Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230929


Dossier : IMM-7857-22

Référence : 2023 CF 1318

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 septembre 2023

En présence de monsieur le juge Régimbald

ENTRE :

FARZANEH ALI ASKARI

TAHA SHEIKH GHASEMI

ARAD SHEIKH GHASEMI

ARMITA SHEIKH GHASEMI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de quatre décisions d’un agent des visas [l’agent] datées du 21 juin 2022, dans lesquelles leurs demandes de résidence temporaire sont rejetées.

[2] La demanderesse principale [la DP], Farzaneh Ali Askari, est une citoyenne iranienne qui a présenté une demande de permis d’études. Son époux, Taha Sheikh Ghasemi, a demandé un permis de travail, et leurs deux enfants ont demandé un visa de visiteur pour les accompagner [collectivement, les demandeurs associés].

[3] L’agent a rejeté toutes les demandes au motif que la DP ne l’a pas convaincu qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé, citant les liens familiaux insuffisants de celle‑ci avec l’Iran ainsi que son plan d’études.

[4] La présente demande ne concerne que les motifs du rejet de la demande de permis d’études présentée par la DP, étant donné que les résultats des demandes des demandeurs associés dépendent de la sienne.

[5] Après avoir examiné le dossier soumis à la Cour, y compris les observations écrites et orales des parties, ainsi que le droit applicable, je conclus que la demanderesse s’est acquittée de son fardeau et a démontré que la décision de l’agent est déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

II. Exposé des faits

[6] Le 21 juin 2022, l’agent a rejeté la demande de permis d’études de la DP et les demandes connexes de visas de travail et de résidence temporaire des membres de sa famille.

[7] La DP est titulaire d’un baccalauréat en génie chimique spécialisé dans l’industrie alimentaire ainsi que d’une maîtrise en génie chimique spécialisée dans l’ingénierie des polymères.

[8] Elle souhaite améliorer ses compétences en vue d’occuper un nouveau poste de niveau supérieur qui lui a été proposé en Iran, au Damavand Rehabilitation and Care Center, en faisant des études de maîtrise en sciences de l’administration [MSA] en services de santé et en services sociaux universels à la Fairleigh Dickinson University [FDU] en Colombie‑Britannique, au Canada.

[9] La décision de l’agent était fondée sur des doutes concernant les liens de la DP et des membres de sa famille avec l’Iran et l’objet de leur visite au Canada. Plus particulièrement :

  • a)L’agent a jugé que la présence au Canada de l’époux et des deux enfants à charge de la DP affaiblirait les liens de cette dernière avec son pays d’origine, car la motivation de retourner au pays pouvait baisser si les membres de sa famille immédiate résidaient au Canada.

  • b)L’agent a remis en question le caractère raisonnable du plan d’études de la DP, soulevant des questions au sujet de son parcours professionnel et de ses études antérieures. L’agent a conclu que le programme choisi était redondant compte tenu des études et du parcours professionnel de la DP, et il avait des doutes quant aux compétences linguistiques de la DP, indiquant qu’elle pourrait avoir de la difficulté à faire des études en anglais à l’étranger.

[10] Les demandeurs ont fourni des éléments de preuve substantiels concernant leur intention de retourner en Iran après les études de la DP, notamment de leurs solides liens familiaux, d’offres d’emploi et d’autres actifs, dont des entreprises commerciales.

III. Dispositions législatives applicables

[11] Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2022‑227 [le RIPR], prévoit ce qui suit :

Permis d’études

Study Permits

216 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

216 (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a study permit to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

a) l’étranger a demandé un permis d’études conformément à la présente partie;

(a) applied for it in accordance with this Part;

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

c) il remplit les exigences prévues à la présente partie;

(c) meets the requirements of this Part;

d) s’il est tenu de se soumettre à une visite médicale en application du paragraphe 16(2) de la Loi, il satisfait aux exigences prévues aux paragraphes 30(2) et (3);

(d) meets the requirements of subsections 30(2) and (3), if they must submit to a medical examination under paragraph 16(2)(b) of the Act; and

e) il a été admis à un programme d’études par un établissement d’enseignement désigné.

