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Date : 20231012


Dossier : T‑464‑22

Référence : 2023 CF 1358

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2023

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

GÁBOR LUKÁCS

demandeur

et

AIR CANADA ROUGE LP

défenderesse

MOTIFS ET JUGEMENT

I. INTRODUCTION

[1] M. Gábor Lukács, Ph. D. (le demandeur) a déposé une déclaration le 3 mars 2022 contre Air Canada Rouge LP (la défenderesse), demandant la réparation suivante :

  • a)une indemnité de 400 $ conformément au paragraphe 19(2) du Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019‑150 [le RPPA ou le Règlement];

  • b)les intérêts avant et après jugement conformément aux articles 36 et 37 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7;

  • c)les coûts ou les dépenses raisonnables de la présente action simplifiée;

  • d)toute autre réparation que la Cour estime juste.

II. CONTEXTE

[2] La présente affaire est une action simplifiée, conformément aux articles 292 à 299 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles). La preuve comprend les affidavits déposés par les parties, le contre‑interrogatoire du demandeur lors du procès et un recueil de documents conjoint.

[3] Le demandeur a déposé son affidavit souscrit le 15 mars 2023. Cet affidavit a été déposé en tant que pièce P‑1.

[4] La défenderesse a déposé l’affidavit de M. Marc‑Tavio Folly, souscrit le 29 mars 2023. Cet affidavit a été déposé en tant que pièce D‑1.

[5] Le recueil de documents conjoint a été inscrit en tant que pièce P/D‑1. Le recueil de documents conjoint comprend les documents suivants :

1. Courriel de refus de l’indemnisation prévue par le RPPA, daté du 14 mars 2020 à 9 h 56;

2. Confirmation de réservation, émise le 4 février 2020 et datée du 5 février 2020;

3. Courriel sur l’itinéraire révisé, daté du 26 février 2020;

4. Courriel sur l’itinéraire révisé, daté du 4 mars 2020;

5. Liste des avis électroniques envoyés au passager, 26 février 2020 et 4 mars 2020;

6. Liste des appels de M. Lukács pour la saisie d’écran de l’extrait de mars 2020 (en heure moyenne de Greenwich);

7. CD‑ROM contenant les enregistrements audio de deux appels faits le 9 mars 2020;

8. Saisie d’écran de la réservation, prise le 11 mars 2020;

9. Courriel de confirmation de l’annulation de la réservation, daté du 11 mars 2020;

10. Accusé de réception du courriel de demande d’indemnisation en vertu du RPPA, daté du 14 mars 2020;

11. Dossier des Relations avec la clientèle (dans lequel sont caviardés le numéro de grand voyageur, la date de naissance, les renseignements sur la carte de crédit et les noms), 11 au 13 mars 2020;

12. Tarif international d’Air Canada, publié le 6 janvier 2020;

13. Renseignements sur les ventes, les articles retournés et les remboursements pour le dossier RPN MVTE9I (numéro de carte de crédit caviardé), rapport exécuté le 4 mars 2022.

[6] Dans son affidavit, le demandeur s’est décrit comme un défenseur des droits des passagers. Il a décrit l’historique des événements qui ont mené au lancement de la présente action.

[7] M. Folly occupe le poste d’analyste de résolution de mission à Air Canada. Lui aussi a déposé des observations sur le contexte qui a mené à la présente action.

[8] La réclamation découle d’un voyage en avion réservé par le demandeur le 5 février 2020, de Halifax (Nouvelle‑Écosse) à Budapest (Hongrie). Le demandeur a réservé son billet sur le site d’Air Canada avec l’itinéraire suivant (toutes des heures locales) :

  1. Départ d’Halifax sur le vol AC613 à 14 h 25 et arrivée à Toronto à 15 h 45 le 20 avril 2020;
  2. Départ de Toronto sur le vol AC1910 à 18 h 55 le 20 avril 2020 et arrivée à Budapest, en Hongrie, à 9 h 30 le 21 avril 2020;
  3. Départ de Budapest (Hongrie) sur le vol AC9023 à 6 h 15 et arrivée à Francfort (Allemagne) à 8 h le 27 août 2020;
  4. Départ de Francfort (Allemagne) sur le vol AC875 à 9 h 55 et arrivée à Montréal à 11 h 35 le 27 août 2020;
  5. Départ de Montréal sur le vol AC1556 à 13 h 45 et arrivée à Halifax à 16 h 14 le 27 août 2020.

