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Date : 20060608

Dossier : T-1136-05

Référence : 2006 CF 707

Ottawa (Ontario), le 8 juin 2006

En présence de Monsieur le juge Shore

ENTRE :

BRIGITTE NÉRON, MARLÈNE DORVAL ET DIANE DUCHESNE

demanderesses

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

INTRODUCTION

[1]                Le mérite requis pour un poste dépend de son contexte, également, ses circonstances, dans un temps et dans un lieu pour des buts spécifiques reliés au poste. Le contexte, les circonstances, le temps et le lieu formulent les ingrédients nécessaires pour une logique inhérente pour tout poste de mérite. Cette logique inhérente peut ou ne pas être, celle de la Cour, mais si la logique se tient, même si elle n'est pas celle de la Cour, elle est inhérente et donc, raisonnable.

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]                La présente est une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, de la décision d'un comité d'appel de la Commission de la fonction publique du Canada (Commission) datée du 30 mai 2005 par laquelle les appels des demanderesses concernant les nominations au poste d'agent d'aide à la clientèle suite au processus de sélection du ministère du Développement et des ressources humaines Canada ont été rejetés.

FAITS

[3]                Le 4 novembre 2004, le ministère du Développement et des ressources humaines a affiché des concours visant à combler des postes d'agents d'aide à la clientèle dans divers bureaux de la région du Lac St-Jean. Le 24 novembre 2004, le jury de sélection a administré deux examens consécutifs aux candidats, simultanément dans trois villes différentes, soit Alma, Dolbeau et Jonquière. Le premier examen visait à évaluer les connaissances alors que le second examen évaluait les compétences des candidats.

[4]                Durant l'examen de connaissances, certains candidats de Dolbeau ont informé les surveillants qu'il manquait des pages à l'examen. Les surveillants ont administré le second examen qui s'est déroulé sans incident. Après consultation téléphonique, les membres du jury de sélection ont convenu d'accorder trente minutes supplémentaires aux candidats après l'examen des compétences pour leur permettre de répondre aux questions manquantes de l'examen des connaissances.

[5]                Deux jours plus tard, le 26 novembre 2004, le jury de sélection a décidé d'annuler les résultats de l'examen des connaissances et de faire subir un nouvel examen des connaissances aux candidats. Cependant, seuls les candidats ayant réussi l'examen de compétences furent convoqués à la reprise de l'examen de connaissances puisque les qualifications requises étaient non compensatoires et qu'un échec à l'un des examens entraînait le rejet de la candidature.

[6]                Les demanderesses, Brigitte Néron, Marlène Dorval et Diane Duchesne, étaient toutes candidates au concours et ont échoué à l'examen des compétences. Le 2 décembre 2004, aux termes du concours, une liste d'admissibilité fut établie. Mesdames Néron, Dorval et Duchesne ne s'étaient pas classées sur cette liste. En vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, c. P-33, (LEFP), elles ont fait appel des nominations proposées à la suite du processus de sélection. L'audition de l'appel a eu lieu le 21 avril 2005.

DÉCISION CONTESTÉE

[7]                Les demanderesses allèguent que le concours a été tenu dans des conditions telles que l'on puisse raisonnablement douter que la sélection ait été faite selon le principe du mérite. D'autre part, elles allèguent que l'utilisation d'un seul outil de sélection pour l'évaluation des capacités, des compétences et des qualités personnelles n'a pas permis une évaluation raisonnable de celles-ci. Le comité d'appel de la Commission a rejeté ces deux allégations et ainsi rejeté les appels des demanderesses.

[8]                Le comité d'appel de la Commission a conclu que les membres du jury de sélection avaient agi de façon raisonnable afin d'assurer que l'examen de connaissances soit administré de façon juste. Il n'était pas convaincu que la reprise de l'examen de connaissances ne puisse permettre d'évaluer le mérite des candidats.

[9]                De plus, le comité d'appel a soutenu que les demanderesses n'ont pas démontré que le jury de sélection avait utilisé un seul outil pour la sélection des candidats. La prépondérance de la preuve était à l'effet que plusieurs outils de sélection avaient été utilisés. Le jury de sélection a la discrétion de déterminer et d'utiliser les outils qu'il juge appropriés pour la sélection des candidats.

