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Date : 20060413

Dossier : T-100-06

Référence : 2006 CF 490

Montréal (Québec), le 13 avril 2006

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

ENTRE :

FATEH KAMEL

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit en l'espèce d'une requête du demandeur en vertu des règles 317 et 318 des Règles des Cours fédérales (les règles) afin que l'office fédéral en cause, soit Passeport Canada, lui transmette le dossier complet le concernant que cet office aurait en sa possession.


Contexte

[2]                La présente requête s'inscrit dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire mue par le demandeur le 19 janvier 2006 à l'encontre de la décision de Passeport Canada datée du 14 décembre 2005 par laquelle on refuse au demandeur une demande de passeport logée par ce dernier le 13 juin 2005.

[3]                Dans sa lettre du 14 décembre 2005, Passeport Canada informe le demandeur que sa demande de passeport est refusée par le ministre des Affaires étrangères au nom de la sécurité nationale. Cette même lettre souligne au demandeur que :

Parmi les renseignements qui ont retenu notre attention figurent vos condamnations en France pour des infractions reliées au terrorisme et à des fraudes en matière de passeports ayant servi à appuyer des activités terroristes. De plus, vos dossiers de passeports antérieurs révèlent de nombreux remplacements de passeports valides

[4]                L'objet de la demande de contrôle judiciaire du demandeur vise donc à casser cette décision et à faire déclarer que les dispositions des articles 4 et 10.1 du Décret sur les passeports canadiens (TR/81-86) tel que modifié par le Décret modifiant le Décret sur les passeports canadiens (TR/2004-113) violent les droits prévus aux articles 6 et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (L.R.C. (1985), App. II, no 44) et sont inopérantes.

[5]                Le demandeur soulève que la décision attaquée ou le décret précité, selon le cas, ne respectent pas

a)          les principes d'équité procédurale et de justice naturelle;

            b)          constitue un excès de juridiction;

            c)          est erronée en droit;

d)          est fondée sur des conclusions de faits erronés, tirées de façon abusive et/ou arbitraire et/ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e)          violent les articles 6, 7 et 15 de la Chartecanadienne des droits et libertés (L.R.C. (1985), App. II, no 44) et sont inopérantes.

[6]                Le 9 février 2006, cette Cour entérinait de consentement un échéancier pour la mise en état du mérite de la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

[7]                Cet échéancier prévoyait le dépôt au 3 avril 2006 des affidavits du demandeur quant au fond de l'affaire. Ce dernier a effectivement déposé le 3 avril 2006 un tel affidavit.

[8]                Toutefois, ce même 3 avril 2006, le demandeur déposait la requête à l'étude, soit une requête sous les règles 317 et 318. Ces règles se lisent :

317 (1) Une partie peut demander que des documents ou éléments matériels pertinents à la demande qui sont en la possession de l'office fédéral dont l'ordonnance fait l'objet de la demande lui soient transmis en signifiant à l'office fédéral et en déposant une demande de transmission de documents qui indique de façon précise les documents ou éléments matériels demandés.

(2) Un demandeur peut inclure sa demande de transmission de documents dans son avis de demande.

(3) Si le demandeur n'inclut pas sa demande de transmission de documents dans son avis de demande, il est tenu de signifier cette demande aux autres parties.

317 (1) A party may request material relevant to an application that is in the possession of a tribunal whose order is the subject of the application and not in the possession of the party by serving on the tribunal and filing a written request, identifying the material requested.

(2) An applicant may include a request under subsection (1) in its notice of application.

(3) If an applicant does not include a request under subsection (1) in its notice of application, the applicant shall serve the request on the other parties.

318. (1) Dans les 20 jours suivant la signification de la demande de transmission visée à la règle 317, l'office fédéral transmet :

a) au greffe et à la partie qui en a fait la demande une copie certifiée conforme des documents en cause;

b) au greffe les documents qui ne se prêtent pas à la reproduction et les éléments matériels en cause.

(2) Si l'office fédéral ou une partie s'opposent à la demande de transmission, ils informent par écrit toutes les parties et l'administrateur des motifs de leur opposition.

(3) La Cour peut donner aux parties et à l'office fédéral des directives sur la façon de procéder pour présenter des observations au sujet d'une opposition à la demande de transmission.

(4) La Cour peut, après avoir entendu les observations sur l'opposition, ordonner qu'une copie certifiée conforme ou l'original des documents ou que les éléments matériels soient transmis, en totalité ou en partie, au greffe.

(Je souligne.)

318. (1) Within 20 days after service of a request under rule 317, the tribunal shall transmit

(a) a certified copy of the requested material to the Registry and to the party making the request; or

(b) where the material cannot be reproduced, the original material to the Registry.

(2) Where a tribunal or party objects to a request under rule 317, the tribunal or the party shall inform all parties and the Administrator, in writing, of the reasons for the objection.

(3) The Court may give directions to the parties and to a tribunal as to the procedure for making submissions with respect to an objection under subsection (2).