(e) has been accepted to undertake a program of study at a designated learning institution.

Ressources financières

Financial resources

220 À l’exception des personnes visées aux sous‑alinéas 215(1)d) ou e), l’agent ne délivre pas de permis d’études à l’étranger à moins que celui‑ci ne dispose, sans qu’il lui soit nécessaire d’exercer un emploi au Canada, de ressources financières suffisantes pour :

220 An officer shall not issue a study permit to a foreign national, other than one described in paragraph 215(1)(d) or (e), unless they have sufficient and available financial resources, without working in Canada, to

a) acquitter les frais de scolarité des cours qu’il a l’intention de suivre;

(a) pay the tuition fees for the course or program of studies that they intend to pursue;

b) subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille qui l’accompagnent durant ses études;

(b) maintain themself and any family members who are accompanying them during their proposed period of study; and

c) acquitter les frais de transport pour lui‑même et les membres de sa famille visés à l’alinéa b) pour venir au Canada et en repartir.

(c) pay the costs of transporting themself and the family members referred to in paragraph (b) to and from Canada

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[12] Après avoir examiné les observations écrites et orales des parties, la preuve versée au dossier et la jurisprudence applicable, je conclus que la présente affaire soulève les deux questions principales qui suivent :

  • -La décision de l’agent était‑elle raisonnable?

  • -L’agent a‑t‑il violé les droits de la DP en matière d’équité procédurale?

[13] La norme de contrôle qui s’applique au fond de la décision de l’agent est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65) [Vavilov]. Une décision raisonnable est une décision qui est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85) et qui est justifiée, transparente et intelligible (Vavilov, au para 99). Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, au para 100).

[14] Quant à la question de l’équité procédurale, suivant la norme de contrôle applicable, on procède à un « exercice de révision […] “particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte”, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » (Aboudlal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 689 au para 32, citant Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CFCP] au para 54). Comme la Cour d’appel l’a récemment déclaré dans l’arrêt Caron c Canada (Procureur général), 2022 CAF 196 au paragraphe 5, « [l]orsqu’elle entreprend une analyse relative à l’équité procédurale, [la] Cour doit établir quelles sont les procédures et les garanties requises et, si celles‑ci n’ont pas été respectées, elle doit intervenir » (voir aussi Mission Institution c Khela, 2014 CSC 24 au para 79). Le rôle de la cour de révision chargée d’examiner les questions d’équité procédurale est se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances : « la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre » (repris dans Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 56).

V. Analyse

A. La décision de l’agent était déraisonnable

[15] Conformément aux articles 216 et 220 du RIPR, l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si certains éléments sont établis, notamment lorsqu’il a été admis à un programme d’études par un établissement d’enseignement désigné, qu’il dispose de ressources financières suffisantes pour acquitter les frais de scolarité et subvenir à ses propres besoins sans travailler et qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[16] Dans sa décision datée du 21 juin 2022, l’agent a rejeté la demande de permis d’études de la DP en raison de ses doutes quant au fait que les demandeurs quitteraient le Canada à la fin du programme d’études de la DP, comme il est prévu à l’alinéa 216(1)b). Les motifs de l’agent pour rejeter la demande de permis d’études du DP ne reposent pas sur d’autres motifs que ceux établis aux articles 216 et 220. Dans ses motifs, l’agent était d’avis que les demandeurs n’avaient pas démontré un établissement suffisant en Iran pour le convaincre qu’ils retourneraient en Iran à la fin de la période de séjour autorisée de la DP.

[17] L’agent a mentionné les motifs suivants dans sa décision :

[traduction]

Vous n’avez pas de liens familiaux importants à l’extérieur du Canada;

Le but de votre visite au Canada ne concorde pas avec un séjour temporaire compte tenu des renseignements que vous avez fournis dans votre demande.

