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Date : 20230928


Dossier : T-731-22

Référence : 2023 CF 1311

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2023

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

AAREN JAGADEESH

demandeur

et

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE (CIBC)

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, M. Aaren Jagadeesh conteste la décision par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) rejetait sa plainte. Dans celle-ci, M. Jagadeesh alléguait que son ancien employeur (la CIBC) aurait fait preuve de discrimination à son égard et aurait mis fin à son emploi en raison de motifs de distinction illicite, à savoir sa déficience et son orientation sexuelle en tant qu’homme hétérosexuel : Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6, art 3 [la LCDP].

[2] Le Tribunal canadien des droits de la personne (le TCDP) est l’organisme juridictionnel chargé de trancher les plaintes en matière de discrimination déposées en vertu de la LCDP. La Commission, dont la décision est en cause en l’espèce, est le gardien du Tribunal et elle procède à un examen préalable pour trancher la question de savoir si une plainte devrait être déférée au Tribunal : Cooper c Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 RCS 854 aux para 52 et 53; Tutty c Canada (Procureur général), 2011 CF 57 au para 12. Dans le cadre de son examen préalable, la Commission peut décider de ne pas statuer sur une plainte aux premières étapes de l’examen préalable (par exemple, pour les motifs exposés à l’article 41 de la LCDP), ou la Commission peut enquêter sur la plainte afin de décider si elle devrait être renvoyée au Tribunal pour instruction. La Commission peut s’appuyer sur le travail d’un agent des droits de la personne pour déterminer le sort à réserver à une plainte.

[3] Dans le cas de M. Jagadeesh, la Commission a renvoyé sa plainte à une agente des droits de la personne (l’agente) pour enquête. L’agente a examiné le dossier documentaire, a interrogé des témoins et a présenté à la Commission un rapport contenant ses conclusions (le rapport pour décision) : LCDP, art 44. Dans le rapport, il était recommandé à la Commission de rejeter la plainte de M. Jagadeesh, au motif qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour justifier la tenue d’une enquête plus approfondie. Les parties ont dès lors eu la possibilité de présenter des observations en réponse au rapport pour décision, afin de les soumettre à l’examen de la Commission, ce que M. Jagadeesh et la CIBC ont fait.

[4] La Commission a rendu une décision le 15 mars 2022. Elle a conclu qu’un examen par le Tribunal n’était pas justifié, et elle a rejeté la plainte de M. Jagadeesh sur le fondement du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la LCDP.

[5] M. Jagadeesh, qui agissait pour son propre compte dans la présente affaire, demande à la Cour d’annuler la décision de la Commission. Il soutient que la Commission a porté atteinte aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle, et que sa décision était entachée de partialité. M. Jagadeesh déclare que la Commission a commis une erreur en s’appuyant sur le rapport trop restrictif, inéquitable et entaché de partialité de l’agente pour rejeter sa plainte, et qu’elle a fondé sa décision sur des conclusions de fait ou des conclusions mixtes de fait et de droit erronées qui ne tenaient pas compte de ses observations démontrant la présence d’erreurs dans le rapport. Il déclare que les conclusions de la Commission ne sont pas conformes aux dispositions de la LCDP.

[6] La CIBC soutient que l’enquête a été rigoureuse et que cette dernière renfermait une analyse en profondeur des questions soulevées dans la plainte de M. Jagadeesh. Selon la CIBC, les motifs de la Commission étaient clairs, ses conclusions étaient fondées sur les faits et le droit, et les arguments de M. Jagadeesh dans le cadre du contrôle judiciaire ne permettent pas de remettre en cause l’équité du processus de la Commission ou le caractère raisonnable de sa décision de rejeter sa plainte.

[7] Pour les motifs qui suivent, M. Jagadeesh n’a pas démontré que la décision de la Commission était inéquitable sur le plan procédural ou déraisonnable. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Contexte

[8] La CIBC a embauché M. Jagadeesh en juin 2014, à titre de représentant des services financiers à son centre d’appels. M. Jagadeesh affirme qu’il a commencé à ressentir de vives douleurs à la gorge et aux cordes vocales en raison des exigences du poste, à savoir appeler un grand nombre de clients et devoir réciter de longues divulgations juridiques au cours des appels. En février 2015, M. Jagadeesh a présenté une demande de mesures d’adaptation, par laquelle il demandait à travailler à quelque titre que ce soit, mais non avec les clients au téléphone.

[9] Le médecin organisationnel de la CIBC a examiné M. Jagadeesh en mars 2015 et il l’a aiguillé vers un spécialiste. Le spécialiste a diagnostiqué une dysphonie liée à une tension musculaire et il a recommandé une thérapie, des mesures d’adaptation en milieu de travail sous la forme de pauses fréquentes et idéalement un poste autre qu’au téléphone, du moins pour un certain temps.

[10] Selon la plainte de M. Jagadeesh, la CIBC a commencé à faire preuve de discrimination à son endroit peu après que le spécialiste eut posé son diagnostic et confirmé sa déficience. On trouve dans la plainte un certain nombre d’allégations de traitement discriminatoire et de harcèlement, notamment que la CIBC a rejeté des demandes de mesures d’adaptation et lui aurait plutôt demandé de prendre un congé d’invalidité de courte durée (ICD) et que la CIBC aurait amputé son salaire, lui aurait refusé des incitatifs et des primes, l’aurait menacé de mesures disciplinaires en raison de ses pauses essentielles pour raisons médicales, aurait manipulé des statistiques sur le rendement, aurait forgé des lettres d’avertissement en vue de [traduction] « se débarrasser de lui », et finalement aurait mis fin à son emploi en mai 2016. Il était également allégué dans la plainte que M. Jagadeesh avait posé sa candidature pour 17 autres postes au sein de la CIBC et que, malgré ses qualifications et son expérience, la CIBC avait refusé de l’affecter dans un poste autre que celui au centre d’appels. Selon la plainte, le gestionnaire de M. Jagadeesh a sollicité une rencontre en septembre 2015 et alors qu’ils discutaient de ses qualifications et problèmes médicaux, il aurait mentionné qu’à moins que M. Jagadeesh ne se joigne à leur [traduction] « groupe », il n’y avait pas d’espoir pour lui. M. Jagadeesh déclare que son gestionnaire a expliqué que [traduction] « tous les gestionnaires masculins ici et à l’étage inférieur sont gais ou bisexuels », et c’est ce qui expliquait pourquoi un si grand nombre de jeunes employés ayant des qualifications limitées obtenaient des promotions. M. Jagadeesh n’y a pas pensé à ce moment-là, mais plus tard il a eu l’impression que son refus de joindre le [traduction] « groupe » peut avoir été la cause principale de ses problèmes au sein de la CIBC.