QUESTIONS EN LITIGE

[10]            La question en litige en l'espèce est la suivante :

1. Le comité d'appel a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire lorsqu'il a conclu que le jury de sélection a choisi plusieurs outils de sélection lui permettant d'évaluer de façon adéquate les candidats afin de respecter le principe du mérite?

[11]            Devant le comité d'appel, les demanderesses ont présenté deux allégations, la première portant sur la reprise de l'examen des connaissances et la seconde sur les outils de sélection et l'omission du jury de sélection de considérer les références des candidats. Par contre, dans le cadre de ce contrôle judiciaire, les parties n'ont pas présenté d'arguments concernant la première allégation, elles se sont concentrées sur la seconde allégation. Ainsi, la première allégation ne sera pas discutée ici.

ANALYSE

Cadre législatif

[12]            L'article 10 de la LEFP énonce que l'embauche au sein de la fonction publique doit se faire selon le principe du mérite :

10.      (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats.

10.      (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.

(2) For the purposes of subsection (1), selection according to merit may, in the circumstances prescribed by the regulations of the Commission, be based on the competence of a person being considered for appointment as measured by such standard of competence as the Commission may establish, rather than as measured against the competence of other persons.

[13]            Voici certaines dispositions pertinentes de l'article 21 de la LEFP. Selon le paragraphe 21(1) de la LEFP, un candidat n'ayant pas obtenu un poste à la fonction publique lors d'une compétition peut porter la nomination en appel devant un comité d'enquête devant lequel le candidat pourra se faire entendre. Le paragraphe 21(3), lui, énonce que la Commission peut prendre les mesures qu'elle juge appropriées afin de corriger tout problème reconnu dans le processus de sélection :

21.      (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

[...]

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci :

a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer;

b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non.

[...]

(3) La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

[...]

21.      (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

...

(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision,

(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or

(b) if the appointment has not been made, make or not the appointment.

...

(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect.

(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit.

...

Norme de contrôle

[14]            Les parties s'entendent pour dire que la norme de contrôle en l'espèce est celle de la décision raisonnable simpliciter. Cette position est confirmée par la décision récente Davies c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 41, [2005] A.C.F. no 188 (QL), au paragraphe 23, dans laquelle la Cour d'appel fédérale a conclu que la norme de contrôle qui s'applique à une décision d'un comité d'appel sur des questions relatives au processus de sélection est celle de la décision raisonnable.

Le comité d'appel a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire lorsqu'il a conclu que le jury de sélection a choisi plusieurs outils de sélection lui permettant d'évaluer de façon adéquate les candidats afin de respecter le principe du mérite?

[15]            L'analyse de l'objet de la LEFP en général et du paragraphe 21(1) en particulier favorise une retenue judiciaire. Dans l'arrêt Davies, ci-dessus, au paragraphe 12, le juge en chef John Richard a écrit :

L'examen de l'objet de la LEFP, et de son paragraphe 21(1) en particulier, révèle que l'objet premier de ce texte législatif est de préserver l'intérêt public en veillant à ce que les nominations au sein de la fonction publique soient fondées sur le principe du mérite et soient exemptes de discrimination et de parti pris.

[16]            Mesdames Néron, Dorval et Duchesne argumentent que les membres du jury de sélection auraient dû tenir compte de la connaissance antérieure qu'ils avaient au sujet de leurs qualifications et capacités. Si les membres du jury de sélection avaient considéré cette connaissance dans leur évaluation de mesdames Néron, Dorval et Duchesne, cela aurait pu être injuste pour les autres candidats au concours dont les membres du jury n'avaient aucune connaissance antérieure. Il y a un risque que l'évaluation aurait été biaisée envers mesdames Néron, Dorval et Duchesne car tous les candidats n'auraient pas nécessairement été traités et évalués de façon égale.

