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Date : 20231016


Dossier : IMM-9632-22

Référence : 2023 CF 1378

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 octobre 2023

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

SYED ZAIGHAM ABBAS NAQVI

SYEDA NIGAH-E-ZAINAB

RUBAB ZAIGHAM

SYED MUHAMMAD HASSAN ABBAS NAQVI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision du 9 septembre 2022, par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) et a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2] La SAR a confirmé le rejet par la SPR de la demande d’asile au motif que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Hyderabad, au Pakistan.

[3] Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur dans son appréciation de la PRI, en particulier en ce qui concerne la motivation de l’agent de persécution à traquer les demandeurs à Hyderabad et la preuve sur les conditions dans le pays concernant la violence contre les musulmans chiites.

[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SAR est raisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Faits

A. Les demandeurs

[5] Syed Zaigham Abbas Naqvi (le demandeur principal) et son épouse, Rubab Zaigham (la demanderesse associée), sont citoyens du Pakistan. Leurs deux enfants (les demandeurs mineurs) sont également citoyens pakistanais. Les demandeurs sont des musulmans chiites.

[6] Le demandeur principal était employé comme policier au Pakistan. Le 20 mars 2019, alors qu’il travaillait pendant un quart de nuit et patrouillait sur une autoroute à Lahore, il aurait arrêté deux hommes pour possession d’armes à feu illégales et de [traduction] « documentation djihadiste ». Le demandeur principal affirme qu’il a amené les deux hommes au poste de police pour une enquête plus approfondie, mais qu’un agent de police de grade supérieur l’a informé qu’il avait reçu un appel téléphonique menaçant du Sipah-e-Sahaba (le SSP), un groupe extrémiste sunnite. L’agent aurait informé le demandeur principal qu’il devait libérer les deux hommes.

[7] Le demandeur principal affirme avoir signalé cet incident à son surintendant le lendemain, qui lui a conseillé de [traduction] « se tenir à l’écart de cette affaire ». La semaine suivante, le demandeur principal aurait commencé à recevoir des appels téléphoniques du SSP, au cours desquels le groupe a menacé de tuer ses enfants. Bien qu’il ait signalé ces menaces à un agent de grade supérieur, le demandeur principal soutient qu’il était impuissant à titre d’agent de rang inférieur et comme musulman chiite.

[8] Le demandeur principal affirme que le 1er avril 2019, il a reçu un appel téléphonique d’un membre du SSP menaçant d’enlever ses enfants à l’école et de les tuer. Il a décidé d’envoyer sa famille au Canada pour leur sécurité. La demanderesse associée et les demandeurs mineurs sont entrés au Canada le 5 avril 2019.

[9] Le 19 avril 2019, le superviseur du demandeur principal lui aurait conseillé de prendre un congé pendant quelques jours, étant donné les appels téléphoniques menaçants qu’il avait reçus du SSP. Celui-ci aurait menacé d’attaquer le poste de police avec un kamikaze si le demandeur principal était vu sur les lieux, et le superviseur du demandeur principal ne voulait pas d’autres problèmes. Le demandeur principal affirme qu’il a cessé de travailler, qu’il est resté la plupart du temps à la maison, qu’il avait peur et qu’il était déprimé.

[10] Le demandeur principal soutient avoir demandé l’avis de son frère, qui réside au Canada et à qui les demandeurs ont rendu visite en 2019. Le frère du demandeur principal lui aurait conseillé de venir au Canada pour sa sécurité. Le demandeur principal a présenté une demande de visa de visiteur en mai 2019. En attendant le traitement de sa demande, il affirme avoir déménagé dans un village voisin pour se cacher. Entre-temps, le 18 mai 2019, il aurait reçu un appel d’extorsion du SSP exigeant 60 millions de roupies et menaçant de tuer le demandeur principal si la demande n’était pas satisfaite. Le demandeur principal affirme avoir informé son superviseur de cette menace et de son intention de quitter le Pakistan, ce à quoi ce dernier aurait admis que la police ne serait pas en mesure de le protéger.

