l'inopposabilité en réponse à une opposition à la saisie (Banque Nationale du Canada c. Bitar, [2000] J.Q. no 471 (C.A.)[2], au paragraphe 37).

[33]            Toutefois, le recours en inopposabilité comme l'ancien recours paulien est soumis à des conditions strictes. Il n'est pas utile de discuter de celles qui n'ont pas fait l'objet d'un débat devant moi.

[34]            Les opposantes contestent que le créancier a une dette due et exigible (article 1632 C.c.Q.) et qu'il a établi l'insolvabilité de Roger Blouin. Elles contestent également qu'il a établi par prépondérance de preuve qu'elles avaient l'intention de frauder ou qu'elles ont participé activement à cette fraude. Selon elles, la Cour ne peut donc déclarer que les transferts dont elles ont bénéficié sont inopposables au créancier-saisissant.

[35]            Quant au créancier-saisissant, il soumet que c'est l'article 1631 C.c.Q. qui fixe les conditions d'exercice de son recours. Selon lui, une fois qu'il a établi que le transfert a été fait en fraude de ses droits, ce sont les opposantes qui avaient le fardeau de prouver leur bonne foi.

[36]            La Cour est satisfaite que le créancier-saisissant a une dette due et exigible car les certificats dûment enregistrés du Ministre sont réputés être des jugements rendus par la Cour (paragraphe 223(3) de la Loi). Le dépôt d'un avis d'appel des avis de cotisation ne change rien à cette situation.

[37]            Quant à l'insolvabilité de Roger Blouin, comme l'indique la Cour d'appel du Québec en adoptant la position des auteurs Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin au paragraphe 40 de sa décision dans Bitar, ci-dessus :

L'existence de l'insolvabilité est une question de fait laissée à l'appréciation souveraine des tribunaux. Ceux-ci ont toujours refusé de se laisser enfermer dans une définition trop rigoureuse et d'adopter telles quelles les définitions techniques de cet état, données par la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ou la Loi sur les liquidations et insolvabilité. Pour certaines autorités, l'insolvabilité est tout simplement l'état d'une personne dont le passif patrimonial excède l'actif. La jurisprudence, en règle générale, se rallie à une conception large et reconnaît comme insolvable celui qui a cessé de faire honneur à ses obligations au fur et à mesure de leur échéance et celui qui est incapable de satisfaire à ses engagements ou de payer ce qu'il doit. Étant "un fait comptable", l'insolvabilité doit être prouvée par tout moyen de preuve, même par preuve testimoniale.

[38]            La Cour est satisfaite que le créancier-saisissant a établi que la totalité des biens de Roger Blouin était insuffisante le 3 décembre pour lui permettre d'acquitter ses dettes à cette date, ce qui incluait sa dette fiscale pour l'année 1997.

[39]            Les opposantes n'ont déposé aucune preuve contestant l'évaluation de l'actif de Roger Blouin contenue au paragraphe 24 de l'affidavit d'André Tremblay du 29 août 2003.

[40]            De plus, comme l'indiquent les auteurs précités dans Les Obligations, 5e édition, Les Éditions Yvon Blais inc., 1998, au paragraphe 711, l'insolvabilité n'est plus la seule mesure du préjudice requit à l'article 1631 C.c.Q.

[41]            Il ne fait aucun doute qu'en l'espèce, le créancier-saisissant a subi un préjudice du fait des transferts du 3 décembre 2002.

[42]            Pour ce qui est de l'intention de frauder des opposantes, la Cour d'appel du Québec dans Bitar, ci-dessus, a clairement décidé que la présomption que l'on retrouve à l'article 1632 C.c.Q. était une présomption réfragable et que le recours en inopposabilité ne pouvait être accueilli à l'encontre d'un tiers qui avait prouvé sa bonne foi malgré sa connaissance de l'insolvabilité du débiteur. Une telle position implique nécessairement que pour réussir dans un recours en inopposabilité, le créancier doit établir une intention de frauder du tiers qui lui a été préféré.

[43]            La Cour d'appel du Québec a d'ailleurs reconfirmé sa position dans St-Cyr (Re), [2002] Q.J. no 3569, aux paragraphes 21 à 24.

[44]            Pour faciliter cette preuve d'intention de frauder du débiteur et des tiers, le législateur a prévu certaines présomptions.

