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Date : 20060717

Dossier : IMM-7535-05

Référence : 2006 CF 882

OTTAWA (Ontario), le 17 juillet 2006

En présence de Monsieur le juge Teitelbaum

ENTRE :

SEDA AMIRAGOVA, MANVELYAN GOAR

Demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Il s'agit d'une Demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) rendue le 29 novembre 2005 selon laquelle les demanderesses ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention selon l'article 96 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (Loi), ni des personnes à protéger selon l'article 97 de la Loi.

[2]                Mme Seda Amiragova (la demanderesse principale ou la demanderesse), une citoyenne armérienne, et sa fille Manvelyan Goar (ensemble les demanderesses), une citoyenne russe, allèguent une crainte de persécution en Arménie et en Russie et allèguent qu'elles sont également des personnes à protéger.

[3]                Mme Amiragova est née en 1950 à Tbilissi, en Géorgie. Puisque qu'elle craint pour sa vie en Géorgie à cause des « fanatiques nationalistes géorgiens » , elle déménagea en Arménie au début de l'année 1980. Durant cette même année, elle épousa M. Gaik Manvelyan, un fameux compositeur de l'URSS.

[4]                Quelques années plus tard, des groupes de fanatiques nationalistes s'attaquent aux minorités ethniques de l'URSS lors de la décomposition de l'URSS. La mafia apparaît.

[5]                La demanderesse provient d'une famille très riche. Le 23 juin 1991, la mafia tue son père suite à des extorsions d'argent. La police n'arrête jamais les assassins.

[6]                La famille de la demanderesse fait l'objet d'extorsion d'importantes sommes d'argent de la part de la mafia. Même suite aux dénonciations du mari de la demanderesse, la police n'intervient jamais.

[7]                Vers la fin de 1993, la famille déménage en Russie par peur de vivre en Arménie. La demanderesse écrit que :

Quelque temps après, nous nous sommes rendus compte du fait que les gens en Russie et même des autorités avaient une attitude ouvertement contre les gens d'origine caucasienne comme nous et cela par des raisons de xénophobie et parce qu'on affirmait que des gens d'origine caucasienne étaient des membres des mafias redoutables.

(Dossier de la partie demanderesse, page 28, para. 14)

Les dernières années les agressions contre les gens d'origine caucasienne ont augmenté fortement. Des agresseurs sont des fanatiques chauvinistes russes, des skin heads, des policiers de la ténébreuse division « Omon » .

(Dossier de la partie demanderesse, page 28, para. 17)

[8]                Le 8 août 2004, Manvelyan et son amie sont attaquées par un groupe de jeunes russes, presque violées et menacées de mort. La police n'intervient pas, malgré l'identification des agresseurs.

[9]                Le 5 octobre 2004, le mari de la demanderesse est blessé lors d'une attaque violente. Il meurt d'une crise cardiaque.

[10]            Le 28 octobre 2004, la demanderesse est battue par des jeunes russes. La demanderesse ne peut pas réclamer la protection de la Russie car elle n'a aucun statut dans ce pays. Les demanderesses se cachent.

[11]            Les demanderesses quittent la Russie le 27 juin 2005. Elles réclament la protection du Canada la journée suivante, soit le 28 juillet 2005.

[12]            La SPR rejette la demande d'asile des demanderesses et détermine qu'elles peuvent retourner vivre en Arménie. La SPR détermine qu'il est peu probable que les demanderesses, qui ont quitté l'Arménie il y a plus de douze ans, soit ciblées à leur retour par la mafia qui a persécuté le père et le mari de la demanderesse.

[13]            De plus, la SPR conclut que les demanderesses peuvent aller vivre dans une autre région de l'Arménie sans que la mafia ne s'en aperçoive. Il y a possibilité de refuge interne.

[14]            En examinant la preuve documentaire, la SPR est d'opinion que les demanderesses peuvent obtenir la protection de l'Arménie, si nécessaire.

[15]            La SPR n'a rien indiqué au sujet de la crédibilité de la demanderesse.

