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Date : 20230925


Dossier : T‐1424‐22

Référence : 2023 CF 1283

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 septembre 2023

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

JEFF TOTH, ADELE PHILLIPS, ALEX DOLEY, ALLISON PRINSEN, ANTHONY DI VIRGILIO, BARBARA FEHLAU, BARBARA GRIFFIN, CHRISTINE DENNSTEDT, DALE TRIMBLE, DANIELLE SCHROEDER, DANUSIA KANACHOWSKI, DAPHNE LOBB, GRAHAM BERGSTRA, GREGORY COHEN, HILLARY MCBRIDE, JENNA FLETCHER, JILL KOEHLER, JOHN GYRA, JONATHAN WIESER, KEYANNA EHSANI, KYLE GREENWAY, LAURIE SCHULZ, LISA FREDE, MYRNA MARTIN, RICHARD TATOMIR, SALLYJANE BODNAR, SARAH HOFFMAN, STACY SMITH, VALENTINA CHICHINIOVA, VANATHY PARANTHAMAN, AAMIR SUBHAN, AMANDA GRINTER, ANNE‐MARIE ARMOUR, BETH TROTTER, BRODIN ANDERSON, BRYCE KOCH, CLAIRE WEISS, DAYNA MYLES, DOROTHY GAMBLE, ELINOR BAZAR, ELIZABETH BLEAKLEY, GORDON REID, JANE HARRISON, JANIE BROWN, JEAN‐FRANÇOIS STEPHAN, JENNIFER NAGEL, JULIA MACARTHUR, KATHLEEN HERBINSON, KERRY CHUTTER, LORRAINE REIMER, MARILYN CHOTEM, MICHAEL SHEPPARD, NATHAN TORTI, NIKHITA SINGHAL, PARVEEN SIHOTA, RAJVEER SOOS, RICHARD MINERS, SCOTT KOURI, SHAUNA SUTHERLAND, STEPHANIE MARCHAL, STEVEN GRIFFITH‐COCHRANE, TAMARA SMITH, TRACY LOWE, TRINA WOODS, YASSIE PIRANI, DANA SIMARD, MICHAEL SIMARD, ANNE KWASNIK‐KRAWCZYK, GRANT HUTCHINSON, JULIEN THIBAULT LÉVESQUE, SUSAN MCAFEE, LARA ELLISON, ELANA ANGUS ET THERAPSIL

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ MENTALE ET DES DÉPENDANCES ET ministre ASSOCIÉ de la santé

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La présente demande de contrôle judiciaire porte sur 96 décisions, par lesquelles un délégué du ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associé de la Santé (le ministre) a rejeté des demandes relatives à l’exemption prévue au paragraphe 56(1) (l’exemption prévue à l’article 56) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19 [la LRCDAS].

[2] En général, une demande de contrôle judiciaire ne conteste qu’une seule décision administrative : Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106, article 302. Les demandeurs ont obtenu l’autorisation de contester plus qu’une décision par une ordonnance de notre Cour datée du 14 septembre 2022.

[3] Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Le contexte

[4] Les 96 décisions contestées concernent des demandes relatives à l’exemption prévue à l’article 56 qu’ont présentées des praticiens de la santé, aux titres de compétence diversifiés (les PS). Il s’agit notamment de médecins, de psychologues, d’infirmières ou infirmiers, de travailleuses sociales ou travailleurs sociaux, de conseillères ou conseillers et d’autres praticiens de la santé réglementés. Les PS veulent obtenir l’exemption pour la même raison, à savoir posséder et consommer des champignons à psilocybine crus dans le cadre de leur propre formation professionnelle en matière de psychothérapie assistée par psilocybine.

[5] La psychothérapie assistée par psilocybine est une forme de psychothérapie qui comporte une séance médicinale, au cours de laquelle le patient consomme une dose thérapeutique de psilocybine sous la supervision d’un praticien qualifié. La thérapie peut aider les patients qui souffrent de certains types de dépression, de détresse associée à une maladie terminale ou potentiellement mortelle, ainsi que d’autres affections.

[6] Les demandes des PS en vue d’obtenir l’exemption prévue à l’article 56 mentionnent que, pour des résultats optimaux, les praticiens qualifiés devraient avoir expérimenté les médicaments psychédéliques qui serviront à traiter leurs patents. La consommation de psilocybine dans le cadre d’une activité de formation a pour but de permettre aux PS de mieux connaître la thérapie par psilocybine, afin de pouvoir mieux aider leurs patients. Pendant leur activité de formation, les PS consommeraient vraisemblablement cinq grammes de champignons à psilocybine crus à trois reprises sur une période de six mois, et ils se procureraient eux-mêmes les champignons, qu’ils obtiendraient d’une [TRADUCTION] « source de confiance » qu’ils n’ont pas identifiée.

[7] La psilocybine est un hallucinogène et une substance désignée au sens de la LRCDAS. Cette loi interdit de posséder de la psilocybine, sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements : LRCDAS, art 4. Cependant, la LRCDAS permet au ministre d’autoriser une dispense d’application des interdictions, s’il est d’avis que des raisons d’intérêt public, notamment des raisons médicales ou scientifiques, le justifient : LRCDAS, art 56.

[8] La présente demande de contrôle judiciaire compte 82 demandeurs. Soixante‐treize d’entre eux sont des PS qui contestent le rejet de leur demande relative à l’exemption prévue à l’article 56 (les demandeurs d’exemption). Les 23 autres décisions contestées sont des rejets de la demande relative à l’exemption prévue à l’article 56 pour des PS qui ne sont pas parties à la présente instance.

[9] La demanderesse TheraPsil se qualifie d’organisme sans but lucratif de défense des droits des patients dont la mission consiste à aider les Canadiens ayant des besoins médicaux à avoir accès à une psychothérapie assistée par psilocybine autorisée par la loi. L’un des objectifs de cet organisme est de mettre en contact d’éventuels patients — des personnes qui souhaitent subir une évaluation et suivre une psychothérapie assistée par psilocybine — avec des praticiens qualifiés. À cette fin, TheraPsil tient une liste de praticiens dont les noms peuvent être fournis à d’éventuels patients.

[10] TheraPsil offre un programme de formation en psychothérapie assistée par psilocybine, dans le but de [TRADUCTION] « créer un répertoire de praticiens de la santé spécialement formés qu’elle peut inclure avec confiance dans sa liste de praticiens aptes à fournir un soutien en matière de traitement ». Ce programme comporte un module de formation expérientielle, qui exige des participants qu’ils consomment des champignons à psilocybine. Les PS sont inscrits au programme de formation de TheraPsil et ils ont besoin de l’exemption prévue à l’article 56 pour participer au module de formation expérientielle. TheraPsil a coordonné les demandes relatives à l’exemption prévue à l’article 56 pour le compte des PS, et elle a retenu les services d’un avocat pour fournir au ministre des observations au sujet de ces demandes.

[11] Les huit autres demandeurs en l’espèce sont des personnes qui sont entrées en contact avec TheraPsil, parce qu’elles voulaient subir une évaluation et suivre une psychothérapie assistée par psilocybine (les patients demandeurs). TheraPsil a inscrit les patients demandeurs sur une liste d’attente, et elle dit avoir été contrainte de le faire en raison d’un manque de praticiens convenablement qualifiés et spécialement formés au Canada. Les affidavits des patients demandeurs (de même que ceux de cinq autres patients inscrits sur la liste d’attente) ont été soumis au ministre, à l’appui des demandes relatives à l’exemption prévue à l’article 56 des PS.

[12] Il n’existe aucune preuve que l’un quelconque des patients demandeurs a sollicité sa propre exemption prévue à l’article 56 pour avoir accès à de la psilocybine, en vue de suivre une psychothérapie assistée par psilocybine.

[13] Les demandeurs se fondent sur une série commune de documents. L’avocat de TheraPsil a présenté des observations pour le compte de l’ensemble des demandeurs dans la présente instance.

III. Les décisions du ministre et un survol des positions des parties

[14] Le ministre a rejeté la totalité des 96 demandes relatives à l’exemption prévue à l’article 56 en juin 2022, et ce, pour des motifs identiques. Il a jugé que l’exemption prévue à l’article 56 n’était pas nécessaire pour des raisons d’intérêt public, notamment des raisons médicales ou scientifiques, car le Règlement sur les aliments et drogues, CRC, c 870 [le RAD], offrait une solution de rechange, soit l’autorisation d’obtenir une drogue contrôlée destinée à un essai clinique.

[15] Les décisions font état de l’opinion de TheraPsil, selon laquelle cette option réglementaire n’était pas convenable et ne protégerait pas l’intérêt supérieur des PS, et l’exécution d’un essai clinique permettant à des praticiens d’expérimenter la psilocybine à des fins de formation serait contraire à l’éthique, elle interférerait avec les objectifs de formation et elle causerait des délais. Le ministre a exprimé l’avis que Santé Canada avait récemment autorisé la tenue d’un essai clinique permettant à des professionnels de la santé de consommer de la psilocybine à des fins de formation et que, bien qu’un essai clinique puisse ne pas être mis à la disposition de tous les professionnels de la santé, l’autorisation montrait qu’un essai clinique était une option réglementaire faisable pouvant être offerte aux PS. Un essai clinique protégerait l’intérêt supérieur des participants, il garantirait que la psilocybine est conforme à de bonnes pratiques de fabrication (BPF) et administrée conformément à des normes déontologiques, médicales et scientifiques, et il réglerait la question des interdictions prévues par le RAD ainsi que par la LRCDAS, contrairement à l’exemption prévue à l’article 56. Les décisions recommandent que les PS revoient leur position selon laquelle des essais cliniques ne sont pas un moyen convenable d’atteindre leurs buts et qu’ils élaborent un plan d’essai clinique qui permettrait de mieux comprendre les divers effets de la psilocybine sur les humains. Les décisions fournissent des informations sur les essais cliniques et sur les possibilités de financement à l’appui de tels essais sur la psilocybine.

[16] Le ministre a signalé dans ses décisions que 19 exemptions pour praticien avaient été approuvées à la fin de 2020, mais que, depuis ce temps, Santé Canada avait engagé le dialogue avec un certain nombre de groupes d’intervenants, afin de souligner l’importance d’accumuler de la preuve quant à la sûreté et à l’efficacité de la psilocybine, au moyen d’essais cliniques. Les décisions font mention des efforts faits par Santé Canada à cet égard et des mesures qu’il a prises pour réduire les obstacles à la recherche clinique sur la psilocybine, notamment en tenant des séances d’information, en rencontrant des chercheurs intéressés et en soutenant des promoteurs d’essais cliniques. Santé Canada a répondu rapidement aux demandes de réunion. Il est mentionné dans les décisions qu’à la suite de ces mesures, le nombre des demandes d’essai clinique sur la psilocybine a nettement augmenté. Avant 2021, Santé Canada n’avait autorisé qu’un seul essai clinique sur la psilocybine. En mai 2022, Santé Canada avait autorisé 10 essais supplémentaires pour évaluer l’utilisation de la psilocybine dans le traitement de troubles liés à la santé mentale et à la consommation de substances, ainsi que pour recueillir de la preuve précieuse sur l’efficacité de la psilocybine au sein de populations différentes et dans des conditions différentes. Les décisions font mention de [TRADUCTION] « multiples conversations » avec TheraPsil pendant les deux années précédentes et au cours desquelles il lui a été souligné que l’exemption prévue par l’article 56 était accordée à titre exceptionnel, quand aucune autre option réglementaire légale n’était disponible.