[45]            Dans la situation qui nous intéresse soit un paiement fait en exécution d'un contrat à titre onéreux, on présumera de l'intention de frauder des opposantes si celles-ci connaissaient l'insolvabilité du débiteur ou le fait que celui-ci se rendait ou cherchait à se rendre insolvable en les remboursant.

[46]            Quant au débiteur, on lui imputera une intention de frauder s'il est établi qu'il s'est rendu ou qu'il a cherché à se rendre insolvable par ces transferts ou qu'il a accordé, alors qu'il était insolvable, une préférence aux opposantes.

[47]            La Cour est satisfaite que le créancier-saisissant a établi cette intention de frauder du débiteur. Il appert de l'ensemble de la preuve (par exemple liquidation des placements au Trust général avant terme et à perte, discussion avec monsieur Desgagnés, lien de parenté, affidavits et contre-interrogatoire de Roger Blouin) que Roger Blouin se considérait insolvable et qu'il voulait accorder une préférence à sa mère et à ses tantes. Comme je l'ai déjà souligné, Roger Blouin a d'ailleurs admis avoir eu cette intention dans ses affidavits du 19 mars 2003 (voir dans le dossier de l'opposante Anne-Marie Blouin le paragraphe 23, dans le dossier de l'opposante Rose-Hélène Blouin le paragraphe 29 et dans le dossier de l'opposante Madeleine Tardif-Blouin le paragraphe 25).

[48]            Il reste donc à déterminer si le créancier-saisissant a établi l'intention frauduleuse des opposantes.

[49]            Le créancier-saisissant argue qu'il bénéficie de la présomption de l'article 1632 C.c.Q. parce que la connaissance qu'avait Roger Blouin de sa propre insolvabilité doit être imputée aux opposantes dont il était le mandataire.

[50]            En effet, dans ses prétentions écrites additionnelles, le créancier-saisissant indique que les paiements du 3 décembre sont des actes juridiques au cours desquels Roger Blouin intervenait à deux titres : d'abord comme débiteur de la créance et puis comme mandataire des créancières.

[51]            Il souligne que cette situation est exceptionnelle puisqu'elle contrevient aux règles du mandat. En effet, un mandataire ne peut normalement se porter partie à un acte qu'il conclut au nom de son mandant et ne devrait donc pas porter deux chapeaux en même temps. Mais, il ajoute que Roger Blouin se retrouve dans cette fâcheuse position par sa faute et qu'il ne devrait pas en bénéficier.

[52]            Le créancier-saisissant soumet que la Cour devrait suivre la décision de la Cour suprême du Canada dans Wilks v. Matthews (1913), 49 R.C.S. 91 où la Cour a imputé au tiers qui avait été préféré, la connaissance de l'insolvabilité qu'avait la personne qu'il avait autorisé à recevoir paiement pour lui, en l'espèce sa femme.

[53]            Le créancier-saisissant ajoute que le mandat général donné par Rose-Hélène Blouin

à Roger Blouin spécifie expressément au paragraphe 7 a) que celui-ci est habilité à recevoir paiement pour elle.

[54]            Pour ce qui est de Madeleine Tardif-Blouin et de Anne-Marie Blouin, le créancier-saisissant argue que comme celles-ci étaient incapables le 3 décembre 2002 et que le paiement est un acte juridique, Roger Blouin les représentait nécessairement.

[55]            Tel qu'il appert des affidavits de Pierre Painchaud déposés par le créancier-saisissant, les transactions que l'on cherche à faire déclarer inopposables sont les transferts faits par Roger Blouin de son compte personnel au compte bancaire individuel de chacune des opposantes et non pas un paiement qu'il aurait reçu en leur nom dans son propre compte.

[56]            Dans de telles circonstances, il est évident que Rose-Hélène Blouin avait entière capacité pour recevoir ce transfert ou remboursement de Roger Blouin. Cet acte n'a rien à voir avec le mandat général qui habilite Roger Blouin à la représenter vis-à-vis des tiers. L'autorisation au paragraphe 7 a) du mandat permet à un tiers de payer Roger Blouin à titre de représentant autorisé au sens de l'article 1557(1) C.c.Q.; il n'enlève pas à Rose-Hélène Blouin sa capacité à recevoir de tels paiements directement. Et comme je l'ai dit, c'est bien à elle directement que le transfert a été fait le 3 décembre 2002.