[11] M. Jagadeesh a allégué dans sa plainte que les agissements de la CIBC lui ont causé du tort sur le plan financier et sur le plan émotionnel, dont une perte de salaire, une perte d’avantages et une perte de possibilités d’avancement au sein de la CIBC, et que depuis son emploi à la CIBC, il présente une déficience qui fait en sorte qu’il ne peut plus occuper un emploi comportant des communications téléphoniques. Il a affirmé qu’il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-chômage et qu’il n’a pas pu trouver un autre emploi, car la CIBC avait refusé de fournir des références et avait falsifié son relevé d’emploi de sorte que son emploi s’est terminé avant la fin de la période de probation.

[12] M. Jagadeesh a déposé une plainte à la Commission en avril 2017. La Commission a nommé une enquêteuse, laquelle a mené une enquête de juillet 2017 à juillet 2018 et a rendu son rapport en août 2018, dans lequel elle recommandait le rejet de la plainte. La Commission a souscrit à la recommandation de l’enquêteuse et a rejeté la plainte de M. Jagadeesh en novembre 2018.

[13] M. Jagadeesh a contesté la décision de novembre 2018 de la Commission, et sa demande de contrôle judiciaire a été accueillie en septembre 2019 : Jagadeesh c Banque canadienne impériale de commerce (CIBC), 2019 CF 1224 [Jagadeesh]. La Cour a conclu que l’enquête et la décision n’avaient pas été équitables sur le plan procédural, étant donné que la Commission n’avait pas procédé à un examen approfondi des motifs de la plainte de M. Jagadeesh. L’affaire a été renvoyée à la Commission en vue d’une nouvelle enquête par un autre enquêteur et d’une nouvelle décision fondée sur l’ensemble du dossier.

[14] La Commission a par la suite nommé une nouvelle enquêteuse, dont le rapport pour décision livré en septembre 2021 comporte les résultats et l’analyse. La décision du 15 mars 2022 de la Commission qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire est la décision rendue après la deuxième enquête.

III. Norme de contrôle

[15] Les allégations de manquement à l’équité procédurale soulevées par M. Jagadeesh sont susceptibles de contrôle selon une norme qui s’apparente à celle de la décision correcte : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [Chemin de fer Canadien Pacifique]; voir également Canada (Procureur général) c Ennis, 2021 CAF 95 au para 45. Cela englobe l’allégation de partialité et l’allégation selon laquelle sa plainte n’a pas fait l’objet d’une enquête rigoureuse : Joshi c Banque canadienne impériale de commerce, 2015 CAF 92 au para 6. L’obligation d’équité procédurale est « éminemment variable », intrinsèquement souple et tributaire du contexte : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 77 [Vavilov], citant Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 22 et 23 [Baker], entre autres. Un demandeur doit avoir eu une possibilité valable de présenter ses arguments et de les voir évalués de façon complète et équitable : Baker, au para 32. La question principale est de savoir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances : Chemin de fer Canadien Pacifique, au para 54.

[16] Les allégations qui mettent en doute le bien-fondé de la décision de la Commission sont examinées conformément aux principes directeurs relatifs au contrôle selon la norme de la décision raisonnable énoncés dans l’arrêt Vavilov. La norme de contrôle de la décision raisonnable est une norme de contrôle fondée sur la déférence, mais rigoureuse : Vavilov, aux para 12, 13, 75 et 85. Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov, au para 99. Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

IV. Analyse

A. Question préliminaire : Admissibilité de l’affidavit de M. Jagadeesh

[17] Le dossier de demande de M. Jagadeesh en l’espèce comprend un affidavit signé le 6 mai 2022. M. Jagadeesh affirme qu’il a recours à l’affidavit non seulement pour fournir des renseignements généraux, mais aussi pour démontrer de quelle façon l’enquête a été menée par l’agente et ce qui s’est produit au cours de l’enquête et après celle-ci. À l’affidavit sont joints 16 documents en tant que pièces (pièces A à P), et on y indique que ces documents faisaient partie des éléments de preuve initiaux présentés par M. Jagadeesh à la Commission en 2017 ou qu’il s’agit de communications par courriel entre M. Jagadeesh et l’agente ou la Commission au cours de l’enquête.

[18] M. Jagadeesh soutient que son affidavit est admissible pour deux raisons. Premièrement, étant donné qu’il concerne des renseignements dont ne disposait pas la Commission, l’affidavit fournit à son avis des renseignements généraux nécessaires pour permettre à la Cour de comprendre ses allégations de partialité, de manquement à l’équité procédurale et de manque de rigueur : Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency, 2012 CAF 22 au para 20 [Access Copyright]. Deuxièmement, M. Jagadeesh affirme que dans son avis de demande, il priait la Commission de fournir une copie de l’ensemble du dossier dont elle disposait, mais la réponse de la Commission ne comprenait pas ses éléments de preuve; par conséquent, l’affidavit est nécessaire pour présenter à la Cour les documents qu’il a en sa possession et qui faisaient partie des éléments de preuve initiaux : Mackie c Via Rail Canada Inc, 2022 CF 871 au para 15, citant Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) c Alberta, 2015 CAF 268 aux para 15 à 23.

[19] La défenderesse ne s’oppose pas à l’admissibilité des pièces, dans la mesure où la Cour juge qu’elles sont nécessaires pour trancher les questions de partialité et d’équité procédurale. Toutefois, la défenderesse soutient qu’il n’y a pas lieu d’admettre le corps de l’affidavit de M. Jagadeesh, car il s’agit d’arguments qui ne font que reprendre les opinions de M. Jagadeesh présentées dans son mémoire des arguments.

[20] En principe, le dossier de la preuve qui est soumis à la Cour saisie d’une demande de contrôle judiciaire se limite au dossier dont disposait le décideur : Access Copyright, au para 19. Il existe des exceptions au principe général, et des éléments de preuve dont le décideur ne disposait pas peuvent être admissibles : (i) s’ils contiennent des renseignements généraux qui sont susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire, sans fournir des éléments de preuve se rapportant au fond de la décision administrative; (ii) s’ils expliquent des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier, permettant ainsi à la Cour de remplir son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale; ou (iii) s’ils font ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le tribunal administratif lorsqu’il a tiré une conclusion déterminée : Access Copyright, au para 20. L’exception des renseignements généraux vise les observations pures et simples propres à diriger la réflexion de la cour de révision afin qu’elle puisse comprendre l’historique et la nature de l’affaire dont le décideur administratif était saisi : Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117 au para 45.

