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Date : 20231120

Dossiers : T-402-19

T-141-20

T-1120-21

Référence : 2023 CF 1533

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 novembre 2023

En présence de madame la juge Aylen

RECOURS COLLECTIF

T-402-19

ENTRE :

XAVIER MOUSHOOM, JEREMY MEAWASIGE (REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE, JONAVON JOSEPH MEAWASIGE) ET JONAVON JOSEPH MEAWASIGE

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

T-141-20

ENTRE :

L’ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS, ASHLEY DAWN LOUISE BACH, KAREN OSACHOFF, MELISSA WALTERSON, NOAH BUFFALO-JACKSON (REPRÉSENTÉ PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, CAROLYN BUFFALO), CAROLYN BUFFALO ET DICK EUGENE JACKSON, ÉGALEMENT CONNU SOUS LE NOM DE RICHARD JACKSON

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LE ROI

REPRÉSENTÉ PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

T-1120-21

ENTRE :

L’ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS ET ZACHEUS JOSEPH TROUT

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE D’APPROBATION DU RÈGLEMENT

[1] Le règlement en l’espèce représente l’aboutissement d’une instance introduite il y a 15 ans devant le Tribunal canadien des droits de la personne et de trois recours collectifs concernant le sous-financement et le caractère discriminatoire du programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations [les SEFPN] offert dans les réserves et au Yukon de même que l’omission du Canada d’assurer un accès non discriminatoire aux services de santé et aux services sociaux essentiels. Ce règlement d’une valeur de 23,34 milliards de dollars, piloté par les Premières Nations, représente un pas de géant vers la réconciliation et se traduit par des mesures de réparation qui transformeront la vie de centaines de milliers de jeunes et de familles des Premières Nations qui sont marginalisés.

[2] Les demandeurs ont déposé une requête, sur consentement et en conformité avec l’article 334.29 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles], en vue de faire approuver par notre Cour l’entente de règlement définitive signée par les demandeurs et le défendeur le 19 avril 2023, puis modifiée au moyen d’un addenda daté du 10 octobre 2023 [l’Entente de règlement définitive ou ERD], ainsi que le paiement d’honoraires aux représentants demandeurs.

[3] Lors de l’audition de cette requête, le 24 octobre 2023, j’ai avisé les parties que je rendrais une ordonnance afin d’approuver l’Entente de règlement définitive et d’accorder les honoraires demandés, les motifs devant suivre à une date ultérieure. J’ai prononcé mon ordonnance le 3 novembre 2023 et j’expose maintenant mes motifs ci-après.

I. Contexte

A. La nature de la demande et l’historique du litige

[4] Dans les instances sous-jacentes, les demandeurs ont présenté des réclamations relatives à deux catégories de conduite discriminatoire :

A. Le Canada n’a jamais fourni de financement suffisant au programme des SEFPN offert dans les réserves et au Yukon, programme qu’il a mis en œuvre de façon discriminatoire, ce qui a créé des incitatifs systémiques favorisant le retrait des enfants des Premières Nations de leur foyer, de leur collectivité et de leur culture;

B. Le Canada n’a pas assuré un accès libre de discrimination aux services de santé et aux services sociaux essentiels, ce qui est contraire à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et au principe de Jordan.

[5] Dans la première catégorie (le retrait d’enfants de leur foyer), les demandeurs soutiennent que, pendant des décennies, le Canada a sous-financé les services à l’enfance et à la famille destinés aux enfants des Premières Nations vivant dans des réserves et au Yukon. Plus particulièrement, il a sous-financé les services de prévention qui auraient permis aux enfants des Premières Nations de rester dans leur milieu familial. En même temps, le Canada finançait le retrait de ces enfants de leur foyer et de leur collectivité, créant un effet incitatif pervers – soit que les enfants devaient être retirés de leur milieu familial pour recevoir des services publics dont bénéficiaient les enfants ne vivant pas dans une réserve.

[6] Le retrait d’enfants de leur foyer cause de graves traumatismes qui sont souvent permanents. Voilà pourquoi cette mesure est généralement employée seulement en dernier recours. Toutefois, dans le cas des enfants des Premières Nations qui vivaient dans une réserve et au Yukon, cette mesure s’est retrouvée appliquée à la première occasion à cause du sous-financement des services, d’où une surreprésentation effarante des enfants des Premières Nations parmi les enfants pris en charge par l’État.

[7] Selon les demandeurs, ce sous-financement a persisté malgré : a) le besoin plus grand de tels services dans les réserves en raison des traumatismes intergénérationnels subis par les Premières Nations et qui sont les séquelles des pensionnats indiens ainsi que de la rafle des années 60 et b) le fait que le Canada savait que des lacunes affligeaient le programme des SEFPN, vu les nombreux rapports gouvernementaux et indépendants qui décrivaient ces graves problèmes de même que l’iniquité dans l’offre des SEFPN et ses conséquences préjudiciables sur les membres des Premières Nations.

[8] Les demandeurs affirment que les mesures incitant le retrait des enfants des Premières Nations de leur milieu familial ont eu des conséquences traumatisantes et durables sur les enfants en question (y compris les représentants demandeurs), dont bon nombre souffrent déjà des effets des traumatismes infligés par le Canada à leurs parents, grands-parents et ancêtres dans les pensionnats indiens et durant la rafle des années 60.

[9] Dans la deuxième catégorie (les services essentiels), les demandeurs soutiennent que le Canada a omis de fournir aux enfants des Premières Nations un accès adéquat et libre de discrimination aux services et aux produits essentiels en matière de santé et de services sociaux, ce qui va à l’encontre du principe de Jordan. Le principe de Jordan, ainsi nommé en mémoire de Jordan River Anderson (enfant des Premières Nations né avec des maladies complexes), désigne l’obligation juridique suivant laquelle le ministère qui reçoit la demande initiale de services essentiels destinés à un enfant des Premières Nations doit payer pour ces services avant de tenter de déterminer quel ordre de gouvernement ou ministère devrait assumer la note. Selon les demandeurs, même s’il a reconnu qu’il avait l’obligation juridique de se conformer au principe de Jordan, le Canada a fait fi de cette obligation pendant des décennies et refusé à de nombreux enfants des Premières Nations des services et produits essentiels en matière de santé et de services sociaux.

[10] Le 4 mars 2019, Xavier Moushoom a introduit un recours collectif envisagé (dossier de la Cour nT-402-19) visant à obtenir une indemnisation pour le compte d’enfants lésés par la discrimination liée au programme des SEFPN depuis le 1er avril 1991 et à l’offre de services essentiels ainsi que par le non-respect du principe de Jordan depuis le 1er avril 1991 [le recours collectif de Moushoom]. Jeremy Meawasige, représenté par son tuteur à l’instance, Jonavon Joseph Meawasige (et, avant ce dernier, par sa mère maintenant décédée, Maurina Beadle), et Jonavon Joseph Meawasige ont été constitués par la suite représentants demandeurs.

