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Date : 20231012


Dossier : IMM-3103-22

Référence : 2023 CF 1359

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2023

En présence de madame la juge Sadrehashemi

ENTRE :

BURHAN UDDIN SHIKDER MASUD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Burhan Uddin Shikder Masud, a présenté une demande d’asile au Canada au motif qu’il craignait la Ligue Awami, la Ligue Jubo et le Bataillon d’accès rapide, ainsi que la police au Bangladesh. Sa demande d’asile a été rejetée, car la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a jugé que ses allégations n’étaient pas crédibles. M. Masud a interjeté appel à la Section d’appel des réfugiés [la SAR]. En appel, il a cherché à déposer de nouveaux éléments de preuve et a contesté les conclusions de la SPR relatives à la crédibilité. La SAR n’a pas admis les nouveaux éléments de preuve, a confirmé les conclusions défavorables en matière de crédibilité tirées par la SPR et a rejeté l’appel.

[2] Dans le cadre du contrôle judiciaire, M. Masud présente des arguments pour contester le rejet de son appel par la SAR, lesquels peuvent être regroupés en trois catégories : i) le caractère équitable de la demande de la SAR de consulter les documents originaux; ii) la décision de la SAR de ne pas admettre de nouveaux éléments de preuve et de ne pas tenir d’audience; et iii) les conclusions relatives à la crédibilité tirées par la SAR.

[3] M. Masud ne m’a pas convaincue que le processus de la SAR était inéquitable ou que ses conclusions de fond concernant les nouveaux éléments de preuve et la crédibilité sont déraisonnables. Pour les motifs exposés ci-après, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.

II. Norme de contrôle

[4] Pour évaluer les allégations de manquement à l’équité formulées par M. Masud, j’examinerai si la procédure de la SAR était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54). En ce qui a trait aux autres arguments de M. Masud concernant le fond, j’examinerai les conclusions de la SAR en me fondant sur la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 10). Selon la description de la Cour dans l’arrêt Vavilov, une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). Le décideur administratif doit veiller à ce que l’exercice de tout pouvoir public soit « justifié, intelligible et transparent non pas dans l’abstrait, mais pour l’individu qui en fait l’objet » (Vavilov, au para 95).

III. Contexte

A. Demande d’asile

[5] M. Masud est un citoyen du Bangladesh. Il soutient que ses parents ont participé à l’organisation de manifestations contre le gouvernement bangladais, en décembre 2016, par l’intermédiaire d’une organisation non gouvernementale [l’ONG] dont sa mère faisait partie. Il dit que, en janvier 2018, la Ligue Awami locale a porté de fausses accusations contre ses parents, les accusant de soutenir le Parti nationaliste du Bangladesh et de se livrer à des activités antigouvernementales. M. Masud dit qu’il a été attaqué en juillet 2018 après que son père a refusé de verser à la Ligue Awami la somme d’argent que celle-ci réclamait.

[6] Le mois suivant, M. Masud est venu au Canada à l’aide d’un visa d’étudiant. Il affirme que, après son arrivée au Canada, ses parents ont continué de recevoir des menaces, son père s’est fait enlever et des membres de la Ligue Jubo ont porté de fausses accusations contre lui. M. Masud prétend également que la police a convoqué sa mère et l’a interrogée pour savoir où se trouvait M. Masud.

[7] En mars 2019, M. Masud a présenté une demande d’asile, qui a été instruite le 17 décembre 2020, par vidéoconférence. Après l’audience, la SPR a demandé à voir les documents originaux de la police et les documents judiciaires et a demandé d’autres observations ou éléments de preuve, car elle avait des réserves dues quant au fait que les timbres sur ces documents avaient semblaient avoir été produits par ordinateur. M. Masud a fourni les originaux à la SPR et a déposé d’autres éléments de preuve et observations sur cette question. La SPR a rejeté la demande d’asile en juin 2021 au motif que les dossiers de la police et du tribunal étaient frauduleux et que les allégations de M. Masud n’étaient pas crédibles.