[16]            La protection d'état est évaluée selon une norme de contrôle de raisonnable simpliciter. Dans Avila c. MCI, [2006] A.C.F. no 439, 2006 CF 359, une décision du 20 mars 2006, le juge Luc Martineau se prononce succinctement sur cette question au paragraphe 23:

[23]            Dans l'affaire Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 193 aux para. 9-11, [2005] A.C.F. no 232 (C.F.) (QL), Mme la juge Danièle Tremblay-Lamer conclut, après avoir fait une étude exhaustive de la jurisprudence et des critères pragmatiques et fonctionnels, que la norme de contrôle applicable aux questions touchant la protection de l'État est celle de la décision raisonnable simpliciter. Je souscris entièrement à l'analyse faite aux paragraphes 9 à 11 de sa décision et j'en arrive à la même conclusion. En conséquence, si l'un des motifs de rejet de la demande de protection est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n'est pas déraisonnable, et cette Cour ne devrait pas intervenir en l'espèce : voir Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247 au para. 55.

[17]            Les demanderesses présentent six soumissions.

[18]            Premièrement, Manvelyan est citoyenne russe. La SPR a commis une erreur quand elle a déterminé que Manvelyan peut « recouvrir » sa citoyenneté arménienne par une simple formalité. Manvelyan n'a jamais eu la citoyenneté arménienne et il n'est donc pas question de la recouvrir mais bien de l'obtenir.

[19]            Selon la pièce ZZZ40326, cité par la SPR, une personne ne peut pas obtenir une citoyenneté arménienne si elle a déjà une autre citoyenneté, tel est le cas de Manvelyan. Une citoyenne arménienne ne peut posséder que la citoyenneté arménienne. Donc, Manvelyan doit renoncer à sa citoyenneté russe pour devenir citoyenne arménienne. La SPR n'a pas pris note de cette obligation.

[20]            Selon les demanderesses :

Cet élément est important parce que si le tribunal a tord sur la question à l'effet qu'il s'agirait d'une simple formalité pour Manvelyan Goar d'obtenir la citoyenneté arménienne, le tribunal aurait dû analyser la demande d'asile par rapport à la situation prévalant en Russie, ce qu'il n'a pas fait.

(Dossier de la partie demanderesse, page 132, para. 15)

[21]            Deuxièmement, la SPR a commis une erreur en déterminant que les demanderesses peuvent jouir de la protection de l'Arménie puisqu'elles n'ont pas démontré que l'Arménie est un état totalement corrompu. La SPR a appliqué le mauvais test, car le test énoncé dans Ward c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 689, est qu' : « ... il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection. »

[22]            Les demanderesses ont bien établi que le père de la demanderesse n'avait pas obtenu la protection de l'État puisqu'il a été assassiné en Arménie. Les demanderesses ont fuit en Russie.

[23]            Troisièmement, la SPR a commis une erreur en déterminant que les demanderesses pouvaient profiter du refuge interne en Arménie. La SPR a scindé le document 2003 Country Report, c'est-à-dire le document a été lu d'une manière sélective. La SPR a fait référence au document pour ensuite exclure les passages pertinents et favorables aux demanderesses.

[24]            De plus, la SPR a commis une erreur quant à la protection des demanderesses en Arménie :

Le tribunal s'est donc mépris sur la preuve documentaire et a substitué sa propre opinion à ce qui était établi par témoignage.

(Dossier de la partie demanderesse, page 138, para. 38)     

[25]            Dans son mémoire supplémentaire, la demanderesse indique que la SPR ne lui a posé aucune question sur les conditions qu'elle aurait à rencontrer pour obtenir la citoyenneté d'Arménie.

[26]            Dernièrement, la SPR a erronément questionné la demanderesse au sujet de sa situation financière.

[27]            Le défendeur présente quatre soumissions.

[28]            Premièrement, les demanderesses peuvent vivre en Arménie. Mme Amiragova est citoyenne arménienne et il s'agirait d'une simple formalité pour sa fille d'obtenir la citoyenneté arménienne. Afin d'arriver à cette conclusion, la SPR s'est appuyée sur la preuve documentaire, soit sur une pièce faisant partie de la Documentation générale sur l'Arménie. Cette conclusion n'est pas manifestement déraisonnable (Voir Manzi Williams, 2005 CAF 126).

[29]            Deuxièmement, il est improbable que la mafia cible les demanderesses à la suite de leur retour en Arménie. Lors de leur audition devant la SPR, les demanderesses :

... allèguent qu'en raison de leur nom respectif, elles seraient vite repérées et subiraient les mêmes services que le père et l'époux de la demanderesse mère.