[11] Le 28 janvier 2020, l’Assemblée des Premières Nations [l’APN] et plusieurs représentants demandeurs envisagés ont intenté un deuxième recours collectif envisagé (dossier de la Cour no T-141-20) [le recours collectif de l’APN], qui recoupait le recours collectif de Moushoom. Les représentants demandeurs dans le recours collectif de l’APN sont Ashley Dawn Louise Bach, Karen Osachoff, Melissa Walterson, Noah Buffalo-Jackson (représenté par sa tutrice à l’instance, Carolyn Buffalo), Carolyn Buffalo et Dick Eugene Jackson (aussi connu sous le nom de Richard Jackson).

[12] Le 7 juillet 2021, le recours collectif de Moushoom et celui de l’APN ont été réunis [le recours réuni] sur consentement. Cependant, les parties ont convenu de supprimer du recours réuni les réclamations relatives aux retards, aux refus ou aux lacunes dans la fourniture de services essentiels avant le 11 décembre 2007, puisqu’elles feraient l’objet d’une action distincte déposée plus tard par Zacheus Trout et l’APN. À ce moment, le Canada considérait que le principe de Jordan n’existait pas avant le 12 décembre 2007 (date à laquelle la Chambre des communes a adopté une motion appuyant le principe de Jordan) et s’opposait donc à l’autorisation de toute réclamation antérieure au 12 décembre 2007.

[13] Le 16 juillet 2021, M. Trout et l’APN ont déposé leur recours collectif envisagé (dossier de la Cour no T-1120-21) concernant les demandes qui avaient été formulées dans le recours collectif de Moushoom relativement aux retards, aux refus et aux lacunes dans la fourniture de services essentiels entre le 1er avril 1991 et le 11 décembre 2007 [le recours collectif de Trout]. Le groupe des enfants du groupe Trout est ainsi nommé en mémoire des deux enfants décédés de M. Trout, Sanaye et Jacob.

[14] Le 26 novembre 2021, le recours réuni a été autorisé comme recours collectif, sur consentement.

[15] Le Canada a par la suite mis fin à son opposition aux réclamations antérieures au 12 décembre 2007 et, le 11 février 2022, le recours collectif de Trout a aussi été autorisé sur consentement.

B. Le lien entre ces recours collectifs et les instances devant le Tribunal canadien des droits de la personne

[16] En 2007, l’APN et la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada [la Société de soutien] ont porté plainte à la Commission canadienne des droits de la personne [la Commission] contre le Canada. Le 14 octobre 2008, la Commission a renvoyé la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne [le « Tribunal »] pour instruction.

[17] Les allégations formulées dans le recours réuni reprenaient en partie les allégations présentées initialement au Tribunal pour le compte : a) des enfants des Premières Nations qui ont été retirés de leur milieu familial et placés dans des foyers à l’extérieur de la réserve entre 2006 et 2022; b) des enfants des Premières Nations qui ont subi un refus, un retard ou une lacune dans la fourniture de services essentiels (non-respect du principe de Jordan) entre 2007 et 2017; c) de certains parents et grands-parents responsables de ces enfants.

[18] Après une audience d’une durée de 70 jours pendant laquelle 25 témoins ont comparu et 500 pièces documentaires ont été déposées, le Tribunal a conclu, le 26 janvier 2016, que le Canada avait contrevenu à l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, RSC 1985, c H-6 de deux façons : (i) le programme des SEFPN a entraîné une discrimination envers les enfants et les familles des Premières Nations vivant dans des réserves et au Yukon qui s’est traduite par un financement fixe inadéquat qui a restreint la capacité de fournir des services de protection de l’enfance adaptés à la réalité culturelle, a incité ses organismes à placer les enfants des Premières Nations et a négligé de prendre en considération les besoins propres aux enfants et aux familles des Premières Nations; (ii) le Canada a fait preuve de discrimination en appliquant le principe de Jordan de manière beaucoup trop limitative, ce qui a engendré des lacunes dans les services, des retards et des refus [la décision sur le bien-fondé]. La décision sur le bien-fondé a reconnu que les pratiques discriminatoires du Canada en matière de financement ont causé des souffrances aux enfants et aux familles des Premières Nations vivant dans des réserves et au Yukon.

[19] Le Tribunal a ordonné au Canada de cesser immédiatement ses pratiques discriminatoires et de mettre en branle les réformes nécessaires pour se conformer à la décision sur le bien-fondé puis d’appliquer immédiatement le principe de Jordan en lui donnant sa pleine portée et tout son sens. En dernier lieu, le Tribunal a demandé aux parties de formuler des observations sur les réparations.

[20] Ni le Canada ni les plaignants n’ont sollicité le contrôle judiciaire de la décision sur le bien-fondé, qui est devenue définitive le 2 mars 2016.

[21] En mars 2019, le TCDP s’est penché sur la question des réparations. Le Canada a présenté des observations où il s’opposait au droit à une indemnité individuelle en invoquant l’absence de compétence du Tribunal. En septembre 2019, le Tribunal a rejeté les arguments du Canada, à qui il a ordonné de verser des indemnités de 40 000,00 $, plus les intérêts afférents, aux enfants ainsi qu’aux parents et grands-parents responsables qui ont été touchés par le sous-financement discriminatoire des services aux enfants et aux familles ou par l’application étroite du principe de Jordan par le Canada (comme l’énonçait la décision sur le bien-fondé) [la décision d’indemnisation].

[22] Le Canada a demandé le contrôle judiciaire de la décision d’indemnisation. En septembre 2021, la Cour fédérale a rejeté cette demande de contrôle judiciaire. Dans sa décision, notre Cour a enjoint aux parties de s’entendre sur un règlement équitable et juste. Le Canada a interjeté appel de la décision de notre Cour relative au contrôle judiciaire. Il a accepté d’abandonner son appel dès que l’entente de règlement définitive aurait été approuvée.

C. Les négociations en vue d’un règlement

[23] En 2019, les parties aux recours collectifs ont entamé diverses formes de négociations en vue d’un règlement.

[24] De novembre 2020 à septembre 2021, les parties au recours réuni ont participé à une médiation dirigée par le juge Leonard Mandamin. Les négociations couvraient non seulement l’indemnisation visant certains groupes du recours réuni, mais aussi la réforme du système à long terme. Durant cette période, le Canada a refusé de commencer des négociations relativement au recours collectif de Trout. Les parties n’ont pas réussi à s’entendre, et les avocats des groupes ont cherché à faire avancer l’instance.

[25] En novembre 2021, les parties au recours réuni ont convenu de procéder à d’autres négociations dirigées par l’honorable Murray Sinclair. Vers la fin de ces négociations, le Canada a accepté de joindre le recours collectif de Trout aux discussions en vue d’un règlement.