[9] Le 26 février 2020, la défenderesse a avisé le demandeur d’un changement à une partie de son itinéraire, soit le vol de Montréal (Québec) à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 27 août 2020. L’avis est ainsi rédigé :

[traduction]

Un ou plusieurs vols de votre itinéraire ne peuvent pas être offerts comme prévu. Vous trouverez ci‑joint votre itinéraire révisé. Nous nous excusons de tout inconvénient.

 

AC1598

Départ de Montréal, aéroport international Pierre E. Trudeau (YUL) le 27 août 2020 à 13 h 45*

Arrivée à Halifax, aéroport international Stanfield (YHZ) le 27 août 2020 à 16 h 14*

Raison : Modification de l’horaire des vols

Si l’itinéraire révisé ne convient pas à vos plans de voyage, vous pouvez également chercher d’autres options de vol en utilisant le lien ci‑dessous ou annuler votre itinéraire. Aucuns frais de modification ne s’appliqueront.**

https://book.aircanada.com/bkgd?ref=MVTE9I&n=Lukacs

Numéro de référence de réservation : MVTE9I

Lukacs, Gabor

[10] Le 4 mars 2020, la défenderesse a avisé le demandeur que le vol AC1598 avait été annulé et lui a fourni un itinéraire révisé. L’avis est ainsi rédigé :

[traduction]

Un ou plusieurs vols de votre itinéraire ne peuvent pas être offerts comme prévu. Vous trouverez ci‑joint votre itinéraire révisé. Nous nous excusons de tout inconvénient.

AC668

Départ de Montréal, aéroport international Pierre E. Trudeau (YUL) le 27 août 2020 à 15 h 30*

Arrivée à Halifax, aéroport international Stanfield (YHZ) le 27 août 2020 à 17 h 59*

Raison : Modification de l’horaire des vols

Si l’itinéraire révisé ne convient pas à vos plans de voyage, vous pouvez également chercher d’autres options de vol en utilisant le lien ci‑dessous ou annuler votre itinéraire. Aucuns frais de modification ne s’appliqueront.**

https://book.aircanada.com/bkgd?ref=MVTE9I&n=Lukacs

Référence de réservation : MVTE9I

Lukacs, Gabor

[11] L’avis d’Air Canada indiquait que le changement d’itinéraire était attribuable à une [traduction] « modification de l’horaire des vols » et non à des circonstances indépendantes de sa volonté. La défenderesse a offert au demandeur une autre réservation, pour le vol de Montréal (Québec) à Halifax (Nouvelle‑Écosse), à la même date, mais à une heure différente. La solution de rechange offerte était le vol AC668 à 15 h 30.

[12] Le demandeur a déclaré qu’il avait appelé les Relations avec la clientèle d’Air Canada pour trouver d’autres arrangements de voyage. Il n’a pas réussi à avoir la ligne téléphonique lors de toutes ses tentatives. Le 9 mars 2020, il a pu avoir la ligne lorsqu’il a téléphoné, mais il n’a obtenu qu’un message audio qu’il a enregistré.

[13] Le 11 mars 2020, le demandeur a annulé son voyage et a demandé un remboursement, conformément au paragraphe 17(2) du Règlement. Le 13 mars 2020, la défenderesse a remboursé le coût du billet au montant de 1 293,48 $.

[14] Le 11 mars 2020, le demandeur a demandé à la défenderesse une indemnité de 400 $, conformément au paragraphe 19(2) du Règlement.

