Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230921


Dossier : T-1747-22

Référence : 2023 CF 1267

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2023

En présence de madame la juge Turley

ENTRE :

COMPAGNIE AMÉRICAINE DE FER ET MÉTAUX INC.

demanderesse

et

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE SAINT JOHN et SOCIÉTÉ RADIO‐CANADA

défenderesses

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I. Aperçu

[1] La demanderesse, la Compagnie américaine de fer et métaux inc. [AIM], demande une révision au titre du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 [la LAI], de la décision de la défenderesse, l’Administration portuaire de Saint John [Port Saint John], de communiquer des parties d’un bail de 2011 [le bail] et une entente de renouvellement et de modification du bail de 2017 [la modification du bail] conclue entre AIM et Port Saint John. Cette décision a été prise à la suite d’une demande de la Société Radio-Canada [la SRC] présentée en vertu de l’article 6 de la LAI.

[2] Bien qu’il ait déterminé que certains renseignements étaient soustraits à la communication en vertu de la LAI, Port Saint John a conclu que le reste des deux documents devraient être communiqués à la SRC. AIM n’est pas d’accord et cherche à soustraire à la communication de grandes parties des documents au titre des alinéas 20(1)b), c) et/ou d) de la LAI.

[3] Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée. AIM n’a pas réussi à établir que les renseignements qu’elle cherche à protéger devraient être soustraits à la communication.

II. Contexte

A. Le bail et la modification du bail

[4] Port Saint John est une administration portuaire constituée en vertu de la Loi maritime du Canada, LC 1998, c 10, et gère 297 acres de terres au nom du gouvernement du Canada. Il offre des baux à court et à long terme pour ses installations.

[5] AIM est un recycleur de ferraille qui exerce des activités dans plus de quatre‐vingt‐dix (90) emplacements au Canada et dans d’autres pays. Elle a conclu des ententes de location, de service et/ou d’approvisionnement avec diverses municipalités, autorités de gestion des déchets et entités commerciales.

[6] AIM a obtenu le droit de conclure un bail avec Port Saint John en février 2008 lorsqu’elle a acheté une autre entreprise, SNF LP.

[7] À la fin de 2008 et au début de 2009, des discussions préliminaires ont été entamées sur l’expansion des activités d’AIM à Port Saint John.

[8] Entre 2010 et 2011, des discussions, puis des négociations ont eu lieu entre AIM et Port Saint John au sujet du renouvellement du bail existant. Une entente a finalement été conclue et le bail a été signé le 22 mars 2011.

[9] Les discussions initiales concernant la modification du bail ont commencé en février 2015, mais elles ont ensuite stagné jusqu’en juillet 2016. Des réunions entre AIM et Port Saint John ont eu lieu en juillet 2016, suivies d’un échange de propositions. Entre mars et juin 2017, des projets d’entente ont été échangés. La modification du bail a finalement été signée le 6 juillet 2017.

B. La demande d’accès à l’information

[10] Port Saint John est une « institution fédérale » aux fins de la LAI. Le 8 juillet 2022, il a reçu une demande en vertu de la LAI de la part d’un producteur de la SRC qui cherchait à obtenir une copie du contrat de location de la propriété entre Port Saint John et AIM.

[11] Port Saint John a déterminé que le bail et la modification du bail répondaient à la demande d’accès à l’information de la SRC. Port Saint John a conclu que certains caviardages étaient requis en vertu de la LAI, mais que le reste des deux documents devait être communiqué. Plus particulièrement, Port Saint John a caviardé les montants des loyers et des droits de quai payables en vertu du bail et de la modification du bail, ainsi que le montant minimal précis que doit investir AIM dans les améliorations aux infrastructures prévues dans la modification du bail.

[12] Conformément au paragraphe 27(1) de la LAI, Port Saint John a avisé AIM de la demande d’accès et de son intention de communiquer partiellement le bail et la modification du bail. Port Saint John a fourni à AIM des copies des deux documents contenant les caviardages proposés afin qu’AIM puisse exercer son droit de présenter des observations écrites au sujet de l’intention de Port Saint John de communiquer les renseignements. Port Saint John a avisé la SRC qu’il consultait AIM en tant que tiers.

[13] AIM souscrivait aux caviardages de Port Saint John, mais a proposé de nombreux caviardages supplémentaires conformément au paragraphe 20(1) de la LAI.

[14] Le 6 août 2022, Port Saint John a informé AIM de sa décision de fournir les documents au demandeur en incluant les caviardages initiaux et en retirant les signatures des représentants d’AIM. Port Saint John a informé AIM de son droit de demander une révision en vertu de la LAI. Port Saint John a également informé la SRC de sa décision de donner accès en partie aux documents demandés.

C. La demande présentée au titre de l’article 44 de la LAI

[15] AIM a déposé un avis de demande, conformément à l’article 44 de la LAI, pour demander une révision de la décision de Port Saint John de communiquer des parties du bail et de la modification du bail. Elle demande une ordonnance en vertu de l’article 51 de la LAI enjoignant à Port Saint John de ne pas communiquer certains renseignements contenus dans les deux documents parce que ce sont des renseignements de tiers qui sont soustraits à la communication en vertu des alinéas 20(1)b), c) et d) de la LAI.