[26] Le 31 décembre 2021, les demandeurs et le Canada sont parvenus à une entente de principe qui énonçait les principales modalités de leur accord visant à régler l’intégralité des recours collectifs. Le Canada a demandé que l’entente relative à l’indemnisation soit conditionnelle à ce que les parties ayant saisi le Tribunal en viennent à un accord sur la réforme à long terme du système fédéral de protection de l’enfance des Premières Nations. Une entente de principe distincte est intervenue au sujet de la réforme à long terme, mais elle ne fait pas partie du règlement visé par la requête présentée à la Cour en l’espèce.

[27] Après plusieurs mois de négociations, les parties ont signé une entente de règlement définitive datée du 30 juin 2022 [la première entente], qui prévoyait un règlement total, à l’exclusion des frais et honoraires juridiques et administratifs, se chiffrant à 20 milliards de dollars. La première entente était conditionnelle à la confirmation, par le Tribunal, de sa conformité à la décision d’indemnisation et aux ordonnances d’indemnisation connexes.

[28] Le 22 juillet 2022, l’APN et le Canada ont présenté une requête conjointe au Tribunal où ils demandaient à celui-ci de confirmer que la première entente respectait bien la décision d’indemnisation et les ordonnances d’indemnisation connexes. La Société de soutien et la Commission se sont opposées à la requête conjointe.

[29] Le 24 octobre 2022, le Tribunal a envoyé une lettre de décision rejetant la requête conjointe et a transmis ses motifs complets le 20 décembre 2022. Dans ces motifs, le Tribunal a indiqué que la première entente satisfaisait substantiellement à la décision d’indemnisation et aux ordonnances d’indemnisation connexes, mais pas en ce qui a trait aux quatre aspects clés suivants :

A. Les enfants des Premières Nations résidant habituellement dans une réserve qui ont fait l’objet d’un placement volontaire hors du réseau familial à l’extérieur de la réserve (les parties désignent maintenant ce groupe comme étant le « groupe des enfants pris en charge par un proche ») avaient droit à une indemnité.

B. Les successions des parents et grands-parents décédés avaient droit à l’indemnisation.

C. Même si l’indemnité versée aux enfants touchés était limitée au plafond d’indemnisation de 40 000 $ imposé au Tribunal, certains parents et grands-parents qui prenaient soin de plus d’un enfant touché avaient droit à ce maximum par enfant – ce qui veut dire, par exemple, qu’un père dont les quatre enfants lui avaient été retirés devrait avoir droit à 160 000 $.

D. Le Tribunal voulait obtenir davantage de certitude et de clarté quant à l’approche que prendraient les parties pour l’application du principe de Jordan et souhaitait un délai d’exclusion plus long.

[30] Après de nouvelles rondes de négociation qui se sont tenues entre janvier et avril 2023, les parties et la Société de soutien ont conclu une entente mise à jour le 19 avril 2023 qui a finalement débouché sur l’Entente de règlement définitive. L’ERD réglait les quatre points soulevés par le Tribunal et a ajouté 3,34 milliards de dollars (pour un total de 23,34 milliards) à l’enveloppe d’indemnisation afin d’accommoder des besoins supplémentaires.

[31] Le 30 juin 2023, l’APN et le Canada ont présenté une nouvelle requête conjointe au Tribunal pour qu’il confirme par ordonnance que l’Entente de règlement définitive respectait bien la décision d’indemnisation et les ordonnances d’indemnisation connexes, ce qu’il a fait.

D. Les principales dispositions de l’Entente de règlement définitive (ERD)

[32] D’après les modalités de l’ERD, le Canada versera 23 343 940 000 $ pour régler les réclamations des groupes du recours réuni et du recours collectif de Trout, ce qui fait de l’entente, aux dires des parties, le plus important règlement dans l’histoire des recours collectifs au Canada.

[33] L’ERD établit neuf groupes, totalisant plus de 300 000 personnes selon les estimations, en fonction des définitions simplifiées suivantes :

A. Le « groupe des enfants retirés de leur foyer », soit tous les membres des Premières Nations qui (i) n’avaient pas atteint l’âge de la majorité, (ii) résidaient habituellement dans une réserve ou au Yukon, ou dont la personne responsable résidait habituellement dans une réserve ou au Yukon, (iii) ont été retirés de leur foyer par les services de protection de l’enfance ou ont fait l’objet d’un placement volontaire entre le 1er avril 1991 et le 31 mars 2022 et (iv) dont le placement a été financé par Services aux Autochtones Canada.

B. Le « groupe des familles d’enfants retirés de leur foyer », soit toute personne qui est le frère, la sœur, la mère, le père, la grand-mère ou le grand-père d’un membre du groupe des enfants retirés de leur foyer au moment du retrait.

C. Le « groupe ayant droit au service essentiel », soit les personnes membres des Premières Nations qui, entre le 12 décembre 2007 et le 2 novembre 2017, n’ont pas reçu du Canada un service essentiel (en raison d’un refus ou d’une lacune dans les services) lié à un besoin confirmé ou dont la prestation d’un service essentiel lié à un besoin confirmé a été retardée par le Canada à cause, notamment, d’un manque de financement ou d’un défaut de compétence ou encore d’une lacune dans l’offre de services ou d’un conflit de compétences.

D. Le « groupe des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan », soit tous les membres du groupe ayant droit au service essentiel qui ont subi les répercussions les plus importantes (notamment de la douleur, de la souffrance ou un préjudice d’une extrême gravité).

E. Le « groupe des familles des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan », soit toute personne qui est le frère, la sœur, la mère, le père, la grand-mère ou le grand-père d’un membre du groupe des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan au moment du retard, du refus ou de la lacune dans les services.

F. Le « groupe des enfants du groupe Trout », soit les personnes membres des Premières Nations qui, entre le 1er avril 1991 et le 11 décembre 2007, n’ont pas reçu du Canada un service essentiel (en raison d’un refus ou d’une lacune dans les services) lié à un besoin confirmé ou dont la prestation d’un service essentiel lié à un besoin confirmé a été retardée par le Canada à cause, notamment, d’un manque de financement ou d’un défaut de compétence ou encore d’une lacune dans l’offre de services ou d’un conflit de compétences.

G. Le « groupe des familles des enfants du groupe Trout », soit toute personne qui est le frère, la sœur, la mère, le père, la grand-mère ou le grand-père d’un membre du groupe des enfants du groupe Trout au moment du retard, du refus ou de la lacune dans les services.

H. Le « groupe des enfants pris en charge par un proche », soit les enfants des Premières Nations pris en charge par un proche responsable non rémunéré et vivant en dehors de la réserve pendant la période visée pour le groupe des enfants retirés de leur foyer dans le cadre d’une intervention des services de protection de l’enfance dans le dossier de l’enfant.

I. Le « groupe des familles des enfants pris en charge par un proche », soit les parents responsables ou, en leur absence, les grands-parents responsables d’un membre approuvé du groupe des enfants pris en charge par un proche qui a fait l’objet d’un placement entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2022.