(Mémoire du défendeur, page 5, para. 16)

Cette Cour doit évaluer le bien-fondé de la décision finale et n'a pas a apprécié le bien-fondé de chaque inférence de la SPR, Sinnathamby c. MCI, 2001 CFT 473.

[30]            Troisièmement, les demanderesses peuvent jouir de la protection de l'état. Selon Ward, précité, un état est présumé être capable de protéger ses citoyens, sauf en cas de preuve contraire claire et convaincante.

[31]            La SPR n'est pas tenue de croire toute preuve documentaire favorable à la partie demanderesse :

Ainsi, à la lumière de la preuve et de la jurisprudence, le défendeur soutient que nonobstant ce que prétendent les demanderesses dans leur mémoire, il n'en demeure pas moins qu'elles n'ont certes pas démontré par une preuve claire et convaincante que l'Arménie serait incapable de leur fournir la protection nécessaire advenant que la mafia les persécute lors d'un retour éventuel en Arménie.

(Mémoire du défendeur, page 10, para. 29)

[32]            Dernièrement, il y a possibilité de refuge interne pour les demanderesses. Les demanderesses demeuraient à Yerevan avant de quitter l'Arménie et pourraient se rélocaliser dans une autre ville lors de leur retour, où les chances d'être retrouvées par la mafia seraient minimes. Étant très riches, les demanderesses pourraient s'acheter une maison en Arménie. Selon la Cour d'appel fédérale dans Rasaratnam c. MEI, [1994] 1 CF 589, la protection internationale ne peut exister que si un pays est incapable d'offrir une protection efficace dans l'ensemble de son territoire.

[33]            Je vais commencer mon analyse sur la question principale au dossier, soit celle de la protection d'état.

[34]            Ensuite, je vais examiner la question de l'obligation de suffisamment motiver une décision selon les principes de VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25, [2001] A.C.F. no 1685.

[35]            Je cite à nouveau le juge Martineau dans Avila, précité, quant aux principes juridiques de la protection de l'état :

[26]            S'agissant de la protection de l'État, le critère de l'arrêt Ward fait explicitement appel à un examen particularisé de la crainte de persécution du point de vue du revendicateur d'asile et des conditions objectives du pays en cause. Une crainte subjective de persécution conjuguée à l'incapacité de l'État de protéger le demandeur engendre la présomption que la crainte est justifiée. Le danger que cette présomption ait une application trop générale est atténué par l'exigence d'une preuve claire et convaincante de l'incapacité d'un État d'assurer la protection. Pour repousser la présomption de capacité d'un État de protéger ses ressortissants, un demandeur peut présenter à la Commission le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne. Il peut également se fonder sur la preuve documentaire au dossier. Bien entendu, il peut faire état de sa propre expérience ( Ward, précité, aux para. 49, 50 et 52).

[27]            Pour déterminer si le revendicateur d'asile a rempli son fardeau de preuve, la Commission doit procéder à une véritable analyse de la situation du pays et des raisons particulières pour lesquelles le revendicateur d'asile soutient qu'il « ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection » de son pays de citoyenneté ou de résidence habituelle (alinéas 96a) et b) et sous-alinéa 97(1)b)(i) de la Loi). La Commission doit considérer non seulement la capacité effective de protection de l'État mais également sa volonté d'agir. À cet égard, les lois et les mécanismes auxquels le demandeur peut avoir recours pour obtenir la protection de l'État peuvent constituer des éléments qui reflètent la volonté de l'État. Cependant, ceux-ci ne sont pas en eux-mêmes suffisants pour établir l'existence d'une protection à moins qu'ils ne soient mis en oeuvre dans la pratique : voir Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1081, [2003] 2 C.F. 339 (C.F. 1re inst.); Mohacsi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 429, [2003] 4 C.F. 771 (C.F. 1re inst.).