[17]            Le principe du mérite est le principe directeur de l'embauche au sein de la fonction publique. (Buttar c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 437 (QL), au paragraphe 3; Mercer c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 1537 (QL); Davies, ci-dessus, au paragraphe 31) L'article 10 de la LEFP impose à la Commission l'obligation de choisir le candidat le plus qualifié pour le poste en question afin de respecter le principe du mérite. (Davies, ci-dessus, au paragraphe 35)

[18]            Il est bien établi que l'objet du droit d'appel en vertu de l'article 21 de la LEFP n'est pas de protéger le droit de l'appelant mais d'empêcher qu'une nomination soit faite en violation du principe de la sélection au mérite. (Charest c. Canada (Procureur général), [1973] CF 1217) Ainsi, selon le juge Louis Pratte, de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Charest, ci-dessus, au paragraphe 12, s'il y a un doute que le processus de sélection n'a pas permis de juger du mérite des candidats, un comité d'appel doit accueillir l'appel déposé en vertu de l'article 21 de la LEFP :

[...] il m'apparaît clair qu'un comité nommé en vertu de cet article n'agit pas irrégulièrement si, constatant qu'un concours a été tenu dans des conditions telles qu'on puisse douter qu'il permette de juger du mérite des candidats, il décide qu'aucune nomination ne devra être faite suite à ce concours.

[19]            Le rôle du jury de sélection, est de déterminer le mérite des candidats dans le contexte d'un poste particulier en utilisant les moyens qu'il juge appropriés, tout en respectant la LEFP et les règlements. Ce faisant, il agit au nom de la Commission qui est habilitée, en vertu de l'article 12 de la LEFP, à fixer les normes de sélection visant à évaluer les candidats à un poste. (Davies, ci-dessus, au paragraphe 37)

[20]            Le rôle du comité d'appel, lui, est de faire enquête afin de déterminer si la sélection par le jury de sélection respecte le principe du mérite. Si le comité d'appel est satisfait que la sélection respecte le principe du mérite, il doit rejeter l'appel, même s'il croit que le résultat aurait pu être différent. Le comité d'appel ne doit pas outrepasser sa compétence. (Ratelle c. Canada (Commission de la Fonction publique, Direction des appels), [1975] A.C.F. no 910 (QL), au paragraphe 3)

[21]            En d'autres mots, le rôle du comité d'appel est de révéler et corriger les erreurs qui ont pour effet de violer le principe du mérite. (Canada (Procureur général) c. Bates, [1997] 3 C.F. 132 (1re inst.), [19970 A.C.F. no 405 (QL) au paragraphe 38) Le comité d'appel révise le processus de sélection et d'évaluation des candidats par le jury de sélection pour assurer que cela respecte le principe du mérite. Il ne peut réviser, par contre, les qualifications requises pour le poste déterminées par le ministère en cause. (Davies, ci-dessus, aux paragraphes 40, 41, 44)

[22]            Une personne qui porte appel à l'encontre d'une nomination effective ou imminente d'un candidat reçu doit persuader le comité d'appel que le principe du mérite n'a pas été respecté :

Afin de parvenir, en vertu de l'article 21, à établir qu'il y avait violation du principe du mérite, les requérants devaient convaincre le comité d'appel que le mode de sélection choisi était « tel[-] qu'on puisse douter qu'il permette de juger du mérite des candidats » , c'est-à-dire qu'il permette de juger si l'on avait trouvé « les personnes les mieux qualifiées » . La fonction principale d'un comité d'appel étant de s'assurer que les personnes les mieux qualifiées ont été nommées, il va sans dire que l'appelant, avant même de tente de contester le mode de sélection choisi, devrait au moins alléguer (et finalement prouver) qu'il existe la possibilité réelle ou la vraisemblance que les personnes les mieux qualifiées n'ont pas été nommées. (Leckie c. Canada, [1993] 2 C.F. 473 (C.A.F.), [1993] A.C.F. no320 (QL) au paragraphe 15; Voir aussi Blagdon c. Canada (Commission de la Fonction publique, Comité d'appel), [1976] 1 C.F. 615, au paragraphe 6; Bernard c. Canada (Procureur général), 2004 CF 92, [2004] A.C.F. no 101 (QL), au paragraphe 15.)

