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Date : 20231106


Dossier : IMM‑7785‑22

Référence : 2023 CF 1475

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2023

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

MASOUMEH ZAREI
HAMED MOTAMEDI MANESH
BENITA MOTAMEDI MANESH
AVITA MOTAMEDI MANESH

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs sont citoyens de l’Iran. La demanderesse principale, Masoumeh Zarei, a été admise à un programme menant à un diplôme post-baccalauréat en services et gestion technique, d’une durée de deux ans, à l’Université polytechnique Kwantlen, en Colombie‑Britannique. Elle a présenté une demande de permis d’études pour pouvoir suivre ce programme. Elle a aussi présenté une demande de visa pour son époux et leurs deux jeunes enfants afin qu’ils puissent vivre avec elle au Canada pendant ses études. Un agent des visas d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a rejeté les demandes au motif que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’ils quitteraient le Canada à la fin du séjour autorisé.

[2] Les demandeurs sollicitent maintenant le contrôle judiciaire des décisions de l’agent au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La présente demande est axée sur le rejet de la demande de permis d’études de la demanderesse principale. Les demandeurs soutiennent que la décision relative à cette demande est déraisonnable à plusieurs égards. Ils n’ont soulevé aucun motif de contrôle indépendant à l’encontre du rejet des demandes de visa des membres de la famille, lesquelles dépendaient entièrement du succès de la demande de permis d’études de la demanderesse principale.

[3] Comme je l’explique plus bas, je ne suis pas convaincu qu’il y a une raison quelconque d’intervenir dans la décision de refuser le permis d’études à la demanderesse principale. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

[4] Les parties reconnaissent, et j’en conviens, que le fond de la décision de l’agent est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Une décision raisonnable repose « sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85). Une décision est déraisonnable si les motifs « ne justifient pas la décision de manière transparente et intelligible » (Vavilov, au para 136). Avant de pouvoir infirmer la décision au motif qu’elle est déraisonnable, la cour de révision doit être convaincue qu’elle « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100).

[5] Une fois l’autorisation accordée, le défendeur a déposé, à titre de question préliminaire, un affidavit d’un conseiller en programmes d’IRCC qui maîtrise l’anglais et le persan/farsi. Selon l’auteur de l’affidavit, la demande de permis d’études de la demanderesse comprenait une traduction anglaise certifiée d’un document en persan qui n’était ni fidèle et ni complète. (Les documents en question figurent aux pages 60 et 61 du dossier certifié du tribunal). À mon avis, les divergences entre les deux documents donnent à penser que le document en anglais est en réalité la traduction d’un document différent qui, d’une façon ou d’une autre, n’a pas été joint à la demande. Les parties sont du même avis. Quoi qu’il en soit, le défendeur n’a pas cherché à faire admettre l’affidavit en tant qu’exception à la règle générale selon laquelle seuls les documents dont dispose le décideur initial peuvent être pris en considération dans une demande de contrôle judiciaire (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 aux para 17‑20; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 aux para 13‑28; Sharma c Canada (Procureur général), 2018 CAF 48 aux para 7‑9; et Andrews c Alliance de la fonction publique, 2022 CAF 159 au para 18). Je dois donc évaluer le caractère raisonnable de la décision en me fondant sur les renseignements dont disposait l’agent des visas, ce qui implique notamment que le document en anglais qui figure à la page 60 du dossier certifié du tribunal doit être considéré, comme l’indique l’attestation du traducteur, comme étant une traduction fidèle du document en persan qui se trouve à la page 61 du dossier certifié du tribunal.

[6] Aux paragraphes 5 à 9 de la décision Nesarzadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 568, le juge Pentney offre un résumé utile des principes clés qui guident le contrôle judiciaire des décisions relatives aux permis d’études. En me fondant sur ce résumé et la jurisprudence invoquée dans la décision Nesarzadeh, j’énoncerais ces principes de la façon suivante :

  • La décision raisonnable doit expliquer le résultat, au regard du droit et des faits principaux.

  • L’arrêt Vavilov vise à renforcer la « culture de la justification »,qui oblige le décideur à expliquer logiquement le résultat et à tenir compte des observations des parties.

  • Le contexte administratif dans lequel a été rendue la décision doit être pris en compte. Les agents des visas sont confrontés à un déluge de demandes, et il n’est pas nécessaire que leurs motifs soient longs ou détaillés. Cependant, leurs motifs doivent tout de même énoncer les éléments clés de l’analyse qu’ils ont effectuée et tenir compte des aspects centraux de la demande.