[16] AIM affirme que les caviardages proposés sont nécessaires pour protéger ses renseignements financiers et commerciaux confidentiels et que la communication de ces renseignements pourrait vraisemblablement entraîner des pertes financières importantes, nuire à la position concurrentielle d’AIM et entraver ses négociations contractuelles ou autres. Une description des renseignements précis qu’AIM cherche à soustraire à la communication dans le bail et la modification du bail est énoncée aux paragraphes 21 et 22 de son mémoire des faits et du droit.

[17] La SRC a déposé un avis de comparution conformément au paragraphe 44(3) de la LAI et a été nommée partie à l’instance.

(1) Les renseignements confidentiels

[18] Le 31 octobre 2022, AIM a déposé une requête en confidentialité relativement aux affidavits de Herbert Black (assermenté le 21 septembre 2022) et d’Andrew Dixon (assermenté le 19 octobre 2022). La requête demandait également une ordonnance pour que la SRC cesse d’être partie à l’instance.

[19] En fin de compte, les parties ont consenti à une ordonnance de confidentialité. Dans une ordonnance datée du 14 novembre 2022, le juge Diner a désigné les renseignements suivants comme étant confidentiels :

[Traduction]

a) Le bail entre l’Administration portuaire de Saint John et la Compagnie américaine de fer et métaux inc., figurant aux pièces B, C et D de l’affidavit de Herbert Black;

b) L’entente de renouvellement et de modification du bail entre l’Administration portuaire de Saint John et la Compagnie américaine de fer et métaux inc., figurant aux pièces B, C et D de l’affidavit de Herbert Black;

c) Les renseignements relatifs à la négociation des modalités particulières du bail et de l’entente de renouvellement et de modification du bail entre l’Administration portuaire de Saint John et la Compagnie américaine de fer et métaux inc., figurant aux paragraphes 10, 14, 15, 17, 18 et 19 de l’affidavit d’Andrew Dixon et aux pièces A à E de l’affidavit d’Andrew Dixon.

[20] L’ordonnance de confidentialité prévoit en outre que la SRC demeure partie à l’instance, mais que son accès aux renseignements confidentiels soit limité à ses conseillers juridiques et assujetti à la signature d’un engagement convenu par les parties.

[21] Dans son mémoire des faits et du droit, la SRC a déclaré qu’AIM avait refusé de donner accès aux renseignements confidentiels aux avocats de la SRC, et ce, malgré le fait que les avocats avaient signé un engagement convenu par les parties. Elle a fait valoir qu’en raison de la non-communication, [traduction] « la SRC est limitée dans sa capacité de présenter des observations utiles et détaillées concernant les caviardages proposés par AIM » (mémoire des faits et du droit de la SRC, au paragraphe 6).

[22] À la suite d’une conférence préparatoire, une ordonnance a été rendue pour : i) refuser la demande officieuse d’AIM visant la tenue de toute l’audience à huis clos; ii) obliger AIM à signifier aux avocats de la SRC une copie non caviardée de son dossier de demande; et iii) autoriser la SRC à déposer d’autres observations écrites portant sur toute question découlant de son examen du dossier non caviardé.

[23] La Cour n’a tenu aucune partie de l’audience sur la demande à huis clos, car les avocats des parties ont pu présenter leurs observations sans mentionner expressément les renseignements confidentiels en audience publique. De plus, les présents motifs ont été rédigés de manière à éviter la communication des renseignements confidentiels, et les avocats des parties ont eu l’occasion de les examiner avant leur publication afin de présenter des observations sur la nécessité de les caviarder.

(2) La preuve

[24] AIM et Port Saint John ont tous deux déposé une preuve par affidavit concernant la décision de Port Saint John de communiquer partiellement le bail et la modification du bail et le caviardage proposé par AIM de certains renseignements. AIM a déposé l’affidavit de Herbert Black, président et chef de la direction d’AIM, assermenté le 21 septembre 2022 [l’affidavit de M. Black].

[25] Port Saint John a déposé l’affidavit d’Andrew Dixon, son chef de l’exploitation, assermenté le 19 octobre 2022 [l’affidavit de M. Dixon]. Port Saint John a également déposé l’affidavit de Kerrileigh Nelson, sa secrétaire générale et gestionnaire de la conformité, assermenté le 19 octobre 2022.

[26] Avec le consentement des parties, Port Saint John a demandé à la Cour l’autorisation de signifier et de déposer un affidavit supplémentaire d’Andrew Dixon, assermenté le 9 février 2023 [l’affidavit supplémentaire de M. Dixon] dans le dossier de la défenderesse. Port Saint John a soutenu qu’à la lumière de l’article 44.1 de la LAI, qui prévoit que le recours prévu à l’article 44 est une nouvelle instance, et de la participation de la SRC en tant que partie, il a cherché à déposer des éléments de preuve à l’appui de son invocation de l’alinéa 18b) de la LAI. Ces autres éléments de preuve visaient [traduction] « à aider la Cour à trancher la présente affaire en tant que nouvelle instance et à mieux comprendre les questions en litige entre les trois parties ». Par ordonnance datée du 13 février 2023, la juge adjointe Tabib a accueilli la requête de Port Saint John.