B. Appel devant la SAR

[8] En juin 2021, M. Masud a interjeté appel à la SAR du rejet de sa demande d’asile par la SPR. Le conseil de M. Masud a présenté plusieurs demandes pour obtenir une prorogation du délai pour déposer de nouveaux éléments de preuve et des observations juridiques en appel. La SAR a accepté de proroger le délai. À l’instar de la SPR, la SAR a demandé à consulter les originaux de certains documents présentés à la SPR au départ, ainsi que les originaux des nouveaux éléments de preuve présentés à la SAR. Comme je l’explique plus loin, M. Masud n’a pas fourni les originaux de ces documents avant que la SAR rende sa décision relativement à l’appel.

[9] La SAR a rejeté l’appel le 21 mars 2022. Elle n’a pas admis les nouveaux éléments de preuve principalement parce qu’elle avait des réserves quant à la crédibilité. La SAR a jugé que la crédibilité était la question déterminante dans le cadre de l’appel. Tout comme la SPR, la SAR a jugé que M. Masud avait présenté des documents frauduleux qui étaient essentiels pour sa demande d’asile et que les autres éléments de preuve corroborants au dossier n’étaient pas suffisants pour l’emporter sur ces réserves en matière de crédibilité.

IV. Analyse

A. Demande de la SAR pour consulter les originaux

[10] M. Masud soutient qu’il y a eu manquement à l’équité dans le traitement de la demande de consultation des documents originaux présentée par la SAR. Il fait valoir deux arguments. Premièrement, il affirme que la SAR aurait dû tenir compte de sa réponse, même si elle était tardive, parce qu’elle a été fournie avant que la SAR rende sa décision finale. Deuxièmement, il affirme que la demande de la SAR et, en particulier, ses renvois aux pages figurant dans le dossier de la SPR n’étaient pas clairs, et que, par conséquent, il ne connaissait pas la preuve à réfuter. J’estime que la SAR n’a pas agi de manière inéquitable en ce qui concerne l’un ou l’autre de ces motifs. M. Masud n’a pas démontré que l’issue aurait été différente si la SAR avait obtenu les documents originaux avant de rendre sa décision; il n’a pas non plus démontré, vu la nature de la demande de consultation et l’historique de la présente instance, qu’il ne connaissait pas la preuve à réfuter.

[11] La SAR a demandé à M. Masud de fournir les originaux de documents préalablement présentés à la SPR ainsi que de certains documents présentés en tant que nouveaux éléments de preuve à la SAR. La demande initiale de la SAR faisait état de [traduction] « documents présentés à la SPR, figurant aux pages 283‑296 et 305‑306 du dossier de la SPR; et de documents présentés à la SAR en tant que nouveaux éléments de preuve, figurant aux pages 32, 35‑80, 106‑107 et 109‑116 du dossier de l’appelant ». La veille de la date limite, le conseil de M. Masud a répondu en demandant une prorogation du délai afin de retrouver les documents; il a expliqué qu’il ne disposait pas des documents demandés par la SPR parce que ceux-ci avaient été envoyés à la SPR par la poste et qu’il n’avait pas de copie électronique. Le conseil de M. Masud a également fait remarquer que les documents présentés à la SAR étaient accessibles par voie électronique.

[12] Dans sa réponse, la SAR a précisé qu’elle demandait à obtenir [traduction] « les documents papier originaux des éléments énumérés plus haut ». La SAR a également formulé la demande suivante : [traduction] « Veuillez demander les documents originaux à l’appelant, car ils ont été fournis à la SPR par l’appelant et doivent lui avoir été retournés. Ils peuvent être transmis par courrier ordinaire ou messagerie ou déposés au greffe ». La SAR a accordé à M. Masud jusqu’au 14 mars 2022 pour fournir les documents et a précisé qu’elle n’examinerait aucune autre demande de prorogation.

[13] Le 22 mars 2022, soit huit jours après le délai prescrit par la SAR, le conseil de M. Masud a écrit deux lettres à la SAR. Dans la première, il demandait une autre prorogation et invoquait une [traduction] « situation familiale exceptionnelle ». Dans la deuxième lettre, datée du même jour, le conseil indiquait ce qui suit : [traduction] « [A]près une recherche fastidieuse et approfondie de notre dossier, nous avons retrouvé aujourd’hui les documents de M. Masud ». Le conseil a également ajouté qu’il était dérouté par la demande de la SAR concernant le dossier de la SPR parce que les numéros de pages auxquels la SAR renvoyait semblaient faire référence à un document interne qui ne correspondait pas à la taille du dossier dont le conseil disposait.