[17] Les décisions mentionnent que Santé Canada n’était au courant d’aucun élément de preuve clinique examiné par des pairs montrant que des professionnels de la santé devaient prendre une drogue psychédélique pour comprendre ce que ressentent les patients, et aucun des éléments de preuve que TheraPsil a fournis n’était fondé sur des conclusions tirées d’éléments de preuve cliniques examinés par des pairs. Le ministre a conclu que, bien que le programme de formation de TheraPsil oblige à faire soi‐même l’expérience de la psilocybine, d’autres thérapeutes ont été capables d’offrir une psychothérapie assistée par psilocybine sans en avoir consommé eux‐mêmes. Il a également conclu qu’il y avait risques pour la santé et la sécurité qui étaient associés à l’obtention et à la consommation de psilocybine de source illégale, par opposition è la possibilité d’avoir accès à de la psilocybine par la voie d’un essai clinique.

[18] Les demandeurs sont d’avis que les décisions du ministre sont déraisonnables. Ils déclarent que le ministre n’a pas traité d’éléments de preuve et d’arguments fondamentaux, dont la preuve du propre Bureau des essais cliniques de Santé Canada selon laquelle la tenue d’un essai clinique pour le programme de formation de TheraPsil n’était pas faisable, qu’il a fourni pour ses décisions des motifs inintelligibles ou non transparents, qu’il a omis de traiter de manière significative d’arguments de fond, qu’il n’a pas tenu compte d’éléments de preuve concernant les avantages d’une formation expérientielle ou les a mal interprétés, qu’il s’est écarté, sans justification, des 19 décisions antérieures approuvant des exemptions pour praticien et qu’il n’a pas traité des arguments relatifs à l’effet qu’aurait un rejet sur les droits que garantit aux PS et aux patients l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R‐U), 1982, c 11 [la Charte].

[19] Les demandeurs déclarent qu’il y a des centaines de patients inscrits sur la liste d’attente de TheraPsil, en vue d’une psychothérapie assistée par psilocybine, de même qu’une pénurie de praticiens ayant suivi une formation expérientielle au Canada. Ils allèguent que, bien qu’en 2020, le ministre ait approuvé 19 demandes relatives à l’exemption concernant la psilocybine qu’avaient présentées des praticiens affiliés à TheraPsil, il faut accorder plus d’exemptions prévues à l’article 56 pour combler la pénurie de praticiens et répondre aux besoins des patients. Ils prétendent que les rejets du ministre empêchent les PS de suivre une formation complète.

[20] Les demandeurs soutiennent que, collectivement, ils ont qualité pour présenter la présente demande de contrôle judiciaire à l’égard de la totalité des 96 décisions. Chacun des 73 demandeurs d’exemption a qualité pour contester la décision qui le concerne. De plus, ils déclarent que TheraPsil et les patients demandeurs sont directement touchés par la totalité des 96 décisions – TheraPsil parce qu’elle a demandé l’exemption prévue par l’article 56 pour le compte des PS et qu’elle ne peut pas mettre en application le module de formation expérientielle de son programme avant que les praticiens qui suivent une formation aient obtenu l’exemption en question, et les patients demandeurs parce qu’un retard et le refus de permettre aux PS de suivre la formation a pour effet de reporter leur évaluation ainsi que leur traitement et les privent de ces options.

[21] Les demandeurs souhaitent que la Cour annule la totalité des 96 décisions et ordonne au ministre d’accorder aux PS l’exemption qui leur permettrait de posséder et de consommer de la psilocybine dans le cadre d’une formation expérientielle en psychothérapie assistée par psilocybine.

[22] Le ministre ne conteste pas la qualité des demandeurs d’exemption ni celle de TheraPsil pour ce qui est de contester la totalité des 96 décisions. Il est toutefois d’avis que les patients demandeurs n’ont pas cette qualité, et il demande une ordonnance qui les exclut de la présente instance à titre de demandeurs.

[23] De plus, le ministre soutient que le ministre de la Santé, l’unique défendeur mentionné dans l’avis de demande, n’est pas le défendeur approprié. Il sollicite une ordonnance modifiant l’intitulé de la cause pour y substituer, à titre de défendeur, le ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associé de la Santé.

[24] Le ministre soutient que les demandeurs n’ont pas démontré que les décisions en question étaient déraisonnables et qu’il convenait, de ce fait, de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. L’article 56 de la LRCDAS confère un pouvoir discrétionnaire étendu d’accorder ou de refuser une exemption, et les demandeurs n’ont pas établi l’existence d’une erreur quelconque qui justifierait que l’on modifie les décisions. Le ministre indique qu’il a pris en considération la preuve médicale, qu’il a tiré des conclusions étayées quant à la question de savoir si la preuve établissait qu’il était nécessaire de suivre une formation expérientielle pour soumettre des patients à une thérapie assistée par psilocybine, et que la Cour, dans le cadre du contrôle judiciaire, ne devrait pas apprécier à nouveau la preuve ou trancher des débats scientifiques. Les décisions rejetant les demandes d’exemption ont traité des risques posés aux PS, des 19 exemptions pour praticien antérieurement accordées, de la nécessité d’accumuler de la preuve par voie d’essais cliniques et de la faisabilité d’un essai clinique auquel prendraient part des PS. Le ministre déclare qu’il est arrivé à une conclusion raisonnable, que les décisions ne restreignent pas les protections que garantit la Charte et que, en tout état de cause, elles sont le reflet d’une mise en balance proportionnée des valeurs consacrées par la Charte qui sont en jeu.

IV. Les questions en litige

[25] Je formulerais ainsi les questions que soulève la présente demande :

  1. La question préliminaire : qui sont les parties appropriées dans la présente demande?

  2. La première question principale : quelle est la norme de contrôle applicable?

  3. La deuxième question principale : les décisions du ministre sont‐elles déraisonnables?

  4. La troisième question principale : si les décisions du ministre sont déraisonnables, quelle est la réparation appropriée?

V. Analyse

A. La question préliminaire : qui sont les parties appropriées dans la présente demande?

[26] Comme il a été mentionné plus tôt, le ministre soulève deux questions à trancher au sujet des parties visées par la présente instance.

(1) Les patients demandeurs

[27] Premièrement, le ministre soutient que les patients demandeurs ne sont pas des demandeurs appropriés. Ils n’ont pas qualité pour agir dans l’intérêt privé ou dans l’intérêt public, et ils devraient être exclus à titre de demandeurs de la présente instance.

[28] Le ministre soutient que les patients demandeurs n’ont pas qualité pour agir dans l’intérêt privé, parce qu’ils ne sont pas directement touchés par l’objet de la demande : Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‐7, art 18.1(1) [la LCF]. Une partie a un intérêt direct au sens du paragraphe 18.1(1) de la LCF lorsque ses droits sont touchés, lorsque lui sont imposées des obligations en droit ou qu’elle subit d’une certaine manière un préjudice direct : Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de l’énergie), 2013 CAF 236 au para 20 [Forest Ethics]. Selon le ministre, le dossier de preuve n’établit pas que les patients demandeurs ont un intérêt direct à contester les 96 décisions. Dans le meilleur des cas, leur lien avec ces décisions est conjectural et éloigné. Les patients demandeurs sont en fait [TRADUCTION] « étrangers à la Cour ».

[29] Le ministre déclare qu’il est allégué dans l’avis de demande que les patients demandeurs souffrent d’une affection qui peut être traitée par une psychothérapie assistée par psilocybine, qu’ils ont été incapables de trouver quelqu’un qui les traiterait, en raison d’un manque de praticiens spécialement formés, et que les rejets du ministre retardent ou excluent la formation des praticiens de la santé, ce qui, par ricochet, retarde ou rejette le traitement et porte atteinte aux droits que leur confère l’article 7 de la Charte. Cependant, un avis de demande n’est pas une preuve, et le ministre soutient que la preuve n’établit pas que les patients demandeurs sont directement touchés par les 96 décisions. Il n’existe aucune preuve qu’un demandeur patient quelconque est le patient d’un PS à qui l’exemption prévue à l’article 56 a été refusée ou qu’un praticien de la santé lui a prescrit une psychothérapie assistée par psilocybine, qu’il a accès à de la psilocybine ou qu’il a présenté une demande en vue d’obtenir lui‐même l’exemption prévue à l’article 56. Les affidavits des patients demandeurs qui ont été présentés à l’appui des demandes relatives à l’exemption prévue par l’article 56 des PS indiquent qu’ils croient que, d’après leurs recherches personnelles, ils tireraient avantage d’une psychothérapie assistée par psilocybine. De plus, le ministre soutient qu’il n’y a aucune preuve qu’un demandeur patient quelconque a besoin de suivre une thérapie avec un praticien qui a suivi une formation expérientielle. La formation expérientielle est une condition que TheraPsil impose aux praticiens.

[30] Le ministre fait valoir que les patients demandeurs n’ont pas non plus qualité pour agir dans l’intérêt public. Il n’existe pas de droit automatique à la qualité pour agir dans l’intérêt public – il s’agit d’une question qui relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Pour déterminer s’il y a lieu d’accorder cette qualité, la Cour doit examiner si : 1) l’affaire soulève une question justiciable sérieuse, 2) la partie qui prétend représenter l’intérêt public a un intérêt réel ou véritable dans la question soulevée, et 3) dans l’ensemble des circonstances, la participation de cette partie constitue une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour : Canada (Procureur général) c Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45 au para 2. Le ministre fait valoir que, dans les circonstances de la présente affaire, aucun de ces facteurs ne favorise l’octroi de la qualité pour agir dans l’intérêt public aux patients demandeurs.

[31] Selon le ministre, bien que la demande soulève une question justiciable sérieuse, la participation des patients demandeurs ne suscite ou n’ajoute pas une question justiciable sérieuse au‐delà de celles que soulèvent les autres demandeurs, et leur participation à la demande est frivole. En outre, rien ne prouve que les patients demandeurs ont un intérêt réel dans l’issue de la demande. Le fait qu’ils ont déposé à l’appui des demandes relatives à l’exemption prévue par l’article 56 des PS ne leur confère pas un intérêt véritable dans la présente instance. Les patients demandeurs ne seront pas liés par la décision que rendra la Cour sur la présente demande ou il n’auront droit à rien à cause d’elle – la décision ne leur donnera pas accès à de la psilocybine ou au droit de suivre une thérapie assistée par psilocybine. Enfin, le ministre fait valoir que les patients demandeurs n’ont pas établi que leur présence est une manière raisonnable et efficace de soumettre des questions à la Cour. En général, les parties qui ont qualité pour agir de plein droit sont les demandeurs privilégiés, et le ministre prétend que les parties directement touchées sont en mesure de contester efficacement les décisions. La qualité pour agir dans l’intérêt public sera refusée si des parties directement touchées ont porté une affaire devant les tribunaux : Conseil canadien des Églises c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 RCS 236 aux p 255, 256.