[27] Port Saint John s’est fondé sur l’affidavit supplémentaire de M. Dixon pour étayer sa décision de caviarder les montants des loyers et des droits de quai payables, ainsi que le montant minimal précis que doit investir AIM dans l’amélioration des infrastructures, à titre de renseignements soustraits à la communication en vertu de l’alinéa 18b) de la LAI (mémoire des faits et du droit de Port Saint John, aux paragraphes 37‐49).

III. Questions en litige

[28] La portée de la révision de novo effectuée par la Cour en vertu de l’article 44 de la LAI constitue une question préliminaire qui se pose dans la présente demande. Plus précisément, il s’agit de la question de savoir si la révision de la Cour se limite aux renseignements que Port Saint John a l’intention de communiquer et qui sont contestés par AIM dans la présente demande, ou si la révision de la Cour a une portée plus vaste et comprend un examen des renseignements que Port Saint John refuse de divulguer à la SRC.

[29] Comme il a été mentionné plus haut, Port Saint John a présenté des éléments de preuve et des observations au sujet des renseignements contenus dans le bail et la modification du bail qui, à son avis, étaient soustraits à la communication en vertu de l’alinéa 18b) et auxquels Port Saint John refusait d’accorder l’accès. À mon avis, comme il est expliqué ci-dessous, la portée de la révision de novo réalisée par la Cour en vertu de l’article 44 se limite aux renseignements que Port Saint John, en tant qu’institution fédérale, a décidé de communiquer et qu’AIM, en tant que tiers, conteste.

[30] Par conséquent, la seule question à trancher dans le cadre de la présente demande est celle de savoir si les renseignements contenus dans le bail et la modification du bail qu’AIM cherche à protéger sont soustraits à la communication en vertu des alinéas 20(1)b), c) et/ou d) de la LAI.

IV. Analyse

A. Portée de la révision de novo de la Cour

[31] Une demande présentée au titre de l’article 44 porte sur une révision de novo, recours devant être entendu et jugé comme une nouvelle affaire conformément à l’article 44.1 de la LAI (Merck Frosst Canada Ltée c Canada (Santé), 2012 CSC 3 [Merck Frosst] au para 53 ; Canada (Santé) c Preventous Collaborative Health, 2022 CAF 153 [Preventous] aux para 12‐14; Canada (Santé) c Elanco Canada Limited, 2021 CAF 191 au para 23; Najm c Canada (Services aux Autochtones), 2023 CF 744 au para 4; Actial Farmaceutica SRL c Canada (Santé), 2022 CF 971 au para 42).

[32] Dans le cas d’une demande présentée au titre de l’article 44, un avis de la « décision [de l’institution fédérale] de donner communication totale ou partielle d’un document » est en cause. Un tiers peut exercer devant la Cour un « recours en révision » de la question (LAI, art 44(1)). Il incombe au tiers d’établir que les renseignements qu’il cherche à protéger de la communication relèvent d’une exemption prévue par la LAI (Merck Frosst, aux para 94‐95; Samsung Electronics Canada Inc c Canada (Santé), 2020 CF 1103 [Samsung] au para 42).

[33] La Cour d’appel fédérale a récemment conclu que la « question » faisant l’objet d’une révision dans un recours exercé en vertu de l’article 44 est celle de savoir « si les renseignements demandés devraient être transmis » (Preventous, au para 12). Si j’ai bien compris, la mention « renseignements demandés » signifie les renseignements demandés qui sont en cause dans le recours exercé en vertu de l’article 44. En d’autres termes, il s’agit des renseignements demandés que l’institution fédérale a décidé de communiquer au demandeur et qui sont contestés par le tiers. En effet, le paragraphe 44(2) prévoit qu’une demande faite en vertu du paragraphe 44(1) est présentée à l’égard de la « communication du document ».

[34] Cette interprétation est appuyée par la décision de la Cour suprême dans l’affaire Merck Frosst. Comme dans la présente affaire, l’institution fédérale a déterminé que certains des renseignements contenus dans les documents demandés étaient soustraits à la communication et ne seraient pas divulgués, tandis que d’autres renseignements seraient divulgués. La Cour a conclu qu’une révision au titre de l’article 44 concernait « la décision de l’institution de divulguer les renseignements qui, selon [le tiers], sont soustraits à la communication » (Merck Frosst, au para 23). La Cour suprême n’a pas laissé entendre que, dans le cadre d’une demande présentée en vertu de l’article 44, le rôle de la cour de révision consistait également à examiner les caviardages de l’institution fédérale et les renseignements qu’elle ne divulguait pas. Il convient de noter que, dans l’affaire Merck Frosst, les caviardages ont évolué et, à mesure que l’affaire a progressé, d’autres caviardages ont été appliqués aux documents demandés.

[35] Bien que la décision dans l’affaire Merck Frosst ait été rendue avant que l’article 44.1 ne soit ajouté à la LAI, la nouvelle disposition ne modifie pas la portée d’une révision de novo en vertu de l’article 44. Aux termes de l’article 44.1, « [i]l est entendu que les recours prévus aux articles 41 et 44 sont entendus et jugés comme une nouvelle affaire ». Par conséquent, la disposition ajoutée clarifie simplement la nature des procédures prévues aux articles 41 et 44, à savoir qu’il s’agit de nouvelles procédures. Cela ne change rien à la portée de l’une ou l’autre des procédures. Une révision au titre de l’article 44 porte sur la communication de renseignements, tandis qu’une révision au titre de l’article 41 porte sur le refus d’accès à l’information.