(4) The Court may, after hearing submissions with respect to an objection under subsection (2), order that a certified copy, or the original, of all or part of the material requested be forwarded to the Registry.

[9]                Par sa requête, le demandeur dénonce le caractère incomplet des documents qui lui furent transmis par Passeport Canada le 2 février 2006.

Analyse

[10]            On peut s'étonner au départ de cette prise de position du demandeur au 3 avril 2006 quant au caractère incomplet des documents transmis lorsque cette transmission s'est effectuée le 2 février 2006 et que le 9 février 2006 ce dernier donnait son consentement à un échéancier qui ne prévoit pas de requête sous les règles 317 et 318. De plus, au 3 avril 2006 le demandeur a bel et bien déposé un affidavit au soutien de sa demande de contrôle judiciaire qui attaque essentiellement le processus institutionnel tel que prévu au Décret et suivi en l'espèce.

[11]            Malgré tout, au 3 avril 2006, le demandeur dénonce le caractère incomplet de la transmission du 2 février 2006 en prenant pour point de départ le fait que deux lettres que Passeport Canada lui a transmises dans le cadre de l'étude de sa demande de passeport, soit des lettres datées du 5 août 2005 et 28 octobre 2005, n'aient pas été incluses dans les documents du 2 février 2006.

[12]            Je ne pense pas qu'à l'étude cet argument porte.

[13]            Au 2 février 2006, Passeport Canada ne pouvait savoir que le demandeur ne semblait pas avoir gardé copie de ces lettres. Partant, suivant à tout le moins la version anglaise de la règle 317, Passeport Canada n'était pas tenu de transmettre à nouveau des documents que le demandeur devait avoir en sa possession. Il est à noter qu'avant le 3 avril 2006, le demandeur a pu obtenir de la procureure du défendeur une copie de ces lettres et que le demandeur a été en mesure d'y référer dans son affidavit du 3 avril 2006 déposé en vue du mérite.

[14]            Le demandeur appuie également sa position quant au caractère incomplet de la transmission du 2 février 2006 sur le fait que cet envoi par l'office fédéral en cause ne contient pas de plus, tel que mentionné au paragraphe 19 de ses représentations écrites :

(...) les notes, documents et recommandations de la Section des enquêtes relativement à l'identification de motifs justifiant le refus de passeport et la référence au ministre, non plus que les recommandations de la Direction générale de la sécurité et les motifs ou autres documents considérés du Ministre. Ce dossier ne contient pas non plus aucune des notes ou documents relativement à la décision de recommander au ministre plutôt qu'à un arbitre la fonction de décider de la demande de passeport.

[15]            Bien que la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt McFadyen v. Canada (Procureur général), 2005 CAF 360, 2 novembre 2005, reconnaisse que lorsqu'une demande de contrôle judiciaire soulève des questions d'équité procédurale et d'excès de juridiction, une preuve additionnelle à ce qui était strictement devant le décideur puisse être admise par affidavit devant cette Cour (voir également l'arrêt Tremblay c Canada (Procureur général), 2005 CF 339, le 8 mars 2005), je ne considère pas que la formulation reprise au paragraphe précédent doive nous amener à changer notre conclusion.

[16]            J'abonde dans le même sens que le défendeur pour soutenir que l'approche du demandeur tient en l'espèce d'une demande à l'aveuglette, d'une expédition de pêche.

[17]            En plus de ne pas être véritablement en ligne avec les exigences de la règle 317(1) quant au caractère précis des documents recherchés, je pense que cette approche du demandeur doit être frappée des commentaires suivants formulés par le juge Blais de cette Cour au paragraphe 24 de sa décision dans l'arrêt Bradley-Sharpe c. Banque Royale du Canada, 2001 CFPI 1130 :

(...) la demanderesse cherche à fouiller dans les dossiers de la Commission pour y trouver des renseignements parce que la décision de cette dernière ne lui plaît pas.

(Voir également l'arrêt Beno c. Canada (Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie - Commission Létourneau), [1997] A.C.F. no 535 (C.F. 1re inst.) (QL), paragraphes 23 et 24.)

[18]            Enfin, le dossier de requête du demandeur n'établit pas véritablement la pertinence de tout document recherché vis-à-vis les motifs de fond exposés dans l'avis de demande de contrôle judiciaire et l'affidavit déposé par le demandeur le 3 avril. Dans ces documents, le demandeur s'attaque avant tout et surtout au processus institutionnel - qu'il connaît - suivi par Passeport Canada et non pas au contenu préjudiciable d'informations qui auraient ou non été portées à l'attention du décideur (voir Beno, supra, paragraphe 15).


ORDONNANCE

EN CONSÉQUENCE, LA COUR ORDONNE QUE, pour les motifs qui précèdent, cette requête du demandeur est rejetée, le tout avec frais à suivre.

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-100-06

FATEH KAMEL

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :               10 avril 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE PROTONOTAIRE MORNEAU

EN DATE DU :                                               13 avril 2006

ONT COMPARU:

Me Johanne Doyon

POUR LE DEMANDEUR

Me Nathalie Benoit

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Doyon & Associés

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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