[32] Les demandeurs soutiennent que les patients demandeurs sont directement touchés par les décisions du ministre, parce que le fait de retarder et de refuser la formation des PS retarde leur évaluation et leur traitement, et les prive de ces deux options. Les patients demandeurs sont des personnes qui sont entrées en contact avec TheraPsil, afin qu’elle les aide à être évaluées en vue de suivre une psychothérapie assistée par psilocybine et, si leur cas est jugé acceptable, qu’elle les aide à obtenir accès à de la psilocybine et les oriente vers des praticiens qui peuvent dispenser le traitement. TheraPsil a été incapable d’aider les patients demandeurs, en raison de la pénurie de professionnels de la santé spécialement formés, ce qui l’a obligée à mettre en œuvre un protocole d’inscription et à restreindre son aide aux personnes dont la condition était la plus urgente ou potentiellement mortelle. Selon les demandeurs, l’argument du ministre selon lequel on n’a pas prescrit aux patients demandeurs une psychothérapie assistée par psilocybine passe à côté de la question. En raison de la pénurie de praticiens spécialement formés, les patients demandeurs ne peuvent même pas se faire évaluer en vue de suivre une psychothérapie assistée par psilocybine. En outre, deux des patients demandeurs ont déclaré dans leurs affidavits que les praticiens de la santé qui prenaient soin d’eux appuyaient les efforts qu’ils faisaient pour suivre une thérapie assistée par psilocybine. Selon les demandeurs, il s’agit là de la meilleure preuve à laquelle on puisse s’attendre dans les circonstances.

[33] Les demandeurs déclarent que la liste d’attente de TheraPsil compte plus de 800 personnes. L’argument fondé sur la Charte qui a été soumis au ministre est que l’accès de patients à la psilocybine n’est pas assimilable à l’accès de patients à une psychothérapie assistée par psilocybine. Les patients dans le besoin à qui l’on accorde personnellement l’exemption prévue à l’article 56, ou qui obtiennent accès à de la psilocybine au moyen d’une demande présentée au titre du Programme d’accès spécial (le PAS), sous le régime du RAD, n’ont accès à une psychothérapie assistée par psilocybine que s’il y a au Canada un nombre suffisant de praticiens spécialement formés pour les évaluer, les soutenir et les traiter. Les demandeurs disent que les affidavits des patients demandeurs font état de leurs efforts infructueux pour avoir accès à une thérapie assistée par psilocybine. Ils se sont adressés à TheraPsil, parce qu’ils ont été incapables de trouver des praticiens de la santé qui les évalueraient, les soutiendraient et les traiteraient.

[34] Les demandeurs soutiennent que le manque de praticiens spécialement formés empêche les patients d’avoir accès à des soins de santé, que les rejets du ministre constituent l’obstacle le plus important à ce qu’ils soient évalués, soutenus et traités au moyen d’une thérapie assistée par psilocybine, et que le fait de refuser aux patients demandeurs la qualité pour agir mettrait les décisions du ministre à l’abri d’une contestation fondée sur la Charte.

[35] Je conviens avec le ministre que les patients demandeurs n’ont pas qualité pour agir dans l’intérêt privé.

[36] Les patients demandeurs sont de futurs patients – des personnes qui sont entrées en contact avec TheraPsil pour qu’elle les aide à se faire évaluer, en vue de suivre une thérapie assistée par psilocybine et, si leur cas est jugé acceptable, de bénéficier de l’aide de TheraPsil pour avoir accès à de la psilocybine et se faire orienter vers des praticiens qui pourraient dispenser le traitement. Leurs affidavits (ainsi que ceux des cinq autres patients inscrits sur la liste d’attente et qui ne sont pas parties à la présente instance) soulèvent les mêmes points principaux. Chaque déposant décrit son état de santé, et déclare ce qui suit :

  • les traitements dont il a fait l’essai n’ont pas fonctionné;
  • il croit, d’après les recherches dont il a connaissance, que la psychothérapie assistée par psilocybine aura vraisemblablement un effet positif sur son état de santé;
  • il est entré en contact avec TheraPsil pour lui demander de l’aider à se faire évaluer en vue de suivre une psychothérapie assistée par psilocybine, et, si son cas est jugé acceptable, de le soutenir dans ses efforts pour obtenir un accès légal à de la psilocybine et être mis en contact avec des praticiens aptes à dispenser le traitement;
  • TheraPsil l’a informé qu’elle ne pouvait pas l’assister, parce qu’elle n’avait pas la capacité requise pour aider le grand nombre de personnes qui sollicitaient une aide et un soutien semblables;
  • TheraPsil l’a informé qu’elle n’avait pas la capacité requise, en raison de la rareté de professionnels de la santé spécialement formés, et qu’elle avait été contrainte d’adopter des critères d’inclusion de patients, et qu’il ne répondait pas aux critères (p. ex., avoir reçu un diagnostic de cancer potentiellement mortel);
  • il lui a été impossible de trouver au Canada une autre personne ou organisation pouvant l’aider.

[37] Comme le signale avec raison le ministre, il n’y a aucune preuve que les patients demandeurs sont les patients de PS à qui l’on a refusé l’exemption prévue à l’article 56. Rien ne permet de conclure que les décisions du ministre empêchent les patients demandeurs d’être évalués comme candidats à une psychothérapie assistée par psilocybine, et je ne souscris pas à la prétention des demandeurs selon laquelle on ne peut s’attendre à ce que les patients demandeurs fournissent une preuve qu’ils sont de bons candidats pour une psychothérapie assistée par psilocybine. La position de TheraPsil est que les praticiens ont besoin de suivre une formation expérientielle pour pouvoir administrer la forme de psychothérapie assistée par psilocybine qui soit la plus sûre et la plus efficace possible. La preuve n’établit pas qu’il est nécessaire d’avoir suivi une formation expérientielle pour évaluer l’aptitude d’un patient à suivre le traitement. De plus, même si les patients demandeurs sont de bons candidats pour une psychothérapie assistée par psilocybine, il ne ressort pas de la preuve que l’un quelconque d’entre eux a besoin d’être traité par un praticien ayant suivi une formation expérientielle.

[38] Les refus d’accorder l’exemption prévue à l’article 56 n’ont pas d’incidence sur les garanties juridiques des patients demandeurs, ils ne leur imposent pas d’obligations en droit ni ne leur font pas subir un préjudice direct : Forest Ethics, au para 20. Le lien entre les patients demandeurs et les décisions contestées est indirect — il passe par TheraPsil — et ce lien n’existe qu’à cause du modèle de formation que TheraPsil a décidé d’adopter. TheraPsil a inscrit les patients demandeurs sur une liste d’attente, conformément à un protocole d’inscription qu’elle a mis en œuvre, pour rationner l’accès aux praticiens qu’elle a admis dans son effectif. Si un PS suit avec succès le programme de formation de TheraPsil, celle-ci peut l’ajouter à l’effectif et communiquer son nom aux patients inscrits sur la liste d’attente, lesquels peuvent, après évaluation, être considérés comme de bons candidats pour une psychothérapie assistée par psilocybine et décider de se faire traiter par le PS.

[39] Les patients demandeurs se trouvent dans la même situation que d’autres personnes que TheraPsil a inscrites sur une liste d’attente pour la même raison – en ce sens qu’ils sont essentiellement des représentants demandeurs. Toutefois, la décision de TheraPsil d’inscrire des personnes sur une liste d’attente ne confère pas qualité pour contester dans l’intérêt privé les décisions qui font l’objet du contrôle. À mon avis, le lien qui existe entre les patients demandeurs et les décisions est insuffisant pour étayer la qualité pour agir dans l’intérêt privé. Le lien est encore plus éloigné dans le cas des 23 décisions rendues à l’endroit de PS qui ont décidé de ne pas contester la décision du ministre de rejeter leur demande relative à l’exemption prévue par l’article 56.

[40] Je conclus également que, dans les circonstances de l’espèce, les raisons pour accorder la qualité pour agir dans l’intérêt public ne favorisent pas l’octroi de cette qualité aux patients demandeurs.

[41] Je conviens avec le ministre que la participation des patients demandeurs ne suscite pas une question justiciable sérieuse. Ces derniers ne présentent pas un point de vue différent de celui d’autres demandeurs, relativement à la question fondamentale dont la Cour est saisie – si le ministre a commis une erreur susceptible de contrôle en refusant d’accorder l’exemption prévue à l’article 56, pour que des PS puissent suivre le module de formation expérientielle de TheraPsil. Les patients demandeurs n’invoquent pas d’arguments distincts ni ne présentent un point de vue utile sur le caractère raisonnable des décisions du ministre ou sur le fait de savoir s’il faudrait que les PS aient suivi une formation expérientielle. Il semble, d’après le dossier, que les connaissances qu’ont les patients demandeurs à cet égard sont celles qu’ils ont apprises de TheraPsil.

[42] Pour des raisons semblables, je ne suis pas convaincue que les patients demandeurs ont un intérêt réel ou véritable dans les questions qui sont soulevées dans la présente instance. Les affidavits qui ont été présentés à l’appui des demandes relatives à l’exemption prévue à l’article 56 des PS mentionnent que les patients demandeurs veulent être traités; ils n’expriment pas l’idée que ceux-ci ont besoin, pour ce faire, d’un praticien qui a suivi une formation expérientielle. Un grand nombre des affidavits décrivent les efforts infructueux qu’ont faits les déposants pour trouver une personne ou une organisation qui les aiderait, dont les démarches suivantes : demandes de renseignements par l’entremise de leurs praticiens de la santé traitants, recherches d’autres praticiens de la santé, contacts avec des cliniques ou des centres privés au Canada ou à l’étranger, ou avec des organismes aidant les patients qui veulent que leur état soit évalué en vue de suivre une psychothérapie assistée par psilocybine, participation à des essais cliniques et demandes d’accès à de la psilocybine par l’entremise du PAS. Les patients demandeurs ont suivi des voies différentes pour avoir accès à une psychothérapie assistée par psilocybine, et TheraPsil est l’une d’entre elles, mais il n’ont toutefois pas eu de succès. Hormis ce fait, les demandeurs n’ont pas expliqué de manière convenable en quoi les patients demandeurs ont un intérêt véritable dans la question fondamentale d’une formation expérientielle pour les PS.

[43] Les 73 demandeurs d’exemption qui sont directement touchés par les décisions rejetant leur demande sont capables de les contester efficacement, surtout avec le soutien de TheraPsil. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, je ne suis pas convaincue que la participation des patients demandeurs à la présente instance, à titre de demandeurs, est un moyen raisonnable et efficace de soumettre des questions à la Cour.

[44] Je signale que le ministre ne conteste pas la qualité pour agir de TheraPsil, mais j’ai des réserves au sujet de sa qualité pour contester au moins les 23 décisions concernant des PS qui ne sont pas parties à la présente instance. Ces 23 PS ont décidé de ne pas contester les rejets du ministre, malgré le soutien de TheraPsil. Mais il n’est nul besoin d’en dire davantage sur ce point. Comme j’ai décidé de rejeter la présente demande, les questions intéressant la qualité pour agir de TheraPsil ne changent rien à l’issue.

  • (2)Le défendeur approprié

[45] La deuxième question que soulève le ministre a trait au défendeur approprié. Le ministre indique que le ministre de la Santé n’est pas le défendeur qui convient à la présente demande, et il demande que l’on modifie l’intitulé de la cause pour inscrire à la place le ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associé de la Santé. Le décret 2022‐0549, entré en vigueur le 26 mai 2022, a transféré les attributions du ministre de la Santé, prévues sous le régime de la LRCDAS, au ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associé de la Santé. Les décisions contestées dans la présente demande datent d’après ce changement.

[46] Je conviens que le décideur compétent est le ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associé de la Santé, et l’intitulé de la cause sera modifié en conséquence.

