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Date : 20231024

Dossier : T‐317‐23

Référence : 2023 CF 1412

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2023

 

En présence du juge responsable de la gestion de l’instance, Benoit M. Duchesne

ENTRE:

STEVEN BARROW

demandeur

 

et

SA MAJESTÉ LE ROI

défendeur

 

ORDONNANCE

[1] Dans la présente instance, le demandeur sollicite un bref de mandamus enjoignant au directeur des poursuites pénales d’engager et de mener des poursuites contre le gouverneur en conseil, y compris tous les membres du conseil privé, et tous les [traduction] « fonctionnaires de la Couronne », conformément à l’alinéa 3(3)a) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales, LC 2006, c 9, art 121 (la Loi), pour avoir commis les infractions prévues aux paragraphes 4(1) et 4(1.1) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre ainsi qu’aux paragraphes 269.1(1) (torture) et 423(1) (intimidation) du Code criminel, pour s’être livrés à des activités terroristes au sens du Code criminel et pour avoir commis des actes de torture au sens de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le demandeur prétend que le gouvernement du Canada aurait commis ces actes criminels depuis le 25 mars 2020 ou aux environs de cette date lorsqu’il a rendu obligatoire la vaccination contre la COVID‐19 et imposé des restrictions et des conditions de déplacement.

[2] Le défendeur a déposé une requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur au motif qu’elle n’a aucune chance d’être accueillie.

[3] Je suis d’accord avec le défendeur. Pour les motifs exposés ci‐après, la requête en radiation du défendeur sera accueillie et l’avis de demande déposé par le demandeur sera radié sans autorisation de le modifier.

I. DROIT APPLICABLE À UNE REQUÊTE EN RADIATION

[4] Le critère applicable à une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire est énoncé dans l’arrêt Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250 (JP Morgan). La Cour d’appel fédérale s’est exprimée ainsi au paragraphe 47 :

La Cour n’accepte de radier un avis de demande de contrôle judiciaire que s’il est « manifestement irrégulier au point de n’avoir aucun[e] chance d’être accueilli » [...]. Elle doit être en présence d’une demande d’une efficacité assez radicale, un vice fondamental et manifeste qui se classe parmi les moyens exceptionnels qui infirmeraient à la base sa capacité à instruire la demande [...]

[5] Lorsqu’elle détermine si l’auteur de la requête a satisfait au critère, la Cour devrait considérer l’un ou l’autre des éléments suivants comme constituant un vice fondamental et manifeste justifiant la radiation de l’avis de demande (JP Morgan, au para 66; Première Nation de Dakota Plains c Smoke, 2022 CF 911 (CanLII) au para 6) :

  1. l’avis de demande ne révèle aucune action recevable en droit administratif qui peut être introduite devant la Cour fédérale;

  2. la Loi sur les Cours fédérales ou quelque autre principe juridique interdit à la Cour fédérale de se prononcer sur le recours en droit administratif;

  3. la Cour fédérale ne peut accorder la mesure demandée dans l’avis de demande.

[6] Pour déterminer si une demande de contrôle judiciaire n’a aucune chance d’être accueillie ou si elle est vouée à l’échec (Wenham c Canada (Procureur général), 2018 CAF 199 (CanLII) au para 33 (Wenham)), la Cour doit d’abord lire la demande de manière à en saisir la « véritable nature » ou la « nature essentielle » en « s’employant à en faire une lecture globale et pratique, sans s’attacher aux questions de forme » (JP Morgan, aux para 49‐50; Wenham, au para 34). Autrement dit, la Cour doit aller au‐delà de la façon dont le demandeur a formulé sa demande et lire l’avis de manière à saisir la véritable nature de la demande et à obtenir une appréciation réaliste de sa nature essentielle (Leahy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 145 (CanLII) au para 4; JP Morgan, aux para 49‐50). La Cour doit déceler les formulations ingénieuses et les textes habilement rédigés qui peuvent faire paraître une question comme en étant une de droit administratif alors qu’il n’en est rien (JP Morgan, au para 49).

[7] Les faits allégués dans l’avis de demande sont présumés vrais, et l’avis doit être interprété de manière libérale de façon à remédier à tout vice de forme. Ce n’est pas parce que les faits allégués dans l’avis de demande sont tenus pour avérés pour les besoins de la requête que les descriptions des faits ou les conjectures énoncées dans l’avis devraient également être tenues pour avérées.