[15] Dans un courriel daté du 14 mars 2020, la défenderesse a refusé de verser une indemnité et a déclaré :

[traduction]

Nous avons reçu votre demande en vertu du Règlement sur la protection des passagers aériens pour le vol 1598 du 2020‑08‑07.

 

Dans ce cas, l’indemnisation que vous demandez ne s’applique pas parce que vous avez été informé du changement d’horaire au moins 15 jours avant le départ du vol.

Nous espérons que nous aurons l’occasion de vous accueillir à bord.

Votre numéro de dossier est le suivant : CAS‑2492781‑F2N4W7.

[16] Le 3 mars 2022, le demandeur a intenté la présente action.

[17] La plainte du demandeur est fondée sur le fait qu’il a été incommodé par le changement de son itinéraire de voyage qui a été effectué par la défenderesse. Son témoignage à cet égard se trouve aux paragraphes 7 et 8 de son affidavit inscrit à titre de pièce P‑1 au procès. Voici ces paragraphes :

[traduction]

7. Les autres arrangements de voyage offerts le 4 mars 2020 ne répondaient pas à mes besoins de voyage. Les arrangements de voyage alternatifs auraient prolongé mon temps de déplacement d’une heure et 45 minutes, pour atteindre environ 20 heures et 45 minutes de déplacement porte‑à‑porte (16 heures et 44 minutes d’un aéroport à l’autre) au lieu d’environ 19 heures de déplacement porte‑à‑porte (14 heures et 59 minutes d’un aéroport à l’autre).

 

8. Entre le 4 mars 2020 et le 11 mars 2020, j’ai tenté de trouver d’autres arrangements de voyage qui répondraient à mes besoins; cependant, mes tentatives ont échoué.

a) Il n’était pas possible d’apporter des changements à ma réservation en ligne. Lorsque j’ai vu ma réservation sur le site Web d’Air Canada, j’ai vu un message qui disait :

Le vol suivant a fait l’objet d’un changement d’horaire. Veuillez passer en revue les renseignements ci‑dessous. Pour apporter des changements à votre réservation, veuillez communiquer avec Réservations Air Canada ou avec votre agent de voyages.

Une saisie d’écran du site Web d’Air Canada montrant ce message, prise le 11 mars 2020, se trouve à l’onglet 8 du recueil de documents conjoint.

b) J’ai tenté de téléphoner au centre d’appels des Relations avec la clientèle d’Air Canada, qui s’occupe de toutes les questions de service à la clientèle au nom d’Air Canada Rouge.

À certaines occasions, je n’ai même pas pu avoir la ligne téléphonique, et je n’ai donc aucun document concernant ces tentatives.

À deux reprises, le 9 mars 2020 (heure de l’Atlantique), j’ai pu avoir la ligne téléphonique, mais j’ai entendu un enregistrement audio indiquant qu’en raison de « circonstances imprévues », le volume d’appels d’Air Canada avait dépassé sa capacité de répondre ou de mettre mon appel en attente. Un extrait de ma liste d’appels sortants, montrant ces deux appels en heure moyenne de Greenwich, se trouve à l’onglet 6 du recueil de documents conjoint. Un CD‑ROM contenant deux fichiers MP3 contenant les enregistrements audio de ces deux appels se trouve à l’onglet 7 du recueil de documents conjoint.

[18] Le demandeur a été contre‑interrogé au sujet du paragraphe 7 de son affidavit. Son contre‑interrogatoire se trouve aux pages 28 à 33 de la transcription. Le demandeur a toujours déclaré que la prolongation de son voyage d’une heure et 45 minutes était un inconvénient pour lui.

III. QUESTIONS EN LITIGE

[19] Dans une ordonnance datée du 22 décembre 2022, la juge adjointe Steele a énoncé en ces termes les questions à trancher :

[traduction]

Pour le demandeur :

 

1. Si une indemnisation est due au passager en application du paragraphe 19(2) du Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019‑150 [le RPPA], étant donné que le transporteur aérien a avisé le passager de l’annulation plus de 14 jours avant l’heure de départ initialement prévue du vol annulé et que le passager a choisi un remboursement au titre du paragraphe 17(2) du RPPA.