  1. La première question principale : la norme de contrôle

[47] Selon l’arrêt de la Cour suprême du Canada (la CSC) dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], il est présumé que la norme de contrôle est la décision raisonnable. Cette norme est une forme de contrôle fondée sur la déférence, mais rigoureuse. Pour appliquer la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se demander si la décision en question possède les caractéristiques d’une décision raisonnable — la justification, la transparence et l’intelligibilité — et si elle est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci : Vavilov, au para 99. La forme rigoureuse du contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable qui est décrite dans l’arrêt Vavilov reconnaît que ce qui est raisonnable dans une situation donnée dépendra toujours des contraintes qu’impose le contexte juridique et factuel de la décision particulière : Vavilov, aux para 90, 105. Les contraintes contextuelles dictent les limites et les contours de l’espace à l’intérieur duquel le décideur peut agir, ainsi que les types de solution qu’il peut retenir : ibidem. La partie qui conteste la décision a le fardeau d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

[48] Les demandeurs soutiennent que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique au contrôle auquel la Cour soumet les décisions du ministre, à une exception près. Ils soutiennent que, lorsque la Cour contrôle la manière dont le ministre aborde des questions fondées sur la Charte, elle devrait adopter la norme de contrôle de la décision correcte pour une partie de l’analyse. Le ministre n’est pas d’accord, et il soutient que la norme de contrôle qui s’applique à toutes les questions en litige dans la présente demande, y compris celles qui sont fondées sur la Charte, est la décision raisonnable.

[49] Les deux parties ont traité de manière assez détaillée de la norme qui s’applique à un contrôle fondé sur la Charte, et j’ai l’intention de traiter de cette question ci‐après, dans le contexte des arguments relatifs à la Charte qu’invoquent les parties. Dans la présente section, je dirai simplement que, d’après moi, la norme de contrôle qui s’applique à toutes les questions soulevées en l’espèce, y compris dans le cas d’un contrôle fondé sur la Charte, devrait être la décision raisonnable; toutefois, l’issue de la présente demande ne dépend pas de la norme de contrôle appliquée.

  1. La deuxième question principale : les décisions du ministre sont‐elles déraisonnables?

[50] Les demandeurs mentionnent que les décisions du ministre soulèvent cinq problèmes, et ils allèguent que chacun d’eux comporte un motif suffisant pour infirmer ces décisions. Ils allèguent ce qui suit : 1) le ministre n’a pas traité de manière significative de trois arguments fondamentaux selon lesquels un essai clinique n’était pas la solution qui convenait pour atteindre les buts que visait la formation des praticiens, 2) il n’a pas tenu compte de la preuve du Bureau des essais cliniques qu’il serait impossible de soumettre à un essai clinique le programme de formation de TheraPsil, 3) il a fait de vagues déclarations au sujet de la formation expérientielle, rendant ainsi les décisions inintelligibles et non transparentes, et il a fait montre d’une incompréhension fondamentale de la preuve et a omis de prendre en compte des éléments de preuve pertinents, 4) il s’est fondé sur une conclusion déraisonnable, à savoir que l’exemption prévue à l’article 56 créerait des risques inacceptables et qu’un essai clinique les atténuerait, et 5) il a omis de mettre en balance l’atteinte aux droits garantis par l’article 7 de la Charte aux PS et aux patients ainsi que les objectifs de la loi, ou même de prendre acte des arguments fondés sur la Charte.

[51] Le ministre soutient que le paragraphe 56(1) de la LRCDAS confère un vaste pouvoir discrétionnaire, ainsi qu’une latitude considérable dans la manière de l’exercer : Canada (Procureur général) c PHS Community Services Society, 2011 CSC 44 [PHS] au para 112. Le ministre ajoute qu’il n’existe aucun droit à une exemption; il peut refuser une exemption en se fondant sur son opinion, tant que la décision est raisonnable et reflète une mise en balance proportionnée des droits et des valeurs que la Charte garantit ainsi que des objectifs que prévoit la loi. Pour ce qui est des décisions en litige, le ministre dit avoir formé l’opinion que l’exemption prévue à l’article 56 n’était pas nécessaire pour « des raisons d’intérêt public, notamment des raisons médicales ou scientifiques », puisqu’il était possible de recourir à un essai clinique. Il n’a pas accepté l’idée que les PS avaient besoin de consommer de la psilocybine pour pouvoir offrir une psychothérapie assistée par psilocybine à des patients de manière sûre et efficace.

[52] Le ministre déclare que les demandeurs ne sont pas d’accord avec ses conclusions et cherchent à débattre à nouveau de questions scientifiques et médicales liées à la psychothérapie assistée par psilocybine, telle que les risques associés à l’acquisition ainsi qu’à la consommation de psilocybine, des questions d’ordre déontologique entourant les essais cliniques et le fait de savoir si une formation expérientielle est nécessaire et améliore les résultats qu’obtiennent les patients. Pour contrôler une décision prise en vertu du paragraphe 56(1) de la LRCDAS, il n’appartient pas à la Cour de régler ou de trancher des débats scientifiques et médicaux : Vavilov, au para 125.

[53] Le ministre déclare qu’il n’était pas tenu de fournir des motifs formels et que, de toute façon, ses motifs étaient aussi complets qu’il le fallait dans les circonstances. Il n’est pas nécessaire que des motifs administratifs soient parfaits, qu’ils traitent de chaque argument invoqué ou qu’ils tirent une conclusion explicite sur chaque élément constitutif qui mène à la conclusion tirée : Vavilov, aux para 91, 92, 127, 128.

  • (1)Le ministre a‐t‐il omis de traiter de manière significative des arguments fondamentaux concernant l’inapplicabilité d’un essai clinique?

[54] Les demandeurs déclarent que le ministre n’a pas traité de manière significative des trois arguments fondamentaux selon lesquels un essai clinique n’était pas l’option qui convenait pour atteindre les buts que visait la formation de praticiens : un essai clinique n’est pas disponible rapidement et causerait des délais, les effets de la psilocybine sur des sujets humains en bonne santé sont déjà connus, et il serait contraire à l’éthique de procéder à un essai clinique pour la formation de thérapeutes sans avoir un sujet de recherche précis, un essai clinique n’est pas compatible avec les objectifs de la formation, et de nombreux éléments d’un plan d’essai clinique pourraient faire obstacle aux objectifs de formation des participants. Les demandeurs soutiennent que le ministre a simplement résumé ses arguments et tiré une conclusion péremptoire, ce qui est insuffisant : Vavilov, au para 102; Paul c Canada (Procureur général), 2022 CF 1157 aux para 32‐34. Ils déclarent que, bien qu’il existe dans la décision un certain nombre de paragraphes qui portent sur les essais cliniques, ils ne traitent pas réellement des arguments fondamentaux des PS. Par exemple, la recommandation du ministre selon laquelle TheraPsil devrait revoir sa position sur la tenue d’un essai clinique est simplement un moyen d’exprimer son désaccord, et sa déclaration selon laquelle Santé Canada a répondu rapidement aux demandes de réunion ne règle pas les préoccupations relatives aux délais. Dans le même ordre d’idées, les commentaires du ministre sur les efforts faits par Santé Canada pour encourager la tenue d’essais cliniques ainsi que sur les avantages d’essais cliniques étudiant l’efficacité de la psychothérapie assistée par psilocybine chez des patients ne répondent pas aux arguments relatifs aux essais cliniques qui mettent en cause des praticiens, et ces commentaires sont peu pertinents. Les motifs doivent être justifiés, pas seulement justifiables, et le fait de ne pas s’attaquer à des arguments fondamentaux constitue une erreur susceptible de contrôle : Vavilov, aux para 86, 128.

[55] Le ministre déclare que, bien que les décisions ne répondent pas de manière explicite à chacun des trois arguments qu’invoquent les PS, elles en traitent. La conclusion selon laquelle l’obligation de TheraPsil de suivre une formation expérientielle est un choix, pas une nécessité, répond aux arguments voulant qu’un essai clinique soit contraire à l’éthique et fasse obstacle aux objectifs de formation. Le ministre a signalé que des fournisseurs pouvaient suivre une formation en psychothérapie assistée par des substances psychédéliques sans consommer eux‐mêmes de la psilocybine, et que les PS n’avaient donc pas établi qu’une formation expérientielle était nécessaire. Quoi qu’il en soit, TheraPsil pourrait demander la tenue d’un essai clinique, ce qui donnerait accès à de la psilocybine à des fins de formation par une voie légale. Le ministre dit que les décisions expliquent comme il faut cette voie réglementaire, de même que l’évolution de cette dernière, puisque l’exemption a été antérieurement accordée à 19 reprises à des praticiens – cela répond au « fardeau » d’expliquer un écart par rapport à une pratique antérieure : Vavilov, au para 131. Le ministre déclare que, bien que les demandeurs préfèrent éviter la voie d’un essai clinique et obtenir plutôt l’exemption, il est raisonnablement persuadé que cette exemption n’est pas nécessaire pour des raisons d’intérêt public, notamment des raisons médicales ou scientifiques.

[56] Je suis d’avis que les demandeurs n’ont pas établi qu’une erreur susceptible de contrôle avait été commise en raison d’une omission de traiter des trois arguments relatifs à l’applicabilité d’un essai clinique. Le ministre en a traité de manière adéquate.

[57] Comme il a été signalé plus tôt, le ministre avait à décider si l’exemption prévue à l’article 56, qui autoriserait des PS à posséder et à consommer de la psilocybine dans le cadre de la formation dispensée par TheraPsil, était nécessaire pour des raisons d’intérêt public, notamment des raisons médicales ou scientifiques. Il a conclu que l’exemption n’était pas nécessaire, parce que le RAD offre aux PS le choix de prendre part à un essai clinique. Il a expliqué que l’autorisation récente, par Santé Canada, d’un essai clinique portant sur la consommation de psilocybine par des professionnels de la santé à des fins de formation montrait qu’un essai clinique était une option réglementaire faisable.

[58] Les arguments des PS, à savoir qu’un essai clinique ne serait pas une option assez rapide, respectueuse de l’éthique ou compatible avec des objectifs de formation, tiennent pour acquis qu’il est nécessaire de suivre une formation expérientielle. Ce n’est pas ce qui ressort de la preuve. Les conclusions que le ministre a tirées, à savoir qu’aucune preuve clinique examinée par des pairs n’établissait que les PS devaient consommer une drogue psychédélique pour savoir ce que ressentaient les patients et que, bien que le programme de formation de TheraPsil ait obligé les stagiaires à consommer de la psilocybine, cela n’était pas obligatoire pour que des thérapeutes offrent une psychothérapie assistée par psilocybine, répondent entièrement aux arguments qu’invoquent les PS.

[59] Il était loisible au ministre de tirer les conclusions auxquelles il est arrivé, et elles sont confirmées par le dossier. TheraPsil ne réglemente pas les professionnels de la santé ou ne leur délivre pas un permis d’exercice. Les médecins, les psychologues, les infirmières ou infirmiers, les travailleuses sociales ou travailleurs sociaux, les conseillères ou conseillers et d’autres professionnels de la santé réglementés qui ont présenté une demande d’exemption sont agréés par leurs organismes de réglementation respectifs. La mesure dans laquelle chaque PS interviendrait dans l’administration d’une psychothérapie assistée par psilocybine à des patients serait limitée par leurs titres de compétence ainsi que les services de santé qu’ils sont autorisés à fournir. Ainsi, une médecin à qui a été accordée l’une des exemptions prévues à l’article 56 antérieures et qui a suivi le programme de formation de TheraPsil écrit ce qui suit dans son affidavit : [traduction] « N’étant pas une thérapeute spécialement formée, je m’en remets à des thérapeutes pour soutenir les patients qui suivent une psychothérapie assistée par psilocybine. » En outre, les observations que les PS ont soumises au ministre mentionnent que TheraPsil a [traduction] « autorisé » 10 praticiens n’ayant pas obtenu l’exemption prévue à l’article 56 et n’ayant pas suivi une formation expérientielle à soigner des patients sans être supervisés par un instructeur du programme de formation. Selon la preuve de TheraPsil, elle a été contrainte de prendre cette décision, [traduction] « parce que, dans bien des cas, l’autre option est une absence totale de traitement ». Néanmoins, TheraPsil a pris cette décision [traduction] « après avoir procédé à un processus exhaustif d’évaluation et de filtrage », et elle s’est dite [traduction] « confiante que ce processus garanti[ssait] que le traitement [était] sûr et efficace ». Le point qui préoccupait TheraPsil était qu’en raison d’un manque de formation expérientielle, des patients [traduction] « [pouvaient] être soumis à un traitement moins qu’optimal ».