[23]            En l'espèce, mesdames Néron, Dorval et Duchesne ne se sont pas déchargées de ce fardeau. Les éléments de preuve présentés ne permettaient pas au comité d'appel de conclure que le jury de sélection aurait dû avoir des doutes quant à la fiabilité de son évaluation des candidats et, donc qu'il aurait dû imposer des mesures correctives.

[24]            Dans l'affaire Bates, ci-dessus, le juge Douglas Campbell a conclu qu'en appliquant le principe du mérite, un comité d'appel doit se poser des questions et formuler des recommandations lorsqu'un très bon candidat échoue à un examen pour lequel il devrait très bien se classer. Le jury de sélection, lui, devait considérer l'information incompatible, soit les connaissances personnelles des membres du jury et les évaluations de rendement, avec l'évaluation qu'il a faite des capacités personnelles des candidats.

[25]            Les faits dans l'affaire Bates sont très différents des faits en l'espèce. Madame Bates avait travaillé pendant cinq ans comme représentante au service à la clientèle et son travail était reconnu comme étant excellent. Son employeur avait tenu un concours dans le but d'offrir aux représentants au service à la clientèle dont le contrat expirait une prolongation de leurs contrats. Le poste occupé par madame Bates était le même que celui pour lequel elle postulait. (Bates, ci-dessus, au paragraphe 7) Bien que madame Bates ait été reconduite dans ses fonctions à plusieurs reprises et que ses rapports de rendement étaient « entièrement favorables » , elle a échoué à deux reprises l'examen portant sur les connaissances requises. Lors du deuxième examen, madame Bates a obtenu la note de 113/200 alors que la note de passage était de 140/200. (Bates, ci-dessus, aux paragraphes 11 et 14)

[26]            Le juge Campbell a conclu que dans ces circonstances, « il y a indéniablement lieu de se demander pourquoi madame Bates a obtenu une note aussi faible à ses examens écrits. » Le juge Campbell a soulevé la possibilité que madame Bates souffre d'un trouble d'apprentissage ou ait de la difficulté à lire ou à écrire, ce qui l'empêcherait d'obtenir une note élevée sans une forme d'accommodation. (Bates, ci-dessus, au paragraphe 41)

[27]            Sur la base de la preuve présentée au comité d'appel, il est difficile d'arriver à la même conclusion en l'espèce puisqu'il n'y a tout simplement pas de divergence entre ce qui avait été observé des candidats dans leurs emplois et les résultats de l'entrevue pour le poste à combler. Dans le premier cas, en effet, les habiletés relationnelles n'avaient pas été évaluées, alors que ce sont ces habiletés qui étaient évaluées pour le poste à combler.

[28]            Mesdames Dorval et Néron ne postulaient pas pour le même poste qu'elles occupaient déjà; elles occupaient un poste qui demandait des qualités différentes de celui à combler. Pour ce qui est de madame Duchesne, bien qu'elle occupait déjà un poste d'agent d'aide à la clientèle avant le concours, son évaluation de rendement n'était pas « entièrement favorable » , contrairement au cas de madame Bates. Madame Duchesne a échoué au volet « se concentrer sur le client » de l'évaluation des compétences et c'est précisément sur cet aspect que sa performance avait été critiquée lors de son évaluation antérieure. (Rendement de Diane Duchesne, Dossier des demanderesses, aux pages 73 et 76) Ensuite, la preuve est silencieuse quant à la marge par laquelle mesdames Néron, Dorval et Duchesne ont échoué leur test. Dans Bates, le fait d'avoir obtenu une note si faible indiquait qu'il devait y avoir un problème avec le test.

[29]            Bien qu'un membre du jury de sélection ait témoigné que « les résultats des entrevues ne reflétaient pas entièrement les capacités de certains candidats » , cela ne permet pas, en soi, d'arriver à la conclusion que le test n'était pas fiable. Il est habituel que les membres d'un jury de sélection qui connaissent les candidats soient surpris par la performance de certains. Il est possible qu'un bon candidat obtienne de moins bon résultats que ceux auxquels l'on peut s'attendre ou encore, le contraire peut se produire.

