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Date : 20231024


Dossier : IMM-1431-22

Référence : 2023 CF 1403

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2023

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

VIJAY SHAROON SULTAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. APERÇU

[1] Le demandeur est un citoyen du Pakistan âgé de 34 ans, de foi chrétienne. En mai 2018, après être entré au Canada muni d’un visa de visiteur, il a présenté une demande d’asile. Il a allégué qu’il craignait avec raison d’être persécuté, parce qu’il était dans la mire d’un imam dans sa ville natale, du fait qu’il aurait tenté de convertir une famille musulmane au christianisme.

[2] La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la CISR) a rejeté la demande d’asile pour des motifs liés à la crédibilité et parce que, de toute façon, le demandeur disposait d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) valable au Pakistan (la SPR a mentionné deux endroits).

[3] Le demandeur a interjeté appel de la décision de la SPR à la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la CISR. À l’appui de son appel, le demandeur a présenté plusieurs nouveaux éléments de preuve. La SAR a conclu que certains de ces éléments de preuve satisfaisaient aux exigences énoncées au paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Comme la SAR a également conclu que les nouveaux éléments de preuve admissibles satisfaisaient aux exigences énoncées au paragraphe 110(6) de la LIPR, elle a tenu une audience à laquelle le demandeur et d’autres témoins ont témoigné.

[4] La SAR a rejeté l’appel du demandeur dans une décision datée du 21 janvier 2022. La SAR a conclu que la SPR avait commis plusieurs erreurs dans son appréciation de la crédibilité du demandeur. Néanmoins, en se fondant sur sa propre appréciation de la preuve (y compris les nouveaux éléments de preuve admis en appel), la SAR a conclu que la demande d’asile devait être rejetée pour des motifs liés à la crédibilité. La SAR a également conclu que, de toute façon, le demandeur disposait d’une PRI valable. Par conséquent, la SAR a confirmé la décision de la SPR selon laquelle le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger.

[5] Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAR au titre du paragraphe 74(1) de la LIPR. Il soutient que la SAR a enfreint les principes d’équité procédurale en l’empêchant de présenter des éléments de preuve supplémentaires après l’audience qu’elle a tenue. Il fait également valoir que l’appréciation défavorable de sa crédibilité portée par la SAR est déraisonnable.

[6] Comme je l’explique dans les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincu que les exigences de l’équité procédurale n’ont pas été respectées ni que la décision est déraisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

II. LE CONTEXTE

A. L’exposé circonstancié du demandeur

[7] Le demandeur est né à Gujranwala, au Pakistan, en juillet 1989. Son épouse (qui est aussi chrétienne) et lui se sont mariés en novembre 2016. Leur fils est né en décembre 2017. Il est né avec une cardiopathie congénitale. Toutefois, selon le demandeur, en février 2018, les médecins l’ont informé que la cardiopathie était guérie. Le demandeur a attribué ce miracle à leur dévotion à la foi chrétienne.

[8] Le demandeur a raconté l’histoire de la guérison de son fils à un voisin musulman dont le fils de 10 ans était atteint d’épilepsie. Le 24 mars 2018, le voisin, son épouse et leur fils se sont rendus chez le demandeur et lui ont demandé de prier pour le garçon. Pendant qu’ils étaient là, le garçon a fait une crise d’épilepsie. Le demandeur a lu des passages de la Bible et a prié à haute voix pendant plusieurs minutes, en demandant à Jésus de guérir le garçon. Les voisins sont retournés chez le demandeur plusieurs fois au cours de la semaine suivante pour lui demander de continuer à prier pour leur fils.

[9] Le 3 avril 2018, un imam local et plusieurs hommes de sa mosquée se sont rendus chez le demandeur. L’imam lui a dit qu’il avait entendu parler du fait qu’il tentait de convertir une famille musulmane au christianisme. L’imam l’a menacé de porter des accusations de blasphème et de le faire emprisonner, si sa famille et lui-même ne se convertissaient pas à l’Islam. L’imam a dit au demandeur qu’il lui donnerait du temps pour réfléchir à sa position et qu’il reviendrait bientôt.