[60] Le ministre n’a pas omis de répondre à l’argument voulant qu’une étude clinique fasse obstacle aux objectifs de formation; il a conclu que la preuve ne corroborait pas l’objectif de formation qui consistait à consommer une drogue psychédélique afin de pouvoir savoir ce que ressentait le patient. Bien que les demandeurs soutiennent que les essais cliniques ne sont pas conçus pour répondre à une question au sujet de laquelle il existe déjà un consensus scientifique, le ministre n’a pas souscrit à l’idée qu’il existait un tel consensus. Il a recommandé que TheraPsil revoie sa position face à la tenue d’un essai clinique, afin de mettre au point un plan d’essai clinique approprié qui permettrait de mieux comprendre les divers effets de la psilocybine sur l’humain.

[61] Les demandeurs font valoir que, si le ministre s’était fié uniquement à la conclusion que des PS n’avaient pas besoin de prendre eux-mêmes de la psilocybine pour dispenser une psychothérapie assistée par psilocybine, il n’aurait pas été obligé de répondre aux arguments concernant le caractère inapplicable d’un essai clinique. Ils disent qu’étant donné que le ministre a maintenu qu’un essai clinique était une option réglementaire faisable et que c’était cette voie que ces PS devraient suivre, il était obligé de traiter des arguments qui se rapportaient directement à la question.

[62] Je ne suis pas d’accord. Le raisonnement qu’a suivi le ministre quant à la nature de la preuve existante en faveur d’une formation expérientielle n’est pas un motif distinct qui justifie son rejet. Il est lié de très près à son raisonnement concernant la voie de l’essai clinique, et il l’étaye. Les PS ont demandé l’exemption pour avoir accès à des champignons contenant de la psilocybine, en vue de suivre une formation professionnelle, de manière à dispenser une [traduction] « formation de la meilleure qualité possible » à des professionnels de la santé. Le ministre a conclu que la preuve à l’appui de la formation expérientielle était lacunaire, et il a offert l’option d’étoffer cette preuve au moyen d’un essai clinique qui permettrait de vérifier, d’une manière scientifiquement rigoureuse, si une formation expérientielle avait une incidence sur la sûreté ou l’efficacité d’une psychothérapie assistée par psilocybine. La voie de l’essai clinique n’a pas besoin d’atteindre des objectifs de formation ou d’offrir une expérience qui équivaut à celle du programme de formation de TheraPsil pour être une solution de rechange viable à l’exemption prévue à l’article 56 que demandaient les PS.

[63] J’ajouterais que les préoccupations que suscite le manque de preuve n’étaient pas nouvelles. Des courriels envoyés en août et en novembre 2020 (en lien avec les demandes d’exemption antérieures de 19 praticiens) exprimaient également des doutes à propos du manque de preuve à l’appui d’un usage thérapeutique de la psilocybine, et ils faisaient état de la nécessité de mener des études d’essai clinique pour étoffer la preuve et étudier les résultats du modèle de formation de TheraPsil. Le Bureau des essais cliniques avait offert de conseiller TheraPsil sur le processus d’essai clinique, s’il advenait que cette option l’intéresse plus tard.

[64] En résumé, les décisions répondent d’une manière complète aux arguments voulant qu’un essai clinique ne convienne pas à la formation de thérapeutes, et le ministre n’était pas tenu de répondre séparément à chacun des arguments des PS.

  • (2)Le ministre a‐t‐il commis une erreur en omettant de prendre en compte la preuve du BEC qui contredisait sa conclusion?

[65] Les demandeurs soutiennent que le ministre a omis de prendre en compte la preuve du Bureau des essais cliniques (le BEC) selon laquelle l’exécution d’un essai clinique pour le programme de formation de TheraPsil était impossible. Ils soulignent le courriel d’août 2020, qui exprime les doutes et l’opinion du BEC selon laquelle la tenue d’un essai clinique n’est pas possible pour la situation que demande TheraPsil. Les demandeurs déclarent que le ministre était tenu de traiter de cette preuve, parce qu’elle contredisait sa conclusion : Cepeda‐Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 CF F-66; [1998] ACF no 1425 au para 17; Vavilov, au para 126.

[66] Le ministre fait valoir qu’il n’était pas tenu de traiter précisément de cette preuve, car l’opinion du BEC a évolué entre les mois d’août et de novembre 2020, et que ce fait a été communiqué à TheraPsil. Dans le courriel de novembre 2020, il est déclaré qu’il y aurait des façons de concevoir un essai clinique qui étudierait les résultats du modèle de formation, et le BEC a offert de travailler avec TheraPsil à la conception d’un essai clinique efficace.

[67] Les demandeurs rétorquent qu’il ne ressort pas clairement du courriel de novembre 2020 que le BEC était revenu sur sa position antérieure et que, si le ministre privilégiait la position antérieure du BEC, il aurait fallu qu’il le dise dans ses motifs. La présence d’une preuve qui étaye la conclusion du ministre ne dispense pas ce dernier de l’obligation de traiter d’une preuve contradictoire.

[68] Je conviens avec les demandeurs qu’il n’est pas évident que la position du BEC décrite dans le courriel de novembre 2020 représente une rétractation ou, comme l’a dit le ministre, une évolution de la position adoptée par le BEC en août 2020. À cette date le BEC était d’avis qu’un essai clinique n’était pas possible [traduction] « pour la situation que demand[ait] TheraPsil ». Le BEC a exprimé un certain nombre de doutes à cet égard, notamment le fait que des médecins se traitaient eux‐mêmes et s’auto‐prescrivaient des drogues contrôlées, la nécessité que les praticiens s’abstiennent de traiter des patients jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de drogue dans leur organisme, et une préférence pour des études ayant recours à de la psilocybine synthétique, conforme aux BPF, à la place de champignons. Le BEC a également déclaré qu’il serait contraire à l’éthique que des chercheurs [traduction] « passent » du stade de l’observation à celui de la participation, à moins de souffrir de l’affection traitée. Ces doutes visaient la proposition précise de TheraPsil, et il n’est pas évident que le BEC avait changé de position en novembre 2020 quand il a déclaré qu’il existait des façons de concevoir un essai clinique en vue d’étudier les résultats d’un modèle de formation expérientielle et a offert de la conseiller à cet égard.

[69] Cependant, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que la position adoptée par le BEC en 2020 contredisait les décisions du ministre et que, pour cette raison, il n’était pas tenu d’en traiter en tant que preuve contradictoire. La déclaration du ministre selon laquelle un essai clinique peut être une voie réglementaire appropriée pour atteindre le but des PS ne représente pas un écart par rapport à la position adoptée par le BEC en 2020, à savoir que, s’il était vrai que la proposition de TheraPsil était problématique, un essai clinique permettrait d’étudier un modèle de formation expérientielle. Le ministre a encouragé les PS à revoir leur position selon laquelle un essai clinique ne conviendrait pas à leurs fins et à entrer en contact avec le BEC pour obtenir des conseils sur la manière d’établir un plan d’essai clinique approprié. Le message envoyé à TheraPsil depuis 2020 n’a pas changé – il existe des façons de concevoir un essai clinique pour étudier un modèle de formation expérientielle, et le BEC est disposé à apporter son aide.

[70] Le ministre a également expliqué pourquoi la voie de l’essai clinique était maintenant plus accessible depuis 2020. Il a décrit les initiatives qui avaient été prises pour inciter à mener des recherches sur la psilocybine dans le cadre d’un essai clinique, et il a ajouté qu’elles fonctionnaient. Des essais cliniques avaient bel et bien lieu. Santé Canada avait, en peu de temps, autorisé 10 nouveaux essais cliniques sur la psilocybine, dont un conçu expressément pour la consommation de psilocybine par des professionnels de la santé à des fins de formation.

[71] Les demandeurs n’ont pas établi que les décisions du ministre ne concordaient pas avec la position adoptée par le BEC en 2020 au sujet d’un essai mené par TheraPsil, et le ministre n’était donc pas tenu de traiter des déclarations faites par le BEC en 2020 en tant que preuve contradictoire.

  • (3)Le ministre a‐t‐il commis une erreur en faisant de vagues déclarations au sujet de la formation expérientielle, rendant ainsi les décisions inintelligibles et non transparentes, et en faisant montre d’une incompréhension fondamentale de la preuve et en omettant de prendre en compte des éléments de preuve pertinents?

[72] Les demandeurs soutiennent qu’au dixième paragraphe des décisions, le ministre [traduction] « change de sujet », passant de la voie de l’essai clinique à la nécessité de suivre une formation expérientielle. Dans ce paragraphe, le ministre qualifie la preuve de TheraPsil de preuve anecdotique et d’opinions, et il déclare que d’autres thérapeutes sont capables d’offrir une thérapie assistée par psilocybine sans avoir suivi une formation expérientielle. Les demandeurs affirment que les décisions n’expliquent pas les conclusions que tire le ministre de ces faits, ou si celui-ci s’est fondé sur les faits, ou sur toute conclusion qu’il en a tirée, pour arriver à sa décision ultime. Ils disent que, de ce fait, les décisions ne sont pas transparentes ou intelligibles.

[73] Les demandeurs affirment aussi que toute conclusion non exprimée ou implicite selon laquelle il n’est pas nécessaire d’avoir suivi une formation expérientielle pour dispenser la forme de traitement la plus sûre ou la plus efficace possible serait déraisonnable, car le ministre a fondamentalement mal compris la preuve et a omis de prendre en compte des éléments de preuve pertinents. Ils soutiennent que le ministre a mal qualifié la preuve concernant la formation expérientielle, disant qu’elle était formée uniquement [traduction] « d’expériences anecdotiques et d’opinions de la part de professionnels de la santé particuliers », alors que la preuve comprenait deux articles scientifiques examinés par des pairs : l’un exposant les conclusions d’un comité d’experts formé de six membres après avoir mené une revue de littérature et de vastes consultations, et un autre fondé sur une revue de littérature recensant plus de 150 publications couvrant une période de sept décennies. De plus, le ministre a omis de prendre en compte des lettres d’expert incluses dans le dossier qui soutenaient des demandes d’exemption, ainsi que des opinions d’experts que Santé Canada avait consultés en 2020 et qui [traduction] « dénotaient fortement qu’il [était] nécessaire de faire soi-même l’expérience de la psilocybine pour guider de manière sûre les patients pendant les séances de traitement ».

[74] Les demandeurs déclarent que le ministre s’est écarté sans justification de sources internes établies, en ce sens qu’il a autorisé antérieurement 19 demandes d’exemption pour consommer de la psilocybine à des fins de formation, parce que [traduction] « cela permettrait aux [praticiens de la santé] d’améliorer leurs connaissances sur la psychothérapie assistée par psilocybine et de mieux soutenir les patients ».