[57]            Dans le présent contexte, la Cour ne peut déduire du simple lien de parenté qui existe entre Rose-Hélène Blouin et son neveu que celle-ci avait une connaissance personnelle de son insolvabilité. Il n'y a aucune autre preuve qui permette d'en arriver à cette conclusion.

[58]            Comme le créancier-saisissant n'a pas prouvé cette connaissance de Rose-Hélène Blouin, il ne peut bénéficier de la présomption de l'article 1632 C.c.Q. et n'a donc pas rencontré son fardeau de prouver l'intention de frauder du créancier qui lui a été préféré. La saisie du certificat numéro 555134561475 doit être annulée.

[59]            Passons maintenant aux actes qui concernent les deux autres opposantes. Aucune des décisions citées par le créancier-saisissant, y inclus Wilks, ci-dessus, ne traite d'une situation impliquant un incapable. Le créancier-saisissant admet aussi qu'il n'y a aucun précédent où la connaissance de la situation personnelle du mandataire a été imputée au mandant par opposition à sa connaissance d'informations obtenues dans le cadre de son mandat.

[60]            Ces distinctions sont importantes et la Cour n'est pas convaincue que le principe de Wilks, ci-dessus, peut être appliqué en l'espèce.

[61]            Quoi qu'il en soit, les parties s'entendent que même si ces opposantes sont inaptes pour les fins d'actes juridiques, elles gardent la capacité de recevoir paiement si cet acte peut être qualifié de fait juridique. Elles ne s'entendent toutefois pas sur la nature du paiement.

[62]            Comme l'indiquent Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina dans Les obligations, 6ième Édition, 2005, au paragraphe 673, la nature du paiement a donné lieu à une controverse doctrinale et jurisprudentielle.[3]Certains le considèrent comme un simple fait juridique, donc susceptible d'être prouvé par tous les moyens; d'autres au contraire comme un acte juridique et donc assujetti quant à sa preuve aux règles des articles 2860 et ss. C.c.Q. Les parties reconnaissent toutefois que le débat doctrinal n'a jamais été analysé sous l'angle sous lequel il se présente aujourd'hui.

[63]            Le paiement est un mode d'exécution commun à toutes les obligations. Pour Maurice Tancelin dans Des obligations : actes et responsabilités, 6ième Édition, 1997, page 586 :

L'exécution, comme son contraire l'inexécution, est un fait juridique, c'est-à-dire un fait matériel auquel le droit attache des conséquences.

On distingue deux éléments dans le paiement, l'élément matériel, qui permet de le considérer comme un fait juridique et l'élément intentionnel, qui en fait aussi un acte juridique.

[64]            La preuve devant moi établit seulement le fait matériel du paiement, c'est-à-dire le transfert physique des argents le 3 décembre 2002 directement dans le compte des opposantes. Il n'y a aucune indication qu'en l'espèce, les opposantes ont dû renoncer au bénéfice d'un terme ou à d'autres conditions. Aucune des parties n'a mis de l'avant la position que Roger Blouin s'était donné une quittance en renonçant à de telles conditions au nom des opposantes. Malgré cela, le créancier-saisissant argue que la Cour doit conclure que les opposantes ne pouvaient valablement recevoir paiement sans l'intervention de leur mandataire.

[65]            Or, quelque soit la qualification juridique du paiement, le législateur a émis une règle spéciale à l'article 1558 C.c.Q. qui favorise les créanciers d'une personne incapable puisqu'il confirme la validité d'un paiement fait directement à cette personne dans la mesure où ce paiement a profité à celle-ci.

[66]            Il est donc possible que nous soyons ici dans une situation d'exécution à laquelle le droit attache des conséquences, sans qu'il soit nécessaire pour le mandataire des opposantes d'intervenir.

[67]            Le créancier-saisissant n'a mis en preuve aucun élément qui permette de conclure que l'article 1558 C.c.Q. ne pouvait s'appliquer en l'espèce. Si l'on fait abstraction de la saisie, tout indique que les opposantes ont profité du paiement. Elles n'ont clairement pas dilapidé ces argents.

[68]            La Cour ne peut prendre pour acquis que Roger Blouin devait intervenir. Il n'y a donc aucune preuve que les deux opposantes avaient une connaissance personnelle directe ou imputée de l'insolvabilité du débiteur. La présomption de l'article 1632 C.c.Q. ne s'applique donc pas.

[69]            Même s'il est évident que le comportement de Roger Blouin est répréhensible, cela n'est pas suffisant pour déclarer les transferts inopposables au créancier-saisissant. Il manque la participation de Madeleine Tardif-Blouin et de Anne-Marie Blouin.