[8] Selon les principes applicables aux actes de procédure établis dans les Règles des Cours fédérales (les Règles) et dans la jurisprudence, les motifs invoqués dans l’avis de demande doivent être concis, mais pas trop succincts, et être complets, exhaustifs et détaillés. Les faits pertinents à l’appui des motifs doivent également être inclus. Le demandeur ne doit toutefois pas inclure l’entièreté de la preuve qu’il versera au dossier, ni même énoncer l’identité de toutes les personnes qui produiront des déclarations sous serment à l’appui de la demande.

[9] L’entièreté de la preuve ne figurera évidemment pas dans l’avis de demande de contrôle judiciaire, mais les motifs doivent tous être énoncés à cette étape préliminaire (JP Morgan, aux para 38 à 46; Soprema Inc c Canada (Procureur général), 2021 CF 732 (CanLII) (Soprema) aux para 37 à 39, conf 2022 CAF 103 (CanLII)). Par exemple, si un demandeur affirme qu’il y a eu atteinte à son droit à l’équité procédurale, celui-ci ne peut se contenter de faire connaître sa position. Il doit préciser les règles d’équité procédurale qui, selon lui, ont été violées et la façon dont elles l’ont été. De même, le demandeur qui soutient qu’une décision comporte une erreur de droit doit renvoyer à la jurisprudence ou à la loi sur laquelle repose sa thèse et indiquer en quoi la décision est erronée. Si le demandeur fait valoir que la décision visée par la demande de contrôle judiciaire est déraisonnable, son avis de demande devrait alors indiquer en quoi et pourquoi elle est déraisonnable. Le défaut d’étayer suffisamment des allégations qui, si elles sont avérées, pourraient amener la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire en matière de contrôle judiciaire porte un coup fatal à une demande de contrôle judiciaire (Soprema, aux para 37 à 40 et 44, conf 2022 CAF 103 (CanLII)).

[10] En règle générale, la preuve par affidavit n’est pas recevable à l’appui d’une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire. Plusieurs considérations justifient cette règle générale d’irrecevabilité de la preuve par affidavit, comme l’a énoncé la Cour d’appel fédérale au paragraphe 52 de l’arrêt JP Morgan :

[51] En règle générale, les affidavits ne sont pas recevables pour appuyer une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire.

[52] Plusieurs considérations justifient cette règle générale :

Les affidavits peuvent donner lieu à des contre‐interrogatoires et des refus de répondre à des questions et ils risquent, en conséquence, de retarder l’examen des demandes de contrôle judiciaire. Ce genre de situation est contraire à l’exigence du législateur selon laquelle les demandes doivent être instruites « à bref délai » et « selon une procédure sommaire ».

Le défendeur qui introduit une requête en radiation d’un avis de demande n’est pas tenu de déposer un affidavit. Dans sa requête, il doit signaler l’existence d’un vice fondamental et manifeste dans l’avis de demande, à savoir un vice qui semble évident. Un vice dont la démonstration nécessite le recours à un affidavit n’est pas manifeste. Normalement, l’incapacité du défendeur de produire un élément de preuve ne lui est pas préjudiciable. Celui‐ci peut déposer l’élément de preuve plus tard lorsque la demande est examinée au fond, sous réserve de certaines restrictions, et la Cour peut souvent statuer sur le fond dans un délai de quelques mois. Si la demande est infondée, elle est rejetée assez tôt. Et s’il est nécessaire de statuer plus rapidement sur le fond, le défendeur peut toujours demander une ordonnance en accélération de l’instruction de la demande.

Dans le cas du demandeur qui répond à une requête en radiation de la demande, il faut partir du principe que dans pareille requête, les faits allégués dans l’avis de demande sont tenus pour avérés : Chrysler Canada Inc. c. Canada, 2008 CF 727, au paragraphe 20, confirmé en appel, 2008 CF 1049. Cela élimine la nécessité de faire état des faits au moyen d’un affidavit. De plus, le demandeur doit présenter un énoncé « complet » des motifs dans son avis de demande. La Cour ainsi que les parties opposées peuvent à bon droit supposer que l’avis de demande renferme tout ce qui est essentiel pour octroyer la réparation demandée. L’avis de demande ne peut être complété ou renforcé par un affidavit.