[36] Conclure que la portée de la révision de novo de la Cour au titre de l’article 44 s’étend à l’examen des renseignements auxquels l’institution fédérale refuse d’accorder l’accès contournerait le processus législatif applicable. La LAI établit une procédure distincte que le demandeur doit suivre s’il souhaite contester une décision de refus d’accès à l’information, en commençant par déposer une plainte auprès du commissaire à l’information (LAI, art 30‐37; Porter Airlines inc. c Canada (Procureur général), 2013 CF 780 au para 64). Un refus d’accès peut finir par faire l’objet d’une révision devant la Cour en vertu de l’article 41. Dans le cadre d’une telle révision, le fardeau de la preuve est déterminé en fonction de l’article 48; ce fardeau peut incomber à l’institution fédérale, à un tiers ou, dans un sous-ensemble réduit de situations, au commissaire à la protection de la vie privée.

[37] Si je me trompe, et que la portée d’une révision au titre de l’article 44 s’étend aux renseignements qu’une institution fédérale refuse de communiquer, la Cour ne devrait entreprendre une telle révision que si le demandeur conteste l’accès refusé. Dans la présente affaire, la SRC n’a pas pris position au sujet des caviardages de Port Saint John. En fait, dans ses observations écrites, la SRC a demandé à la Cour de rejeter la demande et d’ordonner que les documents visés lui soient communiqués [traduction] « en y appliquant seulement les caviardages proposés par l’Administration portuaire » (mémoire des faits et du droit de la SRC, au paragraphe 52).

[38] Comme il est énoncé au paragraphe 21 plus haut, la SRC s’est dite préoccupée par le fait qu’AIM ne donne pas accès aux renseignements confidentiels (qui comprennent seulement les renseignements non caviardés qu’AIM cherche à protéger; ils ne comprennent pas les renseignements non caviardés soustraits par Port Saint John), conformément à l’ordonnance de confidentialité. À la suite d’une conférence préparatoire à l’audience sur cette question, entre autres, j’ai ordonné à AIM de communiquer les renseignements confidentiels aux avocats de la SRC. La SRC n’a jamais demandé d’obtenir l’accès aux renseignements caviardés par Port Saint John afin qu’elle puisse contester ces caviardages.

[39] Un examen global par la cour de révision de tous les renseignements répondant à une demande d’accès serait une tâche onéreuse. Il obligerait la Cour à examiner chaque document pour déterminer si des exemptions s’appliquent. Cette approche serait tout à fait incompatible avec l’article 45 de la LAI, qui prévoit que les recours « sont entendus et jugés en procédure sommaire ».

[40] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la révision de la Cour dans la présente demande se limite aux renseignements que Port Saint John a décidé de communiquer et avec lesquels AIM est en désaccord. Par conséquent, l’affidavit supplémentaire de M. Dixon et les observations formulées par Port Saint John au sujet de ses exemptions en vertu de l’alinéa 18b) de la LAI n’étaient pas nécessaires.

B. AIM n’a pas établi que les renseignements devraient être soustraits à la communication

[41] La LAI a pour objet « d’accroître la responsabilité et la transparence des institutions de l’État afin de favoriser une société ouverte et démocratique et de permettre le débat public sur la conduite de ces institutions » (LAI, art 2). À cette fin, l’alinéa 2(2)a) énonce trois principes directeurs : i) le public a droit à la communication des documents de l’administration fédérale, ii) les exceptions indispensables à ce droit sont précises et limitées, et iii) les décisions quant à la communication sont susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

[42] Il incombe au tiers qui s’oppose à la communication des renseignements en question de démontrer pourquoi les renseignements ne devraient pas être communiqués (Merck Frosst, au para 92). Plus précisément, il doit établir qu’une exemption prévue par la LAI s’applique selon la prépondérance des probabilités. La preuve requise pour satisfaire à cette norme dépend de la nature de l’exemption invoquée et du contexte particulier de l’affaire (Merck Frosst, au para 94).

[43] AIM cherche à soustraire des renseignements à la communication en vertu des alinéas 20(1)b), c) et d) de la LAI :

Renseignements de tiers

Third party information

20 (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

20 (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains

[...]

[...]

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

[...]

[...]

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins.

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.

[44] Comme je l’explique ci-après, je conclus qu’AIM ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que les renseignements sont soustraits à la communication en vertu des alinéas 20(1)b), c) et/ou d). La lacune fatale dans l’argument d’AIM est l’absence d’éléments de preuve convaincants et précis présentés à l’appui des caviardages proposés. Plutôt que de déposer des éléments de preuve qui traitent des renseignements particuliers contenus dans les deux ententes, AIM se fonde sur des généralités, des affirmations sans fondement et des hypothèses.