[18] Pour les motifs ci‑après, je suis d’avis que la décision de l’agent de rejeter la demande de permis d’études n’est ni intelligible, ni transparente, ni justifiée et, par conséquent, qu’elle est déraisonnable (Vavilov, aux paras 15, 98).

[19] Les demandeurs ont présenté un dossier très complet sur leur intention de retourner en Iran, notamment les liens de la DP avec sa famille en Iran, des renseignements bancaires et d’autres actifs importants dans le pays. La DP a également donné les raisons pour lesquelles elle a choisi de venir au Canada afin d’obtenir une autre maîtrise. L’époux de la DP a également confirmé, dans sa déclaration d’intention, que sa famille et lui‑même n’avaient pas l’intention de rester au Canada une fois que la DP aurait obtenu sa maîtrise. Les raisons invoquées par les demandeurs pour justifier leur souhait de retourner en Iran sont les liens solides avec leur famille en Iran ainsi que leur fort attachement culturel à leur pays, de même que les biens et autres obligations laissés au pays à court terme.

[20] Dans ses motifs, l’agent a expliqué que l’absence de liens familiaux importants en Iran était principalement liée au fait que l’époux et les enfants de la DP allaient voyager avec elle pendant ses études :

[traduction]

La demanderesse n’avait pas de liens familiaux importants à l’extérieur du Canada. La DP sera accompagnée de son époux et de deux enfants à charge. Comme il est prévu que la famille immédiate de la demanderesse l’accompagne au Canada, les liens avec son pays d’origine sont affaiblis puisque la motivation de la demanderesse à retourner dans son pays d’origine diminuera en raison de la présence de sa famille immédiate au Canada.

[21] La conclusion de l’agent selon laquelle les liens familiaux des demandeurs avec l’Iran étaient affaiblis parce que la famille immédiate déménageait au Canada n’est pas en soi déraisonnable (Hajiyeva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 71). Toutefois, comme il a été dit dans la décision Iyiola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 324 au para 20, il est déraisonnable pour le décideur d’invoquer les liens familiaux pour justifier la conclusion qu’un demandeur quittera le pays à la fin de la période de séjour autorisée au Canada alors qu’il n’est pas fait mention des membres de la famille qui restent dans le pays de résidence et qu’il n’est pas tenu compte de ces considérations.

[22] Comme il est énoncé dans la décision Vahdati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1083 aux para 8, 10‑11 [Vahdati], le problème est que l’agent a terminé son analyse après avoir pris en considération le fait que des membres de la famille accompagneraient également la DP, mais qu’il n’a pas soupesé ce fait par rapport aux autres facteurs contenus dans la preuve, notamment le fait que d’autres membres de la famille demeureraient en Iran, qu’aucun autre membre de la famille ne se trouvait au Canada et qu’il existait d’autres facteurs pertinents relatifs à l’établissement en Iran, comme l’emploi ou des biens dans le pays (voir également Seyedsalehi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1250 aux para 8, 10, 13).

[23] L’agent devait justifier les raisons pour lesquelles la présence de certains membres de la famille au Canada démontrait que les demandeurs n’auraient pas suffisamment de liens familiaux avec le pays de résidence. Il incombait à l’agent d’évaluer et de soupeser les arguments des parties concernant les membres de la famille restés en Iran et les relations qui existaient entre eux. En l’espèce, les demandeurs ont indiqué que leurs parents et un frère aîné resteraient en Iran et qu’ils souhaitaient y retourner en raison de leurs liens affectifs (notamment les enfants qui sont attachés à leurs grands‑parents) et du soutien que les demandeurs apporteront à leurs parents vieillissants.

[24] Le fait que l’agent n’ait pas tenu compte de l’existence de liens familiaux importants avec l’Iran et de l’explication des demandeurs quant à leur intention de retourner en Iran à cause des membres de leur famille susmentionnés (ainsi que leur désir d’élever leurs enfants dans leur pays d’origine afin qu’ils connaissent leur culture) démontre que celui‑ci n’a pas examiné de façon sérieuse les éléments de preuve et les questions clés présentés par les demandeurs, ce qui rend la décision de l’agent déraisonnable.