Pour la défenderesse :

2. Si le paragraphe 19(2) du Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019‑150, donne droit à une indemnisation au demandeur seulement lorsque l’annulation de son vol a été communiquée au demandeur 14 jours ou moins avant l’heure de départ initialement prévue de son vol.

IV. OBSERVATIONS

A. Les observations du demandeur

[20] Le demandeur soutient que la simple lecture des paragraphes 19(2) et 12(3) du Règlement appuie sa demande d’indemnisation. Il soutient qu’il est évident que la défenderesse a modifié une partie de son itinéraire de voyage pour des raisons qui lui sont attribuables.

[21] Le demandeur soutient que les paragraphes 19(2) et 12(3) sont clairs et sans ambiguïté et que le moment où l’annulation a été communiquée au passager ne fait pas partie des critères d’admissibilité à l’indemnisation. Il laisse entendre que la défenderesse tente [traduction] « [d’]intégrer » les modifications subséquentes au paragraphe 19(2) qui ont été apportées en 2022; voir le règlement DORS/2022‑134.

[22] Le demandeur soutient que, selon les principes modernes d’interprétation des lois, l’existence ou l’absence d’un préavis d’annulation n’est pas un élément requis du droit à une indemnisation en vertu du paragraphe 19(2) du Règlement.

[23] Le demandeur soutient également que le Règlement est un règlement sur la protection des consommateurs et qu’il devrait être interprété généreusement en faveur des consommateurs.

[24] Le demandeur soutient que le libellé du Règlement pertinent est clair et sans ambiguïté et qu’il n’est donc pas nécessaire de s’engager dans l’exercice [traduction] « complet » de l’interprétation législative. Il soutient que, tel qu’il est rédigé, le paragraphe 19(2) ne comporte pas d’élément temporel, et que le fait qu’il a été informé du changement d’itinéraire plus de 14 jours avant son voyage prévu ne change pas l’obligation pour la défenderesse de lui verser une indemnité, en plus du remboursement du prix du billet.

[25] En bref, le demandeur soutient qu’il a droit à une indemnité de 400 $, conformément à l’application combinée des paragraphes 12(3) et 19(2), indépendamment du fait qu’il a reçu un préavis de 176 jours de la modification de son itinéraire de voyage. Il souligne également que les versions anglaise et française sont les mêmes, à l’exception du fait que la conjonction « and » [et] figure entre les alinéas 12(3)c) et d) dans la version anglaise.

B. Les observations de la défenderesse

[26] Pour sa part, la défenderesse soutient que le paragraphe 19(2) du Règlement doit être lu conjointement avec les conditions préalables énoncées aux alinéas 12(3)c) et d) du Règlement. Elle précise que le Règlement prévoit clairement et sans ambiguïté une indemnisation en cas de remboursement pour un vol annulé lorsque le passager est informé de l’annulation 14 jours ou moins avant l’heure de départ initiale du vol.

[27] La défenderesse soutient que l’interprétation avancée par le demandeur entraînerait un résultat absurde par lequel un transporteur, après avoir remboursé le prix du billet dans les circonstances où un changement d’itinéraire de voyage a été effectué plus de 14 jours avant le voyage, serait également tenu de verser une indemnité. Elle s’appuie sur les principes d’interprétation des lois énoncés dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27 (CSC).