[45] De plus, l’approche trop large d’AIM en matière de caviardage est incompatible avec une application « précise et limitée » des exemptions prévues par la LAI. La gamme de renseignements qu’AIM cherche à soustraire à la communication est extrêmement vaste. Ces renseignements comprennent les heures d’ouverture; les dispositions en cas de défaut; la date de résiliation du bail; la description des activités commerciales; la description des types de taxes, de prélèvements, de taux et de frais payables, sans mention des montants précis; une description des types de services publics payables, sans mention des montants précis; les responsabilités liées aux déchets, à la destruction et à l’enlèvement; les dispositions environnementales; et les cartes des parties des installations louées. Les paragraphes 21 et 22 du mémoire des faits et du droit d’AIM et l’annexe A du mémoire des faits et du droit de Port Saint John dressent une liste exhaustive des types de renseignements en cause.

C. Renseignements non « fournis » par AIM comme l’exige l’alinéa 20(1)b

[46] L’exception relative aux renseignements confidentiels prévue à l’alinéa 20(1)b) est une exception catégorielle. Par conséquent, une fois qu’il est démontré que la disposition législative s’applique aux renseignements en question, ceux-ci doivent être caviardés (Merck Frosst, au para 99; Bombardier Inc c Canada (Procureur général), 2019 CF 207 [Bombardier] au para 42).

[47] La partie qui cherche à s’opposer à la communication doit démontrer que les renseignements en cause : i) sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques; ii) sont de nature confidentielle; iii) sont fournis à une institution fédérale par un tiers; et iv) qui sont traités comme des renseignements confidentiels de façon constante par ce tiers. Ces quatre exigences doivent être respectées avant que l’information ne soit soustraite à la communication (Canada (Commissariat à l’information) c Calian Ltd, 2017 CAF 135 [Calian] au para 51; Concord Premium Meats Ltd c Canada (Agence d’inspection des aliments), 2020 CF 1166 [Concord] au para 96; Samsung, aux para 60 et 61; Bombardier, aux para 43‐44).

[48] Les renseignements contenus dans le bail et la modification du bail ne sont pas soustraits à la communication en vertu de l’alinéa 20(1)b) parce qu’ils n’ont pas été « fournis » par AIM à Port Saint John. Les renseignements constituent plutôt des modalités négociées entre les parties.

[49] Comme l’a conclu la juge Heneghan dans la décision 131 Queen Street Limited c Canada (Procureur général), 2007 CF 347, les modalités négociées d’un bail ne constituent pas des « renseignements fournis » :

[33] Les renseignements en cause en l’espèce sont des dispositions du bail principal et du sous‐bail qui ont été acceptées par les parties à la suite de négociations. Il ne s’agit pas de renseignements qui ont simplement été fournis à l’État par la demanderesse. Les commentaires formulés par la juge McGillis au paragraphe 3 de la décision Halifax Development Limited c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [1994] A.C.F. no 2035 (1re inst.) (QL), s’appliquent ici :

[traduction] [...] Avec égards, les tarifs de location ne constituent pas, à mon avis, des renseignements qui ont été « fournis » à une institution fédérale. Il ressort de la preuve produite relativement à la requête que les tarifs de location ont fait l’objet de négociations entre la demanderesse et le défendeur, comme les autres modalités du bail. À mon avis, une modalité d’un bail qui a été négociée ne peut pas être considérée comme un renseignement fourni à l’État. L’alinéa 20(1)b) de la Loi ne s’applique donc pas aux faits de la présente affaire.

[50] Selon les éléments de preuve présentés par AIM et Port Saint John, les modalités du bail et de la modification du bail ont été négociées avant que les parties ne signent les ententes définitives (affidavit de M. Black, aux paragraphes 10‐12, 16‐17; affidavit de M. Dixon, aux paragraphes 5‐22).

[51] Plus précisément, en ce qui concerne le bail, Andrew Dixon, qui était le négociateur en chef de Port Saint John, soutient que c’était ce dernier qui avait amorcé les négociations. À la suite de discussions et de négociations initiales en mai 2010, Port Saint John a préparé et présenté une offre officielle de location, y compris les modalités commerciales (affidavit de M. Dixon, aux paragraphes 9‐10).

[52] De plus, la preuve démontre qu’il y a eu une négociation subséquente entre AIM et Port Saint John qui comprenait des offres, des contre-offres et des compromis avant la conclusion d’une entente définitive sur les modalités du bail en mars 2011 (affidavit de M. Dixon, aux paragraphes 11‐15, pièces B, C, D et E). La preuve documentaire appuie la déclaration de M. Dixon selon laquelle [traduction] « les modalités du bail n’ont pas été fournies par l’une ou l’autre des parties, mais elles ont été le résultat des négociations entre les parties » (affidavit de M. Dixon, au paragraphe 16).

[53] La preuve démontre également que les modalités de la modification du bail ont été négociées. À la suite de discussions qui ont stagné en 2015, des négociations ont eu lieu tout au long de 2016 et de 2017 concernant les modifications au bail, et des propositions et des contre‐propositions ont été échangées entre les parties avant la signature de la modification définitive du bail en juillet 2017 (affidavit de M. Dixon, aux paragraphes 17‐21). L’affidavit de M. Dixon mentionne que [traduction] « tout comme le bail, la modification du bail a été négociée entre deux parties sophistiquées avec l’aide de conseillers juridiques [...]. Les modalités de la modification du bail n’ont pas été fournies par l’une ou l’autre des parties, mais elles ont été le résultat des négociations entre les parties » (affidavit de M. Dixon, au paragraphe 22).