[21] L’agente disposait de bon nombre des pièces jointes à l’affidavit de M. Jagadeesh, mais il est indiqué dans la réponse de la Commission présentée au titre de l’article 318 qu’elles n’étaient pas en la possession de la Commission lorsqu’elle a rendu sa décision. À proprement parler, les pièces ne sont pas pertinentes lorsqu’il s’agit de procéder à un examen du bien-fondé de la décision : Access Copyright, aux para 19 et 20. Toutefois, M. Jagadeesh allègue que l’enquête menée par l’agente n’a pas été rigoureuse et que la Commission aurait dû passer en revue tous les éléments de preuve avant de rendre sa décision. Pour l’analyse des arguments de M. Jagadeesh ayant trait à l’équité procédurale, je vais admettre en preuve les pièces à titre d’exception à la règle générale, pour permettre à la Cour de « remplir son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale » : Access Copyright, au para 20.

[22] En ce qui concerne les paragraphes de l’affidavit de M. Jagadeesh :

  1. Les paragraphes 1 et 2 sont des paragraphes liminaires types qui ne peuvent être contestés.

  2. Les paragraphes 33 et 34 présentent les pièces. Étant donné que les pièces sont admises, j’ai décidé d’admettre en preuve ces paragraphes même si certaines des descriptions des pièces que l’on trouve au paragraphe 34 constituent des arguments.

  3. Les paragraphes 11 à 23 contiennent des déclarations qui pourraient constituer une preuve par affidavit appropriée qui est pertinente dans une certaine mesure pour les questions d’équité procédurale. Bien que les paragraphes 11 à 23 comprennent également des arguments, je ne vois pas l’utilité d’analyser ces paragraphes, étant donné qu’ils reprennent en grande partie les renseignements (avec certaines divergences) que l’on trouve dans les pièces admises en preuve. Les paragraphes 11 à 23 sont admis.

  4. Les paragraphes 3 à 10, 24 à 32 et 35 ne présentent aucun élément de preuve pertinent requis. Il s’agit uniquement d’arguments. Un affidavit n’est pas un moyen supplémentaire de présenter des observations : Jagadeesh, au para 42; voir également Rosianu c Western Logistics Inc, 2021 CAF 241 au para 29. Ces paragraphes ne sont pas admissibles.

B. La Commission a-t-elle manqué à l’équité procédurale?

[23] M. Jagadeesh fait valoir que l’agente a fait preuve de partialité. Il affirme qu’il a soulevé la question de la partialité auprès de l’agente, de son gestionnaire et de la Commission dans un courriel détaillé de 16 pages (le courriel de février 2021) dans lequel il expliquait les erreurs et omissions flagrantes de l’agente, sa mauvaise interprétation des éléments de preuve et sa façon d’agir de façon contraire à l’éthique, notamment dans sa manière de l’interroger et de modifier ses notes d’entrevue pour qu’elles soient compatibles avec la version des faits de la CIBC. M. Jagadeesh affirme également que les observations qu’il a présentées à la Commission fournissaient plusieurs exemples montrant la partialité de l’agente et son omission de prendre en compte les éléments de preuve qu’il avait produits, et expliquaient pourquoi son rapport pour décision était inéquitable sur le plan procédural, entaché de partialité, trop limitatif, déraisonnable et contraire à l’éthique. M. Jagadeesh fait valoir que la Commission a non seulement omis d’agir, mais qu’elle a également dit qu’il n’avait pas fourni d’exemples concrets lui permettant de conclure que le rapport pour décision et l’enquête étaient entachés de partialité et contraires à l’éthique. M. Jagadeesh soutient que l’on peut établir de nombreux parallèles entre son dossier et les circonstances des affaires Saran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 524 [Saran] et Sanderson c Canada (Procureur général), 2006 CF 447 [Sanderson].

[24] Mise à part la partialité, M. Jagadeesh allègue que la Commission et l’agente ont manqué aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle d’autres façons. Il soutient que l’agente n’a pas enquêté au sujet de la plainte de façon neutre et rigoureuse, notamment parce qu’elle n’a pas tenu compte de motifs de distinction illicite importants, qu’elle a fait abstraction d’éléments de preuve démontrant que la CIBC n’a jamais offert de mesures d’adaptation et ne voulait pas offrir des mesures d’adaptation s’il ne se joignait pas au [traduction]« groupe » et qu’elle a omis de faire enquête adéquatement sur la falsification intentionnelle des relevés d’emploi et la manipulation intentionnelle des statistiques sur le rendement par la CIBC afin de le punir. En outre, M. Jagadeesh allègue que la Commission n’a pas tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve ni de la directive donnée par la Cour fédérale qui l’obligeait à tenir compte de l’« ensemble du dossier », lequel contenait des éléments de preuve essentiels qui corroboraient ses allégations. Selon lui, le processus suivi par la Commission pour décider de rejeter sa plainte était inéquitable et injuste, il y a eu partialité dans l’enquête et la Commission a omis de prendre en compte ses observations et l’importance de la décision pour lui.

[25] La CIBC soutient que M. Jagadeesh ne s’est pas acquitté de son obligation de démontrer une partialité réelle ou une crainte raisonnable de partialité. C’est une question qu’il faut examiner avec rigueur et un simple soupçon ne suffit pas : Hughes c Canada (Procureur général), 2010 CF 837 au para 21 [Hughes]. Selon la CIBC, la Commission a signalé avec raison le manque d’exemples concrets de partialité ou de comportement contraire à l’éthique. La CIBC affirme que, bien que M. Jagadeesh ne soit pas d’accord avec le rapport pour décision, ce dernier montre que l’agente n’a pas fait preuve de partialité.

[26] La CIBC affirme que la Commission s’est acquittée de son obligation d’équité procédurale. La deuxième enquête qui a mené au rapport pour décision a été rigoureuse et la Commission n’a pas omis de tenir compte de la directive donnée par la Cour fédérale dans le cadre de la première procédure de contrôle judiciaire. La CIBC souligne qu’on doit laisser à la Commission beaucoup de latitude dans la façon dont elle mène ses enquêtes; la perfection n’est pas la norme et l’enquête doit se borner aux questions fondamentales : Ritchie c Canada (Procureur général), 2017 CAF 114 au para 30 [Ritchie]. Le rapport pour décision traitait de l’ensemble des questions fondamentales soulevées dans la plainte de M. Jagadeesh, et la Commission a examiné les observations qu’il avait déposées en réponse au rapport pour décision.

[27] La CIBC affirme que, lorsque la Commission s’acquitte de sa fonction d’examen préalable ou de gardien, elle jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour trancher la question de savoir si une enquête plus approfondie à l’égard d’une plainte est justifiée. Étant donné que la décision de la Commission de rejeter la plainte de M. Jagadeesh était équitable sur le plan de la procédure, il convient de faire preuve de retenue, suivant la norme de la décision raisonnable.

[28] Je conviens avec la CIBC que M. Jagadeesh n’a pas démontré que la décision de la Commission devrait être annulée en raison de sa partialité ou d’autres manquements à l’équité procédurale.