V. DISCUSSION ET DÉCISION

[28] À titre préliminaire, le demandeur s’est opposé à l’inscription par la défenderesse de documents supplémentaires au début du procès. Il s’agit des documents suivants :

  1. Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019‑150, Gazette du Canada, Partie II, volume 153, numéro 11, y compris le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (le REIR) pour ce règlement;

  2. Règlement modifiant le Règlement sur la protection des passagers aériens, Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, Gazette du Canada, Partie I, volume 155, numéro 27;

  3. Règlement modifiant le Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2022‑134, Gazette du Canada, Partie II, volume 156, numéro 13;

  4. La page https://otc‑cta.gc.ca/fra/publication/guide‑sur‑retards‑et‑annulations‑vol.

[29] À la suite des observations des parties, les documents ont été acceptés, non pas comme preuve, mais comme sources faisant autorité. Je suis d’accord avec la position de la défenderesse selon laquelle un REIR peut être accepté comme aide extrinsèque à l’interprétation, en m’appuyant sur la décision Boutcher v Canada, 202 Nfld & PEIR 243 (CA T‑N‑L), au paragraphe 76.

[30] La présente action concerne l’interprétation de l’alinéa 19(2)a) du Règlement, qui est ainsi libellé :

Indemnité en cas de remboursement

19 (2) Si les alinéas 12(2)c) ou (3)c) s’appliquent au transporteur et que le titre de transport est remboursé au titre du paragraphe 17(2), le transporteur verse l’indemnité minimale suivante :

a) dans le cas d’un gros transporteur, 400 $;

Compensation in case of refund

19 (2) If paragraph 12(2)(c) or (3)(c) applies to a carrier and

the passenger’s ticket is refunded in accordance with subsection 17(2), the carrier must provide a minimum compensation of

 

(a) $400, in the case of a large carrier; and

[31] Cette disposition implique nécessairement l’examen des dispositions connexes du Règlement, soit le paragraphe 12(3) et le paragraphe 17(2), qui prévoient ce qui suit :

Annulation de vol

12 (3) Dans le cas de l’annulation, le transporteur :

a) fournit aux passagers les renseignements prévus à l’article 13;

b) si l’annulation de vol a été communiquée aux passagers moins de douze heures avant l’heure de départ indiquée sur leur titre de transport initial, applique les normes de traitement prévues à l’article 14;

c) fournit des arrangements de voyage alternatifs ou un remboursement aux termes de à l’article 17;

d) s’ils ont été informés quatorze jours ou moins avant l’heure de départ indiquée sur leur titre de transport initial que leur arrivée à la destination indiquée sur ce titre de transport sera retardée, verse aux passagers l’indemnité minimale prévue à l’article 19 pour les inconvénients subis.

Remboursement

17 (2) Si les arrangements de voyage alternatifs fournis conformément au paragraphe (1) ne satisfont pas aux besoins de voyage du passager, le transporteur :

a) dans le cas où le passager n’est plus au point de départ indiqué sur le titre de transport et que le voyage n’a plus sa raison d’être en raison du retard, de l’annulation de vol ou du refus d’embarquement, rembourse le titre de transport et fournit au passager une réservation confirmée :

(i) pour un vol à destination de ce point de départ,

(ii) qui satisfait aux besoins de voyage du passager;

b) dans tous les autres cas, rembourse les portions inutilisées du titre de transport.

Cancellation

12 (3) In the case of a cancellation, the carrier must

(a) provide passengers with the information set out in section 13;

(b) if a passenger is informed of the cancellation less than 12 hours before the departure time that is indicated on their original ticket, provide the standard of treatment set out in section 14;

(c) provide alternate travel arrangements or a refund, in the manner set out in section 17; and

(d) if a passenger is informed 14 days or less before the original departure time that the arrival of their flight at the destination that is indicated on their ticket will be delayed, provide the minimum compensation for inconvenience in the manner set out in section 19.

Refund

17 (2) If the alternate travel arrangements offered in accordance with subsection (1) do not accommodate the passenger’s travel needs, the carrier must

(a) in the case where the passenger is no longer at the point of origin that is indicated on the ticket and the travel no longer serves a purpose because of the delay, cancellation or denial of boarding, refund the ticket and provide the passenger with a confirmed reservation that

(i) is for a flight to that point of origin, and

(ii) accommodates the passenger’s travel needs; and

(b) in any other case, refund the unused portion of the ticket.