[54] Étant donné que les exigences de l’alinéa 20(1)b) sont conjonctives, ma conclusion selon laquelle AIM n’a pas « fourni » les renseignements en question à Port Saint John est suffisante pour écarter l’exemption qui est invoquée par AIM. Comme le juge Diner l’a si bien dit, « le fait de ne pas établir l’un des quatre éléments [du critère] sera fatal à la demande d’exemption d’un tiers » (Samsung, au para 61).

D. AIM n’a pas établi l’existence d’une attente raisonnable de préjudice probable

[55] Contrairement à l’alinéa 20(1)b), les alinéas 20(1)c) et d) portent sur des exemptions fondées sur le préjudice. Il incombe à la partie qui invoque l’une ou l’autre des exemptions d’établir l’existence d’une attente raisonnable de préjudice probable découlant de la communication des renseignements (Merck Frosst, aux para 192 et 206; Concord, au para 96; AstraZeneca Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1451 [AstraZeneca] aux para 41‐42, confirmé par 2006 CAF 241).

[56] Pour s’acquitter de ce fardeau, la partie en question doit démontrer l’existence d’un lien clair et direct entre la communication et le préjudice allégué :

La partie intéressée doit expliquer à la Cour comment ou pourquoi le préjudice invoqué résulterait de la communication de tel ou tel renseignement. Si le comment ou le pourquoi de ce préjudice est évident, l’explication ne doit pas être bien longue. Mais si une déduction est nécessaire ou si le lien n’est pas clair, l’explication doit être plus longue. Plus les preuves et témoignages sont spécifiques et concluants, plus forte est la défense de la confidentialité. Plus les preuves et témoignages sont généraux, plus il serait difficile pour la Cour de conclure au lien entre la divulgation de documents donnés et le préjudice invoqué.

[Non souligné dans l’original.]

Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Premier ministre), 1992 CanLII 2414 (CF) à la p 479.

[57] La preuve par affidavit qui atteste simplement qu’il y aura préjudice est insuffisante pour s’acquitter du fardeau (Canada (Commissariat à l’information) c Administration Portuaire Toronto, 2016 CF 683 au para 78; Brainhunter (Ottawa) c Canada (Procureur général), 2009 CF 1172 au para 32; AstraZeneca, au para 90).

[58] En l’espèce, AIM fait exactement ce que la jurisprudence avertit de ne pas faire, en s’appuyant sur un affidavit [traduction] « formulé en termes généraux » (Halifax Development Limited c Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [1994] ACF no 2035 (1re inst.) au para 4). Les éléments de preuve d’AIM sont nettement insuffisants pour établir l’existence d’une attente raisonnable de préjudice probable, comme l’exigent les alinéas 20(1)c) et d) de la LAI.

[59] Compte tenu de la portée étendue et de la nature des renseignements qu’elle cherche à protéger, il incombait à AIM de présenter des éléments de preuve qui démontrent comment les exemptions invoquées s’appliquent aux renseignements précis en cause. Or, elle ne l’a pas fait. Dans sa preuve par affidavit, AIM ne fait pas référence à des sections ou à des renseignements précis du bail ou de la modification du bail dont la communication pourrait causer un préjudice, ni n’explique comment la communication des renseignements qu’elle cherche à caviarder entraînera ce préjudice. En effet, l’affidavit de M. Black ne fait que reprendre le libellé utilisé dans les dispositions législatives et comprend des déclarations générales au sujet du préjudice potentiel (affidavit de M. Black, aux paragraphes 22, 24‐25).

(1) Alinéa 20(1)c)

[60] Les types de préjudices énumérés à l’alinéa 20(1)c) sont disjonctifs. AIM doit établir que la communication des renseignements entraînera une perte financière importante ou nuira à sa position concurrentielle (Merck Frosst, au para 212; Calian, au para 40).

[61] En ce qui concerne les pertes financières importantes, AIM fait référence à des [traduction] « articles de presse négatifs » publiés par la SRC. AIM affirme qu’elle a une « attente raisonnable » selon laquelle la SRC utilisera les renseignements pour « poursuivre sa campagne de couverture médiatique négative à l’égard d’AIM » et utiliser les renseignements pour « diffuser des façons dont l’Administration portuaire de Saint John pourrait imposer des coûts supplémentaires à AIM ou des avenues qui pourraient être explorées pour résilier prématurément l’entente de renouvellement de bail » (mémoire des faits et du droit d’AIM, aux paragraphes 68‐69).

[62] Cependant, il n’y a tout simplement aucun élément de preuve qui permette d’étayer l’allégation d’AIM relative à une [traduction] « campagne » menée par la SRC. En fait, AIM attribue à tort des articles de presse à la SRC (mémoire des faits et du droit d’AIM, au paragraphe 67). Seul un des cinq articles de presse inclus dans l’affidavit de M. Black a été publié par la SRC (affidavit de M. Black, pièce A).