[29] La Commission a jugé qu’aucune des questions soulevées par M. Jagadeesh ne l’amenait à conclure que l’enquête ou le rapport pour décision était [traduction] « inéquitable sur le plan procédural, entaché de partialité, trop limitatif, déraisonnable et aussi contraire à l’éthique », comme il l’alléguait.

[30] En ce qui concerne la partialité en particulier, la Commission a jugé que M. Jagadeesh n’avait pas fourni d’exemples concrets pouvant l’amener à conclure que l’enquête était entachée de partialité ou contraire à l’éthique, ou qu’une personne raisonnablement informée, qui étudierait la question de façon réaliste et pratique, tirerait une telle conclusion. Comme il a été mentionné précédemment, M. Jagadeesh soutient devant la Cour qu’il a en réalité donné plusieurs exemples de partialité dans les observations présentées à la Commission et dans le courriel de février 2021 envoyé préalablement à l’agente et à la Commission.

[31] Les allégations de partialité et de comportement contraire à l’éthique mettent en doute l’intégrité du décideur, et on dit souvent que c’est une question qu’il faut examiner avec rigueur : Hughes, au para 21. Les observations présentées par M. Jagadeesh à la Commission ne comportaient pas une raison convaincante de croire que l’agente favorisait une décision ou qu’elle n’avait pas enquêté avec impartialité à l’égard de la plainte. Dans ses observations, il ne faisait pas clairement la distinction entre les allégations de partialité et de comportement contraire à l’éthique et d’autres allégations de manquement à l’équité procédurale, et les précisions à l’appui de ces allégations tenaient d’erreurs alléguées, de processus inéquitables ou de conclusions déraisonnables qui, pris en compte séparément ou ensemble, ne montrent pas que l’agente a abordé la plainte avec un « esprit fermé » : Hughes, au para 23. La déclaration de la Commission selon laquelle M. Jagadeesh n’avait pas fourni d’exemples concrets de partialité ou de comportement contraire à l’éthique était juste.

[32] La Commission n’avait pas l’obligation de tenir compte du courriel de février 2021. M. Jagadeesh a présenté des observations écrites, comme il avait le droit de le faire, et ces observations constituaient le moyen de présenter ses arguments à la Commission. Les observations de chacune des parties étaient d’une longueur maximale de 10 pages. La Commission n’était pas tenue de prendre en compte et d’examiner les observations supplémentaires se trouvant dans le courriel de 16 pages.

[33] Quoi qu’il en soit, les détails que l’on trouve dans le courriel de février 2021 ne démontrent pas que l’enquête est entachée de partialité ou par un manquement à l’équité procédurale. Le courriel indique des divergences minimes ou sans conséquence entre les notes de M. Jagadeesh et celles de l’agente, lesquelles n’appuient pas les allégations de M. Jagadeesh selon lesquelles l’agente aurait tiré indûment avantage de son incapacité vocale en dénaturant ses réponses alors qu’il avait des douleurs à la gorge et rédigé ses notes de sorte qu’on puisse penser qu’il n’était pas en mesure de fournir des renseignements, qu’il avait une compréhension erronée des renseignements ou qu’il cachait des détails importants. M. Jagadeesh allègue dans le courriel de février 2021 qu’on ne lui a pas donné l’occasion adéquate de fournir des éléments de preuve pendant son entrevue, car l’agente avait une autre rencontre qui l’a obligée à mettre fin à l’entrevue après une heure et dix minutes, alors qu’il était prêt à poursuivre. Rien ne permet de conclure que M. Jagadeesh a été privé de la possibilité de présenter l’intégralité de ses arguments à l’entrevue, surtout qu’il a eu d’autres occasions de le faire, notamment au moyen de la plainte elle-même, d’autres communications avec l’agente et des observations écrites. Dans le courriel, M. Jagadeesh se demande également si l’agente lui a menti quand elle a dit qu’ils étaient seuls dans la pièce au cours de l’entrevue. Cette préoccupation repose sur le fait que l’agente a d’abord fait mention de ses notes en tant que [traduction] « notes de l’agente », puis qu’elle a par la suite fait référence aux mêmes notes en tant que [traduction] « notes du témoin ». Pour cette raison, M. Jagadeesh craignait qu’un témoin non divulgué ait pris des notes pour l’agente et que des personnes aient manipulé le contenu de son dossier. Les soupçons non étayés de M. Jagadeesh ne révèlent aucune partialité : Hughes, au para 21.

[34] L’affaire Sanderson diffère du dossier de M. Jagadeesh. Dans l’affaire Sanderson, la demanderesse alléguait que la relation personnelle que l’enquêtrice avait avec un des principaux témoins l’avait amenée à aborder l’enquête avec un esprit fermé, et que ni le rapport d’enquête, ni la décision de la Commission n’abordaient « d’aucune façon » ces allégations : Sanderson, au para 36. M. Jagadeesh n’a pas soulevé une préoccupation comparable, et l’agente et la Commission ont abordé ses allégations de partialité.

[35] L’affaire Saran est également différente de l’espèce. Dans l’affaire Saran, la Cour a conclu que les demandeurs avaient présenté des éléments de preuve établissant concrètement l’existence d’une crainte raisonnable de partialité, notamment des éléments de preuve selon lesquels l’agente des visas qui les avait interrogés et qui avait rejeté leur demande de permis de travail avait chassé l’interprète, l’entrevue n’avait pas été menée dans la langue indiquée dans les notes de l’agente et l’agente empêchait les demandeurs d’intervenir, leur coupant la parole, et les avait menacés d’interdiction de territoire pendant cinq ans. M. Jagadeesh n’a pas présenté une preuve de partialité et rien dans le rapport pour décision lui-même ne permet de conclure à la partialité. Le rapport révèle une analyse méthodique, exhaustive et équilibrée qui justifie amplement la recommandation de l’agente voulant que la Commission rejette la plainte en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la LCDP, en raison d’une preuve insuffisante pour justifier une enquête plus approfondie.

[36] En ce qui concerne les autres allégations de manquement à l’équité procédurale, comme il a été mentionné précédemment, M. Jagadeesh allègue que l’enquête relative à sa plainte n’a pas été rigoureuse et que le processus de la Commission n’était pas équitable.

[37] M. Jagadeesh soutient que l’agente : (i) a omis de tenir compte de tous les motifs de distinction illicite qu’il a soulevés, à savoir la déficience, l’orientation sexuelle, une combinaison de la déficience et de l’orientation sexuelle et le harcèlement, dont le harcèlement sexuel; (ii) n’a pas tenu compte de la preuve concluante du défaut de la CIBC de prendre des mesures d’adaptation liées à sa déficience et de ses actes discriminatoires à son endroit ou l’a mal interprétée; et (iii) a mené une enquête et une entrevue non équitables, et a modifié ses notes d’entrevue afin qu’elles soient compatibles avec la version des faits de la CIBC. M. Jagadeesh affirme que la Commission a fait fi de ses observations expliquant pourquoi l’agente avait tort quant aux principales conclusions, et que la Commission a également fait fi d’éléments de preuve contredisant directement les conclusions de l’agente.