[11] Le demandeur principal est arrivé au Canada le 30 mai 2019. Les demandes d’asile présentées par les demandeurs ont été reçues en juillet 2019.

B. La décision de la SPR

[12] Dans sa décision datée du 24 mars 2022, la SPR a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger.

[13] La SPR a conclu que les demandeurs disposaient d’une PRI viable à Hyderabad. Le critère pour déterminer l’existence d’une PRI viable exige : (1) qu’il n’y ait pas de possibilité sérieuse de persécution ou de risque de préjudice dans le lieu proposé comme PRI, et (2) qu’il soit raisonnable, dans la situation du demandeur, de se réinstaller dans l’endroit désigné comme PRI (Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706). La deuxième étape du critère impose aux demandeurs un lourd fardeau de preuve pour démontrer que la réinstallation dans le lieu désigné comme PRI serait déraisonnable (Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1367).

[14] Pour le premier volet du critère relatif à la PRI, la SPR a jugé que le demandeur principal n’avait pas fourni une preuve suffisante pour démontrer que le SSP serait motivé à le traquer dans le lieu proposé comme PRI. La SPR a conclu que le demandeur principal n’avait pas établi que le SSP serait motivé à le prendre pour cible après qu’il a cessé d’être un agent de police dans la police routière nationale à Lahore en mai 2019.

[15] La SPR a en outre conclu, sur la base de la preuve objective que constitue le Cartable national de documentation (le CND), que les groupes extrémistes sunnites comme le SSP n’auraient pas les moyens de traquer les demandeurs jusque dans la ville désignée comme PRI, à savoir Hyderabad. La SPR a souligné que la présence du SSP avait fortement diminué depuis 2002, que sa domination était particulièrement faible à Hyderabad, et qu’il n’était que faiblement coordonné avec son aile militante, le Lashkar-e-Jhangvi (le LeJ). Elle a jugé que le profil du demandeur principal ne correspondait pas à celui d’une personne qui serait généralement poursuivie dans tout le pays, en particulier parce qu’il se faisait discret. La SPR a conclu que le demandeur principal n’avait pas fourni une preuve suffisante pour démontrer que le SSP était connu pour attaquer des postes de police; que l’enregistrement obligatoire de l’adresse du demandeur principal au moment de la réinstallation n’informerait pas le SSP de son nouvel emplacement; et qu’il y avait peu d’éléments de preuve objectifs démontrant que les demandeurs seraient exposés à un risque à Hyderabad uniquement en raison de leur identité chiite.

[16] Pour le deuxième volet du critère relatif à la PRI, le SPR a pris acte du témoignage des demandeurs selon lequel, à l’exception de la menace du SSP, il n’y avait pas d’obstacle à leur réinstallation à Hyderabad. La SPR a conclu que les demandeurs parlaient l’ourdou et que le demandeur principal possédait une expérience transférable à titre d’agent de police depuis 17 ans. Pour cette raison, la SPR a jugé que la réinstallation dans la ville proposée comme PRI ne serait pas déraisonnable dans la situation des demandeurs. Elle a finalement conclu que les demandeurs disposaient d’une PRI viable à Hyderabad.

C. La décision faisant l’objet du contrôle

[17] Dans une décision datée du 9 septembre 2022, la SAR a confirmé la décision de la SPR et a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger, au motif qu’ils disposaient d’une PRI viable à Hyderabad.

[18] En appel, les demandeurs ont soutenu que la SPR avait commis une erreur en interprétant mal la preuve que constitue le CND concernant la capacité du SSP à retrouver les musulmans chiites, avait tiré des conclusions déraisonnables à l’égard du profil du demandeur principal et des moyens et de la motivation du SSP de le traquer, et avait été exagérément minutieuse dans l’appréciation du témoignage du demandeur principal au sujet des attaques du SSP contre les postes de police.