[28]          Aucun gouvernement qui professe des valeurs démocratiques ou affirme son respect des droits de la personne ne peut garantir la protection de chacun de ses citoyens en tout temps. Ainsi donc, il ne suffit pas que le demandeur démontre que son gouvernement n'a pas toujours réussi à protéger des personnes dans sa situation (Villafranca, précité, au para. 7). N'empêche que même si la protection de l'État n'a pas à être parfaite, il doit tout de même exister une certaine protection dont le seuil minimal n'a pas à être établi par la Cour. La Commission peut en l'espèce déterminer que la protection fournie par l'État est adéquate en se référant aux normes définies dans les instruments internationaux et à ce que les citoyens d'un pays démocratique peuvent légitimement s'attendre dans des cas semblables. À mon avis, c'est une question de fait qui ne peut être répondue dans l'absolu. Chaque cas en est un d'espèce. Par exemple, dans le cas du Mexique, il faut regarder la protection qui existe non seulement au niveau fédéral mais aussi au niveau des états. Avant d'aborder la question de la protection, il faut bien entendu que la Commission saisisse bien la nature de la crainte de persécution ou du risque allégué par le demandeur. Lorsque, comme dans le cas présent, le demandeur craint la persécution d'une personne qui n'est pas un agent de l'État, la Commission doit notamment examiner la motivation de l'agent persécuteur et sa capacité à poursuivre le demandeur localement ou dans l'ensemble du pays, ce qui pose, le cas échéant, la question de l'existence d'un refuge interne et de sa raisonnabilité (du moins dans le cadre de l'analyse conduite sous l'article 96 de la Loi).

[29]            Ainsi, lorsque l'État n'est pas l'agent persécuteur, et même lorsque celui-ci est un État démocratique, la preuve peut néanmoins démontrer, de façon claire et convaincante, que ce dernier n'a pas la capacité ou n'a vraiment pas la volonté de protéger ses ressortissants dans certains types de situation : voir Annan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1995] 3 C.F. 25 (C.F. 1re inst.); Cuffy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1316 (C.F. 1re inst.) (QL); Elcock c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1438 (C.F. 1re inst.) (QL); M.D.H.D. v. Canada(Minister of Citizenship and Immigration), [1999] F.C.J. No. 446 (C.F. 1re inst.) (QL). Faudrait-il le rappeler, la plupart des États seraient prêts à tenter d'assurer la protection, alors qu'une évaluation objective pourra établir qu'ils ne peuvent pas le faire efficacement en pratique. En outre, le fait que le demandeur doive mettre sa vie en danger en sollicitant la protection inefficace d'un État, simplement pour démontrer cette inefficacité, semblerait aller à l'encontre de l'objet de la protection internationale (Ward, précité, au para. 48).

[36]            La SPR écrit que :

Le tribunal examinera alors le degré de danger pour elles d'être persécutés par les personnes qui auraient causé la mort du père de madame et qui auraient extorqué de l'argent de son mari. Questionnés à ce sujet, les demandeures alléguèrent qu'en raison de leur nom respectif, madame portant le nom d'un homme supposément riche et sa fille portant le nom d'un compositeur célèbre, elles seraient vite repérées et subiraient les mêmes services que le père et l'époux de madame et que l'appareil étatique étant corrompu, elles ne pourraient obtenir protection des autorités. Le tribunal n'est pas d'accord avec les conclusions des demandeures...

Premièrement, il est peu probable que la mafia serait informée du retour des demandeures.

(Dossier de la partie demanderesse, page 9)

[37]            La SPR ne donne aucune raison pour supporter son opinion qu' « il est peu probable que la mafia serait informée du retour des demandeures. »

[38]            La SPR continue dans sa brève décision de deux pages :

D'autre part, la preuve documentaire en général ne permet pas au tribunal de conclure que l'appareil étatique est totalement corrompu et que les demandeures, si elles étaient menacées, ne pourrait pas obtenir la protection de l'État.

(Dossier de la partie demanderesse, page 9)

[39]            Encore une fois, la SPR ne donne aucune raison pourquoi les demanderesses n'ont pas renversé la présomption que chaque état peut protéger ses citoyens, selon Ward, précité.

[40]            La SPR ne fait aucune analyse quant à la protection d'état. Ceci est une erreur manifestement déraisonnable et la Cour doit intervenir puisque la protection de l'état est une question centrale au dossier.

[41]            Il m'apparait évident que la SPR n'a pas motivé ses conclusions.

[42]            La SPR a commis une erreur manifestement déraisonnable suite à l'insuffisance des motifs quant à la protection de l'état. Cette conclusion dispose de la demande de contrôle judiciaire.

