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Date : 20231110


Dossier : T‑779‑23

Référence : 2023 CF 1501

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2023

En présence de madame la juge Turley

ENTRE :

ABDUL SALAM ABDUL

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 10 mars 2023 par un agent [l’agent] de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] à la suite du deuxième examen de sa demande de prestation canadienne de relance économique [la PCRE]. L’agent a conclu que le demandeur n’était pas admissible à la PCRE pour les périodes de deux semaines comprises entre le 31 janvier et le 13 février 2021 et entre le 28 février et le 23 octobre 2021. Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de l’ARC ainsi qu’une ordonnance de mandamus ordonnant à l’ARC de modifier sa décision et de le déclarer admissible à la PCRE.

[2] Pour les motifs exposés ci‑après, j’accueillerai la demande de contrôle judiciaire et je renverrai l’affaire à un autre agent de l’ARC afin qu’il rende une nouvelle décision relativement à l’admissibilité du demandeur à la PCRE.

[3] Le demandeur agit pour son propre compte et, conformément à l’ordonnance de la Cour du 19 octobre 2023, était accompagné d’un interprète à l’audience.

[4] L’avocate du procureur général du Canada a soulevé, à titre préliminaire, la question du défendeur qu’il convient de désigner, puisque le demandeur avait désigné l’ARC comme partie défenderesse. Je suis d’avis que le procureur général du Canada est le défendeur qu’il convient de désigner conformément au paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Le demandeur ne s’est pas opposé à cette modification et j’ai ainsi ordonné que soit modifié l’intitulé de manière à désigner le procureur général du Canada à titre de défendeur.

[5] L’ARC a rejeté la demande de PCRE du demandeur au motif que ses revenus d’emploi bruts ou ses revenus nets gagnés dans le cadre d’un travail exécuté pour son compte pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande ne s’élevaient pas à au moins 5 000 $.

[6] Le défendeur reconnaît que la décision est déraisonnable et qu’elle devrait être annulée. Notamment, l’agent n’a pas adéquatement pris en compte les factures du service de traiteur du demandeur, que ce dernier lui a fournies le 24 novembre 2022. L’agent a précisé que les factures [traduction] « n’indiquaient pas les noms et les adresses des clients ». Il semble toutefois que les factures indiquaient leurs noms et numéros de téléphone.

[7] La seule question à trancher en l’espèce est la réparation appropriée. En plus de solliciter l’annulation de la décision, le demandeur demande à la Cour de déclarer qu’il remplissait les conditions d’admissibilité à la PCRE et d’annuler sa dette de 16 000 $ auprès de l’ARC. Il demande instamment à la Cour de rendre la décision que l’agent aurait dû rendre, c’est‑à‑dire de conclure qu’il était admissible à la PCRE.

[8] Le défendeur fait valoir que la Cour devrait simplement renvoyer l’affaire à l’ARC afin qu’un autre agent rende une nouvelle décision. Le défendeur soutient que la Cour ne devrait pas ordonner à l’ARC de conclure que le demandeur a droit à la PCRE, car la Cour substituerait ainsi sa décision à celle du ministre de l’Emploi, du Développement de la main‑d’œuvre et des Langues officielles, qui est responsable d’administrer la PCRE. Le défendeur s’appuie sur l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Tennant, 2019 CAF 206 [Tennant] pour faire valoir qu’une telle forme de réparation est justifiée seulement dans des circonstances exceptionnelles, à savoir lorsque le décideur administratif dispose d’une seule issue légale ou peut tirer une seule conclusion raisonnable, de sorte qu’il serait inutile de renvoyer l’affaire au décideur pour qu’il rende une nouvelle décision.

[9] En règle générale, la cour de révision doit respecter la volonté du législateur de confier l’affaire à un décideur administratif : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 139‑142 [Vavilov]. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, la Cour peut exercer son pouvoir de substitution indirecte : Northern Inter-Tribal Health Authority Inc v Yang, 2023 CAF 47 au para 82; Tennant aux para 79‑82; Clarke v Canada (Attorney General), 2023 CF 924 au para 23.

[10] Une cour de révision peut refuser de renvoyer l’affaire au décideur lorsqu’il est évident « qu’un résultat donné est inévitable, si bien que le renvoi de l’affaire ne servirait à rien » : Vavilov, au para 142. En d’autres mots, il doit être « acquis » que le renvoi à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision serait inutile : Canada (Procureur général) c Duval, 2019 CAF 290 au para 28.

[11] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire qu’il n’y a pas qu’une seule issue possible à cette affaire, de sorte que la Cour devrait déclarer le demandeur admissible à la PCRE. L’agent n’a pas adéquatement pris en compte les factures du service de traiteur du demandeur pour l’année 2020, mais a précisé, comme l’a souligné le défendeur, que le demandeur n’avait pas déclaré de revenus provenant d’un travail exécuté pour son compte en 2019 ni en 2020. Le défendeur soutient donc que la question de l’admissibilité du demandeur à la PCRE [traduction] « reste à trancher » et que l’affaire devrait être renvoyée à l’ARC afin qu’elle rende une nouvelle décision.

[12] Pour les motifs exposés précédemment, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à l’ARC afin qu’elle rende une nouvelle décision. Un autre agent devra examiner à nouveau la demande de PCRE en tenant adéquatement compte de tous les documents fournis par le demandeur pour démontrer son admissibilité à la prestation.


JUGEMENT dans le dossier T‑779‑23

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. L’intitulé est modifié de manière à désigner le procureur général du Canada à titre de défendeur.

  2. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, sous réserve des conditions ci‑après.

  3. La décision rendue le 10 mars 2023 à la suite du deuxième examen de la demande de PCRE est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent de l’ARC afin qu’il rende une nouvelle décision.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Anne M. Turley »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑779‑23

 

INTITULÉ :

ABDUL SALAM ABDUL c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 NOVEMBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE TURLEY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 10 NOVEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Abdul Salam Abdul

 

AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE

 

Niloofar Sharif

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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