[19] En ce qui a trait à l’appréciation par la SPR de la preuve que constitue le CND, la SAR a conclu que cette preuve démontrait que le SSP avait été moins actif après 2002, que les postes de police n’étaient pas désignés comme étant ciblés par des groupes extrémistes comme le SSP ou le LeJ, et qu’Hyderabad n’était pas mentionné une fois comme un lieu dans lequel le SSP est dominant. La SAR a jugé que la SPR avait correctement apprécié la preuve objective et, à son tour, a correctement déterminé la nature du SSP comme agent de persécution.

[20] En ce qui concerne le premier volet du critère relatif à la PRI, à savoir s’il existait une possibilité sérieuse que les demandeurs soient exposés à un risque aux mains du SSP dans la ville proposée comme PRI, la SAR a jugé que la preuve était insuffisante pour établir que le SSP poursuivrait le demandeur principal à Hyderabad trois ans après l’arrestation qui l’aurait porté à l’attention du groupe en premier lieu. En renvoyant à la preuve que constitue le CND, la SAR a conclu que le SSP s’engageait généralement dans des opérations faisant un grand nombre de victimes, plutôt que dans des attaques individuelles. La SAR a jugé que le demandeur principal n’avait pas le profil d’une personne qui attirerait l’attention du SSP, même après sa réinstallation dans la ville proposée comme PRI.

[21] La SAR a en outre conclu que la preuve était insuffisante pour démontrer que le SSP avait les moyens ou la motivation de traquer les demandeurs dans la ville proposée comme PRI. Elle a jugé que, sur la base de la preuve objective, un grand centre urbain comme Hyderabad accordait un certain degré d’anonymat à ceux qui fuyaient des acteurs non étatiques, et qu’il était peu probable que le SSP ait les moyens d’utiliser le système d’enregistrement d’adresses pour retrouver le demandeur principal dans la ville proposée comme PRI, en particulier parce qu’il se faisait relativement discret.

[22] En ce qui concerne le deuxième volet du critère relatif à la PRI, la SAR a conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni une preuve suffisante pour s’acquitter du lourd fardeau de prouver que la réinstallation dans la ville proposée comme PRI serait déraisonnable.

[23] La SAR a finalement rejeté l’appel des demandeurs et a confirmé la décision de la SPR selon laquelle ils n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger.

III. Question en litige et norme de contrôle

[24] La seule question que soulève la présente demande est celle de savoir si la décision de la SAR est raisonnable.

[25] La norme de contrôle n’est pas contestée. Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 16, 17, 23-25). Je suis du même avis.

[26] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est empreint de déférence, mais demeure rigoureux (Vavilov, aux para 12, 13). La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle est transparente, intelligible et justifiée, notamment en ce qui concerne le résultat obtenu et le raisonnement suivi (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes qui en subissent les conséquences (Vavilov, aux para 88‐90, 94, 133‐135).

[27] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit établir qu’elle comporte des lacunes suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Les erreurs que comporte une décision, ou les doutes qu’elle soulève, ne justifient pas toutes une intervention. Les cours de révision doivent s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doivent pas modifier les conclusions de fait tirées par celui‐ci (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure » (Vavilov au para 100). Bien qu’un décideur ne soit pas tenu de répondre à tous les arguments ou de mentionner chaque élément de preuve, le caractère raisonnable d’une décision peut être remis en question lorsque la décision ne « réussi[t pas] à s’attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux » (Vavilov, au para 128).

IV. Analyse

[28] Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur dans son appréciation de la PRI, en particulier dans son examen du profil du demandeur principal, son examen des conditions dans le pays et sa conclusion selon laquelle le fait d’être un musulman chiite donne un certain degré d’anonymat à Hyderabad. Je ne suis pas d’accord. À mon avis, les demandeurs n’ont pas soulevé d’erreur susceptible de contrôle dans l’appréciation de la SAR qui justifierait l’intervention de la Cour.