[70]            Je conclus donc que la Cour ne peut déclarer inopposable au créancier-saisissant les transferts à Madeleine Tardif-Blouin et à Anne-Marie Blouin.

[71]            Les saisies pratiquées à l'encontre des certificats numéros 555134565403 et 555134561327 doivent aussi être annulées.

[72]            Les opposantes ont demandé des dépens. La Cour note que les questions soulevées dans ce dossier étaient nouvelles et que pour diverses raisons, l'adjudication de ces requêtes a nécessité une étroite collaboration entre les parties. Après avoir considéré l'ensemble des facteurs pertinents, la Cour conclut que chaque partie doit assumer ses frais dans cette affaire.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE que :

            1.          Les trois oppositions sont accueillies;

            2.          La saisie des certificats dépôt portant les numéros 555134565403, 555134561475 et 555134561327, pratiquée à la suite d'une demande péremptoire en date du 20 décembre 2002, tel que modifié le 7 février 2003, est annulée;

            3.          Chaque partie assumera ses dépens.

            « Johanne Gauthier »      

Juge

                                                                                                                            

ANNEXE 1

Code civil du Québec, L.Q., 1991, ch. 64 :

1558. Le paiement fait à un créancier qui est incapable de le recevoir ne vaut que dans la mesure où il en a profité.

1631. Le créancier, s'il en subit un préjudice, peut faire déclarer inopposable à son égard l'acte juridique que fait son débiteur en fraude de ses droits, notamment l'acte par lequel il se rend ou cherche à se rendre insolvable ou accorde, alors qu'il est insolvable, une préférence à un autre créancier.

1632. Un contrat à titre onéreux ou un paiement fait en exécution d'un tel contrat est réputé fait avec l'intention de frauder si le cocontractant ou le créancier connaissait l'insolvabilité du débiteur ou le fait que celui-ci, par cet acte, se rendait ou cherchait à se rendre insolvable.

1633. Un contrat à titre gratuit ou un paiement fait en exécution d'un tel contrat est réputé fait avec l'intention de frauder, même si le cocontractant ou le créancier ignorait ces faits, dès lors que le débiteur est insolvable ou le devient au moment où le contrat est conclu ou le paiement effectué.

1634. La créance doit être certaine au moment où l'action est intentée; elle doit aussi être liquide et exigible au moment du jugement sur l'action.

La créance doit être antérieure à l'acte juridique attaqué, sauf si cet acte avait pour but de frauder un créancier postérieur.

1635. L'action doit, à peine de déchéance, être intentée avant l'expiration d'un délai d'un an à compter du jour où le créancier a eu connaissance du préjudice résultant de l'acte attaqué ou, si l'action est intentée par un syndic de faillite pour le compte des créanciers collectivement, à compter du jour de la nomination du syndic.

Civil code of Quebec, S.Q., 1991, c. 64 :

1558. Payment made to a creditor without capacity to receive it is valid only to the extent of the benefit he derives from it.

1631. A creditor who suffers prejudice through a juridical act made by his debtor in fraud of his rights, in particular an act by which he renders or seeks to render himself insolvent, or by which, being insolvent, he grants preference to another creditor may obtain a declaration that the act may not be set up against him.

1632. An onerous contract or a payment made for the performance of such a contract is deemed to be made with fraudulent intent if the contracting party or the creditor knew the debtor to be insolvent or knew that the debtor, by the juridical act, was rendering himself or was seeking to render himself insolvent.

1633. A gratuitous contract or a payment made for the performance of such a contract is deemed to be made with fraudulent intent, even if the contracting party or the creditor was unaware of the facts, where the debtor is or becomes insolvent at the time the contract is formed or the payment is made.

1634. The creditor may bring a claim only if it is certain at the time the action is instituted, and if it is liquid and exigible at the time the judgment is rendered.

He may bring the claim only if it existed prior to the juridical act which is attacked, unless that act was made for the purpose of defrauding a later ranking creditor.

1635. The action is forfeited unless it is brought within one year from the day on which the creditor learned of the injury resulting from the act which is attacked, or, where the action is brought by a trustee in bankruptcy on behalf of all the creditors, from the date of appointment of the trustee.

Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) :

152.(8) Sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d'une opposition ou d'un appel fait en vertu de la présente partie et sous réserve d'une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s'y rattachant en vertu de la présente loi.