[38] M. Jagadeesh affirme que la Commission n’a pas répondu à ses arguments selon lesquels : (i) l’agente a commis des erreurs flagrantes et a mal interprété des éléments de preuve comme il est expliqué dans le courriel de février 2021; (ii) il y a eu violation de son droit à des mesures d’adaptation à l’égard d’une déficience garanti par la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11, par. 32(1) [la Charte]; (iii) l’agente a commis une erreur en concluant que certaines allégations d’exploitation sexuelle outrepassaient le cadre de sa plainte; (iv) il a été privé de la possibilité de présenter l’intégralité de ses arguments, étant donné que l’agente l’a forcé à terminer son entrevue alors qu’il voulait fournir plus de renseignements; (v) l’agente a examiné les notes d’entrevue de la première agente alors que ces notes ne lui avaient jamais été communiquées et que la Cour fédérale avait déclaré qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale dans le cadre de la première enquête; et (vi) il n’a pas eu suffisamment l’occasion de réagir aux éléments de preuve de la CIBC. M. Jagadeesh prétend que le processus de la Commission était inéquitable sur le plan de la procédure, étant donné que la Commission n’a pas suivi ses propres processus, que le processus suivi était inéquitable et injuste, qu’elle n’a pas réellement tenu compte de l’ensemble du dossier conformément aux directives de la Cour fédérale et qu’elle n’a pas tenu compte de l’importance de la décision pour lui.

[39] Les observations de M. Jagadeesh ne me convainquent pas. L’enquête a été rigoureuse et M. Jagadeesh a bénéficié de l’équité procédurale.

[40] Une enquête rigoureuse aborde les questions fondamentales soulevées dans une plainte : Georgoulas c Canada (Procureur général), 2018 CF 652 au para 87. La perfection n’est pas la norme : Georgoulas, au para 86, citant Ritchie, au para 30. M. Jagadeesh n’a pas démontré que des questions fondamentales soulevées dans sa plainte avaient échappé à l’agente. Au contraire, le rapport pour décision montre que l’agente a cerné les allégations fondamentales contenues dans la plainte de M. Jagadeesh, lesquelles reposaient sur la déficience et l’orientation sexuelle, et qu’elle a fait enquête à leur égard. On traite abondamment de chaque allégation dans le rapport pour décision.

[41] L’agente a résumé la plainte de la manière suivante (notes de bas de page omises) :

[traduction]

1. Le plaignant allègue que l’intimée a fait preuve de discrimination contre lui au travail fondée sur la déficience (dysphonie liée à une tension musculaire) et l’orientation sexuelle (hétérosexuelle) en lui réservant un traitement différent et préjudiciable et en mettant fin à son emploi, en contravention de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi).

2. Le plaignant allègue que l’intimée a adopté le comportement suivant en raison de sa déficience :

elle a refusé de modifier ses tâches, de lui permettre des pauses régulières ou de lui proposer un autre poste;

elle a réduit son salaire de base et il n’a pas reçu de prime à la vente ni de prime annuelle;

les gestionnaires :

le surveillaient pour s’assurer qu’il ne parlait jamais de sa déficience avec les autres;

ont désactivé sa carte d’accès alors qu’il était encore employé;

ont menacé de lui imposer des mesures disciplinaires (y compris des réductions de salaire);

ont manipulé les statistiques sur son rendement quotidien;

lui ont demandé de signer des lettres d’avertissement et des documents disciplinaires;

ont retardé le versement de sa paie après qu’il eut réintégré ses fonctions après son congé d’invalidité de courte durée (ICD).

elle a mis fin à son emploi, ce qui a entraîné une perte de tous ses avantages sociaux;

elle ne lui a pas versé d’indemnité de départ ni d’indemnité de retraite lors de la cessation de son emploi;

elle a inscrit à tort dans son relevé d’emploi (RE) qu’il avait été congédié avant la fin de la période de probation, ce qui a eu une incidence sur son admissibilité aux programmes d’assurance-emploi;

elle ne lui a jamais donné de lettre de recommandation.

3. Le plaignant allègue qu’il a postulé pour 17 possibilités d’avancement différentes, mais que l’intimée n’a pas pris en considération sa candidature ou ne l’a pas embauché pour ces postes et qu’elle a par la suite mis fin à son emploi en raison de son orientation sexuelle.

[42] L’agente a fait remarquer que M. Jagadeesh a soulevé d’autres allégations ne se trouvant pas dans la plainte initiale, et elle a correctement affirmé que la Commission n’est pas tenue d’examiner les nouvelles allégations qui sont soulevées au cours du processus de plainte. Un plaignant doit s’en tenir aux allégations qui se trouvent dans la plainte telle que déposée : Manfoumbi-Mouity c Canada (Procureur général), 2017 CAF 240 [Manfoumbi-Mouity].

[43] La Commission n’était pas tenue d’aborder séparément tous les arguments formulés dans les observations de M. Jagadeesh. Elle a correctement affirmé qu’une grande partie de ce qui était abordé par M. Jagadeesh dans ses observations avait été traitée, avait fait l’objet de discussions et avait été analysée dans le rapport pour décision ayant été approuvé par la Commission. La Commission n’avait pas l’obligation d’examiner les observations supplémentaires exposées par M. Jagadeesh dans le courriel de février 2021, comme il a été expliqué précédemment.

[44] Les observations présentées par M. Jagadeesh à la Commission consistent en grande partie en des désaccords avec les conclusions de l’agente et en des reformulations des arguments présentés à l’appui de sa plainte pour discrimination. L’agente n’était pas tenue de traiter de points accessoires, et la Commission n’avait pas à revenir sur des points ayant fait l’objet d’une analyse et d’un examen adéquats dans le rapport pour décision. Les observations de M. Jagadeesh ne font pas naître de sérieuses inquiétudes quant au déroulement de l’enquête, ou à l’analyse exposée dans le rapport pour décision.

[45] Comme il a été mentionné précédemment, il ressort à mon avis du rapport pour décision que l’agente a correctement énoncé les allégations fondamentales contenues dans la plainte de M. Jagadeesh, qu’elle a fait enquête et qu’elle a abordé de façon détaillée chacune des allégations dans son rapport pour décision. Je vais tout de même donner plus de précisions au sujet de certaines des observations de M. Jagadeesh dans lesquelles ce dernier allègue que l’agente ou la Commission a omis de se pencher sur des aspects importants de sa plainte.