[10] Le demandeur n’a pas signalé cet incident à la police, car il craignait d’être accusé.

[11] Le 13 mai 2018, l’imam, accompagné des mêmes hommes de la mosquée, est retourné chez le demandeur et a répété la menace. Le demandeur a demandé plus de temps pour réfléchir à sa position. L’imam a accepté.

[12] Peu après le deuxième incident, le demandeur a quitté le Pakistan pour se rendre au Canada. Son épouse et leur fils sont allés se cacher chez un ami à Lahore.

B. La décision de la SPR

[13] La SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur dans une décision datée du 27 juin 2019. Comme je l’ai mentionné précédemment, la SPR a rejeté cette demande pour des motifs liés à la crédibilité et parce que le demandeur disposait d’une PRI valable.

C. L’appel devant la SAR

[14] L’appel interjeté par le demandeur devant la SAR a été rejeté initialement parce qu’il n’avait pas été mis en état. Toutefois, le 17 décembre 2020, la SAR a accueilli la demande de réouverture de l’appel.

[15] Dans son appel, le demandeur a contesté les conclusions de la SPR sur la crédibilité et la PRI, pour plusieurs motifs. En se fondant sur de nouveaux éléments de preuve, il a également allégué que des faits survenus après la décision de la SPR étayaient davantage sa demande d’asile. Voici plus précisément ces faits :

  • Le 4 août 2019, l’imam et ses partisans ont saccagé la maison du demandeur à Gujranwala, qui avait été abandonnée depuis plus d’un an.

  • Le 5 août 2019, un journal local a publié un article sur le saccage. L’article exposait la raison du saccage (le demandeur accusé d’avoir tenté de convertir son voisin musulman au christianisme), soulignait que les membres de la famille du demandeur avaient [traduction] « déménagé dans un endroit inconnu pour sauver leur vie », et mentionnait que l’imam avait décidé de porter une accusation de blasphème contre le demandeur.

  • Le demandeur a été mis au courant du saccage et de l’article de journal par son ami, Roman John, qui s’est rendu à la maison du demandeur après avoir lu l’article.

  • Le 11 août 2019, l’épouse et le fils du demandeur ont quitté leur cachette de Lahore pour aller à Karachi, parce qu’ils craignaient de ne plus être en sécurité.

  • Le 14 octobre 2019, Samuel Gori, pasteur de l’église à laquelle appartient le demandeur au Canada, a profité du fait qu’il effectuait une mission au Pakistan pour se rendre à la maison du demandeur à Gujranwala, [traduction] « afin de constater la gravité de l’affaire ». À son arrivée, le pasteur a vu trois hommes, apparemment des musulmans, assis à l’extérieur de la maison. Lorsqu’il s’est approché et leur a posé des questions au sujet du père du demandeur, les hommes sont devenus nerveux et l’ont menacé avec une arme à feu. Dans son témoignage devant la SAR, le pasteur Gori a déclaré que les hommes étaient des musulmans extrémistes affiliés à l’imam qui avait ciblé le demandeur.

[16] La SAR a admis les nouveaux éléments de preuve relatifs à ces points. Elle a également tenu une audience le 21 décembre 2021, à laquelle le demandeur et d’autres témoins ont témoigné.

[17] À la fin de l’audience, la SAR a demandé au demandeur de fournir, au plus tard le 7 janvier 2022, les documents originaux des nouveaux éléments de preuve ainsi que des observations écrites sur les questions relatives à la crédibilité et à la PRI. L’avocat du demandeur devant la SAR (non pas Me Desloges) était satisfait de cette proposition. Par conséquent, l’avocat du demandeur a fourni des observations écrites dans une lettre du 7 janvier 2022, ainsi que la preuve que les documents originaux avaient été transmis au greffe de la SAR par un service de messagerie.

D. La décision de la SAR

[18] Selon la SAR, les questions déterminantes étaient la crédibilité et l’existence d’une PRI.

[19] La SAR a souscrit à l’opinion du demandeur voulant que la SPR avait commis plusieurs erreurs dans ses conclusions relatives à la crédibilité. Il n’est pas nécessaire de les examiner en l’espèce.