[75] Le ministre soutient ne pas avoir fait abstraction de la preuve des demandeurs – il en a pris acte et a expliqué pourquoi elle était insuffisante. Il soutient qu’il a passé en revue et apprécié cette preuve et que la conclusion qu’il en a tirée est différente de ce que font valoir les demandeurs. La Cour ne devrait pas apprécier à nouveau la preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Vavilov, au para 125.

[76] Je ne suis pas convaincue que la manière dont le ministre a apprécié la preuve est erronée de quelque manière. Ses déclarations au sujet de la formation expérientielle sont transparentes et intelligibles, et elles justifient les décisions qu’il a rendues.

[77] Dans ses décisions, le ministre a fait expressément référence à la preuve concernant la formation expérientielle, y compris les lettres d’expert, et je conviens avec lui qu’il ressort du dossier que la preuve de TheraPsil a été examinée et appréciée. Des rapports sur les données de sûreté et d’efficacité concernant la psilocybine, ses usages et ses risques cliniques, de même qu’une note de service résumant la preuve de TheraPsil ainsi que ses observations, ont été établis à l’intention du ministre, et ces documents paraissent exhaustifs.

[78] Les demandeurs n’ont pas établi que le ministre s’était mépris de quelque manière sur la nature ou la qualité de la preuve étayant la position de TheraPsil, au sujet de la formation expérientielle. Je ne suis pas convaincue que le ministre a mal qualifié la preuve en disant qu’elle était formée d’expériences anecdotiques et d’opinions de la part de professionnels de la santé particuliers. Dans la note de service établie à l’intention du ministre, il a été mentionné que la preuve servant de fondement à la consommation de psilocybine par des thérapeutes se rangeait en deux catégories : des éléments de preuve anecdotiques et des opinions, ainsi que des articles scientifiques. La note de service a signalé que des recherches que TheraPsil avait fournies [traduction] « [n’étaient] pas une preuve clinique examinée par des pairs, et la qualité de la preuve ne se situ[ait] pas non plus très haut dans la hiérarchie de la pyramide de la preuve ». Même si les experts que Santé Canada a consultés en rapport avec les 19 demandes d’exemption antérieures [traduction] « dénotaient fortement » qu’il était nécessaire de faire soi-même l’expérience de la psilocybine pour pouvoir guider d’une manière sûre les patients pendant les séances de traitement, Santé Canada a exprimé des doutes à propos du manque de preuve à l’appui des usages thérapeutiques de la psilocybine. Comme il a été signalé plus tôt, même en 2020, Santé Canada a indiqué qu’il était nécessaire de réaliser des études dans le cadre d’essais cliniques pour étoffer la preuve et étudier les résultats du modèle de formation de TheraPsil. À mon avis, le ministre a décrit la preuve d’une manière exacte.

[79] Le ministre n’a pas conclu, comme le laissent entendre les demandeurs, qu’il n’était pas nécessaire de suivre une formation expérientielle pour dispenser la forme de traitement la plus sûre et la plus efficace possible, et une telle conclusion ne peut être implicite. La conclusion du ministre était que la preuve disponible n’établissait pas que des professionnels de la santé avaient besoin de faire eux-mêmes l’expérience d’une drogue psychédélique. Il a expliqué de quelle manière la preuve pouvait être étoffée. Il ne s’agissait pas d’un changement de sujet, mais plutôt d’un élément de la raison pour laquelle le ministre avait décidé de rejeter les demandes des PS, vu l’existence de l’option de l’essai clinique.

[80] Le ministre ne s’est pas écarté de sources internes sans justification. L’exemption prévue à l’article 56 est de nature discrétionnaire et factuelle. Les exemptions accordées antérieurement à des praticiens ne représentent pas une source interne établie ou une pratique de longue date, surtout que le BEC avait fait état du besoin de mener [traduction] « une étude clinique aveugle, assortie de mécanismes de contrôle appropriés et de la supervision d’un comité d’éthique en recherche », de manière à étoffer la preuve, et qu’il avait offert de conseiller TheraPsil sur le déroulement de l’essai clinique. De plus, même une décision qui s’écarte d’une pratique de longue date ou d’une jurisprudence interne établie sera raisonnable si cet écart est justifié : Vavilov, au para 131. Dans les décisions, le ministre explique que la situation a changé depuis qu’il a accordé, deux ans plus tôt, 19 exemptions à des praticiens. Depuis ce temps, Santé Canada a progressé dans ses efforts pour étoffer la preuve servant de fondement à l’usage de la psilocybine dans le cadre d’essais cliniques, dont l’autorisation de plusieurs nouveaux essais cliniques.

  • (4)Le ministre a‐t‐il conclu déraisonnablement que l’exemption prévue à l’article 56 créerait des risques inacceptables et qu’un essai clinique les atténuerait?

[81] Les demandeurs soutiennent que la conclusion du ministre, à savoir que l’octroi de l’exemption prévue à l’article 56 créerait, sur le plan de la santé et de la sûreté, des risques inacceptables qu’un essai clinique atténuerait, est déraisonnable et qu’elle représente un écart par rapport aux décisions antérieures qui ont accordé l’exemption à des praticiens. Ils soutiennent que la seule preuve de risque sur le plan de la santé et de la sûreté que l’on trouve dans le dossier a trait à la consommation de psilocybine en dehors d’un cadre clinique et que les PS inscrits au programme de formation de TheraPsil consommeraient de la psilocybine dans un cadre clinique. Ils ajoutent que le ministre n’a pas traité des observations réfutant directement la prétention selon laquelle un essai clinique présenterait des avantages importants en matière de sûreté, par rapport à l’octroi de l’exemption prévue à l’article 56.

[82] Le ministre soutient que la preuve dont il disposait étaye la conclusion que les demandes d’exemption présenteraient un risque pour la santé et la sûreté du public. Dans les résumés de preuve qui ont été établis pour le ministre, il est signalé que la consommation de psilocybine s’accompagne de risques comprenant une augmentation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle, des [traduction] « rappels éclairs » et un danger de [traduction] « mauvais voyages » susceptibles de mener à un comportement à risque, des lésions traumatisantes, voire la mort. Il y avait une preuve que la force des [traduction] « champignons magiques » pouvait varier considérablement et que, contrairement aux études cliniques ayant recours à de la psilocybine de qualité pharmaceutique, il est difficile d’estimer la dose que l’on prend quand on consomme des champignons. De plus, les PS proposent d’obtenir des champignons d’une source inconnue et illégale. Les demandes d’exemption des PS sollicitent la [traduction] « dignité de prendre un risque » et d’obtenir les champignons d’une source de confiance dont ils disposent.

[83] À mon avis, le dossier étayait raisonnablement les risques possibles pour la santé et la sûreté que le ministre a mentionnés, notamment ceux associés à l’obtention et à la consommation de psilocybine de source illégale, par opposition à l’obtention de psilocybine par la voie d’un essai clinique. Les demandeurs n’ont pas établi que le ministre avait conclu erronément que le fait de consommer de la psilocybine dans le contexte d’un essai clinique pouvait offrir plus de protection aux PS, en veillant à ce que la psilocybine soit conforme aux BPF et administrée d’une manière conforme à des normes déontologiques, médicales et scientifiques nationales et internationales.

[84] Le ministre n’a pas conclu de manière déraisonnable que l’exemption prévue à l’article 56 créerait des risques inacceptables et, pour les raisons mentionnées plus tôt, il ne s’est pas écarté de manière déraisonnable des décisions antérieures par lesquelles il avait accordé à des praticiens l’exemption prévue à l’article 56.

  • (5)Le ministre a‐t‐il omis de mettre en balance l’atteinte aux droits garantis par l’article 7 de la Charte et l’objectif de la loi, ou omis déraisonnablement de traiter des arguments des demandeurs fondés sur la Charte?

[85] Les demandeurs soutiennent que, dans leurs observations au ministre, ils ont soulevé directement la question de l’atteinte aux droits garantis par l’article 7 de la Charte aux PS et aux patients, mais qu’il n’a pourtant pas traité du fait de savoir si la Charte s’appliquait. Le ministre était tenu de mettre en balance les valeurs consacrées par la Charte et les objectifs de la LRCDAS, et il ne l’a pas fait. Ils soutiennent que, parmi les cinq problèmes mentionnés, il s’agit là de l’erreur la plus évidente du ministre.

[86] Pour contrôler si une décision de nature administrative est conforme à la Charte, la Cour se doit d’appliquer une approche à deux volets. Le premier volet l’oblige à déterminer si la décision faisant l’objet d’un contrôle engendre l’application de la Charte en limitant une des protections que celle-ci garantit. Si c’est le cas, le second volet oblige à examiner si le décideur, en exerçant son pouvoir discrétionnaire, a soupesé adéquatement la protection applicable de la Charte et les objectifs de la loi : Doré c Barreau du Québec, 2012 CSC 12 [Doré] au para 57; voir aussi École secondaire Loyola c Québec (Procureur général), 2015 CSC 12 [Loyola] au para 39, et Law Society of British Columbia c Trinity Western University, 2018 CSC 32 au para 28.

[87] Les demandeurs soutiennent que la norme de contrôle qui s’applique au premier volet de l’analyse que prévoit le cadre de l’arrêt Doré est une question non réglée et, font‐ils valoir, la Cour se doit d’appliquer la norme de la décision correcte. À cet égard, ils invoquent la décision Robinson c Canada (Procureur général), 2020 CF 942 [Robinson CF], dans laquelle notre Cour a adopté la norme de la décision correcte pour le premier volet du cadre énoncé dans l’arrêt Doré : Robinson CF, aux para 42, 59, citant l’arrêt Canadian Broadcasting Corporation v Ferrier, 2019 ONCA 1025 [Ferrier]. Pour ce qui est du second volet que prévoit le cadre énoncé dans l’arrêt Doré, les demandeurs soutiennent que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable.

[88] Les demandeurs sont toutefois d’avis qu’il n’est pas strictement nécessaire de se prononcer sur la question de la norme de contrôle, et qu’il n’est pas obligatoire de procéder à l’analyse complète que prescrit l’arrêt Doré si le décideur n’a nullement traité de la question relative à la Charte. Ils ajoutent que les décisions sont automatiquement déraisonnables, parce que les observations faites au ministre soulevaient directement, à titre d’argument fondamental, l’effet qu’aurait un rejet sur les droits conférés par l’article 7 de la Charte aux PS et aux patients et que les décisions du ministre n’ont nullement traité de la question relative à la Charte. Tout défaut inexpliqué de traiter de la question de savoir si l’application de la Charte est déclenchée ne peut résister à un contrôle effectué selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Procureur général) c Robinson, 2022 CAF 59 [Robinson CAF] au para 28. Les demandeurs font valoir que, même si la décision du ministre est par ailleurs raisonnable, celui‐ci était tenu de traiter de la question relative à la Charte. Selon eux, même si les conclusions tirées par le ministre à propos de la voie de l’essai clinique et de la formation expérientielle sont raisonnables, cela ne le dispensait pas de l’obligation d’analyser une atteinte à la Charte par suite d’un délai dans le traitement de patients ou du fait que des patients recevraient un traitement moins sûr et moins efficace d’un praticien qui n’aurait pas suivi une formation expérientielle.