[63] De plus, les cinq articles sont de nature semblable et font état de plaintes au sujet des installations d’AIM à Port Saint John. Trois des articles publiés dans les médias en juillet 2022, y compris celui de la SRC, faisaient état de deux décès en milieu de travail survenus en moins de sept mois aux installations d’AIM à Port Saint John. Comme l’ont rapporté les articles, en raison de préoccupations pour la sécurité des travailleurs, des politiciens locaux réclamaient la fermeture des installations. Les deux autres articles, publiés en janvier 2021 et en septembre 2020, faisaient état d’explosions et d’un incendie dans les installations d’AIM. Rien dans l’affidavit de M. Black ne laisse entendre que ces articles de presse sont inexacts. En effet, il déclare qu’AIM a fait l’objet de beaucoup de [traduction] « critiques publiques » et de « pressions politiques » en ce qui concerne ses activités (affidavit de M. Black, au paragraphe 21). C’est exactement ce dont il est question dans les articles.

[64] Quoi qu’il en soit, la Cour a conclu que les reportages négatifs ou même inexacts dans les médias ne suffisent pas à justifier une exemption à la communication. Toute préoccupation concernant une couverture médiatique négative injuste peut être abordée par d’autres moyens (A Inc c Musée canadien des droits de la personne, 2022 CF 1115 [Musée des droits de la personne] au para 94; Concord, aux para 52 et 89; Fermes Burnbrae Limitée c Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2014 CF 957 aux para 112‐113).

[65] Les préoccupations d’AIM concernant la possibilité d’une couverture médiatique négative future sont insuffisantes pour justifier le caviardage des renseignements qu’elle cherche à protéger dans le bail et la modification du bail.

[66] En ce qui concerne le préjudice à sa position concurrentielle, AIM affirme sans ambages que la communication des renseignements donnera à ses concurrents [traduction] « un aperçu injuste de ses transactions commerciales et financières » (mémoire des faits et du droit d’AIM, au paragraphe 66). Elle ne fournit aucune preuve démontrant comment la communication de renseignements précis dans les deux ententes nuirait à la position concurrentielle d’AIM, au-delà d’une simple affirmation au paragraphe 24 de l’affidavit de M. Black, que voici :

[Traduction]

Il est raisonnable de s’attendre à ce que ces renseignements soient utilisés par un concurrent pour acquérir des connaissances sur les renseignements confidentiels contenus dans le bail et l’entente de renouvellement de bail, qui pourraient ensuite être utilisés pour élaborer des plans d’affaires afin de proposer une meilleure offre qu’AIM dans des soumissions et/ou des négociations futures. Un concurrent pourrait également utiliser ces renseignements pour élaborer et mettre en œuvre un plan d’affaires visant à tenter de s’emparer de la propriété sur laquelle nous exerçons nos activités.

[67] AIM s’appuie également, mais à tort, sur la décision de la Cour dans l’affaire Equifax Canada Co c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2014 CF 487 [Equifax]. Les renseignements en cause dans cette affaire portaient sur les prix contractuels et les modalités de paiement. La Cour a conclu que la divulgation du prix du contrat « poserait un risque réel et objectif de voir les renseignements en question procurer une longueur d’avance aux concurrents qui entendront à l’avenir concurrencer la demanderesse pour l’attribution de contrats » (Equifax, au para 30).

[68] Dans la présente affaire, Port Saint John a caviardé les montants du loyer et des droits de quai payables, ainsi que le montant minimal précis qu’AIM doit investir dans l’amélioration des infrastructures. AIM n’a pas réussi à démontrer comment la vaste gamme des autres renseignements qu’elle cherche à soustraire à la communication, par exemple les obligations d’entretien, de réparation et d’assurance, donnerait une « longueur d’avance » à ses concurrents. Je suis plutôt d’accord avec les défenderesses pour dire que ces types de modalités générales se trouvent habituellement dans les baux. Il est difficile de comprendre comment la communication de ce type de renseignements généraux pourrait fournir un aperçu injuste des transactions commerciales d’AIM ou nuire à sa position concurrentielle.

[69] AIM n’a pas réussi à établir que les renseignements devraient être soustraits à la communication en vertu de l’alinéa 20(1)c).

(2) Alinéa 20(1)d)

[70] L’alinéa 20(1)d) prévoit une exemption obligatoire dans le cas de renseignements dont la communication « risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins ».

[71] Pour se prévaloir de cette exemption, l’obstruction ou l’ingérence dans les négociations contractuelles ou autres d’un tiers doit être probable et ne pas être purement hypothétique. Des preuves d’une concurrence accrue ou d’une pression concurrentielle accrue sont insuffisantes. Le risque hypothétique pour les occasions d’affaires futures ne suffit pas non plus (Calian, au para 4; Musée des droits de la personne, au para 99; Société Radio-Canada c Canada (Commission de la capitale nationale), 1998 CanLII 7774 (CF) [Commission de la capitale nationale] au para 29).

[72] Se fondant sur l’affidavit de M. Black, AIM soutient que la communication des renseignements nuirait à ses négociations contractuelles. Dans son affidavit, M. Black déclare qu’AIM a conclu des ententes de location, de service ou d’approvisionnement avec diverses municipalités, autorités de gestion des déchets et entités commerciales (affidavit de M. Black, aux paragraphes 25‐28). AIM soutient que ces parties pourraient utiliser les renseignements pour négocier des contrats de location, de service et/ou d’approvisionnement plus favorables.