[20] Quant aux nouvelles allégations formulées en appel, la SAR n’a pas jugé crédible la preuve présentée par le demandeur. En résumé, la SPR a tiré les conclusions suivantes :

  • Le moment et les détails du saccage prétendu de la maison du demandeur le 4 août 2019 étaient « anormalement commode[s] », compte tenu de l’appel en instance interjeté par le demandeur, à l’encontre de la décision défavorable de la SPR. Il en va de même de l’allégation selon laquelle l’imam avait finalement décidé de porter une accusation de blasphème contre le demandeur. Même si ces circonstances, à elles seules, ne justifiaient pas une conclusion défavorable relative à la crédibilité, elles commandaient un examen plus approfondi des nouveaux éléments de preuve.

  • Les informations mentionnées dans l’article de journal quant à la description du saccage de la maison du demandeur n’étaient pas crédibles. L’article présentait d’importantes irrégularités : il ne mentionnait pas l’auteur ni les sources de l’information rapportée; il n’était pas clair sur la façon dont l’auteur aurait pu être au courant de plusieurs des détails rapportés (par exemple, que les membres de la famille du demandeur se cachaient); il reprenait, comme par hasard, les éléments centraux de l’exposé circonstancié du demandeur; il comblait utilement les lacunes du dossier du demandeur à la SPR (l’absence d’une accusation de blasphème).

  • De plus, l’article a été fourni par M. John, qui est l’ami du demandeur. Cependant, l’explication de M. John sur la façon dont il a su que l’article était lié au demandeur n’était pas cohérente avec le contenu de l’article ni avec le récit du demandeur. Dans le même ordre d’idées, l’omission de demandeur de produire les messages qu’il avait échangés avec M. John sur Facebook concernant l’article a soulevé d’autres doutes sur la crédibilité.

  • Les récits de M. John et le pasteur Gori sur les visites de la maison du demandeur ne sont pas crédibles en raison de leurs incohérences fondamentales inexpliquées concernant l’état de la maison.

  • Les incohérences fondamentales dans les éléments de preuve concernant la situation des membres de la famille du demandeur lorsqu’ils étaient cachés à Karachi justifiaient une conclusion défavorable « importante » quant à la crédibilité. Ces incohérences se rapportaient à la question de savoir si l’épouse du demandeur quittait sa maison et ses environs pour se rendre à l’église qu’elle fréquentait et pour quelles raisons elle se déplaçait.

  • L’omission du demandeur de prendre des mesures pour répondre à l’accusation prétendue de blasphème en instance a soulevé des doutes sur la crédibilité de ces éléments de preuve. Le demandeur a déclaré lors de son témoignage qu’il n’avait pas tenté de retenir les services d’un avocat au Pakistan, parce qu’il savait qu’aucun avocat ne se chargerait de son dossier. La SAR a rejeté cette explication.

[21] En résumé, la SAR a conclu que le demandeur n’avait pas présenté d’éléments de preuve crédibles pour étayer sa demande d’asile. Elle a déclaré (au paragraphe 82 de la décision) ce qui suit :

Les problèmes de crédibilité décrits plus haut ne sont pas les seuls que j’ai remarqués au dossier, mais ce sont les plus graves. Selon moi, les diverses incohérences et omissions ont une telle portée (en ce sens qu’elles touchent un bon nombre de témoins et de documents) et une telle importance pour les allégations principales qu’elles minent la fiabilité de tous les témoins de l’appelant, de son témoignage et de toutes les allégations de préjudice antérieur. Les problèmes de crédibilité sont suffisamment graves que, même si je devais faire fi de l’un d’entre eux, j’estimerais tout de même que les autres documents de l’appelant que je n’ai pas précisément mis en doute ne suffisent pas à surmonter les problèmes de crédibilité qui demeurent selon la prépondérance des probabilités. Bien que mes motifs soient différents, je souscris à la conclusion générale de la SPR quant à la crédibilité. À mon avis, la présomption de véracité de l’appelant a été clairement réfutée. L’appelant n’a pas établi de façon crédible qu’il a déjà subi de la persécution et qu’il est recherché par quiconque veut lui porter préjudice au Pakistan.