[89] Le ministre ne souscrit pas à la thèse des demandeurs au sujet de la norme de contrôle applicable et il soutient que toutes les questions que suscite la présente demande doivent être contrôlées selon la norme de la décision raisonnable. Il est présumé que la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable, et aucune des exceptions qui justifient la norme de la décision correcte ne s’applique à la présente demande – par exemple, les demandeurs ne contestent pas la validité constitutionnelle des dispositions législatives, pas plus qu’ils ne soulèvent des questions d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble : Vavilov, aux para 57, 62. Pour ce qui est de la décision Robinson CF, le ministre soutient que, dans l’arrêt Robinson CAF, la Cour d’appel fédérale s’est abstenue de faire des commentaires sur la démarche suivie par la Cour fédérale à l’égard du cadre énoncé dans l’arrêt Doré, et elle a expressément refusé de décider s’il convenait d’adopter la démarche suivie dans la décision Robinson CF et l’arrêt Ferrier pour le premier volet prévu par le cadre énoncé dans l’arrêt Doré : Robinson CAF, au para 29.

[90] Le ministre soutient que, lorsque la Cour est tenue de contrôler une décision administrative discrétionnaire qui met en jeu des droits garantis par la Charte, la démarche appropriée l’oblige à examiner si cette décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits protégés par la Charte qui sont en jeu et du mandat législatif applicable : Doré, au para 57. Cet exercice consiste à examiner (i) si, et dans quelle mesure, une décision administrative met en jeu les droits que protège la Charte, et (ii) si la décision administrative est le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits protégés par la Charte et du mandat législatif pertinent : Doré, aux para 57, 58. Le ministre déclare que, pour l’application de la démarche exposée dans l’arrêt Doré, la Cour n’apprécie pas l’opinion du décideur quant au fait de savoir si un droit protégé par la Charte est en jeu ou non, et qu’elle ne devrait pas exclure artificiellement une question distincte dont le décideur doit traiter et qu’il doit [traduction] « régler correctement », selon la norme de contrôle de la décision correcte. La démarche appropriée examine si les droits protégés par la Charte entrent en jeu lors du contrôle du caractère raisonnable de la décision dans son ensemble.

[91] En appliquant ces principes à l’affaire, le ministre soutient que ses décisions de refuser l’exemption prévue à l’article 56 ne mettent pas en jeu des droits protégés par la Charte et que la jurisprudence qu’invoquent les demandeurs se distingue de la présente espèce. Toutefois, selon lui, même si des droits protégés par la Charte sont en jeu, il ressort des décisions qu’il a pris en compte les arguments selon lesquels une décision défavorable aurait une incidence sur des droits protégés par la Charte, et que les décisions sont le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits protégés par la Charte en cause et des objectifs législatifs de la LRCDAS. Le ministre déclare qu’il était au fait des questions relatives à la Charte qui ont été présentées et qu’il s’y est attaqué en traitant des effets des décisions qui étaient susceptibles de faire entrer en jeu l’article 7 de la Charte. Le défaut de faire expressément référence à la Charte ne rend pas les décisions déraisonnables : Ktunaxa Nation c Colombie‐Britannique (Forests, Lands and Natural Resource Operations), 2017 CSC 54 [Ktunaxa] au para 139.

  • a)La norme de contrôle applicable est la décision raisonnable

[92] Je conviens avec le ministre que la décision raisonnable est la norme de contrôle qui s’applique aux questions que soulèvent les demandeurs en l’espèce.

[93] Les arguments des demandeurs ne me convainquent pas qu’il me faut suivre la démarche relative à la norme de contrôle applicable qu’a adoptée la Cour dans la décision Robinson CF. Dans celle‐ci, le demandeur s’était fondé sur l’arrêt rendu par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Ferrier pour faire valoir que la norme de contrôle de la décision correcte s’appliquait dans les cas où un décideur administratif refusait – ou omettait – de prendre en considération un droit applicable que protégeait la Charte : Robinson CF, au para 39, citant Ferrier,aux para 34‐38. Dans la décision Robinson CF, la Cour a admis que l’arrêt Ferrier étayait la position du demandeur selon laquelle la question de savoir si un droit protégé par la Charte avait une incidence sur une décision administrative était régie par la norme de la décision correcte. Cependant, la Cour a aussi fait remarquer que ce principe « représent[ait] sans doute une évolution par rapport à l’arrêt Doré ».

[94] En fin de compte, le résultat auquel a mené la décision Robinson CF n’a pas été fondé sur l’application de la norme de contrôle de la décision correcte : Robinson CF au para 71. En outre, comme le signale avec raison le ministre, la Cour d’appel fédérale a refusé de décider s’il lui fallait adopter la démarche relative à la norme de contrôle applicable qui était énoncée dans la décision Robinson CF et l’arrêt Ferrier : Robinson CAF, au para 29. Dans l’arrêt Robinson CAF, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision rendue en première instance, mais elle l’a fait en appliquant la norme de contrôle de la décision raisonnable – en concluant que l’omission du décideur de répondre à une question formulée par le demandeur dans les circonstances où il s’attendait à obtenir une réponse était déraisonnable : Robinson CAF, au para 28, citant Vavilov, aux para 81, 86.

[95] La Cour d’appel fédérale a fait remarquer dans l’arrêt Robinson CAF qu’un décideur n’avait pas à tenir compte de la Charte dans chaque décision qu’il rendait : Robinson CAF, au para 28, citant l’arrêt Loyola, au para 4. Le cadre énoncé dans l’arrêt Doré est un cadre de contrôle que les tribunaux doivent appliquer, et je conviens avec le ministre qu’en appliquant ce cadre, la Cour ne devrait pas exclure une question distincte dont un décideur administratif doit traiter et qui est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte.

[96] Les parties conviennent que, lorsqu’une décision fait entrer en jeu la Charte, la question de la mise en balance proportionnée que prévoit le second volet du cadre énoncé dans l’arrêt Doré appelle l’application de la norme de la décision raisonnable. La CSC a décrété que, lorsque des valeurs consacrées par la Charte étaient appliquées à une décision administrative particulière, elles étaient appliquées relativement à un ensemble précis de faits et, dans un tel cas, la retenue s’imposait : Doré, au para 36. L’autre solution, qui consiste à adopter la norme de la décision correcte chaque fois que des valeurs consacrées par la Charte sont en cause, amènerait les tribunaux à juger à nouveau un éventail de décisions administratives qui, autrement, auraient été assujetties à la norme de la décision raisonnable : Doré, au para 51. Dans la présente affaire, la question de savoir si les décisions sont compatibles avec la Charte au regard du second volet du cadre énoncé dans l’arrêt Doré dépendrait de conclusions factuelles pour lesquelles la retenue s’impose.

  • b)Les décisions ne mettent pas en cause la Charte

[97] Pour appliquer le cadre énoncé dans l’arrêt Doré, il me faut d’abord déterminer si les décisions du ministre mettent en cause des droits que protège la Charte.

[98] Les demandeurs soutiennent que les décisions font entrer en jeu le droit à la liberté que l’article 7 de la Charte garantit aux PS, parce que ces derniers ont besoin de suivre une formation avec de la psilocybine s’ils veulent dispenser des traitements optimaux à leurs patients et que la possession de psilocybine en contravention de l’article 4 de la LRCDAS est passible d’une peine d’emprisonnement. Les demandeurs soutiennent que les décisions mettent en jeu des droits que l’article 7 de la Charte garantit aux futurs patients de la manière suivante : i) les décisions portent atteinte au droit à la liberté de futurs patients, en empêchant de faire un choix médical raisonnable, ii) les décisions portent atteinte au droit à la sécurité de la personne, en empêchant d’avoir accès à la version la plus sûre et la plus efficace possible d’une psychothérapie assistée par psilocybine, et iii) les décisions portent atteinte au droit à la vie, en aggravant le risque de décès par suicide, ou d’aide médicale à mourir dans le cas des patients qui souffrent de dépression ou de détresse en fin de vie.

[99] Le ministre fait valoir qu’à part la privation possible de liberté physique par suite du risque d’emprisonnement auxquels s’exposent ceux qui décident d’enfreindre la loi, le fait d’avoir refusé les exemptions relatives à la possession et à la consommation de psilocybine à des fins de formation ne restreint, à titre personnel, aucun droit protégé par l’article 7. Il fait valoir que, dans la mesure où l’article 7 de la Charte protège le droit de faire des choix médicaux sans la menace de sanctions criminelles, ce droit ne protège que les choix médicaux raisonnables qu’étayent une preuve et/ou un avis médical, en réponse à une affection médicale grave. Il soutient que les demandeurs n’ont pas fourni une preuve suffisante pour établir qu’il était médicalement nécessaire d’avoir suivi une formation expérientielle pour offrir un accès adéquat à une psychothérapie assistée par psilocybine. En outre, les demandeurs n’ont pas établi que les PS avaient un besoin légitime d’avoir accès à de la psilocybine. Le souhait de rehausser la compétence professionnelle d’une personne ne met pas en jeu des droits que protège l’article 7 de la Charte.

[100] À mon avis, les décisions par lesquelles le ministre a refusé d’accorder aux PS l’exemption prévue à l’article 56 ne font pas entrer en jeu des droits que la Charte garantit aux PS ou aux patients. La preuve soumise au ministre et à notre Cour n’étaye pas le fondement des arguments relatifs à la Charte. La preuve n’établit pas que les PS ont besoin de suivre une formation expérientielle, ou qu’ils doivent consommer une drogue psychédélique pour savoir ce que ressentent les patients. Dans le même ordre d’idées, la preuve n’établit pas que de futurs patients qui suivraient une thérapie assistée par psilocybine devraient être traités ou assistés par des médecins, des thérapeutes, des infirmières ou infirmiers ou d’autres praticiens ayant fait l’expérience d’une drogue psychédélique, ou que les traitements que dispense un praticien ayant suivi le programme de formation de TheraPsil (ou un programme de formation semblable, comportant un module expérientiel) seraient plus sûrs et plus efficaces.

[101] La présente instance se distingue de l’affaire PHS, où le refus du ministre d’accorder l’exemption prévue à l’article 56 à des praticiens de la santé qui travaillaient dans un centre d’injections supervisées pour toxicomanes faisait entrer en jeu les droits que leur garantissait l’article 7 de la Charte. Le centre était une installation sanctionnée par l’État, établie à la fin des années 1990, en réponse à une urgence déclarée en santé publique, et il fournissait ses services depuis cinq ans, au titre de l’exemption prévue à l’article 56. Les praticiens qui supervisaient les injections étaient des membres du personnel de l’installation. Ils faisaient valoir que le droit à la liberté que leur garantissait l’article 7 était en jeu, parce que le fait de refuser l’exemption les exposerait à la menace d’être emprisonnés « pour avoir accompli leurs tâches » : PHS, au para 87. Ces praticiens n’achetaient pas de la drogue ou n’aidaient pas à se l’injecter, mais la CSC a conclu que leur contact minimal avec la drogue des clients pouvait constituer une possession illégale interdite par l’article 4 de la LRCDAS. Sans l’exemption prévue à l’article 56, il leur serait impossible d’offrir des services de supervision et de consultation médicales. Le centre ne pourrait pas continuer de fournir ses services.