  • Il incombe au demandeur de convaincre l’agent des visas qu’il satisfait aux exigences juridiques de l’obtention d’un permis d’études, y compris qu’il quittera le Canada à la fin du séjour autorisé.

  • Les agents des visas doivent prendre en considération les facteurs d’incitation et d’attraction qui pourraient amener le demandeur à dépasser la durée de son visa et à demeurer au Canada ou qui, en revanche, l’encourageraient à retourner dans son pays d’origine le moment venu.

[7] En l’espèce, l’agent a rejeté les demandes pour deux motifs principaux : premièrement, la demanderesse principale n’avait pas fourni de détails indiquant en quoi les études proposées l’aideraient dans son cheminement de carrière ou pourquoi des études menées au Canada, vu leur coût, étaient nécessaires ou avantageuses; deuxièmement, le fait que la famille immédiate de la demanderesse principale l’accompagnerait au Canada affaiblissait ses liens avec son pays d’origine et, donc, sa volonté d’y retourner. L’agent a conclu que la demanderesse principale n’avait pas établi qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé.

[8] Les demandeurs contestent la décision à plusieurs égards, mais ils n’ont pas établi qu’elle est déraisonnable. Bien que les motifs soient succincts, ils énoncent les principaux facteurs sur lesquels l’agent s’est fondé.

[9] Les demandeurs soutiennent qu’il n’appartient pas à l’agent des visas d’évaluer la sagesse ou la pertinence d’un projet d’études. Même si c’est vrai en règle générale, ce n’est pas ce que l’agent a fait en l’espèce. La demanderesse principale a plutôt tenté elle‑même de qualifier le projet d’études de raisonnable parce qu’il l’aiderait à avancer dans sa carrière. Compte tenu des renseignements fournis par la demanderesse principale, il n’était pas déraisonnable de la part de l’agent de conclure qu’elle n’était pas parvenue à établir en quoi ces études supplémentaires l’aideraient dans sa carrière, étant donné ce qu’elle avait déjà accompli dans sa vie. Comme l’agent l’a fait remarquer, la demanderesse principale n’a fait que des déclarations générales à propos de la valeur de ces études supplémentaires. En concluant que les explications de la demanderesse principale étaient lacunaires, l’agent s’est prononcé sur le caractère suffisant des renseignements qu’elle avait fournis, pas sur la sagesse des choix de vie de cette dernière.

[10] Les demandeurs n’ont relevé aucune information pertinente qui aurait échappé à l’agent ou que ce dernier aurait mal comprise pour arriver à la conclusion qu’il a raisonnablement tirée. Il est vrai que l’agent n’a pas mentionné chacun des facteurs positifs (comme le fait que les demandeurs détenaient des biens en Iran et avaient des antécédents de voyage favorables), mais sa décision n’en demeure pas moins raisonnable. Il n’était pas déraisonnable de sa part de conclure que les facteurs positifs ne permettaient pas de justifier une décision favorable, compte tenu du contexte de la demande dans son ensemble. Au contraire, dans leurs observations, les demandeurs m’invitent en fait à apprécier de nouveau la preuve et à tirer une conclusion différente de celle de l’agent, ce qui n’est pas le rôle de la cour dans un contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable.

[11] En résumé, l’agent a expliqué la décision défavorable au moyen de motifs transparents, intelligibles et justifiés. Les demandeurs sont sans nul doute déçus de la décision, mais ils n’ont pas établi qu’elle est déraisonnable.

[12] Par souci d’exhaustivité, je fais observer que les demandeurs, dans leur mémoire, ont également contesté l’équité du processus que l’agent a suivi pour rendre la décision par laquelle il a rejeté la demande de permis d’études de la demanderesse principale. Ces arguments n’ont pas été présentés à l’audition de la présente demande. Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que la demanderesse principale connaissait la preuve à réfuter et qu’elle a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 56).

[13] Enfin, ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question grave de portée générale à certifier aux termes de l’alinéa 74d) de la LIPR, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑7785‑22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« John Norris »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑7785‑22

 

INTITULÉ :

MASOUMEH ZAREI ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 JUIN 2023

 

JUGeMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 NOVEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Oluwadamilola Asuni

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Judith Boer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Oluwadamilola Asuni

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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