[29] Les demandeurs soutiennent que la conclusion de la SAR selon laquelle le profil du demandeur principal n’attirerait pas l’attention du SSP à Hyderabad est déraisonnable. Ils affirment que cette conclusion ne concorde pas avec les éléments de preuve qui démontraient clairement que le SSP avait commencé à cibler le demandeur principal alors qu’il était encore un agent de police au sein de la patrouille routière nationale, ce qui signifie que la visibilité de son profil était suffisamment importante pour qu’il attire l’attention du SSP. Les demandeurs soutiennent que le profil du demandeur principal correspond à ceux des musulmans chiites qui ont de l’influence et de l’autorité et qui sont généralement ciblés par le SSP, et que le demandeur principal a arrêté deux membres du SSP.

[30] Les demandeurs affirment en outre que la SAR n’a pas examiné l’ensemble de la preuve sur les conditions dans le pays. Ils soutiennent que plusieurs éléments de preuve contenus dans le CND démontrent que des groupes extrémistes au Pakistan, comme le SSP et le LeJ, sont encore responsables d’actes de violence contre les minorités religieuses. Ils font valoir que la SAR n’a pas tenu compte de ces éléments de preuve, lesquels contredisent directement sa conclusion selon laquelle les demandeurs ne risquent pas d’être persécutés par le SSP à Hyderabad.

[31] Les demandeurs soutiennent que la SAR a conclu à tort qu’ils jouiraient d’un certain anonymat à Hyderabad et que les chances que le SSP les retrouve seraient moins élevées s’ils y déménageaient. Ils affirment que le demandeur principal reprendrait nécessairement un emploi similaire à celui qu’il occupait en tant qu’agent de police, ce qui, une fois de plus, accroîtrait sa visibilité et rendrait publique son identité chiite. Les demandeurs soutiennent que le nombre de musulmans chiites ne dispense pas la SAR de l’obligation d’apprécier le risque de persécution particulier des demandeurs et ne rend pas nécessairement la PRI viable dans leur situation.

[32] Le défendeur soutient que la décision de la SAR est raisonnable. En ce qui concerne la possibilité de persécution dans la PRI proposée, le défendeur affirme que la SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs n’ont pas produit une preuve suffisante démontrant qu’ils courraient un tel risque à Hyderabad. Selon le défendeur, la SAR a raisonnablement conclu que les arrestations alléguées qui avaient mené le SSP à s’intéresser au demandeur principal ont eu lieu trois ans auparavant et que le demandeur principal n’était plus un agent de police; que la preuve documentaire n’étayait pas l’allégation selon laquelle le profil du demandeur principal correspondait à ceux de personnes bien en vue auxquelles le SSP s’intéresse et que celui-ci traque individuellement dans tout le pays; et que la preuve d’attaques ciblées contre certaines personnes bien en vue ne correspondait pas au profil du demandeur.

[33] Le défendeur soutient que la SAR est présumée avoir tenu compte de tous les éléments de preuve objectifs pour arriver à sa décision et que, quoi qu’il en soit, les extraits sur la violence sectaire que les demandeurs invoquent dans leurs observations concordent avec la conclusion de la SAR selon laquelle les groupes extrémistes exercent leurs activités par de la violence ciblée faisant un grand nombre de victimes, plutôt que par des attaques individuelles. Le défendeur affirme que cette preuve ne démontre pas que le demandeur principal est susceptible d’être personnellement ciblé par le SSP à Hyderabad. Il fait valoir que la SAR a également apprécié de façon raisonnable la preuve concernant les moyens dont disposait le SSP pour retrouver les demandeurs à Hyderabad, et que les demandeurs n’ont pas soulevé d’erreur susceptible de contrôle dans cette appréciation.

[34] Le défendeur soutient en outre que la SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni une preuve suffisante selon laquelle une réinstallation dans la PRI serait déraisonnable, en soulignant que le demandeur principal a lui-même affirmé qu’il n’y avait aucune raison, mis à part la crainte concernant le SSP, qui rendrait la réinstallation déraisonnable.