[32] L’alinéa 19(2)a) a par la suite été modifié par le règlement DORS/2022‑134, qui prévoit ce qui suit :

Indemnité en cas de remboursement

19 (2) Malgré le paragraphe (1), si les alinéas 12(2)d) ou (3)d) s’appliquent au transporteur et que le titre de transport est remboursé au titre du paragraphe 17(2), le transporteur verse l’indemnité minimale suivante :

a) dans le cas d’un gros transporteur, 400 $;

Compensation in case of refund

19 (2) Despite subsection (1), if paragraph 12(2)(d) or (3)(d) applies to a carrier and the passenger’s ticket is refunded in accordance with subsection 17(2), the carrier must provide a minimum compensation of

(a) $400, in the case of a large carrier; and

[33] Cette disposition n’est incluse qu’à titre d’information. Elle n’est pas pertinente pour l’interprétation du paragraphe 19(2) tel qu’il était libellé en mars 2020.

[34] Bien que le demandeur ait consacré beaucoup de temps à soutenir que la défenderesse tente maintenant de s’appuyer sur la version actuelle de l’alinéa 19(2)a), la défenderesse a clairement indiqué que sa défense repose sur la version de la disposition en vigueur en mars 2020.

[35] Les parties se sont penchées sur le contexte législatif qui sous‑tend le Règlement. La Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (la Loi) fournit le contexte législatif général. Voici le libellé de l’article 3 de la Loi :

Champ d’application

 

3 La présente loi s’applique aux questions de transport relevant de la compétence législative du Parlement.

Application Generally

 

3 This Act applies in respect of transportation matters under the legislative authority of Parliament.

[36] De façon générale, la Loi réglemente le transport aérien, entre autres modes de transport. Le Règlement vise à mettre en œuvre ce mandat en ce qui concerne le transport aérien et les passagers aériens. La disposition en cause vise la protection des passagers et, en particulier, l’indemnisation pour les déplacements interrompus et les inconvénients qui en découlent.

[37] La promulgation du Règlement est autorisée par le paragraphe 86.11(1) de la Loi. Le sous‑alinéa 86.11(1)b)(i) est pertinent et prévoit ce qui suit :

Règlements — obligations des transporteurs aériens envers les passagers

86.11 (1) L’Office prend, après consultation du ministre, des règlements relatifs aux vols à destination, en provenance et à l’intérieur du Canada, y compris les vols de correspondance, pour :

[…]

b) régir les obligations du transporteur dans les cas de retard et d’annulation de vols et de refus d’embarquement, notamment :

(i) les normes minimales à respecter quant au traitement des passagers et les indemnités minimales qu’il doit verser aux passagers pour les inconvénients qu’ils ont subis, lorsque le retard, l’annulation ou le refus d’embarquement lui est attribuable,

Regulations — carrier’s obligations towards passengers

86.11 (1) The Agency shall, after consulting with the Minister, make regulations in relation to flights to, from and within Canada, including connecting flights,

(b) respecting the carrier’s obligations in the case of flight delay, flight cancellation or denial of boarding, including

(i) the minimum standards of treatment of passengers that the carrier is required to meet and the minimum compensation the carrier is required to pay for inconvenience when the delay, cancellation or denial of boarding is within the carrier’s control,

[38] Le Règlement établit les obligations, y compris la responsabilité, des transporteurs aériens en ce qui concerne les retards sur l’aire de trafic, les annulations de vol, les retards de vol, le refus d’embarquement et les dommages ou la perte de bagages dans le contexte des voyages aériens intérieurs et internationaux; voir International Air Transport Association c Office des transports du Canada, 2022 CAF 211, autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême du Canada accordée, 40614 (17 août 2023).

[39] Il ne fait aucun doute que les règlements adoptés par la suite ne peuvent pas être utilisés pour interpréter des règlements antérieurs. Je me reporte à la décision Canada c Oxford Properties Group Inc., [2018] 6 CTC 1 (CAF), au paragraphe 46.