[34] L’ERD énumère les critères qui déterminent le droit à l’indemnisation pour chaque groupe ainsi que les principes permettant de calculer le montant que chaque membre du groupe peut recevoir. De façon générale, l’ERD envisage le versement d’une indemnité de base et la possibilité de majorer cette indemnité pour ceux qui ont subi les préjudices les plus importants en raison des pratiques discriminatoires du Canada.

[35] Les membres du groupe des enfants retirés de leur foyer recevront une indemnité de base de 40 000 $, portant intérêt et rajustée en fonction du temps écoulé (pour assurer la parité entre les enfants membres de ce groupe qui auront droit à une indemnisation tout au long d’un processus de réclamation qui est censé durer 20 ans) et des paiements de majoration possibles. Les demandeurs et les experts ont établi des facteurs objectifs qui ont aggravé le préjudice subi et donnent au membre d’un groupe le droit de recevoir un paiement de majoration; il s’agit notamment des suivants : l’âge auquel l’enfant a été retiré de son foyer pour la première fois, le nombre total d’années de prise en charge, l’âge auquel le membre du groupe est sorti du système de protection de l’enfance, le fait que l’enfant ait été retiré de son foyer pour recevoir un service essentiel lié à un besoin confirmé ou pas, le fait que l’enfant ait été retiré d’une collectivité nordique ou éloignée et le nombre d’épisodes de prise en charge ou de placements à l’extérieur du milieu familial auxquels a été soumis l’enfant retiré de son foyer ayant été pris en charge pendant plus d’un an. Selon la démarche initiale adoptée par les avocats des groupes pour ce qui est du calcul des paiements de majoration (sous réserve de plus amples consultations auprès d’experts et de l’approbation du comité de mise en œuvre du règlement), les membres du groupe des enfants retirés de leur foyer qui satisfont aux critères correspondant à plusieurs facteurs de majoration peuvent recevoir des paiements qui atteignent environ 230 000 $.

[36] Un budget de 7,25 milliards de dollars a été affecté au groupe des enfants retirés de leur foyer, dont la taille a été estimée avec l’aide d’experts à 116 000 membres.

[37] Les membres du groupe des familles des enfants retirés de leur foyer recevront une indemnité de base de 40 000 $ (montant multiplié, dans certains cas, par le nombre d’enfants touchés), mais aucun paiement de majoration. Jusqu’à deux parents ou grands-parents responsables par enfant peuvent avoir droit à une indemnité, les conflits entre personnes responsables étant résolus en fonction de critères de priorité prédéfinis. Une personne responsable qui a commis des actes de maltraitance sexuelle ou de maltraitance physique grave liés au placement d’un membre du groupe des enfants retirés de leur foyer n’a droit à aucune indemnité à l’égard de cet enfant. Un budget de 5,75 milliards de dollars a été affecté au groupe des familles des enfants retirés de leur foyer, auquel s’ajoute un montant de 997 millions destiné aux indemnités de base multiples.

[38] Les membres du groupe ayant droit au service essentiel, du groupe des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan et du groupe des enfants du groupe Trout auront droit à une indemnité s’ils avaient un besoin confirmé d’un service essentiel et (i) ont fait la demande d’un service essentiel qui leur a été refusé, (ii) ont demandé un service essentiel dont la prestation a subi un retard déraisonnable ou (iii) ont souffert d’une lacune dans les services empêchant la prestation de ce service essentiel, même si ce dernier n’avait pas été demandé. Les réclamants seront tenus de fournir des pièces justificatives attestant que le service essentiel a été recommandé par un professionnel à la date pertinente.

[39] L’ERD est structurée de manière à ce que les personnes ayant subi les plus graves préjudices (groupe des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan) reçoivent au moins 40 000 $, tandis que ceux qui ont subi des préjudices moindres (groupe ayant droit à un service essentiel) recevront au plus 40 000 $. Les fonds seront versés en premier lieu aux personnes ayant souffert des préjudices les plus graves, et le reste sera distribué au prorata à ceux qui ont subi des préjudices moindres. Un budget de 3 milliards de dollars a été affecté au groupe ayant droit à un service essentiel et au groupe des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan, la taille de ce dernier groupe ayant été estimée avec l’aide d’experts à 65 000 membres.

[40] L’indemnisation des membres du groupe des enfants du groupe Trout s’effectuera suivant les mêmes principes directeurs, c’est-à-dire que ceux qui ont subi les pires préjudices recevront au moins 20 000 $ alors que les autres toucheront au plus 20 000 $. La différence dans les indemnités destinées aux membres du groupe des enfants du groupe Trout, aux membres du groupe ayant droit à un service essentiel et aux membres du groupe des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan découle du risque accru de poursuites judiciaires lié au recours collectif de Trout, qui a fait valoir des demandes inédites relativement aux services essentiels, ne recoupait aucunement la décision d’indemnisation du Tribunal et était antérieur à l’adoption du principe de Jordan. Un budget de 2 milliards de dollars a été affecté au groupe des enfants du groupe Trout, dont la taille a été estimée avec l’aide d’experts à 104 000 membres.

[41] Seuls les parents ou grands-parents responsables d’un membre approuvé du groupe des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan peuvent avoir droit à l’indemnité s’ils ont eux-mêmes subi les répercussions les plus importantes, auquel cas ils recevront l’indemnité de base de 40 000 $ calculée en fonction des facteurs objectifs établis en consultation avec des experts. De même, seuls les parents ou grands-parents responsables d’un membre approuvé du groupe des enfants du groupe Trout peuvent avoir droit à l’indemnité s’ils ont eux-mêmes subi les répercussions les plus importantes, mais aucun montant fixe d’indemnisation n’est prescrit dans l’entente. L’indemnité versée sera plutôt calculée par le comité de mise en œuvre de l’entente avec l’aide d’un actuaire. Les autres membres du groupe des familles des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan et du groupe des enfants du groupe Trout ne recevront aucune indemnité directe, mais ils sont censés bénéficier du fonds cy-près (dont il est question ci-dessous). Un budget de 2 milliards de dollars a été affecté au groupe des familles des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan et au groupe des familles des enfants du groupe Trout.

[42] L’indemnité de base versée à un membre approuvé du groupe des enfants pris en charge par un proche sera de 40 000 $, sans aucun paiement de majoration possible. Le calcul des indemnités destinées aux membres du groupe des familles des enfants pris en charge par un proche suit une méthode semblable à celle qui est appliquée dans le cas de certains membres du groupe des familles des enfants retirés de leur foyer (avec des nuances), et une indemnité de base de 40 000 $ est prévue. Un budget de 600 millions de dollars a été affecté au groupe des enfants pris en charge par un proche (nombre de membres estimé à 15 000) et un budget de 702 millions de dollars a été affecté au groupe des familles des enfants pris en charge par un proche (nombre de membres estimé à 17 550).