[14] La principale question tient au fait que M. Masud n’a pas démontré en quoi l’issue aurait été différente si la SAR avait attendu de recevoir les documents originaux avant de rendre sa décision. Les documents originaux sont mentionnés dans la décision de la SAR. La SAR souligne que, étant donné qu’elle n’a pas eu la possibilité d’examiner les documents originaux, elle fait preuve de retenue à l’égard de la conclusion de la SPR selon laquelle les documents de la police et du tribunal contiennent des timbres produits par ordinateur.

[15] Essentiellement, M. Masud ne conteste pas la conclusion de la SPR ou de la SAR selon laquelle les documents en question contenaient des timbres produits par ordinateur. Devant la SAR, M. Masud a admis que les timbres sont produits par ordinateur et a soutenu que l’erreur tenait au fait que la SAR avait tiré une conclusion défavorable pour ce motif. Finalement, M. Masud n’a pas expliqué en quoi la décision aurait pu être différente si la SAR avait examiné les documents originaux. Dans ces circonstances, aucun manquement à l’équité procédurale n’a été établi (Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, 1994 CanLII 114 (CSC), [1994] 1 RCS 202 aux pp 228-229).

[16] Par ailleurs, je souligne également que je ne peux souscrire à l’idée que M. Masud ne connaissait pas la preuve à réfuter, compte tenu de l’historique de la présente instance et de la façon dont la SAR a formulé sa demande. Après l’audience de la SPR, cette dernière a demandé à consulter les documents originaux de la police et du tribunal. Après avoir examiné les documents, la SPR a expliqué ses réserves attribuables au fait que les timbres semblaient être produits par ordinateur et a demandé d’autres observations ou éléments de preuve à cet égard. M. Masud a répondu à la demande en fournissant un autre affidavit et un courriel de son avocat de l’époque au Bangladesh.

[17] Les documents que la SAR a demandés étaient les mêmes que ceux que la SPR avait précédemment demandés à M. Masud. En plus de fournir des renvois aux pages, dans sa deuxième demande, la SAR a expressément enjoint au conseil de M. Masud de demander les documents à son client, qui devait avoir en sa possession les originaux que la SPR était censée lui avoir retournés. Le conseil de M. Masud n’aurait pas dû être surpris que la SAR veuille consulter ces documents sous leur forme originale, étant donné que les conclusions de la SPR sur cette question reposaient sur le fait qu’elle avait consulté ces documents sous leur forme originale. Dans ces circonstances, compte tenu de l’historique de la présente instance et de la façon dont la SAR a formulé ses demandes de la SAR, je ne suis pas d’avis que M. Masud ne connaissait pas la preuve à réfuter.

B. Contestation de la décision relative aux nouveaux éléments de preuve

[18] M. Masud avance que la SAR a commis une erreur en n’admettant pas ses nouveaux éléments de preuve au motif qu’elle avait des réserves quant à la crédibilité. Il formule trois arguments sur cette question. Premièrement, la SAR aurait dû se concentrer uniquement sur les critères explicites relatifs à l’admission des nouveaux éléments de preuve énoncés au paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], et non pas sur des doutes quant à la crédibilité. Deuxièmement, si la SAR souhaitait évaluer la crédibilité des nouveaux éléments de preuve, elle aurait dû tenir une audience. Troisièmement, les conclusions de la SAR relativement à la crédibilité des nouveaux éléments de preuve étaient déraisonnables.