[22] La SAR a également conclu que, de toute façon, le demandeur disposait d’une PRI valable dans deux endroits au Pakistan. Comme le demandeur n’a pas contesté cette conclusion, il est inutile d’exposer le raisonnement de la SAR sur ce point.

[23] La SAR a donc rejeté l’appel et confirmé la décision de la SPR portant que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger.

III. LA NORME DE CONTRÔLE

[24] Le demandeur conteste à la fois l’équité de la procédure suivie par la SAR dans son examen de l’appel qu’il a interjeté, et la décision de la SAR sur le fond de l’appel. Il n’y a aucune divergence d’opinions sur la façon dont la Cour doit examiner ces questions dans le contexte d’un contrôle judiciaire.

[25] Premièrement, pour déterminer si l’appel a été traité conformément aux exigences relatives à l’équité procédurale, la cour de révision doit effectuer sa propre analyse du processus suivi par le décideur et déterminer s’il était équitable, eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris celles énoncées dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 21-28 : voir Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée] au para 54; Lipskaia c Canada (Procureur général), 2019 CAF 267 au para 14; et Perez c Hull, 2019 CAF 238 au para 18. En pratique, cet exercice revient à appliquer la norme de la décision correcte : voir Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, aux para 49-56, et Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35. La question fondamentale est celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, au para 56).

[26] Deuxièmement, la décision de la SAR sur le fond de l’appel est examinée selon la norme de la décision raisonnable. Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85). La cour de révision doit faire preuve de retenue à l’égard d’une décision qui possède ces attributs (ibid). Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la cour de révision n’a pas pour rôle d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur ni de modifier des conclusions de fait en l’absence de circonstances exceptionnelles (Vavilov, au para 125). Il incombe au demandeur de démontrer que la décision de la SAR est déraisonnable. Afin de pouvoir infirmer la décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue qu’« elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100).

IV. ANALYSE

A. La SAR a-t-elle enfreint les principes d’équité procédurale?

[27] Le demandeur soutient que la SAR a enfreint les principes d’équité procédurale en le restreignant, après l’audience, à présenter uniquement les originaux des documents qu’il avait déjà fournis et en l’empêchant ainsi de présenter des éléments de preuve supplémentaires. Selon le demandeur, en se fondant sur les directives données par le commissaire de la SAR à la fin de l’audience, ni lui ni son avocat ne croyaient qu’il était possible de fournir de nouveaux éléments de preuve après l’audience. En outre, le demandeur soutient que cela a causé un préjudice réel, parce que la SAR a tiré une conclusion défavorable du fait qu’il n’avait pas fourni les messages échangés sur Facebook avec M. John, au sujet du saccage de sa maison le 4 août 2019, alors qu’il les aurait fournis après l’audience, si seulement il avait été autorisé à le faire.

[28] Je fais remarquer d’abord que, devant la SAR, le demandeur ne s’est pas opposé à ce qu’il considère maintenant comme un manquement aux principes d’équité procédurale. À proprement parler, cela l’empêche de s’opposer maintenant (Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 au para 26). Cela dit, pour les motifs qui suivent, je suis également convaincu que l’opposition n’est pas fondée.

[29] Premièrement, l’argument du demandeur est fondé sur une interprétation déraisonnable des directives données par la SAR concernant les observations postérieures à l’audience. Comme le défendeur l’a déclaré, à juste titre, la SAR traitait seulement d’une question d’ordre administratif. Ses directives à cet égard ne pouvaient être raisonnablement comprises comme une décision empêchant (même implicitement) le dépôt de nouveaux éléments de preuve supplémentaires, étant donné que personne n’avait soulevé cette question lorsque les directives avaient été données.

[30] Deuxièmement, dans son affidavit, le demandeur prétend parler en son nom, mais également au nom de son avocat, lorsqu’il affirme que tous les deux croyaient qu’il ne serait pas autorisé à déposer de nouveaux éléments de preuve supplémentaires après l’audience. L’avocat du demandeur n’a pas souscrit un affidavit témoignant de sa compréhension des directives de la SAR. Sur une question aussi fondamentale, je ne suis pas disposé à m’appuyer sur le récit indirect du demandeur quant à la compréhension de son avocat des directives données par la SAR. De plus, je présume que l’avocat compétent n’a pas adopté l’interprétation déraisonnable du demandeur sur les directives de la SAR.

