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Date : 20231026

Dossier : IMM-3672-22

Référence : 2023 CF 1430

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Vancouver (Colombie-Britannique), le 26 octobre 2023

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

JULIETTE MEREDITH JAMES [ADEBAYO]

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] Mme Juliette Meredith James (Adebayo) (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un gestionnaire du programme de migration (le gestionnaire) a rejeté la demande de résidence permanente qu’elle avait présentée au nom de son beau-fils, M. Oluwagbemiga Elijah Adebayo. Le gestionnaire a conclu que M. Adebayo avait fait une présentation erronée sur sa date de naissance et était interdit de territoire pour fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2] Cette décision a été énoncée dans des lettres datées du 28 janvier 2020. Une lettre a été envoyée à la demanderesse pour l’informer que la demande avait été rejetée parce que M. Adebayo ne satisfaisait pas aux exigences de la LIPR. Cette lettre indiquait à tort que la demanderesse pouvait interjeter appel de la décision défavorable devant la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI).

[3] La demanderesse a interjeté appel devant la SAI, mais cette dernière a rejeté l’appel pour défaut de compétence.

[4] La lettre envoyée à M. Adebayo renfermait de plus amples renseignements au sujet de la décision. Il a été avisé que le gestionnaire avait des « motifs raisonnables de croire » que sa date de naissance était le 5 janvier 1989 plutôt que le 5 janvier 1991.

[5] Le gestionnaire n’était pas convaincu que M. Adebayo répondait à la définition « d’enfant à charge » à la date pertinente, soit le 7 septembre 2011. Il s’agit de la date à laquelle la demanderesse a présenté sa demande visant à parrainer son époux, M. Joseph Adebayo, pour qu’il immigre au Canada au titre de la catégorie des époux et conjoints de fait au Canada. Lorsque son mari a présenté sa demande de résidence permanente, il y a inscrit plusieurs de ses enfants, y compris M. Adebayo.

[6] Selon la décision de la SAI, M. Adebayo, son frère Damiola Adebayo et sa sœur Rebecca Temitope Adebayo ont été retirés de la demande de leur père, car ils ne pouvaient pas se voir accorder la résidence permanente, du fait qu’ils ne répondaient pas à la définition « d’enfant à charge ».

[7] Le 27 juillet 2018, la demanderesse a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire dans le dossier IMM-3550-18, par laquelle elle contestait la décision de retirer M. Adebayo, son frère et sa sœur de la demande de résidence permanente. L’instance a été réglée, la décision défavorable a été annulée et l’affaire a été renvoyée à un autre agent pour faire l’objet d’une nouvelle décision.

[8] Une lettre relative à « l’équité procédurale » datée du 29 juillet 2019 a été envoyée à M. Adebayo concernant les doutes découlant de l’entrevue tenue le 3 août 2017. On lui a demandé de passer une densitométrie osseuse, mais il semble qu’elle n’ait jamais eu lieu. Il semble également que la demande relative à cet examen ne soit pas pertinente quant à l’issue de la présente affaire, puisque la lettre de rejet n’en fait pas mention pour justifier la conclusion défavorable.

[9] Dans une lettre datée du 29 août 2019, M. Adebayo a été convoqué à une autre entrevue le 12 septembre 2019, à laquelle il s’est présenté. Les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC) le 16 septembre 2019 reflètent les doutes soulevés quant à la date de naissance de M. Adebayo.

[10] Une autre lettre relative à « l’équité procédurale », celle-ci datée du 16 septembre 2019, a été envoyée. Cette lettre soulignait les doutes qu’avait l’agent au sujet de la date de naissance de M. Adebayo, de son utilisation d’un autre nom et d’un dossier concernant des demandes antérieures de visa de résident temporaire présentée au Canada.

[11] Il a répondu à la lettre du 16 septembre 2019 en envoyant une déclaration solennelle de son père, lequel avait inscrit M. Adebayo et les autres à titre d’enfants à charge dans sa demande de résidence permanente. Voici ce qu’il indiquait dans sa déclaration solennelle à propos de M. Adebayo :

[traduction]
3. Que mon fils, M. Gbemiga Elijah Adebayo, n’a pas changé son nom, sa date de naissance est le 5 janvier 1991 et non le 5 janvier 1989.

4. Que M. Gbemiga Elijah Adebayo n’a jamais présenté de demande de visa canadien en dehors du processus de parrainage familial et n’a jamais fait de présentation erronée de sa date de naissance.

[12] Un employé d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a examiné cette déclaration solennelle. Dans les notes consignées dans le SMGC le 28 janvier 2020, l’employé a indiqué qu’IRCC n’était pas convaincu de la réponse à la lettre relative à « l’équité procédurale » du 16 septembre. Selon les notes, l’agent a conclu que M. Adebayo n’avait pas dit la vérité à propos de sa date de naissance, qu’il avait fourni la mauvaise date de naissance et ne répondait pas à la définition d’« enfant à charge » à la date déterminante du 7 septembre 2011, et, en outre, qu’il était interdit de territoire pour fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR.