[46] Premièrement, M. Jagadeesh soutient que le motif crucial lié au harcèlement a échappé à l’agente. Dans ses observations présentées à la Commission, il allègue que, malgré des demandes répétées, l’agente n’a pas mentionné le motif de harcèlement dans le rapport pour décision, et qu’elle n’a pas fait référence à la disposition pertinente de la LCDP ayant trait au harcèlement. Cependant, le harcèlement est une forme d’acte discriminatoire : art. 14 de la LCDP. Étant donné que les allégations soulevées dans la plainte de M. Jagadeesh faisaient référence à des actions de la CIBC qu’il considérait comme du harcèlement, l’agente les a examinées comme des allégations de traitement défavorable en matière d’emploi et a traité de cette question dans le rapport pour décision.

[47] Deuxièmement, M. Jagadeesh affirme, en se fondant sur l’arrêt Turner c Canada (Procureur général), 2012 CAF 159 [Turner], que l’agente, en analysant séparément les motifs de distinction illicite de déficience et d’orientation sexuelle, n’a pas abordé ce qui était en fait de la discrimination composée. Je ne suis pas d’accord.

[48] Le décideur dans l’affaire Turner (qui était le Tribunal) avait passé sous silence l’un des motifs allégués de discrimination de M. Turner, et n’avait pas non plus tenu compte de ses arguments concernant l’importance des motifs interreliés ou combinés de discrimination : Turner, au para 33. Ce n’est pas le cas pour M. Jagadeesh. L’agente et la Commission ont pris en compte tous les motifs allégués de discrimination, et le type de discrimination interreliée ou composée dont il était question dans l’affaire Turner n’était pas allégué dans la plainte de M. Jagadeesh, et il n’était pas expliqué dans cette dernière quelle incidence avait eu sur lui la discrimination composée. M. Jagadeesh n’a pas non plus expliqué dans ses observations présentées à la Commission quelle avait été l’incidence de la discrimination composée sur lui. Il est mentionné ce qui suit dans ces observations (en gras et souligné dans l’original) :

[traduction]

[26] Articles de la LCDP qui s’appliquent à ma situation : 7, 10 et 14. Discrimination fondée sur : la déficience, l’orientation sexuelle, la combinaison des deux et le harcèlement, dont le harcèlement sexuel]. Remarque : Le DD [para 14] fait uniquement état de l’article 7, ce qui est inéquitable.

[27] Même durant la présentation de mes derniers arguments devant la Cour fédérale [CF-Jagadeesh], ces derniers étaient fondés sur les 3 articles de la LCDP qui précèdent. J’ai tous les détails, dont la « version enregistrée de mes arguments devant la Cour – achetée auprès du greffe ». Au besoin, et si j’ai la possibilité de le faire, je suis disposé à en envoyer une copie à la Commission dans le cadre de mes observations.

L’agente et la Commission n’ont pas omis d’examiner les arguments qu’ils devaient examiner.

[49] Troisièmement, les arguments ayant trait à la Charte que l’on trouve dans les observations présentées par M. Jagadeesh à la Commission se rapportaient à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. L’agente a mené une enquête rigoureuse et examiné l’ensemble des allégations de M. Jagadeesh voulant que la CIBC n’ait pas répondu aux besoins liés à sa déficience. M. Jagadeesh avait demandé à la CIBC un type particulier de mesures d’adaptation, à savoir un autre poste au sein de l’entreprise. L’agente a conclu que les éléments de preuve dont elle disposait ne démontraient pas que M. Jagadeesh avait besoin de ce type de mesures d’adaptation. Selon les éléments de preuve présentés, la CIBC avait pris des mesures d’adaptation conformes aux renseignements médicaux à sa disposition, jusqu’à ce qu’elles ne soient plus nécessaires. À compter de septembre 2015 (alors que M. Jagadeesh n’était plus en congé d’ICD), aucune preuve médicale ne confirmait un besoin en matière de mesures d’adaptation. L’agente a aussi relevé des éléments de preuve indiquant que la CIBC était disposée à réévaluer la situation de M. Jagadeesh s’il fournissait d’autres renseignements médicaux, mais il ne l’a jamais fait.

[50] Quatrièmement, l’argument de M. Jagadeesh selon lequel l’agente a considéré à tort que des allégations outrepassaient le cadre de la plainte initiale n’est pas fondé. L’agente a affirmé qu’au cours du processus d’évaluation, M. Jagadeesh a fourni des renseignements pouvant représenter des allégations qui ne faisaient pas partie de son formulaire de plainte (comme des allégations selon lesquelles d’autres employés de la CIBC étaient victimes d’exploitation sexuelle). L’agente a expliqué qu’elle pourrait invoquer ces points présentés comme une explication et pour fournir un contexte, mais qu’elle se contenterait d’examiner les allégations de discrimination se trouvant dans le formulaire de plainte. L’agente a correctement affirmé qu’un plaignant doit s’en tenir aux allégations contenues dans la plainte telle que déposée (citant Manfoumbi-Mouity). Elle n’a pas omis d’examiner des allégations centrales s’inscrivant dans la portée de la plainte de M. Jagadeesh.

[51] Cinquièmement, la Commission n’a pas fait abstraction de la directive de la Cour fédérale en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve. Dans la décision Jagadeesh, la Cour a expressément affirmé que lorsqu’elle décide d’adopter ou non le rapport d’enquête, la Commission « n’est pas tenue d’examiner les éléments de preuve sous-jacents présentés à l’enquêteur (contrairement à ce qu’affirme M. Jagadeesh) » : Jagadeesh, au para 55.

[52] Dans la décision Jagadeesh, la Cour a renvoyé l’affaire à la Commission étant donné que l’enquêteuse n’avait pas mené une enquête pour savoir si la candidature de M. Jagadeesh n’avait pas été prise en considération pour d’autres postes en raison de son orientation sexuelle ou de sa déficience. L’enquêteuse a estimé que l’allégation outrepassait la portée de la plainte. La Cour a conclu que, bien que la plainte de M. Jagadeesh ne fût pas organisée aussi clairement qu’elle aurait pu l’être, et que l’enquêteuse aurait raisonnablement pu mal interpréter sa portée, il était clair, après un examen de la plainte dans le contexte des observations présentées par M. Jagadeesh à la Commission, que l’allégation se trouvait dans la plainte initiale : Jagadeesh, au para 61. La Cour a poursuivi en affirmant que, bien qu’il aurait été possible de remédier à l’erreur de l’enquêteuse en tenant compte des observations de M. Jagadeesh (Sketchley c Canada [Procureur général], 2005 CAF 404 au para 38), le défaut n’a pas été corrigé, puisque la Commission n’a pas abordé la question et a adopté les conclusions que l’on trouvait dans le rapport de l’enquêteuse sans donner d’autres motifs. La Cour a conclu que la Commission, en demeurant silencieuse et en adoptant en tous points un rapport trop limitatif, avait manqué à l’équité procédurale : Jagadeesh, aux para 61 et 62.