[43]            Dans VIA Rail, précité, la Cour d'appel fédérale se prononce sur le caractère insuffisant des motifs. Cette affaire s'applique également dans le contexte d'immigration, Bhandal v. MCI, [2006] F.C.J. No. 528, 2006 FC 427.

[44]            Selon VIA Rail, précité, le caractère suffisant des motifs dépend des circonstances de chaque cause. Le décideur doit exposer ses conclusions de faits et les principaux éléments de preuve sur lequel il se fonde, traiter des principaux points en litige, exposer son raisonnement et rendre compte d'un examen des principaux facteurs pertinents.

[45]            Je suis convaincu que la SPR n'a pas fait cela.

[46]            Selon VIA Rail, précité, la SPR a l'obligation de motiver adéquatement sa décision. La Cour d'appel fédérale écrit que :

[17]       L'obligation de produire des motifs est salutaire. Les motifs visent plusieurs fins utiles, dont celle de concentrer l'attention du décideur sur les facteurs et les éléments de preuve pertinents. Pour reprendre les termes de la Cour suprême du Canada:

      On a soutenu que la rédaction de motifs favorise une meilleure prise de décision en ce qu'elle exige une bonne formulation des questions et du raisonnement et, en conséquence, une analyse plus rigoureuse. Le processus de rédaction des motifs d'une décision peut en lui-même garantir une meilleure décision. (Baker, citation omise)

[18]             Les motifs garantissent aussi aux parties que leurs observations ont été prises en considération.

[19]             De plus, les motifs permettent aux parties de faire valoir tout droit d'appel ou de contrôle judiciaire à leur disposition. Ils servent de point de départ à une évaluation des moyens d'appel ou de contrôle possibles. Ils permettent à l'organisme d'appel ou de révision d'établir si le décideur a commis une erreur et si cette erreur le rend justiciable devant cet organisme. Cet aspect est particulièrement important lorsque la décision est assujettie à une norme d'examen fondée sur la retenue.

[20]            Finalement, dans le cas d'une industrie réglementée, les motifs de la décision de l'organisme de réglementation donnent des précisions à tous les autres qui sont soumis à la compétence de cet organisme. Ils fournissent une norme par rapport à laquelle il est possible d'apprécier les futures activités de ceux qui sont touchés par cette décision.

[21]             L'obligation de motiver une décision n'est remplie que lorsque les motifs fournis sont suffisants. Ce qui constitue des motifs suffisants est une question qui doit être tranchée en fonction des circonstances de chaque espèce. Toutefois, en règle générale, des motifs sont suffisants lorsqu'ils remplissent les fonctions pour lesquelles l'obligation de motiver a été imposée.

[22]             On ne s'acquitte pas de l'obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l'examen des facteurs pertinents.

(Citations omises)

[47]            Donc, à la lumière de cet exposé, je conclu que la SPR n'a pas satisfait à son obligation.

[48]            Quant à la question de possibilité de citoyenneté arménienne de Manvelyan, la SPR a fait une lecture très sélective du document ZZZ40326. Selon le document, une personne ne peut être citoyenne que de l'Arménie et d'aucun autre pays. La SPR n'a jamais mentionné que Manvelyan devrait renoncée à sa citoyenneté russe afin d'obtenir la citoyenneté arménienne.

[49]            Il est bien établi que la SPR doit évaluer toute la preuve et les documents dans leur ensemble, sans examiner chaque partie de façon isolée : Owusu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 33 (C.A.F.); Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.F.).


JUGEMENT

            La demande de contrôle judiciaire est accueillie suite à l'insuffisance des motifs de la SPR. La décision du 29 novembre 2005 est annulée et le dossier des demanderesses sera retourné à la SPR pour une nouvelle audition et détermination devant un autre commissaire.

« Max M. Teitelbaum »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-7535-05

INTITULÉ :                                        Seda Amiragova, Manvelyan Goar c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :                8 juin 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE TEITELBAUM

DATE DES MOTIFS :                       Le 17 juillet 2006

COMPARUTIONS:

Me Michel LeBrun

POUR LES DEMANDERESSES

Me Annie Van Der Meerschen

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Michel Le Brun

Montréal, Qc

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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