[43] Quant à la période de réclamation, les personnes qui ont atteint l’âge de la majorité pourront présenter des réclamations jusqu’à trois ans après la mise en œuvre du processus de réclamation. Une personne qui est encore mineure pourra le faire jusqu’à trois ans après la date à laquelle elle atteint l’âge de la majorité. L’ERD renferme certaines exceptions qui permettent le dépôt d’une réclamation et le paiement d’une indemnité avant que l’enfant atteigne l’âge de la majorité; il est possible également de repousser au besoin la date limite relative aux réclamations.

[44] L’ERD établit aussi la dotation des sommes suivantes au fonds cy-près, dirigé par les Premières Nations :

A. 50 millions de dollars, provenant des intérêts générés par les fonds issus du règlement, pour les mesures de soutien destinées aux membres des groupes qui ne reçoivent pas d’indemnité directe. Ces mesures de soutien visent divers objectifs : (i) permettre l’unification et la réunification, la connexion et la reconnexion familiales et communautaires pour les jeunes pris en charge et précédemment pris en charge; (ii) réduire les coûts associés aux déplacements et à l’hébergement pour visiter la communauté et la famille, y compris pour les jeunes des Premières Nations pris en charge et précédemment pris en charge, les personnes de soutien ou les membres de leurs familles; (iii) faciliter l’accès à des programmes, à des services et à des activités basés sur la culture, la communauté et la guérison pour les membres des groupes et les enfants des parents des Premières Nations qui ont subi un retard, un refus ou une lacune dans la prestation d’un service essentiel; et

B. 90 millions de dollars, provenant des intérêts générés par les fonds issus du règlement, pour les mesures de soutien destinées aux membres du groupe des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan qui ont des besoins importants entre l’âge de la majorité et leur 26e anniversaire afin d’assurer leur dignité personnelle et leur bien-être.

[45] L’ERD contient plusieurs autres dispositions et caractéristiques importantes, notamment :

A. Des dispositions détaillées concernent les membres des groupes qui sont décédés et l’admissibilité des successions aux paiements prévus dans l’entente.

B. La mise en œuvre sera entièrement dirigée par les Premières Nations.

C. Le processus de réclamation tiendra compte des traumatismes et des réalités culturelles; il a été approuvé par suite de vastes consultations approfondies auprès des intervenants des Premières Nations. Aucun membre des groupes ne sera tenu de se soumettre à une entrevue ou à un examen, ce qui réduira le plus possible le risque de nouveau traumatisme.

D. Les membres des groupes bénéficieront de services de soutien entièrement financés qui les aideront à accéder au processus de réclamation et à répondre à leurs besoins en santé mentale, liés à la culture ou de nature administrative, juridique et financière tout au long du processus de réclamation.

E. Des mesures ont été prévues afin de protéger les membres des groupes contre les pratiques prédatrices d’avocats autres que les avocats des groupes qui ont tenté, dans la présente instance et dans d’autres règlements liés à des recours collectifs présentés au nom des Premières Nations, de profiter du manque de connaissances des membres des groupes face au processus de réclamation.

F. Il n’y aura aucun empiétement sur les fonds issus du règlement. Le Canada s’est engagé à prendre en charge les coûts relatifs à la notification des membres des groupes, les honoraires et débours des avocats des groupes, les mesures de soutien en matière de santé et de mieux‑être, les services de soutien aux réclamations de même que tous les coûts liés à l’administration et à la mise en œuvre de l’ERD, en sus des fonds issus du règlement de 23,34 milliards de dollars.

G. Le Canada s’est engagé à faire de son mieux pour : (i) s’assurer que les sommes versées conformément à l’ERD n’aient aucune incidence sur les prestations sociales ou l’aide sociale que des membres des groupes recevraient autrement du Canada, d’une province ou d’un territoire; (ii) veiller à ce que les indemnités reçues dans le cadre du processus de réclamation ne soient pas considérées comme un revenu aux fins de l’impôt sur le revenu.

H. Une partie importante des fonds issus du règlement sera investie (suivant les directives d’un comité de placement), étant donné la longue période pendant laquelle le règlement sera administré. On s’attend à ce que les intérêts et les revenus tirés du placement du principal soient élevés (dans les milliards de dollars), et ils seront versés intégralement aux membres des groupes.

I. Le Canada proposera au Bureau du premier ministre que le premier ministre présente des excuses publiques pour les comportements discriminatoires sous-tendant les réclamations des membres des groupes ainsi que pour les dommages passés et persistants qui en découlent.

E. La notification des membres des groupes et des membres qui se sont exclus du recours collectif

[46] Le plan de notification pour la première étape de la notification relative à l’autorisation, à l’exclusion et à l’audience d’approbation du règlement a été approuvé par la Cour le 11 août 2022, puis sa mise en œuvre s’est enclenchée le 19 août 2022. La diffusion des avis conformément au plan de notification s’est poursuivie sans interruption jusqu’au 16 août 2023, date à laquelle la Cour a approuvé les avis révisés donnant les détails de l’audience relative à l’approbation du règlement qui s’est tenue les 23 et 24 octobre 2023.

[47] Le présent recours collectif s’assortissait d’une période d’exclusion de 14 mois qui était prolongée pour le groupe des enfants placés chez un proche et le groupe des familles des enfants placés chez un proche. Toutefois, aucun membre ne s’est exclu du recours relatif à son groupe. Il y a eu 16 formulaires d’exclusion dûment remplis et reçus, mais l’administrateur et/ou les avocats des groupes ont pu déterminer qu’il s’agissait d’erreurs dans chaque cas, puisque ceux qui avaient transmis les formulaires pensaient qu’il s’agissait de documents à remplir pour recevoir une indemnité.

F. La requête en approbation de règlement

[48] La requête visant à faire approuver le règlement a été l’objet d’une audience les 23 et 24 octobre 2023. Une preuve abondante a été déposée par les demandeurs sous forme d’affidavits :

  1. L’affidavit de Robert Kugler souscrit le 16 octobre 2023;

  2. L’affidavit de Joelle Gott souscrit le 12 octobre 2023;

  3. L’affidavit de Dean Janvier souscrit le 12 octobre 2023;

  4. L’affidavit de Kim Blanchette souscrit le 16 octobre 2023;

  5. L’affidavit de Janice Ciavaglia souscrit le 6 septembre 2022;

  6. L’affidavit d’Amber Potts souscrit le 16 octobre 2023;

  7. Les affidavits de la dre Lucyna M. Lach souscrits le 6 septembre 2022 et le 19 septembre 2023;

  8. L’affidavit de William Colish souscrit le 2 septembre 2022;

  9. Les affidavits de Jonavon Joseph Meawasige souscrits le 1er septembre 2022 et le 25 septembre 2023;

  10. L’affidavit de Karen Osachoff souscrit le 5 septembre 2022;

  11. L’affidavit d’Ashley Dawn Louise Bach souscrit le 6 septembre 2022;

  12. L’affidavit de Melissa Walterson souscrit le 6 septembre 2022;

  13. L’affidavit de Zacheus Joseph Trout souscrit le 2 septembre 2022;

  14. L’affidavit de Xavier Moushoom souscrit le 23 août 2022;

  15. L’affidavit de Carolyn Buffalo souscrit le 6 septembre 2022;

  16. L’affidavit de Richard Jackson souscrit le 7 septembre 2022.

[49] Le Canada a également déposé l’affidavit de Valerie Gideon souscrit le 16 octobre 2023 à l’appui de la requête.