[13] La demanderesse fait maintenant valoir que le gestionnaire a indûment fait abstraction de la décision favorable sur l’admissibilité rendue le 14 janvier 2014 par un autre agent. Elle soutient qu’aucune explication ne justifie une décision différente en 2020. Selon elle, les différentes conclusions donnent lieu à ce qu’elle qualifie de manquement à l’équité procédurale.

[14] La demanderesse soutient également qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale en raison du fait que la décision avait été prise non pas par l’agent qui a mené l’entrevue, mais par quelqu’un d’autre. De plus, elle affirme que les notes consignées dans le SMGC peuvent être inexactes, car elles ont été enregistrées quatre jours après l’entrevue.

[15] Pour ce qui est du fond de la décision, la demanderesse soutient que le gestionnaire n’a pas tenu compte de la preuve.

[16] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale, et ce, à l’égard d’aucun des motifs invoqués par la demanderesse.

[17] Il fait valoir que la demanderesse et M. Adebayo connaissaient les doutes d’IRCC à propos de la date de naissance de M. Adebayo. De plus, le défendeur soutient que le rejet de la demande de résidence permanente est appuyé par la preuve.

[18] Les questions concernant l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339 (CSC).

[19] Conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RCS 653 (CSC), le fond de la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[20] Lorsqu’elle est appelée à examiner le caractère raisonnable d’une décision, la Cour doit se demander si celle-ci « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »; voir l’arrêt Vavilov, précité, au paragraphe 99.

[21] Je ne suis pas convaincue qu’il y a eu un quelconque manquement à l’équité procédurale. Je suis d’accord avec le défendeur qui, s’appuyant sur la décision Chin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1003, soutient que la décision peut être prise par une autre personne que l’agent qui mène l’entrevue.

[22] Il n’y a pas de manquement à l’équité procédurale découlant du fait qu’un agent a jugé que M. Adebayo était admissible en 2014, mais que, suivant une demande en vue d’obtenir des renseignements supplémentaires, une autre décision a été prise.

[23] Étant donné qu’aucun élément de preuve ne démontre que les notes prises à l’entrevue ont été consignées de manière irrégulière dans le SMGC quelque quatre jours plus tard, rien ne permet de conclure que le retard en tant que tel a donné lieu à un manquement à l’équité procédurale.

[24] Il incombe à la demanderesse et à M. Adebayo de présenter les éléments de preuve nécessaires pour appuyer la demande de résidence permanente. Dans le cas de M. Adebayo, des questions à propos de sa date de naissance ont été soulevées. En plus de la preuve qui lui a été soumise, IRCC a examiné ses propres dossiers et a découvert des renseignements qui contredisaient ceux fournis par M. Adebayo.

[25] C’est aux employés du défendeur qu’il revient d’apprécier la preuve présentée par le demandeur, et non à la Cour.

[26] Dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, la cour de révision peut regarder le dossier du tribunal pour voir la preuve qu’il contient. Aller « regarder » le dossier du tribunal et y « voir » la preuve qu’il contient est loin d’être la même chose qu’« apprécier » ou examiner cette preuve.

[27] À mon avis, la conclusion de fausses déclarations est étayée par la preuve. Je fais référence au paragraphe 64 de la décision Mugu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 384, où la Cour déclare ce qui suit :

[64] Une simple relation des faits montre clairement que le demandeur a été l’artisan de son malheur. La demande de résidence permanente et l’entrevue que le demandeur a eue avec l’agent Riley ont entraîné des inexactitudes, des incohérences évidentes et de fausses déclarations possibles qu’on a demandé au demandeur de clarifier et de résoudre, ce qu’il n’a jamais fait. Les réponses du demandeur suscitaient en fait des réserves encore plus importantes. Le demandeur était parfaitement au courant des questions qui se posaient et il a eu amplement la possibilité d’y répondre avant que les décisions finales soient rendues.

[28] Le gestionnaire a constaté que, dans deux demandes de visa de résident temporaire présentées précédemment, M. Adebayo avait déclaré que sa date de naissance était le 5 janvier 1989 plutôt que le 5 janvier 1991. Le gestionnaire a donc conclu qu’il avait fait une présentation erronée au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR.

[29] Par conséquent, rien ne justifie l’intervention de la Cour et la demande de contrôle de judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3672-22

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3672-22

INTITULÉ :

JULIETTE MEREDITH JAMES [ADEBAYO] c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 avril 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 26 octobre 2023

COMPARUTIONS :

Stella Iriah Anaele

Pour la demanderesse

Rachel Beaupre

Prathima Prashad

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stella Iriah Anaele

Avocate

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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