[35] Je suis du même avis que le défendeur. Après avoir examiné la décision de la SAR dans son ensemble, je conclus que les demandeurs n’ont pas soulevé dans la décision d’erreur susceptible de contrôle qui justifierait l’intervention de la Cour. Les motifs de la SAR révèlent que cette dernière a effectué un examen approfondi et convaincant de la preuve, établissant un raisonnement suivi clair entre le dossier de preuve — en ce qui concerne tant la preuve du demandeur que la preuve objective que constitue le CND — et ses conclusions concernant la viabilité de la PRI (Vavilov, au para 102).

[36] Je ne souscris pas à l’observation des demandeurs selon laquelle la conclusion de la SAR concernant le fait que le demandeur principal avait un profil relativement discret en tant que « chef de peloton de la patrouille routière nationale » démontre qu’elle n’a pas tenu compte de l’emploi d’agent de police du demandeur principal en tant que motif pour lequel ce dernier avait été pris pour cible dès le départ. J’estime que cette observation est une mauvaise interprétation des conclusions de la SAR. Celle-ci n’a pas contesté que le rôle du demandeur principal en tant qu’agent de police et que le fait qu’il aurait procédé à l’arrestation de deux membres du SSP étaient à l’origine des menaces du SSP à son endroit. La SAR a plutôt raisonnablement conclu qu’à la lumière de ce fondement pour les attaques du SSP, les demandeurs n’ont pas démontré que le groupe continuerait de traquer le demandeur principal de manière constante trois ans après les arrestations, alors que le demandeur principal n’est plus un agent de police, et après la réinstallation des demandeurs à Hyderabad. Cette conclusion est raisonnable compte tenu de la preuve.

[37] Je juge que les extraits de la preuve que constitue le CND qui sont relevés par les demandeurs dans leurs observations ne contredisent pas les conclusions de la SAR concernant le risque de persécution auquel sont exposés les demandeurs à Hyderabad. Comme la SAR l’a raisonnablement conclu, cette preuve démontre que, bien que la violence sectaire continue d’être attribuée à des groupes extrémistes comme le SSP et le LeJ, cette violence se manifeste principalement sous la forme d’actes faisant un grand nombre de victimes et non d’attaques individuelles et personnelles contre des musulmans chiites se faisant relativement discrets. La SAR n’a pas nié que le SSP commet des actes de violence contre les musulmans chiites, mais a plutôt jugé que les demandeurs n’avaient pas fourni une preuve suffisante pour démontrer que le demandeur principal avait le profil d’une personne qui serait retrouvée et poursuivie par le SSP à Hyderabad. Les demandeurs n’ont renvoyé à aucun élément de preuve dont la SAR n’aurait pas tenu compte ou qu’elle aurait mal interprété. Au contraire, les conclusions de la SAR sont raisonnables à la lumière du dossier (Vavilov, au para 126).

[38] Enfin, l’observation des demandeurs concernant la conclusion de la SAR selon laquelle Hyderabad leur donnerait un certain degré d’anonymat me semble dénuée de fondement. La SAR est en droit de conclure que, à la lumière de la preuve sur les conditions dans le pays concernant la nature de la violence sectaire commise par des groupes extrémistes, un centre urbain comme Hyderabad, avec une population diversifiée sur le plan religieux, permettrait aux demandeurs de vivre plus librement et de les rendre moins susceptibles d’être poursuivis par des acteurs non étatiques comme le SSP.

[39] Pour ces raisons, je conclus que les demandeurs n’ont pas soulevé d’erreur susceptible de contrôle dans la décision de la SAR, qui est à mon avis conforme au dossier de la preuve et justifiée, transparente et intelligible (Vavilov, au para 99).

V. Conclusion

[40] La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. La décision de la SAR présente toutes les caractéristiques d’une décision raisonnable, conformément aux principes établis dans l’arrêt Vavilov. Les parties n’ont soulevé aucune question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-9632-22

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier

« Shirzad A. »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9632-22

 

INTITULÉ :

SYED ZAIGHAM ABBAS NAQVI, SYEDA NIGAH-E-ZAINAB, RUBAB ZAIGHAM, SYED MUHAMMAD HASSAN ABBAS NAQVI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JUILLET 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 OCTOBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

John Guobo

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Elijah Lo Re

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Grice & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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