[31] Troisièmement, à l’audience devant la SAR, le demandeur et M. John ont tous les deux été interrogés sur leurs communications. Pour dissiper les doutes exprimés par la SAR sur l’omission par le demandeur d’inclure leurs communications électroniques aux autres nouveaux éléments de preuve qu’il avait fournis, le demandeur a laissé entendre qu’il se pouvait que les messages sur Facebook soient encore accessibles. Cela étant, ni le demandeur ni son avocat n’auraient pu douter de l’importance que pouvaient avoir ces éléments de preuve. Pourtant, ils n’ont pas soulevé cette question lors de la discussion sur les étapes subséquentes à la fin de l’audience.

[32] Quatrièmement, le demandeur n’a même pas tenté de présenter ces nouveaux éléments de preuve supplémentaires à la SAR après l’audience (par exemple, par la voie d’une demande au titre de l’article 29 des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257). Dans les observations présentées par l’avocat du demandeur après l’audience (le7 janvier 2022), aucune préoccupation n’avait été soulevée quant au fait que le demandeur avait été empêché de fournir de nouveaux éléments de preuve supplémentaires. Le fait que l’avocat n’a pas tenté de présenter ces nouveaux éléments de preuve supplémentaires donne fortement à penser que le demandeur ne lui avait jamais mentionné l’existence des messages sur Facebook lorsque la SAR était saisie de l’affaire.

[33] En résumé, le fait que les messages sur Facebook n’ont pas été présentés à la SAR n’est pas attribuable à cette dernière; c’est plutôt l’inaction du demandeur qui en est entièrement la cause. Par conséquent, il n’y a pas eu de manquement aux principes d’équité procédurale. Le demandeur connaissait la preuve à réfuter et il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre. Ce motif de contrôle judiciaire doit donc être rejeté.

B. La décision est-elle déraisonnable?

[34] Le demandeur conteste le caractère raisonnable de toutes les conclusions défavorables en matière de crédibilité que la SAR a tirées, et qui sont résumées ci-dessus, au paragraphe 20, ainsi que sa conclusion générale, reproduite au paragraphe 21 ci-dessus, selon laquelle il avait omis de fournir suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour étayer sa demande d’asile. Je ne suis pas convaincu qu’il y a lieu d’intervenir relativement à l’appréciation portée par la SAR sur la preuve.

[35] Pour l’essentiel, dans les observations qu’il a présentées dans le cadre du contrôle judiciaire, le demandeur se limitait à faire valoir à nouveau ses arguments à l’appui de sa demande d’asile et m’invitait à substituer mon opinion sur la preuve à celle de la SAR. Comme je l’ai mentionné précédemment, ce n’est pas le rôle de la Cour qui se livre à un contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable. De plus, en l’espèce, la SAR avait l’avantage d’entendre directement les témoignages du demandeur et de ses témoins. Il s’agit d’un avantage important dans l’appréciation de la crédibilité dont la Cour ne bénéficie pas.

[36] La SAR a fourni des motifs détaillés et convaincants qui expliquaient ses conclusions sur des éléments de preuve précis ainsi que sur le manque général de crédibilité de la demande d’asile. Les motifs sont transparents, intelligibles et justifiés, à la lumière du dossier dont disposait la SAR. Il est évident que le demandeur ne souscrit pas à l’appréciation portée par la SAR sur la preuve, mais il n’a pas établi qu’une partie importante de cette appréciation était déraisonnable. Ce motif de contrôle judiciaire doit aussi être rejeté.

V. CONCLUSION

[37] Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[38] Les parties n’ont soulevé aucune question grave de portée générale à certifier au titre de l’alinéa 74 d) de la LIPR. Je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1431-22

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« John Norris »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1431-22

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

VIJAY SHAROON SULTAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 MARS 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :


LE 24 OCTOBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Chantal Desloges

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jake Boughs

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Desloges Law Group Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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