[19] La première question soulevée par M. Masud a déjà été réglée dans la jurisprudence. Je suis liée par l’arrêt Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 96 [Singh] de la Cour d’appel fédérale. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il était raisonnable pour la SAR, afin d’évaluer si elle devait admettre de nouveaux éléments de preuve, de tenir compte, en plus des critères explicites prévus au paragraphe 110(4) de la LIPR, de critères implicites, y compris la crédibilité des nouveaux éléments de preuve (Singh, aux para 38‑49). M. Masud fait valoir qu’il est étrange que la SAR se soit penchée sur la crédibilité des nouveaux éléments de preuve, étant donné que les nouveaux éléments de preuve satisfaisaient aux critères législatifs de l’admissibilité énoncés au paragraphe 110(4) de la LIPR. Cette approche n’est toutefois pas inhabituelle, car elle a été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Singh, et a depuis été appliquée à maintes reprises par la SAR et jugée raisonnable par la Cour.

[20] Ensuite, M. Masud affirme que la SAR aurait dû tenir une audience pour évaluer sa crédibilité générale ou la crédibilité des nouveaux éléments de preuve. L’argument de M. Masud repose sur son avis selon lequel la SAR n’a pas à se limiter à tenir une audience seulement lorsqu’elle admet de nouveaux éléments de preuve. Cette position est incompatible avec l’arrêt Singh de la Cour d’appel fédérale, où celle‑ci a déclaré ce qui suit au para 51 :

[…] la règle de base est à l’effet que la SAR « procède sans tenir d’audience en se fondant sur le dossier de la [SPR] […] » (paragraphe 110(3)). La nouvelle preuve devra satisfaire aux critères d’admissibilité énoncés au paragraphe 110(4), et une nouvelle audience ne pourra être tenue que si les nouveaux éléments de preuve satisfont aux conditions prévues au paragraphe 110(6). Dans l’hypothèse où la SAR estime que toute la preuve devrait être réentendue pour prendre une décision éclairée, elle devra renvoyer l’affaire à la SPR (paragraphe 111(2)). Ce cadre législatif témoigne de la volonté claire du législateur de baliser étroitement l’introduction de toute nouvelle preuve.

[21] Cette position est également incompatible avec de nombreuses décisions de la Cour, y compris la décision AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 61 au para 17. M. Masud n’a pas expliqué pourquoi cette décision ne devrait pas s’appliquer aux circonstances de l’espèce.

[22] Je mentionne également que M. Masud a présenté les arguments en question de manière générale et n’a pas expliqué quelles questions particulières en matière de crédibilité soulevées par la SAR n’auraient pas pu être prévues, à plus forte raison que la plupart des nouveaux éléments de preuve déposés concernaient des documents dont le contenu était le même que celui des documents présentés à la SPR, sauf pour ce qui est de la nouvelle certification.

[23] En ce qui a trait au bien-fondé de l’évaluation de la crédibilité, M. Masud conteste l’examen fait par la SAR des mandats d’arrestation. La SAR a jugé qu’il n’était pas crédible que M. Masud ait été en mesure d’obtenir des copies du mandat d’arrestation visant son père et lui. La SAR a fondé cette conclusion sur son interprétation des éléments de preuve sur les conditions dans le pays et, en particulier, sur le fait que les fugitifs ne seraient pas en mesure d’obtenir une copie d’un mandat d’arrestation. M. Masud a soutenu qu’il y avait au dossier d’autres éléments de preuve montrant la nécessité de suivre une procédure judiciaire avant qu’un individu soit déclaré comme un [traduction] « fugitif » et qu’un individu n’est pas qualifié de fugitif simplement parce qu’il a fui. La SAR a également relevé un certain nombre d’incohérences entre l’échantillon du mandat d’arrestation présenté dans le cartable national de documentation et les éléments de preuve de M. Masud. Lors du contrôle judiciaire, certaines de ces incohérences n’ont pas été abordées par M. Masud, dont le fait que le mandat ne comprenait pas la signature d’un agent ni le nom et le grade de la personne qui l’exécutait. J’estime qu’il était loisible à la SAR d’interpréter les conditions sur le pays et les éléments de preuve personnels de la manière dont elle l’a fait, et que cette interprétation était étayée par le dossier. Je suis d’avis qu’il n’y a pas suffisamment de lacunes graves dans l’interprétation par la SAR de ces éléments de preuve pour justifier qu’une nouvelle décision soit rendue.