[53] Après le renvoi de l’affaire, la Commission a nommé une nouvelle enquêteuse qui a procédé à une enquête complète relativement à la plainte de M. Jagadeesh. Le rapport pour décision de l’agente traitait de chacune des allégations de M. Jagadeesh, dont celle voulant que la CIBC ne lui eût pas offert d’autres postes et eût finalement mis fin à son emploi parce qu’il est hétérosexuel. L’agente a conclu que les éléments de preuve n’étayaient pas les allégations selon lesquelles l’orientation sexuelle de M. Jagadeesh avait été un facteur dans les décisions de la CIBC. Pour rejeter la plainte, la Commission a examiné les observations de M. Jagadeesh concernant le rapport pour décision, et les a dûment pris en considération dans sa décision.

[54] Enfin, M. Jagadeesh fait valoir que l’enquête menée par l’agente n’était ni neutre ni rigoureuse, car l’agente a fait abstraction d’éléments de preuve cruciaux qui prouvaient des actes discriminatoires de la part de la CIBC : la CIBC a falsifié intentionnellement ses relevés d’emploi et a manipulé les statistiques sur son rendement en guise de représailles pour ne pas s’être joint au groupe des employés gais/bisexuels, est responsable de sa déficience et elle ne lui a pas offert des mesures d’adaptation (en refusant de lui accorder des mesures d’adaptation sous la forme demandée et en l’obligeant à faire des appels téléphoniques, contrairement à un avis médical), n’a pas retenu sa candidature pour 17 postes pour lesquels il avait postulé, a menti quant à la raison pour laquelle il n’avait pas obtenu ces emplois, et ne voulait pas offrir des mesures d’adaptation s’il ne se joignait pas au groupe. Ces allégations ne révèlent pas une lacune dans l’enquête ou le rapport de l’agente qui pourrait entraîner un manquement à l’équité procédurale. Il s’agit de désaccords avec les conclusions de l’agente.

[55] L’obligation d’équité procédurale voulant qu’une enquête doive être neutre et rigoureuse est issue du droit d’être entendu. Sera considérée comme étant rigoureuse l’enquête qui n’est pas manifestement déficiente et qui n’a omis aucune preuve manifestement importante : Slattery c Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 CF 574 à la p. 598, 73 FTR 161 (1re inst.) aux p. 604 à 606 [Slattery]. L’enquête et le rapport doivent fournir un fondement adéquat et juste permettant à la Commission d’évaluer s’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour justifier la constitution d’un tribunal : Slattery, à la p. 598. Dans le cas de M. Jagadeesh, l’enquête et le rapport pour décision de l’agente répondaient à ces critères.

[56] M. Jagadeesh a également eu la possibilité de présenter des observations à la Commission pour expliquer pourquoi il n’était pas d’accord avec la recommandation et le rapport pour décision de l’agente. La Commission a examiné ces observations, ces dernières ne l’ont pas convaincue et elle a conclu que la preuve n’offrait aucun fondement raisonnable pour justifier le renvoi de la plainte au Tribunal pour instruction.

[57] La Commission a pour mandat d’examiner le rapport d’un enquêteur et de décider du sort de la plainte : LCDP, art. 44. Une cour de révision doit faire preuve de déférence à l’égard de l’évaluation faite par la Commission de la valeur probante des éléments recueillis par l’enquêteur et des observations des parties au moment de décider si une plainte justifie une enquête approfondie devant le Tribunal : Ritchie, aux para 38, 39 et 42. Autrement, la cour de révision assumerait le rôle de la Commission.

[58] En conclusion, M. Jagadeesh n’a pas démontré que la décision de la Commission de rejeter sa plainte était inéquitable sur le plan de la procédure.

C. La décision de la Commission est-elle déraisonnable?

[59] M. Jagadeesh affirme que les paragraphes 45 à 50 des observations qu’il a présentées à la Commission démontraient de manière concluante l’existence d’une discrimination fondée sur la déficience à première vue. Il soutient que la Commission a examiné de façon sélective ses observations et qu’elle a ignoré ou rejeté des éléments de preuve pertinents dans son analyse de la discrimination à première vue, rendant de ce fait sa décision déraisonnable. M. Jagadeesh prétend que l’analyse de la Commission était fondamentalement viciée, et que la Commission s’est fondée sur des conclusions de fait erronées qui ne reposaient pas sur les éléments de preuve. M. Jagadeesh allègue que la décision : (i) fait état d’une date erronée pour son diagnostic, précisant qu’il a reçu un diagnostic de dysphonie liée à une tension musculaire en février 2015, alors que le diagnostic a été posé après la consultation du spécialiste en juin 2015; elle contient également une erreur quant à la date à laquelle la CIBC a mis fin à son emploi (le 9 mai 2016 plutôt que le 10 mai 2016); (ii) mentionne qu’il travaillait un moins grand nombre d’heures pendant son congé d’ICD de mai 2015 à septembre 2015, mais cache le fait qu’il a été obligé de faire des appels au cours de cette période, ce qui expliquait principalement sa déficience; (iii) n’examine pas l’ensemble de ses observations qui expliquaient pourquoi l’enquêteuse a eu tort de conclure que la CIBC avait pris des mesures d’adaptation avant septembre 2015 et que la CIBC n’était pas tenue de prendre des mesures d’adaptation après septembre 2015; à cet égard, il indique que la Commission n’a cité qu’une partie de ses observations (l’agente n’aurait pas tenu compte des talons de paie qu’il avait produits en preuve) et a limité sa réponse au point le plus restreint, ne tenant pas compte des observations selon lesquelles la conclusion de l’agente était également incompatible avec les courriels de la CIBC et d’autres éléments de preuve corroborants manifestement importants qui démontraient que la CIBC ne lui avait jamais vraiment donné une pause du travail et des tâches au téléphone qui nécessitaient qu’il parle pendant longtemps, et a injustement fermé sa demande de mesures d’adaptation en septembre 2015; et (iv) ne dit pas pourquoi des éléments de preuve manifestement importants n’ont même pas été pris en considération, bien qu’il ait demandé clairement à la Commission de tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve importants et concluants mentionnés dans les observations.

[60] M. Jagadeesh affirme également que l’agente a commis une erreur manifeste et déterminante quand elle a conclu que les éléments de preuve n’étayaient pas la mesure d’adaptation que M. Jagadeesh privilégiait, soit sa mutation à un autre poste. Il déclare qu’il expliquait aux paragraphes 77 à 79 des observations présentées à la Commission que l’agente n’avait pas tenu compte de ses deux formulaires de demande de mesures d’adaptation (FDMA), et que sa conclusion allait à l’encontre de ses constatations selon lesquelles M. Jagadeesh avait fait part des mesures d’adaptation dont il avait besoin en remplissant les FDMA.