[73] Dans l’affaire Saint John Shipbuilding Ltd c Canada (Ministre des Approvisionnements et Services), [1988] ACF no 902 [Saint John Shipbuilding], conf par [1990] ACF no 81, la Cour fédérale a rejeté l’approche large semblable d’un tiers. Dans cette affaire, l’institution fédérale avait accepté de caviarder les montants en dollars, les pourcentages et d’autres renseignements financiers précis avant la communication, mais le tiers s’est opposé à la communication du reste des contrats. Le tiers a fait valoir que la communication de dispositions générales, comme les dispositions relatives aux pénalités et aux garanties, nuirait à sa position dans la négociation de contrats futurs. La Cour a conclu que l’attente de préjudice démontrée par le tiers « participe par trop de la spéculation ou de la simple possibilité pour satisfaire à la norme » (Saint John Shipbuilding, au para 22).

[74] De plus, j’estime que la preuve d’AIM selon laquelle elle négocie l’ensemble de ses ententes individuellement, de sorte que chacune est unique et adaptée à la partie contractante particulière, mine son argument selon lequel il y aura un préjudice si les modalités du bail étaient communiquées (affidavit de M. Black, aux paragraphes 26, 31). Si les modalités de chaque entente sont négociées individuellement, la communication des modalités de l’une de ces ententes ponctuelles ne nuirait pas à la capacité d’AIM de négocier dans d’autres contextes.

[75] AIM ne s’est pas acquittée du fardeau requis, car elle n’a pas démontré que la communication des renseignements demandés risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées en vue de contrats (Commission de la capitale nationale, au para 29). Au mieux, elle a peut-être soulevé une certaine preuve d’une augmentation de la pression concurrentielle, ce qui ne suffit pas pour que soit établi le préjudice applicable (Calian, au para 47).

[76] AIM affirme également que la communication des renseignements nuirait aux négociations futures avec de nouveaux bailleurs potentiels (affidavit de M. Black affidavit, aux paragraphes 30‐32). Il s’agit d’un élément de preuve particulièrement hypothétique. M. Black signale qu’AIM préfère acquérir des propriétés, mais qu’en raison des possibilités d’achat limitées, elle pourrait être [traduction] « forcée » de conclure des baux, ce qui fait en sorte que le nombre réel de baux qu’AIM pourrait négocier et qui seraient comparables à ceux qu’elle a conclus avec Port Saint John est incertain (affidavit de M. Black, au paragraphe 30).

[77] AIM n’a pas démontré que la communication de ces renseignements entraverait des négociations contractuelles ou autres, et par conséquent, l’exemption prévue à l’alinéa 20(1)d) ne peut être invoquée.

V. Conclusion

[78] Pour les motifs qui précèdent, je rejette la présente demande. AIM n’a pas réussi à établir que les renseignements demandés sont soustraits à la communication en vertu des alinéas 20(1)b), c) ou d) de la LAI.

[79] À la suite de l’audience, les avocats des parties ont informé la Cour qu’ils s’étaient entendus sur le montant des dépens à payer conformément à la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles]. Après avoir examiné leur accord et dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe 53(1) de la LAI et de l’article 400 des Règles, j’estime que leur proposition à l’égard des dépens est raisonnable. J’octroie donc des dépens de 3 570 $ à Port Saint John et à Radio-Canada.

[80] La Cour a tenu une téléconférence, avant la publication des présents motifs, à la lumière des préoccupations exprimées par la demanderesse au sujet de la communication des renseignements confidentiels, compte tenu de son intention déclarée d’interjeter appel du présent jugement. Après avoir entendu les avocats des parties et examiné plus à fond cette question, j’ai décidé que l’ordonnance de confidentialité datée du 14 novembre 2022 demeurera en vigueur pendant la période d’appel du présent jugement.


JUGEMENT dans le dossier no T-1747-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande est rejetée.

  2. La demanderesse doit verser des dépens de 3 570 $ à chacune des défenderesses.

  3. La période de validité de l’ordonnance de confidentialité datée du 14 novembre 2022 est par les présentes prolongée pendant la période d’appel du présent jugement.

« Anne M. Turley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

t-1747-22

INTITULÉ :

COMPAGNIE AMÉRICAINE DE FER ET MÉTAUX INC c ADMINISTRATION PORTUAIRE DE SAINT JOHN ET SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

tenue en personne à fredericton (nouveau-brunswick) et par vidéoconfÉrence (hybride)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 AOÛT 2023

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE TURLEY

DATE DES MOTIFS :

LE 21 SEPTEMBRE 2023

COMPARUTIONS :

Jessica Bungay

POUR LA DEMANDERESSE

Sarah M. Dever Letson

Iain MacKinnon

Danielle Stone

POUR LA DÉFENDERESSE, L’ADMINISTRATION PORTUAIRE DE SAINT JOHN

POUR LA DÉFENDERESSE, LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cox & Palmer

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

POUR LA DEMANDERESSE

Stewart McKelvey

Saint John (Nouveau-Brunswick)

Linden & Associates

Toronto (Ontario)

Société Radio-Canada

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE, L’ADMINISTRATION PORTUAIRE DE SAINT JOHN

POUR LA DÉFENDERESSE, LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.