[30]            Par ailleurs, le membre du jury de sélection a qualifié son affirmation en témoignant que les résultats des entrevues ne reflétaient pas entièrement les capacités de certains candidats. Au mieux, cette affirmation démontre qu'il existerait un écart entre les capacités de certains candidats (on ne sait pas lesquels) et les résultats des entrevues. Cette affirmation ne suffit pas pour jeter un doute sur la fiabilité du test.

[31]            Le jury de sélection a la discrétion de déterminer les outils de sélection qu'il juge appropriés pour évaluer les candidats. De même, le jury de sélection a une grande discrétion pour ce qui est d'appliquer les mesures correctives qu'il juge appropriées lorsqu'il y a des irrégularités ou des problèmes dans le processus de sélection. (Canada (Procureur général) c. Smith, 2004 CF 623, [2004] A.C.F. no 785 (QL), au paragraphe 6)

[32]            La situation en l'espèce est aussi très différente de celle dans la décision Charest, ci-dessus. Dans Charest, le jury de sélection a reçu les candidats en entrevue afin de les évaluer. Lors de l'appel des nominations, le comité d'appel a déterminé que le processus avait été organisé de telle façon qu'il était possible qu'il y ait eu du coulage, c'est-à-dire que les candidats aient été au courant avant leur entrevue des questions posées par le jury de sélection. Même si le comité d'appel était incapable, sur la base de la preuve devant lui, de déterminer de façon claire qu'il y avait en fait eu coulage, il a choisi d'annuler le concours puisque le risque d'une violation au principe du mérite était trop grand. La Cour d'appel fédérale a confirmé cette décision du comité d'appel, rejetant les appels des demandeurs.

[33]            En l'espèce, rien ne démontre que le processus de sélection était vicié ou même qu'il existe un risque sérieux qu'il l'ait été, comme c'était le cas dans Charest. Le comité d'appel, après avoir examiné le processus de sélection, a déterminé que le principe du mérite a été respecté et qu'il n'y avait aucune raison d'annuler les résultats du concours.

[34]            Traiter tous les candidats d'une façon égale, les comparer entre eux sur la base des mêmes critères constitue, en général, un des meilleurs moyens de respecter le principe du mérite. Mesdames Néron, Dorval et Duchesne ont eu, comme les autres candidats, l'occasion de présenter leur candidature et de démontrer qu'elles étaient les plus qualifiées pour le poste en question. Le fait que le jury de sélection n'ait pas considéré leurs références ou la connaissance de certains membres du jury de leurs habiletés ne signifie pas que le processus de sélection n'a pas respecté le principe du mérite. Le jury de sélection n'a pas considéré les références d'aucun candidat puisqu'il a choisi d'autres outils afin d'évaluer les candidats, ce qui fait partie de son rôle. Les outils de sélection choisis par le jury de sélection avaient un lien avec les qualifications requises pour le poste et ont permis l'évaluation adéquate des candidats, ce qui respecte le principe du mérite.

CONCLUSION

[35]            La décision du comité d'appel de la Commission de rejeter les appels de mesdames Néron, Dorval et Duchesne et de ne pas intervenir dans la décision du jury de sélection était raisonnable. Le jury de sélection a choisi des outils de sélection afin d'évaluer les qualifications des candidats, tel qu'il est mandaté de le faire. Il a évalué tous les candidats de la même façon, sur la base des outils de sélection choisis. Le principe du mérite a été respecté dans le processus de sélection. Cette Cour n'interviendra pas dans la décision. Cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.


JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1136-05

INTITULÉ :                                        BRIGITTE NÉRON,

                                                            MARLÈNE DORVAL

                                                            ET DIANE DUCHESNE

                                                            c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa, Ontario

DATE DE L'AUDIENCE :                le 31 mai 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :                       le 8 juin 2006

COMPARUTIONS:

Me James Cameron

POUR LES DEMANDERESSES

Me Alexandre Kaufman

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

RAVEN, CAMERON, BALLANTYNE & YAZBECK

Ottawa, Ontario

POUR LES DEMANDERESSES

JOHN H. SIMS C.R.                                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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