[53] Les exceptions à la règle de l’irrecevabilité des affidavits dans les requêtes en radiation ne doivent être permises que dans les cas où elles ne vont pas à l’encontre des justifications à la règle générale de l’irrecevabilité, et où l’exception sert l’intérêt de la justice.

[54] Par exemple, constitue une exception [...] le fait pour un document d’être mentionné et incorporé par renvoi à l’avis de demande. Une partie peut produire un affidavit joignant simplement le document en annexe, sans plus, afin d’aider la Cour.

[11] Enfin, sauf ordonnance contraire de la Cour, une demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule décision ou ordonnance (art 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F‐7; art 302 des Règles). Ainsi, une demande de contrôle judiciaire qui porte sur plus d’une décision est irrégulière et contraire aux Règles, mais il est possible de remédier à la situation au moyen d’une ordonnance permettant le contrôle de plus d’une décision ou ordonnance dans le cadre de l’instance. Bien que pareille ordonnance rendue par application de l’article 302 des Règles soit généralement sollicitée avant l’instruction au fond de la demande, il est toujours loisible à la Cour, pendant l’instruction, d’autoriser qu’une demande de contrôle judiciaire porte sur plus d’une décision.

II. AVIS DE DEMANDE À RADIER

[12] Le demandeur soutient que les mesures adoptées en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine et d’autres lois pour des motifs de santé publique liés à la pandémie de COVID‐19 doivent conduire à des poursuites contre les acteurs du gouvernement fédéral ayant participé à leur adoption. À cette fin, il sollicite un bref de mandamus enjoignant au directeur des poursuites pénales d’exercer le rôle que lui confère le paragraphe 3(3) de la Loi, soit d’engager et de mener des poursuites contre les acteurs gouvernementaux ayant participé à l’adoption des mesures particulières relatives à la COVID‐19 auxquelles il renvoie dans son avis de demande.

[13] À l’appui de sa demande en vue d’obtenir un bref de mandamus enjoignant au directeur des poursuites pénales de poursuivre différents acteurs gouvernementaux désignés par leur nom ou par leur fonction, le demandeur renvoie aux mesures suivantes :

  1. le décret d’urgence, pris par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine et entré en vigueur le 25 mars 2020, obligeant toute personne qui entre au Canada par voie aérienne, maritime ou terrestre à s’isoler pour une période de 14 jours, qu’elle ait des symptômes de la COVID‐19 ou non;

  2. l’obligation d’utiliser l’application ArriveCAN dès le 21 novembre 2020, annoncée le 2 novembre 2020;

  3. la vaccination obligatoire des employés fédéraux et des secteurs des transports sous réglementation fédérale, annoncée le 6 octobre 2021;

  4. la vaccination obligatoire pour voyager au Canada ou à l’étranger à compter du 30 novembre 2021.

[14] Le demandeur soutient que chacune de ces mesures a été prise par le gouverneur en conseil en violation des droits qui lui sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), plus particulièrement de ceux qui lui sont garantis par l’article 26. Le demandeur n’a présenté aucun fait substantiel démontrant quand et comment il y a eu violation des droits qui lui sont garantis par l’article 26 de la Charte.

[15] Il fait également valoir que des modifications aux dispositions réglementaires prises en vertu de la Loi sur les contraventions ont été adoptées afin que les autorités policières, dont la Gendarmerie royale du Canada et les corps policiers provinciaux et municipaux, aient la latitude de remettre des procès‐verbaux aux personnes qui ne respectaient pas les décrets pris en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine, le tout étant un stratagème visant à autoriser l’imposition de peines ou traitements cruels et inusités qui porte atteinte aux droits que lui garanti l’alinéa 2b) de la Déclaration canadienne des droits (la Déclaration) et la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP). Les modifications aux dispositions réglementaires invoquées par le demandeur ne sont pas présentées de manière suffisamment précise pour permettre à la Cour de savoir à quelles modifications il renvoie, et il n’avance aucun fait substantiel démontrant quand et comment les droits qui lui sont garantis par la Déclaration ou par la LCDP ont été violés.