[102] Dans la présente affaire, les PS sollicitent l’exemption prévue à l’article 56 pour leur propre consommation, en vue de suivre un programme de formation. Ce programme n’est pas obligatoire, et le dossier n’amène pas à conclure que les PS sont incapables de dispenser une psychothérapie assistée par psilocybine sans avoir suivi une formation expérientielle. La preuve n’établit pas qu’une formation de cette nature permet de dispenser aux patients des traitements plus sûrs ou plus efficaces. Le ministre a expliqué qu’il y avait un autre moyen légal d’avoir accès à de la psilocybine, dans le cadre d’essais cliniques. Ces essais présenteraient l’avantage d’étoffer la preuve concernant la sûreté ainsi que l’efficacité de la psilocybine et pourraient atténuer les risques possibles sur le plan de la santé et de la sûreté que l’on associe à l’obtention ainsi qu’à la consommation de champignons à psilocybine venant d’une source illégale.

[103] Pour des raisons semblables, je ne suis pas convaincue que les décisions mettent en jeu les droits de futurs patients à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Comme il a été mentionné plus tôt, la preuve n’établit pas que la psychothérapie assistée par psilocybine que dispense un praticien ayant suivi une formation expérientielle est plus sûre et plus efficace, et les décisions n’empêchent pas les patients d’avoir accès à de la psilocybine en bénéficiant d’une exemption personnelle ou en ayant accès à une psychothérapie assistée par psilocybine. Par ailleurs, les patients inscrits sur la liste d’attente qui ont produit des affidavits à l’appui des demandes relatives à l’exemption prévue à l’article 56 des PS n’ont pas subi d’évaluation en vue de suivre une psychothérapie assistée par psilocybine, et il n’existe pas de preuve que l’un ou l’autre d’entre eux a besoin d’une psychothérapie assistée par psilocybine qui est dispensée par un praticien ayant suivi une formation expérientielle. La preuve n’établit pas que les décisions que le ministre a rendues font entrer en jeu des droits que la Charte garantit à de futurs patients.

[104] Quoi qu’il en soit, les décisions montrent que le ministre a mis en balance de manière raisonnable et proportionnée les valeurs consacrées par la Charte et les objectifs législatifs de la LRCDAS, et elles concordent avec les principes de justice fondamentale.

[105] Les décisions de rejeter les demandes des PS désireux d’avoir accès à des champignons à psilocybine à des fins de formation ne sont pas arbitraires, d’une portée trop générale ou excessivement disproportionnées par rapport aux objectifs législatifs de la LRCDAS. Elles décrivent les risques possibles pour la santé et la sécurité que l’on associe à l’obtention et à la consommation de psilocybine obtenue d’une source illégale, ce qui concorde avec les objectifs législatifs que sont la protection de la sûreté et de la santé du public, et elles présentent une solution de rechange viable à l’octroi de l’exemption. Les décisions n’empêchent pas un patient capable d’établir qu’il a un besoin médical raisonnable de demander à avoir accès à de la psilocybine, pas plus qu’elles n’empêchent des PS de dispenser une psychothérapie assistée par psilocybine. Les demandeurs sont d’avis que seul le régime de formation expérientielle de TheraPsil permettra d’atteindre les buts que visent les PS, mais il n’y a pas assez d’éléments de preuve montrant qu’il est nécessaire ou avantageux de suivre une formation expérientielle avec de la psilocybine. Les décisions ont pour seul effet d’empêcher les PS de consommer de la psilocybine à des fins de formation comme ils le préféreraient, conformément au programme de formation de TheraPsil, ce qui n’est pas excessivement disproportionné par rapport aux objectifs de la LRCDAS.

  • c)Les décisions traitent de manière adéquate des arguments fondés sur la Charte

[106] Toutefois, cela ne clôt pas l’analyse; les demandeurs soutiennent également que les décisions ne peuvent survivre à un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable, parce que le ministre n’a pas traité d’arguments fondés sur la Charte qu’ils ont carrément soulevés dans leurs observations : Robinson CAF, au para 28.

[107] En réponse, s’appuyant sur le paragraphe 139 de l’arrêt Ktunaxa, le ministre déclare que le défaut de faire expressément référence à la Charte ne rend pas les décisions déraisonnables.

[108] Je signale que le paragraphe 139 de l’arrêt Ktunaxa figure dans les motifs en partie concordants des juges Moldaver et Côté. Le juge Moldaver a exprimé l’avis qu’il n’était pas nécessaire que le ministre fasse expressément référence à l’argument fondé sur la Charte, car il avait traité du fond du droit protégé par la Charte, et il ressortait implicitement de ses motifs qu’il avait mis en balance de manière proportionnée les protections de la Charte en jeu et les objectifs pertinents de la Loi : Ktunaxa, aux para 138, 139. Cependant, invoquant l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‐Neuve‐et‐Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses], le juge Moldaver a ensuite décrété qu’un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable commandait une attention respectueuse aux motifs donnés – ou qui pourraient l’être – à l’appui d’une décision, et si les motifs ne semblent pas tout à fait convenables pour justifier l’issue, la cour de révision devrait d’abord chercher à les compléter avant d’y substituer sa propre décision : Ktunaxa, au para 140. L’arrêt Vavilov contredit directement ce raisonnement. Dans cet arrêt, la CSC a décrété qu’il n’était pas loisible à la cour de révision de faire abstraction du fondement erroné de la décision et d’y substituer sa propre justification du résultat. Il est déclaré dans cet arrêt que, dans la mesure où il a été compris que des arrêts tels que Newfoundland Nurses donnaient à entendre le contraire, cette compréhension était erronée : Vavilov, au para 96.

[109] À mon avis, il est inutile de décortiquer les principes de l’arrêt Ktunaxa qui sont énoncés dans les paragraphes qui précèdent, car je dois me fonder sur les principes directeurs applicables à un contrôle fondé sur la décision raisonnable qui sont énoncés dans l’arrêt Vavilov. Selon moi, le fait que le ministre a omis de mentionner expressément la Charte ne rend pas ses décisions déraisonnables, au regard des principes énoncés dans l’arrêt Vavilov.

[110] Les décisions administratives doivent être situées dans leur juste contexte. Elles devraient être interprétées à la lumière du dossier, et le contrôle d’une décision administrative ne devrait pas être dissocié du contexte institutionnel dans lequel elle a été rendue, ni de l’historique de l’instance : Vavilov, aux para 91, 94. Le contexte inclut, par exemple, la preuve et les observations des parties dont disposait le décideur : Vavilov, au para 94.

[111] Dans les observations qu’ils ont soumises au ministre, les PS faisaient valoir que celui-ci devait accorder l’exemption prévue à l’article 56, parce que la Charte restreignait son pouvoir discrétionnaire. L’argument était que le droit à la liberté des PS était mis en jeu par l’interdiction, sous le régime de la LRCDAS, de posséder de la psilocybine et par les décisions du ministre au sujet de l’exemption, parce qu’ils avaient besoin de posséder de la psilocybine pour suivre une formation expérientielle et dispenser à des patients les traitements les plus sûrs et les plus efficaces possibles, et qu’ils risquaient d’être emprisonnés s’ils tentaient d’obtenir une formation expérientielle cruciale sans bénéficier de l’exemption. Pour ce qui était des droits garantis par l’article 7 aux patients, l’argument s’articulait autour du manque de PS ayant suivi une formation expérientielle, ce qui, en fait, privait les patients de la possibilité de subir une évaluation en vue de suivre une psychothérapie assistée par psilocybine.

[112] Les motifs donnés par le ministre expliquent pourquoi il convient de rejeter les arguments fondés sur la Charte en traitant de leur fondement même, à savoir que les PS devaient suivre une formation expérientielle pour dispenser aux patients les traitements les plus sûrs et efficaces possibles. Les arguments fondés sur la Charte dépendaient d’une prémisse scientifique qui, selon le ministre, n’avait pas été établie au vu de la preuve présentée, et le ministre a proposé aux PS une voie légale à suivre pour avoir accès à de la psilocybine et étoffer cette preuve. La question qu’il me faut donc trancher consiste à savoir si le défaut du ministre de se livrer expressément à une analyse fondée sur la Charte ou de formuler expressément une opinion sur la question de savoir si des droits garantis par la Charte étaient en jeu et d’expliquer son opinion à cet égard a causé un manque de transparence, d’intelligibilité ou de justification qui rendait la décision déraisonnable et qui justifie qu’on l’infirme. À mon avis, non.

[113] La présente affaire est différente de la situation dont il était question dans la décision Robinson CF, où la Cour a conclu que la décision administrative mettait en jeu le droit à l’égalité que l’article 15 de la Charte garantissait à M. Robinson en tant que personne ayant une déficience physique, et le décideur n’avait pas tenu compte de ce droit en prenant la décision : Robinson CF, au para 5. Ni la décision ni le dossier ne montraient que l’on avait tenu compte de l’effet de la décision sur le droit à l’égalité de M. Robinson, et la conclusion que le décideur avait tirée passait à côté de l’idée de l’argument fondé sur la Charte : Robinson CF, au para 70; voir aussi Robinson CAF, au para 21. Dans la présente affaire, le ministre n’est pas passé à côté de l’idée des arguments fondés sur la Charte. Il a traité de leur fondement. Contrairement à la situation de M. Robinson, les motifs du ministre ont répondu aux arguments fondés sur la Charte que les PS formulaient : Robinson CAF, au para 28.

[114] En conclusion, le ministre n’a pas rejeté les demandes d’exemption des PS en exerçant son pouvoir discrétionnaire d’une manière incompatible avec les valeurs consacrées par la Charte. Les décisions ne privent pas les PS ou leurs futurs patients des droits que leur garantit l’article 7 de la Charte d’une manière qui ne concorde pas avec les principes de justice fondamentale.

  1. La troisième question principale : quelle est la réparation appropriée?

[115] Comme j’ai décidé de rejeter la présente demande, il est inutile d’examiner la question de la réparation appropriée. Par souci d’exhaustivité, je dirais simplement que je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que la réparation la plus appropriée serait que la Cour ordonne au ministre d’accorder l’exemption demandée. Lorsqu’une décision est jugée déraisonnable, l’affaire doit le plus souvent être renvoyée au décideur pour nouvelle décision : Vavilov, au para 141. La présente demande ne comporte pas un scénario qui ferait en sorte qu’il soit bon que la Cour y substitue sa propre décision.

  1. Conclusion

[116] Les demandeurs n’ont pas établi que les décisions du ministre étaient déraisonnables. Par conséquent, la présente demande sera rejetée.

[117] Pour ce qui est des dépens, les parties conviennent qu’il est approprié d’adjuger une somme de 9 500 $ à la partie ayant gain de cause. Elles font valoir que cela représenterait une somme raisonnable, eu égard au tarif prévu par les Règles des Cours fédérales, aux étapes préalables à l’audience ainsi qu’à la nature des questions soulevées dans la présente instance. Je suis convaincue que l’adjudication de dépens que proposent les parties est raisonnable et que, en l’espèce, elle est équitable. Des dépens d’une somme globale de 9 500 $ seront adjugés en faveur du ministre.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‐1424‐22

LA COUR STATUE :

  1. L’intitulé de la cause est modifié de façon à désigner à titre de défendeur le ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associé de la Santé;

  2. Katherine Marykuca, Shannon McKenney, Jessica Pietryszyn, Jeremy Moore, Matthew Hunter, Kathleen Westlake, William Alves et Melissa Slade n’ont pas qualité pour agir et sont exclus à titre de parties à la présente demande;

  3. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  4. Des dépens d’une somme globale de 9 500 $ sont adjugés au défendeur.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Laroche


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐1424‐22

 

INTITULÉ :

JEFF TOTH ET AL c LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 28 mars 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge PALLOTTA

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

le 25 septembre 2023

 

COMPARUTIONS :

Nicholas Pope

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Jennifer Francis

Brooklynne Eeuwes

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hameed Law

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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