[25] En l’espèce, l’agent n’a pas motivé son évaluation ni son appréciation des éléments de preuve contraires présentés par les demandeurs. Comme je l’ai expliqué dans la décision Ehigiator c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 308 aux para 71‑74 (voir aussi Vavilov, au para 126; Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 8667 (CF), [1998] ACF No 1425 au para 15), le décideur ne peut pas s’appuyer de manière sélective sur des éléments de preuve et ignorer ou passer sous silence d’autres éléments de preuve pertinents qui contredisent sa conclusion de fait (voir Rajput c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 65 au para 25). Le décideur doit plutôt démontrer que tous les éléments de preuve ont été examinés et soupesés, et expliquer pourquoi il n’a accordé que peu ou pas d’importance aux éléments de preuve contradictoires.

[26] Je comprends que dans le contexte de la décision d’un agent des visas, les motifs sont brefs normalement en raison du volume important de demandes présentées (Hajiyeva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 71 au para 6; Ocran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 175 au para 15; Lingepo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 552 au para 13). Dans un tel contexte, la décision doit être lue à la lumière du dossier dont disposait le décideur, notamment en fonction des éléments de preuve et des arguments des parties. La Cour doit toutefois intervenir lorsque les motifs comportent une lacune fondamentale, notamment si des éléments de preuve pertinents n’ont pas été examinés et évalués. Accueillir une demande de contrôle judiciaire parce que le décideur n’a pas mentionné comme il se doit des faits contradictoires est approprié lorsque la Cour ne peut pas évaluer si le décideur a véritablement tenu compte de l’ensemble des questions clés et des éléments de preuve (Vavilov, aux para 94‑96, 125‑128).

[27] En l’espèce, les motifs et les notes de l’agent n’expliquent pas pourquoi les éléments de preuve présentés par les demandeurs concernant leurs liens avec leur famille élargie, leur entreprise et leur emploi, ainsi que leurs avoirs bancaires, fonciers et divers en Iran, n’étaient pas suffisants pour convaincre l’agent que les demandeurs retourneraient en Iran à la fin du programme d’études de la DP, ou pour démontrer un établissement suffisant en Iran.

[28] Dans la décision Masouleh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1159, le juge Ahmed a tiré une conclusion semblable :

[traduction]
[25] À mon avis, le rejet par l’agent de la demande de permis d’études de la demanderesse principale est déraisonnable, parce que l’agent n’a pas examiné sérieusement les éléments de preuve relatifs aux liens familiaux de la demanderesse en Iran. […]

[26] Les demandeurs soutiennent que les conclusions de l’agent concernant leurs liens familiaux ne concordent pas avec les éléments de preuve au dossier. Dans les notes du SMGC concernant le rejet de la demande de permis d’études de la demanderesse principale, l’agent a conclu que la demanderesse principale n’avait pas démontré qu’elle était suffisamment établie et que ses liens avec l’Iran étaient affaiblis du fait qu’elle serait accompagnée de son époux et de sa fille

[27] Les demandeurs soutiennent qu’ils ont fourni des renseignements et des éléments de preuve détaillés concernant leur famille, leur emploi et leurs actifs en Iran, ce qui montre qu’ils sont très bien établis, contrairement à ce que l’agent a conclu. Les demandeurs font remarquer qu’ils ont fourni des éléments de preuve concernant leurs avoirs en Iran et des formulaires de renseignements sur la famille dans lesquels il est indiqué que plusieurs membres de la famille résident en Iran, notamment la mère veuve de la demanderesse principale, les quatre membres de sa fratrie et la mère âgée du demandeur associé. Les demandeurs n’ont aucun lien familial avec le Canada. Ils soutiennent qu’en l’absence d’une explication des raisons pour lesquelles la preuve de leur établissement en Iran est insuffisante, la décision de l’agent ne tient pas compte du dossier et est donc déraisonnable.