[16] Enfin, le demandeur soutient que le gouverneur en conseil a déclaré la guerre à ceux qui protestaient de façon pacifique contre lui afin de rétablir la primauté du droit au Canada, et ce, en persécutant davantage les Canadiens et en restreignant encore plus leurs libertés et droits fondamentaux reconnus par la Déclaration. Cet argument ou point de vue est présenté comme un fait substantiel. Par conséquent, la Cour ne peut prendre en compte cet argument ou point de vue dans le cadre de la présente requête.

III. DOCUMENTS RELATIFS À LA REQUÊTE DÉPOSÉS DEVANT LA COUR

[17] Le défendeur a signifié et déposé un dossier de requête, qui comprend un avis de requête et des prétentions écrites.

[18] Conformément à l’alinéa 359d) des Règles, le défendeur a inscrit l’avis de demande du demandeur du 16 février 2023 sur la liste des documents qui seront utilisés dans le cadre de l’audition de sa requête en radiation. L’avis de demande en question n’a pas été versé au dossier de requête du défendeur, comme il aurait dû l’être conformément à l’alinéa 362(2)(f) des Règles. Compte tenu du fait que le document a été inscrit dans l’avis de requête et qu’il fait partie du dossier de la Cour, la Cour exercera le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 60 des Règles et récupérera une copie de l’avis de demande aux fins de la présente requête.

[19] Le défendeur ne devrait pas considérer que la manière dont la Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire en l’espèce marque le début d’une pratique qui consiste à sortir des documents du dossier afin de les examiner. La Cour exerce son pouvoir discrétionnaire seulement parce que la signification et le dépôt d’un dossier de requête modifié comprenant l’avis de demande constitueraient une perte de temps (Sorribes c Société Radio-Canada, 2023 CF 978 (CanLII) au para 7).

[20] Le demandeur n’a ni signifié ni déposé de dossier de réponse. Il a plutôt déposé une lettre datée du 29 mai 2023 dans laquelle il demandait à la Cour de lui indiquer les lacunes que comportait sa demande sur le plan de la preuve et de l’autoriser à y remédier conformément à l’article 60 des Règles. Le demandeur a ensuite tenté de déposer un dossier de requête après l’expiration du délai prescrit, mais sa demande a été refusée le 26 septembre 2023 par le juge adjoint Cotter. Puisque la présente requête ne vise pas à faire la preuve des faits exposés par le demandeur dans son avis de demande, rien ne justifie d’invoquer l’article 60 des Règles comme il l’a fait.

IV. ANALYSE

[21] Le défendeur soutient que la Cour n’a pas compétence pour accorder la réparation sollicitée par le demandeur. Essentiellement, l’argument du défendeur est le suivant : le directeur des poursuites pénales, lorsqu’il détermine s’il doit engager et mener des poursuites, n’est pas un « office fédéral » au sens des articles 2 et 18 de la Loi sur les Cours fédérales, de sorte que la Cour n’a pas compétence pour procéder au contrôle judiciaire de sa décision d’engager ou non des poursuites, sauf si des allégations d’abus de procédure sont formulées contre lui. Je suis d’accord avec le défendeur en ce qui a trait au pouvoir discrétionnaire du poursuivant.

[22] Le pouvoir discrétionnaire du poursuivant est au cœur de la présente instance. Le directeur des poursuites pénales, sous l’autorité et pour le compte du procureur général du Canada, est responsable d’engager et de mener des poursuites en vertu de l’alinéa 3(3)(a) de la Loi. Celle‐ci, tel qu’elle est rédigée, n’a pas pour effet d’empêcher ou de limiter autrement l’exercice du pouvoir discrétionnaire du directeur des poursuites pénales d’engager ou non des poursuites.

[23] Dans l’arrêt Krieger c Law Society of Alberta, 2002 CSC 65 (CanLII), [2002] 3 RCS 372, la Cour suprême du Canada a formulé les propos suivants aux paragraphes 45 à 47 :

[45] [...] Les autres organes du gouvernement ne peuvent pas modifier une décision que le procureur général ou l’un de ses mandataires a prise dans l’exercice du pouvoir que le souverain lui a délégué. Par conséquent, les tribunaux, les autres membres de l’exécutif et les organismes créés par une loi, tels les barreaux des provinces, font preuve de retenue à l’égard de l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites.