[50] Les membres des groupes ont été avisés de la tenue de l’audience relative à l’approbation du règlement et ont eu la possibilité d’exprimer leur intention de s’opposer à l’Entente de règlement définitive par écrit ou en personne à l’audience. Aucun membre des groupes n’a exprimé d’opposition à l’administrateur avant l’audience et aucun ne s’est opposé au règlement lors de l’audition de la requête.

[51] Tous les représentants demandeurs sont en faveur de l’approbation de l’Entente de règlement définitive. Outre leurs affidavits, plusieurs représentants demandeurs ont exprimé leur appui au règlement à l’audience devant la Cour et un membre d’un groupe a remis une déclaration écrite où il manifestait son appui au règlement; cette déclaration a été lue tout haut à l’audience.

II. Analyse

[52] Les questions que la Cour doit examiner en l’espèce sont les suivantes :

  1. L’Entente de règlement définitive devrait-elle être approuvée parce qu’elle est juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur du groupe?

  2. Des honoraires devraient-ils être payés aux représentants demandeurs?

A. L’approbation de l’Entente de règlement définitive

[53] Le paragraphe 334.29 (1) des Règles énonce que le règlement d’un recours collectif ne prend effet que s’il est approuvé par un juge. Il lie alors tous les membres du groupe ou du sous-groupe, selon le cas, à l’exception de ceux exclus du recours collectif.

[54] D’après le critère juridique applicable, le juge approuve le règlement s’il estime qu’il est « juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur des membres du recours collectif dans leur ensemble ». Les règlements n’ont pas à être parfaits [voir Wenham c Canada, 2020 CF 588 au para 51, conf par 2020 CAF 186, autorisation du pourvoi refusé [2021] CSCR no 2; McLean c Canada (Procureur général), 2019 CF 1075 au para 76; Merlo c Canada, 2017 CF 533 au para 18].

[55] Lorsqu’elle évalue si un règlement satisfait à cette norme, notre Cour peut tenir compte de plusieurs facteurs, dont l’importance variera en fonction des circonstances. Voici une liste non exhaustive des facteurs à prendre en considération : a) les modalités du règlement; b) la probabilité de réussite ou de recouvrement; c) la quantité et la nature des activités antérieures au procès, dont les enquêtes menées, l’évaluation des éléments de preuve et les interrogatoires préalables; d) la conduite de négociations sans lien de dépendance entre les parties et les renseignements quant à la dynamique des négociations; e) la recommandation des avocats du groupe; f) les communications avec les membres du groupe; g) les manifestations d’appuis et les oppositions; h) la bonne foi et l’absence de collusion; i) les dépenses futures et la durée probable du litige; j) tout autre facteur ou circonstance revêtant une pertinence [voir Première Nation Tk'emlúps te Secwépemc c Canada, 2023 CF 327 au para 49; Wenham, au para 50; Nation des Cris de Tataskweyak c Canada (Procureur général), 2021 CF 1415 au para 64; Lin c Airbnb, Inc, 2021 CF 1260 au para 22; McLean c Canada (Procureur général), 2019 CF 1075 au para 66].

[56] Les règlements doivent être examinés globalement. La Cour ne peut réécrire les modalités de fond du règlement ou apprécier les intérêts de chaque membre du groupe isolément de l’ensemble du groupe. Les règlements « sont le résultat de compromis » – même quand il est difficile pour les parties lésées de comprendre pourquoi certaines concessions doivent être faites [voir Nation des Cris de Tataskweyak, au para 63; McLean c Canada (Procureur général), 2019 CF 1075 au para 68].

[57] En fin de compte, quand le juge approuve un règlement, il ne peut modifier l’entente intervenue entre les parties : il doit l’approuver telle qu’elle est libellée ou la rejeter. Sinon, les parties ne seraient pas motivées à régler l’affaire, car la Cour pourrait remettre leur entente en cause [voir McLean c Canada (Procureur général), 2023 CF 1093 au para 37; Nation des Cris de Tataskweyak, au para 62].

[58] Un règlement n’a pas à être parfait, à la condition qu’il « relève des issues raisonnables possibles ». Pour rejeter un règlement, notre Cour doit parvenir à la conclusion qu’il ne fait pas partie d’un ensemble d’issues raisonnables possibles. Les issues raisonnables possibles reflètent le fait que les règlements donnent rarement à toutes les parties exactement ce qu’elles veulent et sont le résultat d’un compromis [voir Nation des Cris de Tataskweyak, au para 63; McLean c Canada, 2019 CF 1075 au para 76].

[59] Je vais maintenant examiner l’Entente de règlement définitive à la lumière de chacun des facteurs précités.

1) Les modalités du règlement

[60] Les principales définitions applicables et les modalités de l’ERD sont résumées ci-dessus dans les présents motifs.

[61] Certaines caractéristiques importantes de l’ERD, selon moi, mettent en évidence le caractère juste et raisonnable de l’entente et démontrent qu’elle est dans l’intérêt supérieur du groupe, par exemple :

A. L’ERD prévoit une indemnisation record totalisant 23,34 milliards de dollars, a pour objectif de permettre le versement d’indemnités proportionnelles fondées sur des indicateurs objectifs du préjudice et favorise les enfants qui ont subi les préjudices les plus importants.

B. Le règlement possède une vaste portée et assure le paiement d’indemnités importantes à un groupe qui compte, d’après les estimations, plus de 300 000 personnes membres des Premières Nations.

C. L’ERD a été rédigée de manière à ce que tous les fonds issus du règlement soient versés au profit des membres des groupes, les honoraires et débours des avocats des groupes ainsi que les coûts d’administration et de soutien étant payés séparément par le Canada.

D. L’ERD renferme plusieurs mesures de précaution pour faire en sorte que le versement des indemnités réduise le plus possible le risque de nouveaux traumatismes (en évitant par exemple d’obliger les membres des groupes de se soumettre à une entrevue ou à un examen pour présenter une réclamation) et prévoit que les membres peuvent recevoir des services de soutien et d’assistance gratuits, adaptés sur le plan culturel et tenant compte des traumatismes.