[40] Le REIR de 2019 décrit l’objet du Règlement dans les termes suivants :

L’objectif du RPPA est d’uniformiser la norme minimale pour tous les transporteurs qui mènent leurs activités au Canada, afin que les obligations qui leur reviennent soient claires, concises et faciles à comprendre, autant pour eux‑mêmes que pour les passagers.

[41] Le REIR de 2019 traite ensuite de la question de l’indemnisation de façon assez détaillée, sous la rubrique « Primes pour du temps de meilleure qualité pour les passagers », en ces termes :

Primes pour du temps de meilleure qualité pour les passagers

Les perturbations de vol (par exemple retards ou annulation de vol, perte de bagages) peuvent être stressantes et inconfortables pour certains passagers. Le RPPA viendra améliorer l’expérience des passagers pendant leur voyage en avion, car on imposera des obligations aux transporteurs afin de réduire le stress et l’inconfort durant des perturbations de vol. Tel que le règlement est conçu, on favorise à la fois la réduction du niveau d’anxiété et l’amélioration du sentiment de confort pendant des périodes d’attente prolongées, ce qui se traduira par des avantages pour les passagers. Par exemple, le fait qu’un passager sache qu’il y a des procédures claires en cas de perturbations de vols fera baisser son niveau d’anxiété, tandis que l’obligation de traiter les passagers selon une norme minimale garantit une expérience de vol de meilleure qualité, pour davantage de confort.

[42] Dans la mesure où la défenderesse fait référence aux modifications proposées au Règlement, avec le REIR qui l’accompagne, le demandeur fait valoir que la défenderesse demande l’application rétroactive du Règlement [traduction] « modifié » à sa situation.

[43] L’exercice de l’interprétation législative dans la présente affaire commence par des principes de base. Premièrement, le texte de la disposition doit être examiné en anglais et en français; voir la décision R. c Daoust, [2004] 1 RCS 217 (CSC), aux pages 229 à 232.

[44] Deuxièmement, l’arrêt Rizzo, précité, demeure l’arrêt de principe en matière d’interprétation législative. Aux paragraphes 21 et 22, la Cour suprême du Canada énonce ainsi les principes applicables :

21. Bien que l’interprétation législative ait fait couler beaucoup d’encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci‑après « Construction of Statutes »); Pierre‑André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

Parmi les arrêts récents qui ont cité le passage ci‑dessus en l’approuvant, mentionnons : R. c. Hydro‑Québec, 1997 CanLII 318 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 213**; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., 1997 CanLII 377 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 411; Verdun c. Banque Toronto‑Dominion, 1996 CanLII 186 (CSC), [1996] 3 R.C.S. 550; Friesen c. Canada, 1995 CanLII 62 (CSC), [1995] 3 R.C.S. 103.

22. Je m’appuie également sur l’art. 10 de la Loi d’interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s’interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables ».

[45] Bien que les parties aient fait référence indirectement au récent arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire International Air Transport Association, précité, cet arrêt ne porte pas directement sur la question soulevée dans la présente affaire.

[46] Les deux parties font valoir que le libellé du paragraphe 19(2) est clair et sans ambiguïté, et que leur point de vue différent réside dans la façon dont les termes des dispositions connexes sont interprétés. Le paragraphe 19(2) comporte‑t‑il un élément temporel aux fins du paiement de l’indemnité, en plus du remboursement du prix du billet, si un passager dont l’itinéraire de voyage a été modifié par un transporteur en raison de circonstances qui lui sont attribuables?

[47] Selon le demandeur, la réponse est « oui », en raison du sens ordinaire des mots utilisés au paragraphe 19(2). Ces mots comprennent le mot « must » [doit] en anglais.

[48] À mon avis, le mot anglais « must » implique généralement une obligation, mais ce mot doit être examiné par rapport au contexte global du Règlement.

[49] La défenderesse soutient qu’à la [traduction] « simple lecture » du paragraphe 19(2), qui fait implicitement référence au paragraphe 12(3), l’application de l’alinéa 12(3)c) inclut l’application de l’alinéa 12(3)d), ce qui signifie que l’indemnisation n’est due que lorsque le remboursement et l’avis d’interruption ne sont pas fournis dans un délai de 14 jours ou plus.