[46] Sans vouloir être exhaustifs, nous croyons que le pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites comprend essentiellement les éléments suivants : a) le pouvoir discrétionnaire d’intenter ou non des poursuites relativement à une accusation portée par la police; b) le pouvoir discrétionnaire d’ordonner un arrêt des procédures dans le cadre de poursuites privées ou publiques, au sens des art. 579 et 579.1 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‐46; c) le pouvoir discrétionnaire d’accepter un plaidoyer de culpabilité relativement à une accusation moins grave; d) le pouvoir discrétionnaire de se retirer complètement de procédures criminelles : R. c. Osborne (1975), 25 C.C.C. (2d) 405 (C.A.N.‐B.); e) le pouvoir discrétionnaire de prendre en charge des poursuites privées : R. c. Osiowy (1989), 50 C.C.C. (3d) 189 (C.A. Sask.). Même s’il existe d’autres décisions discrétionnaires, celles‐ci constituent l’essentiel du pouvoir souverain délégué qui caractérise la charge de procureur général.

[47] Fait important, le point commun entre les divers éléments du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites est le fait qu’ils comportent la prise d’une décision finale quant à savoir s’il y a lieu d’intenter ou de continuer des poursuites ou encore d’y mettre fin, d’une part, et quant à l’objet des poursuites, d’autre part. Autrement dit, le pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites vise les décisions concernant la nature et l’étendue des poursuites ainsi que la participation du procureur général à celles‐ci. Les décisions qui ne portent pas sur la nature et l’étendue des poursuites, c’est‐à‐dire celles qui ont trait à la stratégie ou à la conduite du procureur du ministère public devant le tribunal, ne relèvent pas du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites. Ces décisions relèvent plutôt de la compétence inhérente du tribunal de contrôler sa propre procédure une fois que le procureur général a choisi de se présenter devant lui.

[24] Il ressort clairement de ces paragraphes que tant que le procureur général ou une personne agissant pour son compte, comme le directeur des poursuites pénales, n’a pas engagé de poursuites, il n’est pas loisible à la Cour d’intervenir dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de ce dernier d’engager ou non des poursuites.

[25] En outre, le demandeur n’a manifestement pas fait valoir que les conditions applicables à la délivrance d’un bref de mandamus étaient respectées (Apotex Inc c Canada (Procureur général) (CA), 1993 CanLII 3004 (CAF), [1994] 1 CF 742, conf 1994 CanLII 47 (CSC)), ce qui porte un coup fatal à sa demande (Soprema, aux para 37 à 39, conf 2022 CAF 103 (CanLII)).

[26] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, il ne fait aucun doute que le demandeur ne peut éviter la radiation de son avis de demande en y apportant des modifications, puisqu’il ne peut se prévaloir de la réparation demandée en droit.

[27] Par conséquent, j’accueillerai la requête du défendeur et je rejetterai l’avis de demande du demandeur, puisque la demande n’a aucune chance d’être accueillie et est vouée à l’échec.


 

LA COUR REND L’ORDONNANCE suivante :

  1. La requête en radiation du défendeur est accueillie.

  2. L’avis de demande et la demande de contrôle judiciaire du demandeur sont rejetés sans autorisation de modification.

  3. Les parties doivent se consulter et tenter de s’entendre sur les dépens relatifs à la présente instance. Si les parties ne peuvent s’entendre, le défendeur a jusqu’au 3 novembre 2023 pour signifier et déposer ses observations écrites quant aux dépens. Les observations doivent être rédigées à double interligne et compter un maximum de trois pages, à l’exclusion des annexes et des lois, des règlements, de la jurisprudence et de la doctrine. Le demandeur aura ensuite jusqu’au 17 novembre 2023 pour signifier et déposer ses observations écrites en réponse à celles du défendeur, lesquelles devront également être rédigées à double interligne et compter un maximum de trois pages, à l’exclusion des annexes et des lois, des règlements, de la jurisprudence et de la doctrine. Si la Cour ne reçoit pas d’observations écrites sur les dépens d’ici le 3 novembre 2023, aucuns dépens ne seront adjugés.

Blank

« Benoit M. Duchesne »

Blank

Juge responsable de la gestion de l’instance

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐317‐23

 

INTITULÉ :

STEVEN BARROW c SA MAJESTÉ LE ROI

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ADJOINT duchesne

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 OCTOBRE 2023

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Steven Barrow

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE

 

Amanda McGarry

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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