E. Les parties ont déployé d’énormes efforts pour s’assurer que les réclamants peuvent accéder au processus de réclamation sans avoir besoin d’avocats autres que les avocats des groupes, de sorte qu’ils puissent recevoir la pleine valeur de leur indemnité sans avoir à en déduire des honoraires ou frais juridiques. L’ERD envisage aussi la mise en place d’un protocole relatif aux avocats autres que les avocats des groupes pour éviter que les membres vulnérables des groupes soient victimes des pratiques prédatrices d’avocats qui cherchent à obtenir un pourcentage des sommes recouvrées.

F. L’ERD prévoit une généreuse dotation au fonds cy-près qui permettra aux membres des groupes non admissibles aux indemnités directes de profiter indirectement du règlement et qui se traduit par des versements supplémentaires aux membres du groupe des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan qui ont des besoins importants et ont passé l’âge de la majorité.

G. L’intégralité des intérêts tirés du placement des fonds issus du règlement (qui devraient atteindre les milliards de dollars) sera remise aux membres des groupes.

[62] Je suis convaincue que les modalités de l’Entente de règlement définitive offrent aux membres des groupes des avantages notables qui n’auraient pas pu se concrétiser si le litige s’était poursuivi.

2) La probabilité de recouvrement ou de réussite au procès

[63] Afin d’examiner cette question, je dois fragmenter les réclamations des demandeurs.

[64] Pour les réclamations qui sont aussi visées par la décision sur le bien-fondé et la décision d’indemnisation du Tribunal, la probabilité de recouvrement par voie judiciaire était beaucoup plus grande, malgré l’appel en instance à la Cour d’appel fédérale faisant suite au rejet de la demande de contrôle judiciaire présentée par le Canada contre la décision d’indemnisation.

[65] Pour les réclamations qui ne sont pas visées par la décision sur le bien-fondé et la décision d’indemnisation du Tribunal, la probabilité de recouvrement grâce au processus judiciaire était incertaine. Le recours collectif de Trout repose sur la discrimination exercée par le Canada avant la reconnaissance du principe de Jordan en 2007. De même, les membres du groupe des enfants retirés de leur foyer et du groupe des familles des enfants retirés de leur foyer pour la période allant de 1991 et 2005, de même que ceux qui ont été retirés de leur milieu familial mais placés dans leurs collectivités, ont été exclus de la plainte instruite par le Tribunal et ne pouvaient donc pas bénéficier des conclusions sur la responsabilité tirées par ce dernier.

[66] Même si les réclamations de ces deux groupes étaient accueillies à la suite du procès, il ne serait pas certain que les membres des groupes puissent recouvrer des dommages-intérêts atteignant les 23,34 milliards de dollars. En outre, un procès ne permettrait pas d’obtenir les avantages supplémentaires associés à l’Entente de règlement définitive (p ex, un processus de réclamation dirigé par les Premières Nations, tenant compte des traumatismes et des réalités culturelles, des services de soutien pleinement financés et de grande portée destinés à aider les membres des groupes à accéder au processus de réclamation et à répondre à leurs besoins en santé mentale, liés à la culture ou de nature administrative, juridique et financière, le fonds cy-près et la demande officielle d’excuses publiques adressée au bureau du premier ministre).

3) Le nombre d’activités antérieures au procès et leur nature

[67] Ni le recours réuni ni le recours collectif de Trout n’ont franchi l’étape de l’autorisation. Cependant, je suis convaincue que le travail effectué pour les besoins du procès devant le Tribunal a permis aux négociations de porter fruit. Comme l’ont reconnu les demandeurs dans leurs observations écrites, grâce à l’instruction de la plainte par le Tribunal, ils ont pu acquérir énormément de connaissances au sujet du dossier. Je conclus donc que les avocats des groupes disposaient de suffisamment d’éléments de preuve pour entreprendre les négociations.

[68] Qui plus est, il y aurait un nombre important d’activités à mener avant le procès en l’absence d’un règlement, ce qui est un facteur militant pour l’approbation de l’ERD.

4) La conduite de négociations sans lien de dépendance entre les parties et les renseignements quant à la dynamique des négociations

[69] Les longues négociations qui ont débouché sur la première entente puis sur l’Entente de règlement définitive se sont déroulées sans lien de dépendance et dans le cadre d’un processus contradictoire; les médiateurs étaient des juristes fort respectés membres des Premières Nations. Les négociations ont également profité des longues consultations réalisées auprès des leaders et des collectivités des Premières Nations ainsi que de l’examen, des commentaires et des critiques de la part de tiers.

5) La recommandation des avocats des groupes

[70] Les avocats des groupes affirment que l’Entente de règlement définitive est juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur des membres des groupes. Ces avocats et avocates possèdent une vaste expérience en matière de recours collectifs et, plus important, dans la représentation de personnes appartenant aux Premières Nations. Collectivement, ils sont sensibles aux défis propres à des règlements aussi imposants qu’en l’espèce, y compris le risque de nouveaux traumatismes. Par conséquent, j’accorde à leurs recommandations un poids important dans le processus d’approbation.

6) Les communications avec les membres des groupes

[71] La preuve qui m’a été présentée montre que les communications avec les membres des groupes au sujet de l’ERD et de l’audition de la requête en approbation du règlement ont été continues, de grande portée et conformes au plan de notification approuvé par la Cour. En ce qui a trait à l’avis d’audience relative à l’approbation du règlement initial et à l’avis révisé de septembre 2023, ces communications ont pris les formes suivantes :

A. Publicités dans les médias sociaux – plus de 14 millions d’impressions, 173 456 clics, 3 986 commentaires et 15 356 partages de publications.

B. Page Facebook des services à l’enfance et à la famille et du recours collectif des enfants lésés par le non-respect du principe de Jordan – 4 233 abonnés, 275 contacts, 218 partages et 105 commentaires.

C. 2 902 appels à la ligne d’information.

D. Environ 525 0000 impressions tirées des médias autochtones, en ligne et sur papier.

[72] La preuve montre par ailleurs que l’APN a constamment fourni de l’information à jour aux leaders des Premières Nations sur les négociations, la structure du règlement et l’essentiel de ce qui figurerait dans l’Entente de règlement définitive au moyen notamment d’environ 50 séances d’information à l’intention du Comité exécutif de l’APN, des chefs régionaux de l’APN et des assemblées des chefs.

7) Les manifestations d’appui et les oppositions

[73] Tous les demandeurs représentants appuient l’Entente de règlement définitive et aucun membre des groupes ni aucune tierce partie n’a exprimé d’opposition au règlement. En outre, aucun membre ne s’est exclu du recours relatif à son groupe. La preuve qui m’a été présentée démontre un appui unanime et sans équivoque de la part des leaders des Premières Nations envers l’Entente de règlement définitive.

8) La bonne foi et l’absence de collusion

[74] Je suis convaincue que toutes les parties ont négocié de bonne foi, et rien dans la preuve qui m’a été présentée ne me porte à croire qu’il y ait eu collusion entre des parties quelles qu’elles soient ou entre leurs avocats.