[61] M. Jagadeesh affirme qu’après son congédiement, la CIBC n’a pas arrêté de le harceler. En plus de prendre des mesures qui ont occasionné chez lui des pertes financières et d’omettre de verser les avantages auxquels il avait droit à la cessation d’emploi, la CIBC a déposé un faux relevé d’emploi indiquant que son emploi avait pris fin avant la fin de la période de probation, pour s’assurer qu’aucun employeur ne puisse l’embaucher. M. Jagadeesh affirme qu’il est incapable d’occuper un poste qui comporte l’utilisation d’un téléphone et qu’il ne peut profiter de 12 années d’expérience au Canada dans les centres d’appels en raison de sa déficience causée par son emploi à la CIBC, et qu’il a été puni du fait d’être hétérosexuel et parce qu’il a refusé de se joindre au groupe des employés gais et bisexuels.

[62] M. Jagadeesh n’a pas démontré que la décision de la Commission est déraisonnable.

[63] La Commission a raisonnablement conclu que les éléments de preuve ne justifiaient pas une nouvelle enquête au sujet de la plainte de M. Jagadeesh pour discrimination fondée sur la déficience. Toute erreur quant à la date du diagnostic ou de la cessation d’emploi est sans conséquence, et les arguments de M. Jagadeesh selon lesquels la Commission aurait caché le fait qu’il était obligé de faire des appels pendant son congé d’ICD sont sans fondement.

[64] M. Jagadeesh n’a pas démontré que la Commission n’avait pas examiné l’ensemble de ses observations expliquant pourquoi les conclusions de l’enquêteuse en ce qui a trait aux mesures d’adaptation étaient erronées. M. Jagadeesh a fait valoir que la CIBC a conclu qu’il n’était pas nécessaire de prendre des mesures d’adaptation additionnelles et qu’elle a [traduction] « injustement fermé mon dossier » en se fondant sur un rapport de septembre 2015 portant sur les mesures d’adaptation en milieu de travail dans lequel il était faussement énoncé qu’il exerçait depuis cinq mois des fonctions n’exigeant pas qu’il parle constamment. Il a allégué que le rapport sur les mesures d’adaptation était [traduction] « faux et erroné » étant donné que des éléments de preuve [traduction] « concluants » démontraient qu’il avait été obligé de continuer à faire des appels, à l’encontre des recommandations du médecin. La Commission a abordé ces observations et a raisonnablement conclu que rien ne donnait à penser que des mesures d’adaptation étaient nécessaires après septembre 2015. À cet égard, la Commission a souligné que M. Jagadeesh n’avait pas fourni de documents médicaux pour étayer son besoin de mesures d’adaptation continues après septembre 2015, que la CIBC était disposée à réévaluer sa situation en se fondant sur des documents médicaux supplémentaires, et que les talons de paie produits en preuve ne permettaient pas de réfuter la conclusion de l’agente. La Commission n’a pas expressément renvoyé aux courriels de la CIBC, mais ces courriels n’établissent pas que le rapport de la CIBC était faux et ils ne remettent pas en doute la conclusion de la Commission. Le rapport pour décision résume la contre-preuve de M. Jagadeesh selon laquelle en mars 2015, lorsqu’il s’est retrouvé en congé d’ICD, il faisait des appels, mais il travaillait un moins grand nombre d’heures et bénéficiait de pauses payées pour raisons médicales entre les appels et qu’à la suite de sa consultation avec le spécialiste, il a commencé à faire des tâches autres que téléphoniques le 30 juin 2015.

[65] M. Jagadeesh n’a pas soulevé des motifs valables pour remettre en question la conclusion de l’agente selon laquelle les éléments de preuve n’appuyaient pas la mesure d’adaptation qu’il privilégiait, soit sa mutation à un autre poste. La conclusion de l’agente selon laquelle M. Jagadeesh avait communiqué la mesure d’adaptation qu’il préférait n’établit pas que la conclusion de l’agente voulant que la preuve médicale n’appuyait pas sa préférence est entachée d’erreur. L’agente a conclu en se fondant sur la preuve que la CIBC avait pris des mesures d’adaptation sous la forme d’ICD, de courtes pauses, d’heures de travail réduites et de modification du travail, conformément à la preuve médicale disponible. M. Jagadeesh maintient que la CIBC devait prendre les mesures d’adaptation qu’il privilégiait; toutefois, la question a été examinée de façon approfondie dans le rapport pour décision, approuvé par la Commission, et M. Jagadeesh n’a pas établi la moindre erreur susceptible de contrôle.

[66] La plainte de M. Jagadeesh avait trait à des actes discriminatoires allégués qui ont finalement conduit à son congédiement en septembre 2015. Étant donné que des allégations ont été soulevées dans la plainte et que cela relevait de la compétence de la Commission, l’agente a mené une enquête rigoureuse et elle a expliqué ses conclusions dans un rapport détaillé. M. Jagadeesh est en désaccord avec ces conclusions, mais il n’a pas prouvé l’existence d’une erreur susceptible de contrôle.

[67] Dans les observations qu’il a présentées à la Commission, M. Jagadeesh abordait pratiquement tous les aspects du rapport pour décision; toutefois, ses observations ne soulevaient aucun point qui aurait exigé de la Commission qu’elle aille au-delà des documents qui lui avaient été présentés, et qu’elle examine les éléments de preuve initiaux qui se trouvaient dans le dossier. La Commission n’était pas tenue de reprendre l’enquête de l’agente ou de tirer ses propres conclusions en se fondant sur un examen indépendant du dossier de preuve dont disposait l’agente.

V. Conclusion

[68] Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée.

[69] La CIBC affirme que les dépens devraient être adjugés à la partie ayant gain de cause, et demande à la Cour de se prononcer sur la colonne appropriée selon le Tarif.

[70] M. Jagadeesh a demandé la possibilité de présenter des observations sur les dépens par écrit.

[71] Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, elles peuvent déposer des observations à ce sujet. La CIBC doit déposer des observations écrites relatives aux dépens dans les 15 jours suivant la présente décision, et M. Jagadeesh doit déposer des observations écrites dans les 15 jours suivant la réception des observations de la CIBC. Les observations de chaque partie ne doivent pas dépasser deux pages, à l’exclusion de toute ébauche du mémoire des dépens ou liste de la jurisprudence.


JUGEMENT dans le dossier T-731-22

LA COUR ORDONNE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre, il reste à déterminer le montant des dépens.

« Christine M. Pallotta »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle Mathieu, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-731-22

 

INTITULÉ :

AAREN JAGADEESH c BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE (CIBC)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 23 mars 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 28 SEPTEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Aaren Jagadeesh

 

LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Elisha Jamieson-Davies

 

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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