222.(2) La dette fiscale est une créance de Sa Majesté et est recouvrable à ce titre devant la Cour fédérale ou devant tout autre tribunal compétent ou de toute autre manière prévue par la présente loi.

(3) Une action en recouvrement d'une dette fiscale ne peut être entreprise par le ministre après l'expiration du délai de prescription pour le recouvrement de la dette.

223. (2) Le ministre peut, par certificat, attester qu'un montant ou une partie de montant payable par une personne -- appelée "débiteur" au présent article -- mais qui est impayé est un montant payable par elle.

(3) Sur production à la Cour fédérale, un certificat fait en application du paragraphe (2) à l'égard d'un débiteur est enregistré à cette cour. Il a alors le même effet que s'il s'agissait d'un jugement rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts courus jusqu'à la date du paiement comme le prévoit les lois visées au paragraphe (1) en application desquelles le montant est payable, et toutes les procédures peuvent être engagées à la faveur du certificat comme s'il s'agissait d'un tel jugement. Dans le cadre de ces procédures, le certificat est réputé être un jugement exécutoire rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette envers Sa Majesté du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts courus jusqu'à la date du paiement comme le prévoit ces lois.

Income Tax Act, R.S.Q. 1985, c.1 (5th Supp.) :

152.(8) An assessment shall, subject to being varied or vacated on an objection or appeal under this Part and subject to a reassessment, be deemed to be valid and binding notwithstanding any error, defect or omission in the assessment or in any proceeding under this Act relating thereto.

222.(2) A tax debt is a debt due to Her Majesty and is recoverable as such in the Federal Court or any other court of competent jurisdiction or in any other manner provided by this Act.

(3) The Minister may not commence an action to collect a tax debt after the end of the limitation period for the collection of the tax debt.

223. (2) An amount payable by a person (in this section referred to as a "debtor") that has not been paid or any part of an amount payable by the debtor that has not been paid may be certified by the Minister as an amount payable by the debtor.

(3) On production to the Federal Court, a certificate made under subsection 223(2) in respect of a debtor shall be registered in the Court and when so registered has the same effect, and all proceedings may be taken thereon, as if the certificate were a judgment obtained in the Court against the debtor for a debt in the amount certified plus interest thereon to the day of payment as provided by the statute or statutes referred to in subsection 223(1) under which the amount is payable and, for the purpose of any such proceedings, the certificate shall be deemed to be a judgment of the Court against the debtor for a debt due to Her Majesty, enforceable in the amount certified plus interest thereon to the day of payment as provided by that statute or statutes.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                                                     ITA-13319-02

                                                                                          ITA-13320-02

INTITULÉ :                                                                      IMPÔT

                                                                                          contre

                                                                                          ROGER BLOUIN

                                                                                          -et-

                                                                                          ANNE-MARIE BLOUIN

                                                                                          ROSE-HÉLÈNE BLOUIN

                                                                                          MADELEINE BLOUIN

                                                                                          -et-

                                                                                          BANQUE NATIONALE DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                Québec (Québec)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                L=honorable Johanne Gauthier

ET ORDONNANCE

DATE DES MOTIFS :                                                     le 5 décembre 2005

COMPARUTIONS:

Me Sophie Matte                                                                POUR LA CRÉANCIÈRE-SAISISSANTE

Me Hugues LaRue                                                               POUR LE DÉBITEUR-SAISI ET LES TIERCES-SAISIES                  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

John H. Sims, c.r.                                                                POUR LA CRÉANCIÈRE-

Sous-procureur général du Canada                                      SAISISSANTE                  

Pothier Delisle                                                                      POUR LE DÉBITEUR-SAISI ET LES

Sainte-Foy (Québec)                                                           TIERCES-SAISIES



[1] Dans son affidavit, Guy de Rico, un employé de la Banque Nationale du Canada de la succursale de Sainte-Anne-de-Beaupré, où se trouvait les avoirs des trois opposantes, confirme que c'est lui qui a suggéré à Roger Blouin, vu le volume d'argent qu'il gérait, de rencontrer un employé du trust afin de mieux connaître les produits de la gestion privée. Il confirme que ces services sont offerts aux clients dont les avoirs sont supérieurs à 500 000$.

[2] Auquel on réfère aussi comme Banque Nationale c. Soracchi.

[3] N. Catala, La nature juridique du paiement, Paris, L.G.D.J., 1961.

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