[50] Je conviens que le paragraphe 19(2) ne dit rien au sujet d’un avis à fournir dans les 14 jours ou dans n’importe quel délai.

[51] Il n’y a aucune différence apparente entre les versions française et anglaise du Règlement en ce qui concerne l’interprétation du paragraphe 19(2), à l’exception du paragraphe 12(3).

[52] Dans la version anglaise, les alinéas 12(3)c) et d) sont suivis du mot « and » [et]. Cette conjonction est absente de la version française.

[53] La structure du paragraphe 12(3) appuie les observations de la défenderesse selon lesquelles les alinéas 12(3)c) et d) doivent être lus ensemble.

[54] L’interprétation proposée par le demandeur signifierait que, dans toute affaire régie par le paragraphe 19(2) du Règlement de 2019, lorsqu’un itinéraire a été interrompu pour des raisons qui sont attribuables au transporteur et que les autres arrangements de voyage n’ont pas été acceptés, le transporteur serait tenu de verser une indemnité.

[55] Je suis d’accord avec la défenderesse pour dire que cette interprétation serait punitive et mènerait à un résultat absurde, dans le contexte du Règlement et de la Loi. Selon l’arrêt Rizzo, précité, il faut éviter toute absurdité dans l’interprétation des lois. Je me reporte au paragraphe 27 de l’arrêt Rizzo, précité, qui est ainsi libellé :

27. À mon avis, les conséquences ou effets qui résultent de l’interprétation que la Cour d’appel a donnée des art. 40 et 40a de la LNE ne sont compatibles ni avec l’objet de la Loi ni avec l’objet des dispositions relatives à l’indemnité de licenciement et à l’indemnité de cessation d’emploi elles‑mêmes. Selon un principe bien établi en matière d’interprétation législative, le législateur ne peut avoir voulu des conséquences absurdes. D’après Côté, op. cit., on qualifiera d’absurde une interprétation qui mène à des conséquences ridicules ou futiles, si elle est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, si elle est illogique ou incohérente, ou si elle est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’objet du texte législatif (aux pp. 430 à 432). Sullivan partage cet avis en faisant remarquer qu’on peut qualifier d’absurdes les interprétations qui vont à l’encontre de la fin d’une loi ou en rendent un aspect inutile ou futile (Sullivan, Construction of Statutes, op. cit., à la p. 88).

[56] Au paragraphe 124 de l’arrêt International Air Transport Association, précité, la Cour d’appel fédérale a mentionné que le Règlement se rapprochait de la législation sur la protection des consommateurs. Selon le paragraphe 37 de la décision Seidel c Telus Communications Inc., [2011] 1 RCS 531, cette législation commande « une interprétation libérale favorable aux consommateurs ». À mon avis, une telle approche ne devrait pas entraîner de punition pour un fournisseur de services.

[57] À mon avis, le libellé du paragraphe 19(2), lorsqu’il est lu conjointement avec le paragraphe 12(3) du Règlement, doit être interprété de la manière proposée par la défenderesse. Cette interprétation est conforme au texte, au contexte et à l’objet du Règlement.

[58] Par conséquent, la présente action sera rejetée avec dépens. Une directive sera transmise en ce qui concerne les dépens.


JUGEMENT dans le dossier no T‑464‑22

LA COUR STATUE que l’action est rejetée, avec dépens. Une directive sera transmise en ce qui concerne les dépens.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑464‑22

 

INTITULÉ :

GÁBOR LUKÁCS c AIR CANADA ROUGE LP

 

LEU DE L’AUDIENCE :

Tenue par vidéoconférence entre Halifax (Nouvelle‑Écosse) et Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 avril 2023

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

Le 12 octobre 2023

COMPARUTIONS :

Gábor Lukács

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Clay S. Hunter

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Paterson MacDougall LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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