[30] […] Je ne trouve pas que les notes de l’agent dans le SMGC démontrent une évaluation raisonnable de la preuve produite par la demanderesse principale relativement à ses liens familiaux et à d’autres aspects de l’établissement des demandeurs en Iran. Les motifs sont plutôt vagues et ne précisent pas en quoi les liens de la demanderesse principale avec l’Iran sont affaiblis par le fait qu’elle est accompagnée de son époux et de son enfant de quatre ans, au point qu’elle ne retournerait pas en Iran après ses études, compte tenu en particulier des éléments de preuve qui montrent que la plus grande partie de sa famille élargie et de celle de son époux résident en permanence en Iran et qu’ils ont des actifs financiers dans ce pays.

[Non souligné dans l’original]

[29] L’agent a également rendu une décision déraisonnable en ce qui concerne l’évaluation du plan d’études, puisqu’il a estimé que le diplôme pour lequel la DP souhaite venir au Canada [traduction] « semble redondant » compte tenu de ses études antérieures et de son parcours professionnel.

[30] Comme la Cour l’a jugé à plusieurs reprises, il n’appartient pas à l’agent de tirer des conclusions concernant l’utilité d’un diplôme supplémentaire pour la demanderesse, sans fonder sa décision sur les éléments de preuve qui lui ont été présentés (Seyedsalehi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1250 aux para 14‑16; Adom c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 26 aux para 16, 19; Al Aridi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 381 au para 27; Vahdati, aux para 13‑16). Il ne s’agit pas d’un cas où le demandeur souhaite obtenir un diplôme dans un programme de premier cycle même s’il est déjà titulaire d’une maîtrise dans le même domaine général ni d’un cas où il y a des incohérences entre le plan d’études et l’utilité du diplôme proposé compte tenu des études et du parcours professionnel du demandeur (Charara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1176 aux para 37‑38). En l’espèce, le programme de maîtrise proposé par la DP était différent de la maîtrise qu’elle détenait déjà et était axé sur l’administration de services de santé et de services sociaux universels, tandis que sa maîtrise précédente était en génie chimique. L’agent ne fournit aucune raison à l’appui de sa conclusion selon laquelle le diplôme semblait « redondant » par rapport aux études et au parcours professionnel déclarés de la DP.

[31] De plus, la DP a expliqué dans sa Déclaration d’intention qu’une maîtrise lui serait utile, notamment pour occuper un poste de gestionnaire des services sociaux, sanitaires et communautaires dans son milieu de travail, un poste plus élevé que celui qu’elle occupait. La DP a expliqué en détail les raisons pour lesquelles elle avait choisi le programme précis pour lequel elle demandait un permis d’études, que les autres universités iraniennes n’offraient pas de programme semblable et que les experts dans ce domaine étaient très en demande en Iran. Malheureusement, l’agent ne mentionne pas dans ses motifs comment la preuve lui a permis de conclure que la DP ne l’avait pas convaincu qu’elle quitterait le pays à la fin de son séjour autorisé et que la preuve ne suffisait pas à démontrer qu’elle était véritablement établie en Iran.

[32] Étant donné que je conclus que la décision de l’agent est déraisonnable parce qu’elle ne tient pas compte de la preuve relative à l’établissement des demandeurs en Iran, je n’ai pas besoin d’examiner l’argument des demandeurs selon lequel l’agent a violé leur droit à l’équité procédurale.

VI. La conclusion

[33] La décision de l’agent est déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

[34] Les parties ne proposent aucune question aux fins de certification, et je conclus que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑7857‑22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. L’affaire sera renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen.

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Guy Régimbald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑7857‑22

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

FARZANEH ALI ASKARI, TAHA SHEIKH GHASEMI, ARAD SHEIKH GHASEMI, ARMITA SHEIKH GHASEMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE AU MOYEN DE ZOOM

DATES DE L’AUDIENCE :

LE 25 SEPTEMBRE 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RÉGIMBALD

DATE DES MOTIFS :

LE 29 SEPTEMBRE 2023

COMPARUTIONS :

Oluwadamilola Asuni

POUR LES DEMANDEURS

Silvia Suman

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Oluwadamilola Asuni

Avocate

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.