9) Les dépenses futures et la durée probable du litige

[75] En l’absence de règlement, je suis persuadée que la poursuite du litige serait longue, complexe et coûteuse, car l’étape de l’autorisation n’a pas encore été franchie. De plus, j’estime que la prolongation de l’incertitude entourant l’issue du litige engendrerait des traumatismes pour les membres des groupes. La possibilité d’éliminer ce risque de traumatisme en évitant un procès coûteux et long constitue un autre avantage concret et important du règlement.

[76] Par conséquent, je conclus que tous les facteurs susmentionnés militent en faveur de l’approbation de l’Entente de règlement définitive parce que celle-ci est juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur des membres du recours collectif dans leur ensemble.

B. Le paiement d’honoraires

[77] Les avocats des groupes sollicitent des honoraires de 15 000 $ à l’intention de chacun des demandeurs représentants, sommes qui seraient puisées sur les honoraires et débours des avocats des groupes (qui feront l’objet d’une requête distincte), à l’exception de Mme Osachoff, qui a fait savoir qu’elle refusait de toucher toute rétribution.

[78] Les Règles ne contiennent aucune disposition précise sur le paiement d’honoraires, mais notre Cour a reconnu à plusieurs reprises qu’elle avait le pouvoir discrétionnaire d’accorder une rétribution aux demandeurs représentants [voir Lin c Airbnb Inc, 2021 CF 1260 aux para 118-119; McLean c Canada, 2019 CF 1077 aux para 57-60. Wenham c Canada (Procureur général), 2020 CF 588 aux para 90-95; Condon c Canada, 2018 CF 522 aux para 114-120].

[79] Les honoraires ne doivent pas être accordés systématiquement mais bien en reconnaissance de l’importante contribution d’un représentant demandeur en vue d’assurer l’accès à la justice des membres d’un groupe lorsque ce représentant a déployé des efforts supérieurs à la normale dans son rôle – par exemple en renonçant à son droit à la vie privée dans un recours collectif très médiatisé et en participant à de nombreuses activités de sensibilisation communautaire [voir Merlo c Canada, 2017 CF 533 aux para 68-74]. Les honoraires destinés aux représentants demandeurs doivent être accordés avec parcimonie, car les représentants demandeurs ne doivent pas bénéficier du recours collectif plus que les autres membres du groupe [voir Eidoo v Infineon Technologies AG, 2015 ONSC 2675 aux para 13 à 22].

[80] J’accueille favorablement la demande des avocats des groupes quant au paiement d’honoraires aux représentants demandeurs dans la présente affaire et je respecterai le choix de Mme Osachoff de refuser toute rétribution. Les représentants demandeurs ont fait connaître leur nom et leur visage dans le cadre d’un litige très médiatisé qui a soulevé des questions traumatisantes et douloureuses, renonçant ainsi à leur droit à la vie privée pour les membres des groupes et s’exposant à de la douleur et à de la souffrance. Cette situation a été mise en évidence plus particulièrement durant l’audition de la requête en approbation de règlement. De plus, les représentants demandeurs ont participé à de nombreuses activités de sensibilisation communautaire pour faire connaître le litige aux membres des groupes; ils se sont ainsi par exemple adressés directement aux membres des groupes au sein de leurs collectivités et ailleurs au pays, ils ont parlé avec les représentants des médias et se sont exprimés à l’assemblée générale annuelle de l’APN en faveur du règlement. Ils se sont aussi déplacés fréquemment pour accomplir leur travail de représentants demandeurs, entre autres pour assister aux rencontres de médiation et de règlement.

[81] À mon avis, les efforts des représentants demandeurs ont été exceptionnels et méritent très certainement une rétribution sous forme d’honoraires.

III. Conclusion

[82] Pour tous ces motifs, je conclus que l’Entente de règlement définitive est juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur des membres du recours collectif dans leur ensemble. Par ailleurs, je conclus que des honoraires devraient être versés conformément à la demande des avocats des groupes.

En blanc

« Mandy Aylen »

En blanc

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-402-19

 

INTITULÉ :

XAVIER MOUSHOOM, JEREMY MEAWASIGE (REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE, JONAVON JOSEPH MEAWASIGE), JONAVON JOSEPH MEAWASIGE C LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T-141-20

INTITULÉ :

L’ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS, ASHLEY DAWN LOUISE BACH, KAREN OSACHOFF, MELISSA WALTERSON, NOAH BUFFALO-JACKSON (REPRÉSENTÉ PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, CAROLYN BUFFALO), CAROLYN BUFFALO ET DICK EUGENE JACKSON (AUSSI CONNU SOUS LE NOM RICHARD JACKSON) C LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T-1120-21

INTITULÉ :

L’ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS ET ZACHEUS JOSEPH TROUT C LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 23 ET 24 OCTOBRE 2023

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE D’APPROBATION DU RÈGLEMENT

LA JUGE AYLEN

 

DATE DES MOTIFS ET DE L’ORDONNANCE :

le 20 novembre 2023

 

COMPARUTIONS :

David Sterns

Mohsen Seddigh

Robert Kugler

Pierre Boivin

Alexandre Paquette Dénommé

Joelle Walker

 

POUR LES DEMANDEURS

Xavier Moushoom, Jeremy Meawasige (représenté par son tuteur à l’instance, Jonavon Joseph Meawasige), Jonavon Joseph Meawasige et Zacheus Joseph Trout

Dianne G. Corbiere

Stuart Wuttke

D. Geoffrey Cowper, c.r.

Nathan Surkan

Peter Mantas

 

POUR LES DEMANDEURS

ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS, ASHLEY DAWN LOUISE BACH, KAREN OSACHOFF, MELISSA WALTERSON, NOAH BUFFALO-JACKSON (REPRÉSENTÉ PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, CAROLYN BUFFALO), CAROLYN BUFFALO ET DICK EUGENE JACKSON, ÉGALEMENT CONNU SOUS LE NOM DE RICHARD JACKSON

 

Paul Vickery

Chris Rupar

Jonathan Tarlton

Sarah Dawn Norris

 

POUR LE DÉFENDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SOTOS LLOP

Toronto (Ontario)

KUGLER KANDESTIN

Montréal (Québec)

MILLER TITERLE + CO.

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

XAVIER MOUSHOOM, JEREMY MEAWASIGE (REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE, JONAVON JOSEPH MEAWASIGE), JONAVON JOSEPH MEAWASIGE ET ZACHEUS JOSEPH TROUT

NAHWEGAHBOW, CORBIERE

Rama (Ontario)

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS, ASHLEY DAWN LOUISE BACH, KAREN OSACHOFF, MELISSA WALTERSON, NOAH BUFFALO-JACKSON (REPRÉSENTÉ PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, CAROLYN BUFFALO), CAROLYN BUFFALO ET DICK EUGENE JACKSON, ÉGALEMENT CONNU SOUS LE NOM DE RICHARD JACKSON

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

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