C. Autres conclusions relatives à la crédibilité

[24] M. Masud a également contesté la façon dont la SAR a traité le certificat de congé médical. Je fais remarquer que la SAR a conclu que cet élément de preuve n’aurait pas été suffisant pour l’emporter sur ses réserves quant à la crédibilité, car il établissait seulement que M. Masud avait subi une blessure un jour donné. Il s’agit là d’une conclusion déterminante de la SAR qui n’a pas été contestée lors du contrôle judiciaire.

[25] M. Masud a également contesté la conclusion de la SAR selon laquelle une décision défavorable pouvait être tirée à cause du manque d’éléments de preuve de la part de la mère de M. Masud. La SAR, à l’instar de la SPR, a tenu compte de l’explication de M. Masud lorsque cet élément a été soulevé à l’audience de la SPR. M. Masud a expliqué que sa mère était bouleversée, qu’il ne voulait pas qu’elle raconte les événements et qu’elle était [traduction] « davantage comme une femme au foyer ». La SAR a jugé que l’explication de M. Masud concernant l’absence de cet élément de preuve n’était pas crédible, étant donné que sa mère avait aidé à recueillir des éléments de preuve en son nom et qu’elle travaillait dans une ONG. Outre le fait qu’il désapprouve la conclusion de la SAR, M. Masud n’a invoqué aucune autre lacune suffisamment grave dans l’analyse de la SAR. Je ne vois aucune raison de remettre en cause la décision de la SAR sur ce point.

D. Questions à certifier

[26] Le conseil de M. Masud a proposé trois questions à certifier le jour du contrôle judiciaire. J’ai avisé le conseil que cette démarche n’était pas conforme aux Lignes directrices consolidées pour les instances d’immigration, de statut de réfugié et de citoyenneté de la Cour, qui prévoient que, si une partie entend proposer une question à certifier, l’avocat de la partie opposée doit en être informé au moins cinq jours avant l’audience. Cependant, j’ai accepté de recevoir des observations écrites sur les questions proposées après l’audience afin de donner au défendeur le temps de les examiner et d’y répondre.

[27] M. Masud a proposé trois questions à certifier :

  1. Dans un appel devant la SAR, lorsqu’aucun nouvel élément de preuve n’a été admis, la SAR a-t-elle compétence pour tenir une audience au titre du paragraphe 110(6) de la LIPR et est-elle tenue de le faire si le tribunal a l’intention de soulever de nouvelles questions en matière de crédibilité qui n’ont pas été soulevées par la SPR à l’audience relative à l’asile et que les nouvelles réserves de la SAR sont liées à des éléments de preuve issus du dossier qui sont essentiels pour l’appel?

  2. La SAR est-elle tenue de se conformer aux règles de la justice naturelle, c’est-à-dire au principe de l’équité procédurale, et doit-elle tenir un voir-dire si le tribunal souhaite invoquer et évaluer la crédibilité de nouveaux éléments de preuve produits durant un appel dans le cadre de l’évaluation de l’admissibilité par la SAR?

  3. Quelle est l’obligation minimale en matière d’équité procédurale envers un appelant devant la SAR lorsque le tribunal décide de soulever de nouvelles questions en matière de crédibilité concernant la détermination de l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve en appel?

[28] La Cour d’appel fédérale a confirmé que, pour être certifiée, la question doit être a) déterminante quant à l’issue de l’appel; b) transcender les intérêts des parties; et c) porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale (Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22 au para 46).

[29] Les questions proposées ont une formulation très semblable aux trois questions récemment examinées par la juge Turley dans la décision Hossain c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1255. Je suis d’accord avec la juge Turley pour dire que les questions 1 et 2 soulèvent des questions qui ont déjà été réglées dans l’arrêt Singh de la Cour d’appel fédérale. La question 3 est excessivement large, dépend grandement des faits et ne serait pas déterminante quant à l’issue de l’appel.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3103-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Lobat Sadrehashemi »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3103-22

INTITULÉ :

BURHAN UDDIN SHIKDER MASUD c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 AVRIL 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SADREHASHEMI

DATE DES MOTIFS :

LE 12 OCTOBRE 2023

COMPARUTIONS :

Washim Ahmed

POUR LE DEMANDEUR

Hillary Adams

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

OWS Law

Avocats

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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